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CCCCXLVII.
Toutes Donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils décedent, sont réputées à cause de mort, & testamentaires ; ores que telles Donations soient conçues par termes de Dona-tions entre-vifs, si elles ne sont faites & passées devant Tabellions, quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuées dans lesdits quarante jours.
Il a été dit au sujet de la définition de la donation entre vifs, que la marque la plus certaine des donations à cause de mort est quand le Donateur aime mieux avoir la chose que le donataire l’aye, quoiqu’il aime mieux que le donataire aye cette chose, que son héritier : d’où procede, que les donations. g’eause de mort sont toujours révocables par le donateur, de manière que quelques clauses qu’on y puisse mettre, elles ne peuvent jamais être irrévoca-bles, parce que cela est contre leur nature, qui fait supposer nécessairement que le donateur n’a point voulu donner ; c’est-à-dire, préférer le donataire à soi-même. Et bien qu’il soit dit dans la Loi 2. ff. De moriis causa donationibus que c’est une espèce de donation à cause de mort, cûm quis iniminente periculo commotus, ila donas, ut siaiim res fiat accipientis, néanmoins cela ne se doit pas entendre des donations à cause de mort proprement dites, & se doit entendre, suivant qu’il est expliqué par la Loi 27 du même Titre, en ces termes : Ubi ita donatur, ut nullo casu revocetur, causa donandi magis est, qui nt mortis causa donatio, & ideo perinde haberi deber, aique alia quevis inter vivos donaiio. Donc par les Loix Romaines, un mourant pouvoit faire une donation entre-vifs poierai moriens facere donationem inter vivos, comme il est en-core plus expressément déclaré en la Loi Seia, S. ullimo, ff. eodem titulo, ce qui n’est pas de l’usage du Droit Coutumier : La raison qu’on en doit rendre, est que par le Droit Romain la puissance de donner par Testament étoit libre, & encore plus ample que celle de donner entre-vifs, ainsi il n’y avoit aucun inconvénient de laisser aux mourans la liberté de disposer où par forme de Testament, ou par forme de donation entre-vifs. Mais au Pays Coutumier, la puissance de disposer par Testament étant extremement resserrée, & d’ailleurs la faculté de donfer entre-vifs ayant beaucoup plus d’étenduë, on n’a pas dû laisser au pouvoir des particuliers, de nommer avec effet leurs actes de derniere volonté, donations entre-vifs ; autrement, on leur auroit donné un moyen facile de faire fraude à la Loi prohibitive de donner par Testament ou à cause de mort : C’est pourquoi comme la fraude fai-te à la Loi, doit être aussi réprouvée, que ce qui est fait directement contre la Loi, l. si liberius minorem, ff. De Iure Paironaius, les Coutumes, pour prévenir cette fraude, ont réputé toutes les donations qui sont faites en vue de la mort, testamentaires, ou plutôt à cause de mort. Mais quelques Coûtumes ont voulu décider quelles sont les donations qu’on doit censer être faites en vue de la mort, contemplalione moriis imminente peticulo, par un gisant malade, comme celle de Normandie en cet Article. Une marque plus assurée est, quand l’effet & l’exécution des donations sont remises entièrement aprés la mort du donateur, iune enim appuret eum maluisse habere, quûm eum cui donat. Ce n’est que la mention de la mort du donateur faite dans l’acte de la donation, la fasse toujours presumer à cause de mort, il faut que cette mention marque que c’est la vue de la mort, qui est la cause impulsive de la donation : car s’il n’est parlé de la mort que par occasion, & dans les clauses exécutoires & accessoires, cela ne peut pas donner la forme à la disposition principale, suivant la Loi ex his, C. Quando dies legaii, Gc.1
Il ne faut pas omettre ce que Coquille a judicieusement remarqué sur l’Art. V du Titre des Donalions, que quand la Coutume, qui est la Loi, use du mot de réputées ou censées, cela n’a pas seulement l’effet de présomption, mais l’a de jugement & de décision : VoyezLouet , D. 10 & 11.
Au reste, ces donations, qui sont réputées par cet Article à cause de mort, pouvant avoir l’effet de donations entre-vifs, si le Donateur survit quarante Jours, & si elles sont insinuées dans ce temps, doivent être acceptées par le donataire du vivant du Donateur ; autrement, elles ne pourroient être jugées vala-bles, parce qu’elles n’auroient la forme d’aucune donation. On a jugé au Parlement de Paris, que les donations faites par les personnes mourantes, ne pourroient avoir aucun effet, si elles n’étoient faites en la forme testamentaire.
Auparavant l’Ordonnance de 1731, on pouvoit donner de ses biens en trois manieres : par donation entre-vifs, par donation à cause de mort, & par testament ; quoique la donation à cause de mort fût concuë à peu prés dans les formes de la donation entre-vifs, la donation à cause de mort étoit restreinte aux effets du Testament Il y a toujours eu de la difficulté à distinguer la donation à cause de mort de la donation entre-vifs ; l’Ordonnance s’est propose de réfoudre les questions les plus importantes : en établissant que P’irrévocabilité omnimodale est le caractere des donations entre-vifs, elle a fait entendre que toutes les fois que ce caractere ne se remarque point dans une donation, cette donation est à cause de mort ; ainsi la donation faite par un Novice ou celui qui se dispose à entrer dans un Monastere, est une donation à cause de mort, parce qu’elle est faite en contemplatien de la mort civile qui sera la suite de la profession Religieuse ; c’est la décision de duMoulin , sur l’Authentid. Ingressi cod. Liv. 2, Tit. 2, potest libere alienare bona sua in tessamento, non quatenus inter vivos. Arrêt du Parlement de Paris du a2 lanvier 1Sûy, qui déclarc, à cause de mort, une donation faite par deux soeurs six mois avant que d’entrer en Religion : Iournal du Palais. Ainsi la donation d’une somme à prendre sur la succession du Donateur, est une donation à cause de mort : Arrêts du même Parlement des 21 Mai 1737, & E Juillet 1730 ; cette donation ne contient en effet aucune tradition, & elle dépend de la volonté du donateur ; mais la donation est entre-vifs, si le Donateur y affecte ses biens présens, & se retient la jouissance pendant sa vie de la somme qu’il donne. Rousseau, de la Combe, Conférence de M. d’Amour Boutaric &Furgole .
Les Coutumes se sont moins atrachées à la forme extérieure de l’acte de donation qu’au temps où il a été passé pour juger du mérite de l’acte ; la plupart portent que toutes donations, encore qu’elles soient concuës entre-v. fs, faites par personnes gisantes au lit malades, de la maladie dont ils décedent, sont réputées à cause de mort & testamentaires, & non entre vifs. Notre Coutume ajoute, si elles ne sont faites & passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuées dans lesdits quarante jours.
On ne sçauroit croire combien l’explication de cette disposition, qui est tres-sage, a Ricard causé d’embarras dans la France coutumiere, on en est surpris en lisant les Auteurs, particulierement lePrêtre ,Soefve , sticard,Henrys , les Journaux des Audiences & du Palais, & les Commentateurs sur l’Article CCLXXVII de Paris.
Mais la question la plus problématique a été de sçavoir si les donations faites en maladie, & qui sont réputées par les Coutumes à cause de mort, devoient, pour être valables en cette derniere qualité, être revétues des formalités des Testamens. On a dit qu’elles ne pouvoient valoir ni comme donations entre-vifs, ni comme donations testamentaires ; elles ne valoient pas comme donation entre-vifs, puisque les Coutumes s’y opposoient ; elles ne valoient pas comme donations testamentaires, n’étant point dans les formes des testamens. En effet, un homme malade à l’extrémité n’a point assez de tranquillité d’es-prit pour faire des réflexions sur un acte d’aussi grande importance comme est une donation : quoiqu’il déclare donner entre-vifs & irrévocablement, si on pénetre dans son intention, on verra que la mort est le seul motif de sa libéralité. Les Coûtumes ont voulu empéchet les suggestions, en prescrivant dans les Testamens des formalités propres à exciter la réflexion du Testateur, les donations n’exigent que le consentement du Donateur ; il seroit d’autant plus facile de l’extorquer d’un malade, que c’est un moyen de se delivrer des importunités des donataires, ainsi les formalités des Testamens deviendroient inutiles.
Brodeau , surLouet , D. n. 10, &Bouguier , D. n. 12, rapporte des Arrêts du Parlement de Paris qui ont décidé qu’une donation qui ne peut valoir comme donation entre-vifs, est valable comme donation testamentaire, quoiqu’on n’y ait pas observé les formes du Testament. MaisSoefve , Tom. 2, Cent. 4. Chap. 5, rapporte un Arrêt du 18 Janvier 1688, & l’Autour du Journal du Palais en rapporte un autre du S lanvier 1oya, qui annullent de semblables donations.
L’Ordonnance de 1731, Art. III, abroge les donations à cause de mort qui n’auront pas été faites dans la forme des Testamens ou Codicilles, à l’exception de celles qui se seront par Contrat de mariage ; & elle dispose par l’Art. IV que toutes donations entrevifs qui ne seroit valable en cette qualité ne pourra valoir comme donation à cause de mort ou testamentaire, de quelque formalité qu’elle soit revétue.