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CCCCXLVIII.

Toutes Donations de choses immeubles faites entre-vifs, de Pere à Fils, en faveur de mariage ou cause pitoyable, doivent être insinuées & acceptées dans les quatre mois, suivant l’Ordonnance, fors & excepté les Donations faites aux Puînés en Caux.

Il faut ajouter à ce qui a été dit de l’acceptation dans le Discours général, que quand elle est faite en l’absence du donataire, en vertu de sa procuration spéciale, l’instrument de la donation, c’est-à-dire, l’acte qui la contient, doit être inséré dans celui de l’acceptation, par l’Ordonnance de Henri Il de 1549, qui l’enjoint expressément, en interprétant & modifiant l’Art. CXXXIII de l’Ordonnance de 1539.1


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L’acceptation se pouvoit faire en droit, non-seulement en termes spécifiques, mais par des actes équivalens, suivant les Textes cités parRicard . On auroit pu douter en Normandie. avant l’Ordonnance de 173t sur la manière d’accepter, sur-tout à l’égard des donations onéreuses fouscrites par le donataire. Poyey un Arrêt du y Août 1684, rapporté parBasnage , dont on induit que l’acceptation explicite n’étoit point nécessaire. M. de Lamoisnon, Article NXIV des Donations, se contente aussi de la signature du Donataire. L’Article VI de l’Ordonnance veut que l’acceptation de la donation soit expresse, il défend aux Juges d’avoir égard aux circonstances dont on prétendroit induire une acceptation tacite ou présumée, & ce quand même le Donataire auroit été présent à l’acte de donation, & qu’il l’auroit signé, ou quand il seroit entré en possession de la chose donnée. Les donations entre-vifs, même celles qui seroient faites en faveur de l’Eglise, ne peuvent engager le Donateur niproduire aucun effet que du jour qu’elles auront été acceptées par le Donataire ; ainsi le Do-nateur peut les révoquer sans sa participation, Article V de l’Ordonnance.

La donation peut non-seulement être acceptée par le Donataire, mais par son Proeureurgénéral & special, dont la Procuration doit rester annexée à la minute de la donation abid, une Procuration en blanc ne suffit pas pour la validité de l’acceptation : Arrêt du 5 Mai 1733.

Quand la donation a été acceptée par une personne qui auroit déclaré se porter fort pour le Donataire absent la donation n’a effet que du jour de la ratification faite par le Donataire, par acte passé devant Notaire, dont il doit rester minute : on pense que cette rati-fication ne peut être faite par les héritiers du Donataire quoique du vivant du Donateur : du Rousseaud de la Combe, Gueret sur lePrêtre , Cent. 1, Chap. 43. Mais il n’est pas nécessaire que la ratification soit passée devant le Notaire qui a recu la donation, ni que la donation soit transcrite dans l’acte de ratification, il suffit de la rappeller en substance. Ibid.

L’acceptation d’une donation faite au mineur ou interdit, est valablement faite pour lui, soit par son tuteur ou curateur, soit par ses pere & mere ou autres ascendans, méme du vivant du pere & de la mere, & il n’est pas besoin d’aucun avis de parens. On avoit juge par Arrêt du 19 Juillet ISoû, rapporté dans le Journal des Audiences, que le curateur de l’émancipé, pour toutes ses affaires, avoit pu accepter une donation faite à l’éman-cipé ; mais la mère du vivant de son mari ne pourroit pas accepter pour ses enfans. Article VII de l’Ordonnance.

Les Administrateurs des Hôpitaux, Hôtels-Dieu ou autres établissemens de charité approuvés, les Curés & Marguilliers peuvent accepter les donations entre-vifs, faites pour le Service divin, pour Fondations particulietes, ou pour la subsistance & le soulagement de leur des pauvres Paroisse : Article VIII de l’Ordonnance, du Rousseaud de la Combe dit sur cet a rticle, que hors les trois cas énoncés dans l’Ordonnance, il faut un décret du Juge d’Eglise, homologué dans les Bailliages ou Senéchaussées. Voyer l’Edit de 1749, Louet D.

Som. 3 ;Ricard , Part. 1, n. 851.

Les femmes non communes en biens ou civilement separées, ne peuvent aecepter aucunes donations entre-vifs, sans être autorisées de leur mari ou par justice à leur refus, Article Ix : cet Article est une conséquence de l’Article CexxIII de la Coutume de Paris ; mais comme la femme civilement séparée ne peut en Normandie aliéner ses immeubles de l’autorité de son mari, je crois que tous ceux qui conviennent que le Donataire contracte des engagemens par la donation auxquels il affecte ses biens, croiront qu’il est beaucoup plus sur, pour la validité de l’acceptation, que la femme civilement séparée se fasse autoriser par Justice.

L’Ordonnance ne comprend point dans ses dispositions sur la nécessité & la forme de l’acceptation dans les donations entre-vifs, celles qui seroient faites par Contrat de mariage aux conjoints ou aux enfans à naître, soit par les conjoints même, ou par les ascen-dans ou pirens collatéraux, même par les étrangers : ces donations ne peuvent être attaquées ni déclarées nulles, sous prêtexte du défaut d’acceptation, Article X ; mais l’inten-tion de la Loi n’est pas d’en exempter les donations qui seroient faites par le Contrat de mariage à d’autres personnes.

La donation faite en faveur du Donataire & des enfans qui en naîtront, ou chargée de substitution au profit desdits enfans ou autres personnes nées ou à naître, vaut en faveur des enfans ou autres personnes par la seule acceptation du Donataire, quoiqu’elle ne soit pas faite par Contrat de mariage, & que les Donateurs soient des collatéraux ou des étrangers, Article Ml ; mais si la donation est faite au Donataire & à son fils majeur, l’accepta-tion personnelle du fils est nécessaire : Arrêt du 16 Mai 1680, Lournal du Palais ; & auparavant son acceptation la donation peut être révoquée pour moitié :Ricard , Part. 3, n. 476 & 480.

Quand une donation faite à des enfans nés & à naître a été acceptée par ceux qui étoient déja nés au temps de la donation, ou par leur tuteur, curateur, pere & mere, ou autres ascendans, elle vaut, même à l’égard des enfans qui naitront dans la suite, nonobstant le défaut d’acceptation faite de leur part ou pour eux encore qu’elle ne soit pas faite par Contrat de mariage & que les Donateurs soient des collatéraux ou des étrangets, Art. XII. Au reste, je crois que dans le cas de cet Article & de l’Article précédent de POrdonnance, le Donateur, de concert avec le premier Donataire ne peut révoquer la donation à l’égard des autres. Ricard est d’un sentiment contraire, & M.Furgole , n. 36, a suivi Ricard ; il n’a pas fait attention que la Loi donue un pouvoir suffisant au premier Donataire d’accepter pour tous ceux qui doivent profiter de la donation ; ainsi on ne peut pas opposer le défaut d’acceptation aux Donataires subordonnés. Conférence de M. d’Amour.

Les Mineurs, les Interdits l’Eglise & les Hopitaux, les Communautés, & autres qui jouissent des priviléges des Mineurs, ne peuvent être restitués contre le défaut de l’acceptation des donations entre-vifs, sans préjudice du recours tel que de droit des Mineurs & Interdits, contre leurs Tuteurs ou Curateurs ; & des Eglises Hopitaux & Communautés, ou autres jouissans des priviléges des Mineurs, contre les Administrateurs ; mais la donation ne peut être confirmée sous prêtexte de l’insolvabilité de ceux contre lesquels le recours pourra être exécuté, Art. XIV. Il n’y a donc aucun privilege qui puisse faire valider les donations entre-vifs hors Contrat de mariage sans acceptation, quand même elles seroient faites avec rétention d’usufruit.Ricard , Part. 1, n. 843. rapporte un Arrét célèbre du y Septembre 16oy, qui avoit fixé les doutes ; M. le Premier President du Harlai avertit, aprés l’Arrêt, les Avocats, que l’acceptation est tellement de l’essence de la donation, que les Mineurs même n’en peuvent être relevés.

Comme l’acceptation est de l’essence de la donation, le défaut d’acceptation opere à l’égard de la donation une nullité qui ne peut se couvrir que par la possession de quarante Sans : Arrêt du 27 Février 1782.

Constantin a introduit la nécessité de l’insinuation pour la Sûreté des créanciers du Donateur.

Dans le pays coutumier, tandis que la prise de possession ou saisine solemnelle a été pratiquée, & que l’on n’a point mis en usage la tradition fictive & civile deJustinien , l’insinuation étoit inutile : elle est prescrite par l’Article CXXXII de l’Ordonnance de 1539, annotée par duMoulin. Cette Ordonnance a été suivie de celle de Moulins de l’an 1568, qui comprend toute espèce de donation, & même celle faite en faveur de mariage ; aussi, suivant le texte de notre Coutume, la donation faite par un pere à son fils étoit sujette à insinuation ; mais l’Edit du mois de Décembre 1703, & la Déclaration du 2o Mars 17o8, ont exempté de cette formalité les donations faites par les ascendans à leur descendans par leur Contrat de mariage, & cette exemption est confirmée par l’Art. XIX de l’Ordonnance ; nais toutes donations, en ligne directe hors Contrat de mariage, doivent être insinuées.

La publicité du Contrat de mariage, la faveur qui lui est due & la raison d’équité, ont porté le législateur à déroger aux Loix générales.

Toutes autres donations, même les donations rénumératoires ou mutuelles, quand même elles seroient entièrement égales, ou celles qui seroient faites à la charge des services ou fondations, doivent être insinuées suivant la disposition des Ordonnances, à peine de nullité, Art. Xx ; ainsi le titre Clétical doit être insinué. VoyesLoüet , D. Som. 583Ricard , Part. 1, n. 1250 ; les services rendus, les charges imposées au Donataire, même pour cause pie, tout cela contre les anciens Arrêts ne fait point valoir une donation sans insinuation. Vuye ;Bérault ,Basnage , lePrêtre , Cent. 1, Chap. A43Ricard , Part. 1, n. 1097.

L’Ordonnance n’assujettit cependant pas à la peine de nullité les donations faites en Contrat de mariage par la femme, à son mari, elles sont seulement sujettes aux peines pécu-niaires portées par l’Edit de 17o3, & renouvellées par la Déclaration de 1vo8 conformément à la Déclaration du 25 suin 1729. La Loi se conforme à l’Article LXXIV du Réglement de 16bo, qui dispose que cette donation n’est pas sujette à insinuation, Art. XXI de l’Ordonnance. Il en est de même des donations mobiliaires quand il y a tradition réelle, ou qu’elles n’excedent pas la somme de mille livres, le défaut d’insinuation n’entraine pareillement que des peines pécuniaires, Art. XXII.

Dans tous les cas où l’insinuation est nécessaire à peine de nullité, les donations d’immeubles récls, ou de ceux qui sans être réels ont une assiette selon les Loix, Coutumes ou Usages des lieux & ne suivent pas la personne du Donateur, doivent être insinuées, sous la peine de nullité, aux Greffes des Bailliages ou Senéchaussées royales ou autre Siége royal ressortissant nuement aux Cours de Parlement, tant du domicile du Donateur, que des lieux où les biens donnés sont situés ou ont leur assiette ; & à l’égard des choses mobiliaires ou même immobiliaires qui n’ont point d’assiette & suivent la personne, l’insinuation doit en être faite seulement au Greffe des Bailliages ou Senéchaussées royales res-sortissantes immédiatement au Parlement du domicile du Donateur ; & en cas que le domicile du Donateur, ou que les biens donnés soient situés dans une Justice seigneuriale, ou dans une Jurisdiction royale inférieure, l’insinuation doit être faite au Greffe du Siége qui a la connoissance des cas royaux dans le lieu du domicile du Donateur, ou de la situation des biens donnés à peine de nullité, Art. XXIII. Le défaut d’insinuation, au domi-cile du Donateur rend toutes les donations nulles ; mais quand l’insinuation a été faite à domicile, la donation n’est nulle que par rapport aux biens en l’assiette desquels l’insinuation n’a pas été faite au Greffe designé par l’Ordonnance.Renusson , des Propres, Chap. 3, Sect. 4, n. 55, estime que les Offices domaniaux ont leur assietre dans le lieu de leur exercice. VoyerAuzanet , sur l’Art. XCV de Paris. Il y a plus de difficulté pour les Offices de judicature : du Rousseaud de la Combe conseille d’en faire insinuer la donation, tant au lieu de l’exercice qu’à celui du domicile de l’Officier. Comme nos rentes constituées se partagent suivant la nature des hiens du débiteur, tant que cette singuliere Juris-prudence subsistera, on demandera s’il faut insinuer la donation des rentes constituées dans tous les Greffes des Bailliages royaux où l’obligé a ses biens ; Si cela est, quel embarras Il semble que par argument de l’Art. CxxXIX du Réglement de 16b6, qui porte que la saisie, & criées des rentes constituées, doit être faite en la Paroisse en laquelle l’obligé est domicilié, il suffit de faire insinuer la donation des rentes constituées, tant au Greffe du domicile du Donateur qu’à celui du domicile de l’Oblige.

Furgole prétend que l’insinuation doit être faite aux Bureaux, suivant la Déclaration du mois de Fevrier 1731, & en même-temps au Greffe des Bailliages, suivant l’Article XXIII de l’Ordonnance. Je crois que l’insinuation aux Bureaux suffit genéralement. Mais renoncerons-nous à notre Jurisprudence, qui veut que la donation soit lue & publiée les Assises tenantes ; & que si avant le jour des Assises les quatre mois étoient prêts d’expirer il faut faire la publication à l’Audience ordinaire, à la charge de la réitérer aux prochaines Assises TC’est l’esprit de l’Ordonnance d’observer dans les donations entre-vifs les formalités qui y avoient lieu auparavant suivant les differentes Loix, Coûtumes & usages des Pays.

Quand l’insinuation a été faite dans les délais portés par les Ordonnances, même apres le décés du Donateur ou du Donataite, la donation a son effet du jour de sa date à l’égard de toutes sortes de personnes. Il est vrai que la donation peut être insinuée aprés les délais, même aprés le déces du Donataire, pourvu que le Donateur soit encore vivant mais elle n’a effet que du jour de Pinsinuation : Article XXVI. Le délai d’insinuer une donation conditionnelle, court du jour de la donation.Ricard , Part. 1, n. 1255. Le délai de faire insinuer une donation acceptée par une personne se portant fort pour le Donataire absent, ne court que du jour de la ratification qu’a fait le Donataire de l’acceptation.

Ricard , n. 1278, estimoit que l’insinuation ne pouvoit être faite, aprés les quatre mois, que du vivant du Donataire, mais l’Ordonnance y déroge.

Le défaut d’insinuation des donations qui y sont sujettes à peine de nullité peut être opposé, tant par les tiers : acquereurs & créanciers du Donateur, que par ses héritiers, Donataires postérieurs, ou Légataires, & généralement par tous ceux qui y auront intétét, autres néanmoins que le Donateur ; & cela a lieu quand même le Donateur se seroit chargé de faire insinuer la donation à peine de tous dépens, dommages & intéréts, laquelle clause l’Ordonnance déclare nulle Article XXVII. Des que l’insinuation se peut faire pendant la vie du Donateur, il est juste qu’il ne puisse pas en opposer le défaut ; & si la clause dont je viens de parler avoit lieu, ce seroit un moyen sur pour éluder la nécessité de Pinsinuation.

On peut pareillement opposer le défaut d’insinuation à la femme commune en biens ou séparée d’avec son mari & à ses héritiers, pour toutes les donations faites à son profit, même à titre de dot, dans tous les cas où l’insinuation est nécessaire, à peine de nullité, mais la femme ou ses héritiers ont leurs recours, s’il y échoit, contre le mari ou ses héritiers. La donation ne peut cependant être confirmée dans aucun cas, nonoustant le défaut d’insinuation, & sous prétexte d’insolvabilité du mari, Article XXVIII. Ricard dit, n. 1243, que le mari, en refusant d’accepter la donation se décharge de tout le peril qui peut en résulter ; & que si la femme est civilement séparée, ayant alors la direction de ses affaires, c’est à elle à y veiller.

Le mari ni ses héritiers ou ayans-cause, ne peuvent en aucun cas & quand même il g’agiroit de donation faite par d’autres que par le mari, opposer le défaut d’insinuation à la femme ni à ses héritiers, Article Xxx.Ricard , n. 1228, avoit pensé que les heritiers du mari ne pouvoient opposer à la femme le défaut d’insinnation des donations que le mari lui avoit faites : l’Ordonnance étend l’opinion de Ricard à toutes les donations faites à la femme, la maxime ne peut s’appliquer en Normandie, qu’aux donations d’immeubles faites à la femme par autre que le mari-Les Tuteurs, Curateurs, Administrateurs ou autres, qui par leur qualité sont tenus de faire insinuer les donations faites par eux ou par d’autres personnes aux Mlineurs ou autres, étant sous leur autorité, ne peuvent pareillement ni leurs héritiers ou ayans-cause, opposer le défaut d’insiuation aux Mineurs ou autres Donataires dont ils ont eu l’administration, ni à leurs héritiers ou leurs représentans, même à titre particulier, Article XXXI.

Qu’est la Maxime quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio.

Les Mineurs, l’Eglise, les Hopitaux, les Communantés ou autres qui jouissent du privilége des Mineurs, ne peuvent être restitués contre le défaut d’insinuation : ils ont leur ecours contre leurs Tuteurs ou Administrateurs ; mais la restitution n’a pas même lieuorsque ces Tuteurs ou Administrateurs se trouvent insolvables, Article XXXII. Quelques anciens Arrêts ont dispensé les Mineurs de l’insinuation ; mais VoyexRicard , n. 1176, & Basnage sur nôtre Couûtume, Article CCCCXLVIII.

On demande si on peut opposer le défaut d’insinuation aprés trente ans Bérault estime que la prescription trentenaire met le Donataire à couvert, & il cite un Arrét de notre Parlement qui l’a ainsi jugé. Mais si la donation est du nombre de celles qui sont nulles par le défaut d’insinuation quoique l’on dife que l’insinuation n’est qu’une formalité extrinseque, il paroit qu’il n’y a que la possession de quarante ans qui puisse couvrir la nullité-du titre.