Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.
CCCCXLVI.
Ce n’est donner & retenir, quand l’on donne la propriété d’aucun héritage, retenu à soi l’usufruit la vie durant, ou à temps, ou quand il y a clause de constitut, ou précaire, ausquels cas vaut telle Donation.
Le premier de ces trois Articles propose une maxime générale, qui est expliquée dans les deux autres : Ils sont connoître qu’il faut que le Donateur demeure dessaisi par la donation, dont l’exécution ne doit point être remise aprés sa mort, pour dépendre de sa volonté tant qu’il est vivant. Une marque certaine que le Donateur n’a point voulu se dessailir, mais retenir, est quand tant la grosse que la minute du contrat de Donation sont toujours demeurées en sa main ; au moyen de quoi il a toujours été en son pouvoir de disposer de la chose donnée ; parce que le donataire n’a jamais eu aucun moyen de demander l’exécution de la donation : On peut dire de même, que donner à la charge de payer les dettes qui seront duës lors du déces du Donateur est donner & retenir ; car c’est s’être réservé la puissance de rendre la donation inutile & illusoire ; mais on peut donner à la charge de payer les frais funéraux, qui ont une mésure ou proportion certaine : comme aussi, on peut donner à la charge d’acquitter ce qui sera dû lors du déces, pourvû que cela soit limité à une certaine somme.
Mais la rétention de l’usufruit, ou les clauses de constitut & de précaire ne sont point contraires au proverbe donner & retenir ne vaut : mais plutôt étant incompatibles avec le droit de propriété elles équivalent à une tradition faite par le Donateur, comme Coquille l’a fort bien dit sur l’Article I. du Titre des Donations. La clause du constitut est, quand le Donateur promet paver une certaine redevance annuelle pour la jouissance qu’il se réserve de la chose donnée. La clause de précaire est quand le Donateur doit jouir de cette chose tant qu’il plaira au donataire : La possession donc, qui est significe à la fin de l’Article CCCCXL. V, est la véritable, qui ne peut être attribuée qu’à celui qui possede pour soi, animo Domini.1
La tradition réelle dans l’ancien droit François, comme dans l’ancien droit Romain, devoit nécessairement suivre la donation ; elle se faisoit per ostiun de iesû cas vel per herbam G cespitem,, : : vel per feffucam atque Adelangum. Voyer les Formules de Marculfe & de Lindenb. dansBaluze , tome 2, & le Glossaire de duCange , cela étoit accompagné de certaines paroles que l’on a long-temps conservées : Du Moulin en parle dans son Commentaire sur Paris, 8. 22, Gl. 1, n. 30, comme de la chose la plus solemnelle.
D’Ordonnance de 1731 a terminé les plus grandes difficultés sur l’interprétation de ces Articles. Auparavant cette Ordonnance, les donations des biens présens & à venir étoient valables dans presque tous les Tribunaux du Royaume. M. Talon a dit que la maxime donner & retenir ne vaut, n’a pas lieu dans les donations universelles de tous biens présens & à venir ; qu’il falloit faire différence entre les donations d’une chose particulière & les donations universelles ; que par rapport aux premières, la maxime donner & retenir étoit indubitable, lorsque le Donateur ne se dessaisissoit pas de la chose donnée, ou qu’il se réservoit la faculté d’en pouvoir disposer ; mais qu’à l’égard des autres il n’en étoit pas ainsi, & qu’un homme pouvoit donner tous ses biens, présens & à venir, & en vendre, engager & hypothéquer telle partie que bon lui semble, aprés la donation ainsi faite. On ne peut pas mieux faire l’apologie des donations des biens présens & à venir, & Basnage a été du même sentiment. L’Article XV de l’Ordonnance dispofe qu’aucune donation ne pourra comprendre d’autres biens que ceux qui appartiendront au Donateur, au temps de la Donation. Comment, en effet, concilier cette espèce de donation avec la nature du Contrat 1 Celui qui donne des biens à venir conservant la liberté d’aliéner, suivant M. Talon, peut rendre illusoire la donation des biens même présens. Ricard avoit pensé que la donation des biens presens & à venir étoit valable pour les biens présens : M. le Chancelier a répondu au Parlement de Toulouse sur cette question, que la séparation de biens que ce Parlement vouloit autoriser étoit contraire aux vrais principes, qui ne veulent pas qu’on puisse diviser un acte originairement un dans l’esprit des contractans : Boutaric. La prévoyance du Législateur s’étend sur les dons de meubles, dont le Donateur ne se dessaisit pas actuellement, il doit en être fait un état qui demeurera annexé à la minute, & par le défaut d’un état, le Donataire ne peut prétendre aucuns des meubles & effets mobiliers compris dans la donation, contre le Donateur ou ses héritiers.
Ricard , Part. 1, n. 1027, dit que la question de sçavoir, si la clause de paver les dettes qui se trouveroient dues au temps du déces du Donateur rend la donation nulle, a été fort agitée par les Auteurs & differemment jugée par les Arrêts. L’objet de la nouvelle Ordonnance étant de bannir des donations toutes les conditions qui dépendroient de la vo-lonté du Donateur & rendroient leur effet incertain, porte, Article XVI, que les donations même des Biens présens seront déclarées nulles, lorsqu’elles seront faites à condition. de payer les dettes & charges de la succession du Donateur, ou toutes autres dettes & charges que celles qui existoient lors de la donation.
Bérault avoit pensé que si le Donateur s’étoit réservé la liberté de disposer d’une partie de la chose donnée, la donation étoit nulle à l’égard de cette partie, parce que la transsation de la propriété étoit incompatible avec cette réserve.Ricard , Part. 1, n. so1x & suivant, croyoit que la chose réservée passoit au Donataire, si le Donateur avoit slipulédans l’acte de donation qu’elle appartiendroit à ce Donataire s’il n’en avoit pas disposé-L’Ordonnance rejette cette distinction, elle applique la prohibition de donner & retenir à tous les cas où le Donateur ne cesse point d’être le maître de ce qu’il paroit donner.
L’Ordonnance, pour se conformer au droit commun, déroge en faveur du Contrat de mariage aux dispositions dont je viens de rendre compte : la donation des biens présens & à venir est permise par Contrat de mariage, pourvu qu’elle regarde les conjoints ou leurs enfans à naître : les donations mobiliaires y sont valides, sans qu’il en soit fait un état : le Donataire a la liberté qu’on avoit accordée par les derniers Arrêts du Parlement de Paris, à tout Donataire de diviser la donation ; s’il prend les biens comme du jour du déces du Donateur, en faisant inventaire, il ne sera tenu de ses dettes que jusqu’à la concurrence de leur va-leur, & il pourra même abandonner la donation ; s’il s’en tient aux biens qui existoient lors dela donation, il ne paiera les dettes que du jour qu’elle a été faite ; & pour distinguer les-dettes passives & les effets mobiliers du Donateur, alors en nature, il seroit bon que le Donataire en fit, au temps de l’acte, une description. La Loi veut encore que l’effer dont le Donateur s’étoit réservé la disposition, appartienne au Donataire par Contrat de mariage, à l’exclusion de l’héritier du Donateur qui n’en a point disposé pendant sa vie. Des Arrêts des Parlemens ont confirmé quelques unes de ces exceptions. On a jugé au Parlement de Paris, par Arrêt du 16 Mars 1745, au rapport de M. Chauvelin, qu’une do-nation de biens meubles & immeubles par Contrat de mariage, est valable pour les meibles quoiqu’il n’y en ait point eu d’état annexé au Contrat, & que c’est au Donataire à faire preuve de la quantité des meublos qui existoient lors de la donation, lorsqu’il Sy arrête : on a jugé par Arrét du Parlement de Normandie du 28 Juin 1752, qu’une donation faite par un parent, par Contrat de mariage sous seing privé, en faveur d’un des conjoints, d’une somme fixe si mieux le Donataire n’aimoit prendre tous les meubles qui se trouveroient aprés le déces du Donateur, étoit valable, quoiqu’il n’y eût point eu d’état fait ; mais confirmer une donation de meubles, hors Contrat de mariage, sans un état annexé, c’est s’écarter de la Lettre de l’Ordonnance
La donation, des rentes & autres droits semblables, recoit sa perfection contre toute personne par la signification de l’acte aux débiteurs :Ricard , des Donations, Chap. 4. Mais Cochin prétend que la donation est accomplie par la tradition des Titres constitutifs des rentes ; & que si le Donateur peut disposer au préjudice du donataire, c’est une puissance de fait qui l’oblige à un desintéressement à l’égard du donataire, s’il en use, & que l’on ne considere point en droit ; mais comme il avoue qu’il y a diversité d’Arrêts sur cette question, je crois que l’on peut suivre l’opinion deRicard , adoptée par d’habiles gens qui ont écrit depuis lui. loyerCochin , Consultation 57 tome 3. On cite deux Arrêts du Parlement de Paris, conformes à l’opinion deRicard , des 11 Février 1732, au Rapport de M. l’Abbé Loranchet, & 25 dû même mois 1755 ; mais on cite un autre Arrét du même Parlement, rendu en Grand’Chambre sur les Conclusions de M. l’Avocat. Général Séguier, le 25 Mai 1762, dans lequel on a suivi le sentiment deCochin .