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CCCCXXXVII.

Nul ne peut donner à son Fils naturel partie de son héritage, ne le faire tomber en ses mains, directement ou indirectement, que les héritiers ne le puissent révoquer dans l’an & jour du décès du Donateur.

Les alimens étant dus à toutes sortes de batards, on a approuvé les pensions ou rentes viageres qui leur ont été laissées par les peres ou meres, quand elles ne sont point excessives.1


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Les donations directes & indirectes, qui ont pour principe un commerce illégitime, nedoivent point être tolérées ainsi que je l’ai observé sous le Titre des Testamens, car le crime ne peut être une voie d’acquérir protégée par les Loix, ainsi non seulement les donations, mais les constitutions de rentes, les ventes d’immeubles entre personnes qui vivoient dans le défordre, ont été déclarées nulles par les Arrêts. Voyez le Journal des Audiences, tom, 3 & 4 Arrêtés de Lamoignon, des Donations, 32.

On ne peut régulièrement artaquer une donation, sous prêtexte que la Donataire, femme mariée, a vécu dans le libertinage avec le Donateur, lorsque le mari de cette Donataire ne se plaint point de sa conduite ; & la preuve n’en est pas admissible, parce qu’elle irtéresse un tiers qui est le mari : Arrêt du 28 Mars 1706.Augeard , tom. 1 : Arrêt 68. CependantSoefve , tom. 2, Cent. 1, Chap. 25, rapporte un Arrêt du 6 Avril 1656, qui admet les héritiers d’une femme à la preuve de sa débauche avec son Donataire, quoique le mari ne se fût pas plaint pendant la vie de sa femme séparée. Par autre Arrêt rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Chauvelin, le 17 Mai 1736, les héritiers du sieur le Fo-restier ont été admis à prouver que Françoise la Gogue avoit vécu en mauvais commerce avec le sieur le Forestier qui l’avoit instituée sa Légataire universelle, quoique Jean Thiboult, son mari, ne se fût jamais plaint. Françoise la Gogue étoit connue au Palais, elle avoit été décrétée de prise de corps, & les héritiers du sieur Forestier offroient de prouver qu’elle étoit logée au premier avec le sieur le Forestier, avec lequel elle mangeoit, tandis que le mari habitoit un Grenier de la même Maison, & mangeoit avec les do-mestiques.

La preuve du concubinage est admissible, principalement quand il y a commencement de preuve par écrit ou notoriété publique ; mais une fiile d’une naissance honnête se retire, quoique jeune, aupres d’un vieillard ; les offices qu’elle lui rend exigent certaines familiarités qui ne sont cependant pas incompatibles avec la pureté des moeurs : ce vieillard lui fait un don, les héritiers ne sont pas en droit de l’attaquer sous prêtexte de libertinage, & à moins forte raison, s’il se trouve entre celui qui donne & la personne qui recoit des rapports de parenté : c’est l’espèce d’un Arrét célèbre du Parlement de Rouen, tendu depuis peu en faveur de la Demoiselle Martainville, contre les héritiers de M. de la Motelicre, Conseiller en la Cour.

Le tres-ancien Droit Romain, ditBrodeau , & l’ancien Droit François, ne mettoient point de différence entre les enfans legitimes & les Bâtards ; les Formules de Mareulfe nous inprennent que le pere pouvoit faire une donation universelle a son fils naturel, on lit dans le Traité de la Souverainete de leBret , Liv. 2, Chap. 12, qu’au Parlement de Paris ces sortes de donations étoient autrefois permises quand le pere n’avoit point d’enfans legitimes ; quoique du Moulin ait dit, sur la Coutume d’Auvergne, Chap. 14, Art. XXXIII, que de son temps cet usage avoit cessé. AnneRobert , Liv. 2, Chap. 14, rapporte un Arrét de ce Parlement du 15 Mai 1584, qui confirma contre des collatéraux une donation universelle faite par le mere an profit de son fils illégirime, nam si quod crimen natalibus heret, dit l’Auteur, id non filio obpici, sed parentum libidini imputari debet ; Ricard observe que cet Arrêt n’est point suivi.

Notre ancienne Coûtume rédigée, selon les confectures deBasnage , sous Philippes le Hardi, contient une disposition toute semblable à celle de la Coutume réformée & le Jurisprudence étend la prohibition au don des rentes constituées : Arrét du Parlement de Roüen du 15 Juillet 1671.

Comme nôtre Jurisprudence ne défend pas de donner à son fils naturel une rente viagere pour lui tenir lieu d’alimens, il est assez difficile de décider sur le nombre des arrérages. que le Donataire peut exiger de Phéritier du Donateur : il sembleroit que quand le Bâtard s’est procuré d’ailleurs sa subsistance, le motif de la donation ayant cesse il suffiroit de lui payer.-l’année d’atrérage échue avant sa demande ; mais la donation est une charge de la succession, & des qu’elle est autorisée, le Bâtard doit être, en ce cas, considéré comme tout autre citoyen. Par Arret rendu en Grand Chambre, au Rapport de M. d’Ectot, le 22 Juin 1754, il fut accordé au Batard cinq années d’arrérages auparavant sa demande ; cenendant cette rente viagere diffère des rentes constituées à prix d’argent.

On a jugé, par Arrêt du 17 Mai 1754, en Grand Chambre qu’une fille naturelle qui avoit recu le renboursement d’une rente viagere des mains de l’héritier de son pere ne nouvoit plus former contre lui aucune demande : cet Arrét peut avoir des conséquences facheuses pour les moeurs. le crois aussi qu’il en seroit autrement si le pere du Bâtard, condamné de lui payer une pension, prétendoit s’en exempter sous prétexte qu’il se seroit affrinchi du capital entre les mains du Bâatard qui l’auroit follement dissipé.

Le legs universel d’un frère Bâtard, fait à son frère Bâtard, a été déclaré valable, par Arrét du Parlement de Paris du 6 Août 1677, rapporté par l’Auteur du Journal du Palais : on opposoit au Légataire que c’est faire fraude à la Loi prohibitive de la succession que d’autoriser de pareils legs. Si le droit de succéder est un effet civil, fondé sur la Loi, & que la Loi ne défere qu’a ceux qui sont nés en légitime mariage, l’honnéteté publique exige que la disposition de la Loi s’étende aux legs testamentaires ; mais on répondoit qu’il suffit d’être libre pour donner ou recevoir, soit entre vifs ou par Testament ; & que pour être libre, il suffit d’être Citoyen, d’être François, d’être né Sujet du Roi, sans considération de la naissance : parmi nous le legs universel des acquets auroit été réduit au tiers, comme je l’ai observé.