Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CHAPITRE DIX-SEPTIEME. DES DONATIONS.

C E Chapitre peut être partagé comme le précédent. Qui peut donner ; Qui peut recevoir par donation ; Qu’estce qu’on peut donner ; Et quelles formalités doivent être observées aux donations Auparavant que de discourir en général sur les parties de cette division, il est à propos de représenter la définition de ce qu’on peut appeller donation, en parlant proprement. On la peut définir, Un contrat de libéralité, par lequel on se dessaisit de quelque chose utile, pour la faire passer en la posses-sion d’un autre. Le premier terme de cette définition fait connoître, que la véritable donation a de la convenance avec tous les actes, qui ne peuvent être faits sans le concours du consentement des personnes entre lesquelles ils sont passes : c’est pourquoi l’acceptation de la donation n’est pas une formalité extrinseque comme l’insinuation : elle est nécessaire comme une partie essentielle, suivant qu’il sera dit en discourant des formalités requises dans les donations. Il paroit de plus, par les autres termes de cette définition, que le donateur ne veut pas retenir ce qu’il donne, mais qu’il aime mieux qu’il appartienne au donataire qu’à soi-même : ce qui met en évidence, que les donations testamentaires ou à cause de mort, n’ont pas les propriétés des véritables donations, qui ne se peuvent concevoir sans un esprit de libéralité, par lequel le donateur préfere l’utilité du donataire à sa propre utilité : Car celui qui donne par testament ou à cause de mort, veut retenir la chose qu’il donne ;, la donation donc qu’il fait, ne procede point de libéralité, mais leulement d’un dessein de préférer le donataire, non à soi-même, mais à son héritier : Mavult se habere quûm eum cui donat, magisque cum cui donat quûm heredem suum, suivant les paroles de la Loi. 1. 8. de Donationibus causa mortis : C’est pourquoi il a été dit élégamment, que le Testateur laisse pluiôt qu’il ne donne : Ce qui fait faire un discernement bien évident de la donation entre-vifs d’avec la donation à cause de mort, & fait connoître parfaitement l’une & l’autre, par l’opposition qu’on découvre entr’elles.

Quand donc la Coûtume propose dans l’Article CCCCXLIV, par une forme de proverbe, que donner C retenir ne vaut rien, elle a signifié que le dona-teur devoit user de libéralité, en se dépossédant gratuitement & par un esprit de bénéficence, de la chose qu’il donne : C’est pourquoi dans l’Article suivant CCCCXLV, elle déclare, que c’est donner & retenir, quand on se réserve la puissance de disposer de la chose, tant pour la propriété que pour l’usufruit ; ce qu’il faut prendre conjointement, parce que comme la propriété se peut séparer de l’usufruit, on peut fort bien donner l’un en retenant l’autre, sans qu’on puisse dire, qu’on donne & retient : C’est ce qui est expliqué dans l’Article CCCCXLVI.

Mais la Coutume répute, que c’est vouloir donner & retenir, quand une personne étant gisante pour cause de maladie, fait un acte, par lequel elle dilpose de ses biens en faveur d’une autre ; parce qu’il y a une forte présomption, que cette disposition est faite en vue de la maladie, qui est un acheminement à la mort, & partant que le donateur n’a pas intention de se dessaisir absolument, mais seulement de laisser à par une prédilection qu’il a pour celui qu’il veur gratifier ) la chose qu’il semble donner.

C’est par cette raison, que la Coutume déclare, que ces prétenduës donations, quoique concuës en termes de donations entre-vifs, doivent être répu-tées des actes testamentaires, à moins qu’elles ne soient passées devant Notaires, & que le malade ne survive quarante jours, & ne les fasse insinuer dans le mé-me temps.

Cette intention de vouloir retenir la chose qu’on fait semblant de donner, est cause que toutes les donations à cause de mort, sont révocables, & que le droit n’en est pleinement acquis au donataire que par la mort du donateur ; & c’est par cette même raison, qu’on les appelle ressamentaires, quoiqu’elles ne soient pas faites dans un Testament, d’autant que les Testamens sont toujours révocables pendant la vie du Testateur : ce qui a fait dire qu’ils sont confirmés par sa mort.

Les donations entre-vifs au contraire, sont irrévocables, sinon par le consentement réciproque du donateur & du donataire, comme sont les autres con-trats, qui ne peuvent se réfoudre sine concursu simultanei consensus, à moins que Tingratitude du donataire ne le rende indigne de jouir de la donation, qui étant un effet d’amitié & de bénéficence, exige qu’on prenne soin de punir l’ingratitude du donataire, en le privant de la chose qui lui avoit été donnée.

L’Article CCCCXLIX propose un seul cas, auquel la donation parfaite peut être révoquée, qui est, quand le donateur n’ayant point d’enfans lors de la donation, en a procréé depuis en loyal mariage, parce que la Loi presume que le donateur n’a pas eu intention de donner ; c est-à-dire, de vouloir préférer le donataire à ses propres enfans : ce qui sera expliqué plus au long sur ledit Article, CCCCXLIX.1 Aprés les dépendances de la définition de la donation entre-vifs, il convient

reprendre les chefs de la divifion proposée pour l’éclaircissement de ce ChapîtrePour le premier, qui est de la capacité de donner, on peut dire que puis-que la donation entre-vifs est un contrat, que tous ceux qui sont incapables de contracter, sont incapables de donner : Mais on ne peut pas dire au contraire, que ceux qui ont la puissance de contracter ayent la puissance de donner ; car les mineurs peuvent contracter étant autorisés par leurs Tuteurs : mais ils ne peuvent donner, parce que la donation contenant une aliénation de biens, & d’ailleurs ayant pour cause la libéralité, ne doit point dépendre de la volonté d’autruiSemblablement, la femme mariée peut contracter valablement, étant autorisée par son mari, mais il ne s’ensuit pas qu’elle puisse donner du consentement de son mari : on a néanmoins jugé par un Arrêt du 12 de Décembre 16oy, rapporté parBérault , sur l’Article CCCexXXI, qu’elle pouvoit donner la tierce partie de ses acquêts. Les mineurs donc, les furieux, les prodigues quibus bonis interdielum esi, les condamnés à mort, au bannissement & aux galeres à perpétuité, ne peuvent donner.2 Quant à la capacité d’être donataire, il en faut dire presque la même chose que de l’incapacité de recevoir par Testament ; car pene servi, & les Religieux profes étant incapables de posséder aucuns biens, ne peuvent être donataires : Mais. les Etrangers qui ne peuvent être légataires, peuvent être donataires entre vifs ; parce que les donations entre-vifs sont des contrats autorisés par le droit des gens, dont les Etrangers sont participans, comme il a été remarqué sur l’Article CXLVIII Il ya d’autres incapacités qui ne sont pas absolues, mais seulement à l’é-

gard de certaines personnes ou de certains biens ; comme celles des bâtards. qui quoiqu’ils soient capables de toutes les donations qui leur peuvent être faites par toutes autres personnes, sont incapables des donations d’immeubles qui leur seroient faites par leurs peres & meres, par les Art. CCCCXXXVII & CCCCXXXVIII. Semblablement les enfans & les descendans en la ligne directe, sont incapables de recevoir aucune donation de meubles ou d’immeubles de leurs ascendans ; parce que les descendans ne peuvent recevoir aucuns avantages de leurs ascendans, au préjudice les uns des autres ; l’égalité devant être gardée entr’eux. C’est pourquoi toutes les donations faites aux descendans, sont réputées des avancemens de succession, & par conséquent doivent être rapportées, pour être partagées suivant la Coutume, entre les donataires & leurs cohdritiers. Ce qui ne se doit pas entendre des filles, qui sont excluses du droit de succeder par leurs freres, & lesquelles peuvent avoir un plus grand mariage les unes que les autres, selon la volonté de leurs peres & meres, ou autres ascendans.

L’incapacité d’être donataire, est plus restreinte dans la ligne collatérale : car une hérédité pouvant être composée de plusieurs sortes de biens, par rapport ausquels elle peut être distinguée en plusieurs successions, en propres qui se subdivisent en paternels & en maternels, en acquêts & en meubles ; il arrive qu’un défunt a plusieurs sortes d’héritiers, qui sont comme étrangers les ains énvers les autres, parce qu’ils ne partagent point ensemble ; car les héritiers au propre paternel n’ont rien à prétendre aux biens maternels, & quel-quefois les héritiers aux propres sont exclus des acquêts ; & d’ailleurs, tous ces véritables héritiers sont exclus du partage des meubles par des légataires qu’on appelle universels, parce que le défunt leur a laissé tous ses meubles : les collatéraux donc pouvant avoir des droits successifs tout-à-fait distincts des droits de leurs cohéritiers, peuvent être donataires du défunt : Premièrement à l’égard des meubles, dont l’université même leur peut être donnée : Secondement, les héritiers au propre peuvent être donataires du propre, qui ne vient point de leur côté & ligne ; c’est à-dire, les paternels peuvent être donataires du propre maternel, & les maternels, du propre paternel : En troisieme lieu, les héritiers, tant paternels que maternels, peuvent être donataires des acquêts ; & vissicim, les héritiers aux acquêts peuvent être donataires des propres.

De plus, ce qu’on ne peut donner à un héritier immédiat, on le peut donner à ses enfans & descendans ; ce qui ne peut pas être fait en la ligne diredte, en laquelle ce qu’on ne peut donner au pere, ne peut être donné à ses enfans, suivant ce qui a été remarqué ci-dessus.

On doit mettre encore au nombre de ceux qui sont incapables d’être donataires entre-vifs, le mari & la femme, qui ne peuvent se donner rien l’un à l’autre, non pas même par une donation mutuelle, par la raison, qu’ils ne peuvent faire queuns contrats, par lesquels les biens de l’un passent à l’autre, par l’Article CCCEx, suivant la remarque qui y a été faite : ce qu’il faut limiter au temps. que le mariage est parfait & subsiste, car avant icelui, il faut user de distinction, parce que l’homme ne peut donner en faveur de mariage, aucune partie de ses immeubles à sa future épouse, il ne peut pas même lui augmenter le douaire, qui n’est qu’un usufruit ; tout ce qu’il peut donner, ne consiste qu’en quelque partie. de ses meubles : la femme au contraire, peut donner en faveur de mariage à son futur époux, tous ses meubles & le tiers de ses immeubles ; ce qu’elle peut même faire, quoiqu’elle soit mineure, pouivu qu’elle soit autorisée par l’avis de ses parens : Voyez les Articles LXXIII & LXXIV du Réglement de 1666.

Enfin, les Tuteurs, Curateurs, Pédagogues, ne sont pas capables de recevoir les donations qui leur sont faites par les personnes qui sont sous leur puiisance ou gouvernement, jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte de leur administration, par l’Article CCCCXXXXIz, qui est conforme a l’Ordonnance de 1539, en l’Article CXXXI. Cette sorte d’incap, cité a été étenduë à plusieurs autres personnes, comme il sera remarqué sur ledit, lrticle CCCCXXXIX.

Le troisieme membre de la division est, de ce qu’on peut donner, à l’égard duquel il faut se servir de la distinction des meubles d’avec les immeubles : car on peut donner tous les meubles aux personnes capables de recevoir par donation, mais on ne peut donner que la troisieme, partie de ses immeubles sur quoi il faut observer, que quand le Don-teur na point de diverses sortes d’héritiers, il peut donner tous ses propres ou tous ses acquets, pourvu que ce qu’il donne n’excede point la valeur de la troisième partie de tous ses biens, Mais si le Donateur a divers héritiers, les uns aux propres & les autres aux acquêts, il ne peut donner que la tierce partie des biens qui peuvent échéoir à chaque genre d’héritiers, de sorte que S’il donne par quotité, comme le tiers ou le quart de ses immeubles, la donation sera prise en partie sur les propres, & en partie sur les acquêts, par proportion de la valeur des biens de chaque genre : mais s’il donne un corps certain, comme une telle terre, une telle maison, une telle rente, la donation sera réductible, si la chose donnée excede la valeur du tiers ou des propres ou des acquêts, parce que la Coûtume a voulu réserver à chaque genre d’héritiers les deux tiers des biens qui lui peuvent écheoir par succession, à l’exclusion des donataires. Voyez ce qui est dit sur l’Article.

CCCexII.

Il faut en outre remarquer, que les donataires sont obligés de porter certaines charges, & même de contribuer quelquefois au payement des dettes du Donateur : ce qui sera expliqué sur les Articles CCCexxXI, CCCexLII & CCCexLIII.

Restent les formalités particulieres aux donations entre-vifs, qui sont l’acceptation & l’insinuation. Il a été dit en passant, que l’acceptation est une chose essenticlie à la donation : c’est en conséquence de ce principe, que l’Ordonnance de 1539, en l’Article CXxxIII, & celle de 1549, en l’Article V, ont déclaré que la donation faite à un absent, quoiqu’acceptée par le Notaire ou autre stipulant pour lui, n’est pas valable avant qu’elle ait été acceptée par le donataire présent, ou par son Procureur, en vertu d’une procuration spéciale pour cet effet. On a excepté de cette regle les enfans qui ne peuvent pas encore parler ou qui ne peuvent pas connnoître ce qui se fait : on peut méme donner valablement à ceux qui ne sont pas nés, & à ceux qui ne sont pas conçus, Nascituris,Louet , D. 51. En tous ces cas, les donations peuvent être acceptées, ou par les Notaires recevant les contrats de donation faits aux enfans qui n’ont point de peres ni de tuteurs, ou par les tuteurs & les peres, à quoi l’Ordonnance de 1530, qui requiert un pouvoir spécial pour accepter les donations n’est point contraire, parce que les tuteurs, soit institués par Justice, soit les naturels & légitimes, tels que sont les peres & les frères, mandalum habent à lege, pour consentir valablement à tout ce qui est à l’avantave des mineursLouet , D. 55.

L’homologation faite par le Pape ou par l’Ordinaire, d’une donation faite à TEglise, tient lieu d’acceptation : c est-pourquoi auparavant cette homologation. la donation n’est point parfaite, & peut être révoquée ;Louet , D. 3.3 Il en faut dire autant de toutes les donations ; auparavant qu’elles ayent été acceptées, le Donateur peut changer de volonté & révoquer ; ce qu’il ne peut faire apres l’acceptation, quoique la donation n’ait pas éte insinuée : car le défaut d’inlinuation ne peut pas être objecté par le Donateur, pour se défendre d’exécuter la donation ; il n’y a que ses créanciers & ses héritiers, qui soient reçus à pro-poser cette nullité. Mais l’acceptation & l’insinuation conviennent, en ce que l’une & l’autre doivent être faites de la manière qui est prescrite par la Loi, in formd specisica, ne pouvant être suppléées par actes cquivalans. Car comme une. donation acceptée en Jugement, devant les Juges capables d’en ordonner l’insinuation, n’est pas insinuée, ainsi l’infinuation faite en la présence & à la requisi-tion du donataire, ne fait point juger l’acceptation parfaite. On a excepté les donations faites par les contrats de mariage, lesquelles, quoique non expressement acceptées, sont néanmoins réputées l’avoir été suffisamment par la présence des parties, & par l’accomplissement du mariage, les donations en étant un accessoire & une dépendance,Louet , D. 5.

Or l’acceptation d’une donation, tenant lieu du consentement donné à un contrat, doit être signée par l’Acceptant ou par son Procureur, parce que par les Ordonnances d’Orléans, en l’Article LXXXIV, de Blois, en l’Article CLXV. tous actes, & contrats doivent être signés des parties, à peine de nulité, ou il doit être déclaré que la partie interpellée de signer, a dit ne pouvoir signer. L’acceptation donc faite par le tuteur qui ne l’a point signée est nulle, & rend la donation nulle, sans que le mineur puisse être rélevé de cette omission, fauf le recours contre le tuteur, le mineur n’étant pas favorisé in acquirendo, comme il l’est pour conserver.

Quid : Si c’est le tuteur qui donne à son pupille : il a été jugé au Parlement de Paris, que le défaut d’acceptation ne pouvoit être objecté, ni par le Donateur ni par ses héritiers,Louet , D. S8. Il peut être objecté par les creanciers, aussi-bien que le défaut d’insinuation : on a même jugé contre l’Eglise, que le défaut d’acceptation, rend la donation faite à l’Eglise nulle, aussi-bien que le défaut d’insinua-tion ;Louet , D. 27.

Donc, quoique l’insinuation ne soit qu’une formalité extrinseque, elle est néanmoins nécessaire, afin que la donation foit valable. Auparavant l’Ordonnance de 1533, l’incinuation n’étoit point pratiquée dans la plupart des Cou-tumes, comme Bourdin l’a remirqué sur l’Article CXXXII de cette Ordonnance : c’est pourquoi dans plusieurs Coûtumes rédigées avant ladite Ordon-nance, il est déclaré que les donations sont valables sans insinuation. Mais cette Ordonnance qui a rcquis l’infinuation, s’observe même dans les Provinces qui sont régies par ces Coûtumes, quoique ladite Ordonnance soit sans dérogation expresse aux Coûtumes qui y sont contraires, parce que cette même Or-donnance est favorable, en rétablissant un usage qui avoit été sagement introduit parJustinien , pour empécher les désordres qui arrivoient par les dona-tions clandestines, par lesquelles les héritiers & les créanciers du Donateur se trouvoient surpris : mais la Constitution deJustinien , en la Loi 36. C. De donationibus, nordonnoit l’insinuation que pour les donations qui étoient d’une valeur considérable, que quingentorum aureorum summam excedebant, au lieu que l’Ordonnance & les Coûtumes ne requierent point l’infinuation de la donation des meubles, de quelque prix qu’ils puissent être, mais l’ordonnent seulement à l’égard des immeubles, sans distinction aucune de la valeur d’iceux que si la donation est faite d’une somme d’argent à prendre sur les immeubles, elle doit être insinuée, quand on la prend sur les immeubles, & non quand on la peut prendre sur les meubles.Louet , D. 24. Par l’Ordonnance de 1539, l’insinuation n’étoit point nécessaire aux donations faites en faveur de mariage, ni pour celles qui étoient rémunératoires ou au benéfice de l’Eglise : mais les Ordonnances de 1545, & de Moulins en l’Article XXVIII, l’ont requise en tous ces contrats. On a fait néanmoins quelques exceptions : car ce qui est promis pour la dot d’une femme quoique ce loit une pure libéralité de ceux qui s’y obligent, n’est point sujet à l’insinuation, parce que cela est considéré comme une paction du contrat de mâriage, qui a son effet par l’hypotheque du contrat, au préjudice des éréanciers postérieurs & des héritiers du Donateur. On a jugé par plusieurs Arrêts, que la donation faite par la femme pour le don mobil, quoiqu’il consiste en immeubles, n’est point sujette. à l’insinuation ; ce qui est atteste par l’Article LXXIV dudit Réglement. On ne requiert point de plus, l’insinuation aux contrats de fondation faits avec l’Eglise, à la charge de Services, d’autant que ces contrats sont véritablement commutatifs, mais sans nom, habentes-vim permiutationis, sive compensationis, plutôt que donations, ne procédans point de libéralité.

L’insinuation se doit faire in forma specifica, comme il a été dit en parlant de l’acceptation : de sorte qu’il ne sussiroit pas que la donation fût acceptée en Jugement, il est nécessaire que le contrat de donation soit lu aux Assises du Bailliage particulier où les choses données sont situées, & du lieu où est le domicile du Donateur ; & qu’il soit de plus enrégistré au Greffe desdits Bailliages : c’est pourquoi l’insinuation ne fe peut faire devant le Vicomte, elle ne se peut faire en outre devant les Juges des Seigneurs Hauts-lusticiers, parce que l’Ordonnance défire expressément qu’elle soit faite devant les Juges Royaux.

L’insinuation donc ayant été introduite précisément, comme une précaution contre les fraudes & les surprises, qui pouvoient être faites aux héritiers & aux créanciers du Donateur ; le défaut de cette solemnité ne peut être objecté par le Donateur, qui comme il a été dit, ne peut révoquer sa donation, sous prétexte qu’elle n’a point été insinuée : il n’y a que ses créanciers ou héritiers qui la puissent faire déclarer nulle, pour le manque d’insinuation, on a même jugé au Parlement de Paris, que les héritiers du mari ne peuvent pas objecter à la veuve le défaut d’insinuation, à l’égard de la donation que le défunt lui avoit faite par le contrat de mariage ;, ce qui est permis en quelques Coutumes, àparce que c’étoit au mari, qui étoit le maître des actions de sa femme, à faire faire l’infinuation, la semme qui est sous la puissance du mari, ne pouyant faire aucune poursuite en Jugement, si elle n’est autorisée par son mari : c’est pourquoi la prescription ne commence à courir cuntrelle, que du jourde la dissolution de son mariage, à l’égard de ses biens dotaux aliénés par son mari, si ce n’est au cas de la séparation de biens ausquels cas de dissolution de mariage & de séparation, la femme doit faire infinucr dans les quatre mois du jour du déces ou de la séparation jugée ;Louet , D. 4. l. 1.

Mais quoique l’Ordonnance & la Coutume semblent prescrire un temps précis pour faire l’infinuation, qui est quatre mois ; il est certain que l’insinua-tion peut être valablement faite aprés ce temps, pourvu que ce soit du vivant du Donateur ; parce que lui, ni ses créanciers, ni ses héritiers ne la peu-vent contester : le Donateur ne le peut pas parce qu’à son égard la donation est parfaite & non révocable, sans être infinuée ; ses héritiers ne le peu-vent pas, parce qu’ils ne peuvent avoir été surpris, l’insinuation ayant rendu la donation notoire auparavant leur succession échue : enfin les créanciers ne le peuvent pas, parce que l’infinuation faite aprés les quatre mois, ne nuit point à ceux qui ont contracté avec le Donateur avant l’infinuation ; & quant à ceux qui ont leur créance depuis l’insinuation, la donation qui avoit été publiée avant leur contrat, ne peut être accusée de fraude ou de clandestinité. Il n’est pas moins constant, que l’infinuation qui a été faite dans les quatre mois, rend la donation incontestable à cet égard par les créanciers qui ont contracté avec le Donateur, dans le temps intermédiaire entre la donation & l’insinuation, parce que ces créanciers ne pourront pas prétendre d’hypotheque sur la chose donnée, Iaquelle n’a pû être obligée aux dettes contractées par le Donateur, à qui elle n’appartenoit plus, le donataire qui a accompli l’Ordonnance dans le delas qu’elle lui a donné, étant propriétaire de la chose donnée des le jour de la donation.


CCCCXXXI.

Personne âgée de vingt ans accomplis, peut donner la tierce partie de son héritage & biens immeubles, soient acquêts, conquêts ou propre, à qui bon lui semble, par donation entre-vifs, à la charge de contribuer à ce que doit le Donateur lors de la donation, pourvu que le Donataire ne soit héritier immédiat du Do-nateur, ou descendant de lui en droite ligne.

Les dernieres paroles de cet Article, ou descendant de lui en droite ligne, étoient équivoques, pouvant être rapportées ou au donateur où à l’héritier immédiat ; c’eit pourquoi l’Article XCII dudit Réglement, pour ôter cette ambiguité, a attesté que le donateur ne pouvoit donner aucune part de son immeuble à ses descendans, mais qu’il pouvoit donner aux ascendans de son héritier immédiat en ligne collatérale : & partant la question, si’on peut donner aux enfans de ceux à qui il est prohibé de donner, se réfout par la distinction de la ligne directe & de la collaterale. En la directe, ce qu’on ne peut donner au pere, on ne le peut donner à ses descendans : Mais en la collatérale, la succession n’étant pas due aux héritiers jure naturali, on n’a pas pris tant de soin de conserver entr’eux l’égalité. C’est pourquoi, par plusieurs Coutumes, ce qu’on ne peut donner au pere, parce qu’il est héritier immédiat, on le peut donner à ses enfans ;Louet , D. 17. Ce qui fait voir, que c’est de cette maniere qu’on a dû entendre lesdites dernieres paroles de cet Article.

La question, si le mari qui n’a point d’enfans, peut donner aux enfans de sa femme : ou si la femme, qui n’a point d’enfans, peut donner aux enfans de son mari, a été traitée parLouet , D. 50. On a jugé pour l’affirmative par les derniers Arrêts du Parlement de Paris, conformément à l’Art. CCLXXXIII de la Coutume de Paris, dont la disposition ne se doit pas étendre aux autres Coûtumes, qui ne l’ont pas expressément ordonnée, parce que cette décision est contraire à la raison & aux Droit Romain, qui ne souffrent pas que ce que les mariés ne se peuvent donner les uns aux autres, ils le puissent donner aux enfans l’un de l’autre, en quelque cas & sous quelque prétexte que ce soit. La Coûtume de Normandie semble s’être déclarée sur cette question, quand elle ne veut pas que le mari puisse disposer par Testament, d’aucuné partie de ses acquêts en faveur de sa femme, ni des parens d’icelle, en l’Article CCCCXXII. Cette Jurisprudence a pour fondement deux considérations tres-importantes, qui sont représentées dans les Loix 1, 2, & 3. f. De donationibus inter virum S uxorem, ne mutuo amore se invicem conjuges spolient, és ne diseuterentur mairimonia, si non daret is conjugum qui posset : arque ita venalia essent matrimonia, & concordia pretio conciliari videreiur. Louet aux lieux cites, D. 17 & 50.

On propose encore deux autres questions : la première, si le Donateur qui est demeurant en Normandie, où l’on est majeur à vingt ans, peut donner ses héritages situés sous la Coutume de Paris, en laquelle on ne parvient à la majorité qu’à vingt-cinq ans accomplis ; On répond qu’il le peut, parce que la majorité, & partant la capacité d’agir comme majeur étant personnelles, c’est la Loi & la Coûtume du domicile qui la doivent regler : la raison ne pouvant souffrir, qu’une personne soit majeure en un lieu, & ne le soit pas en l’autre.

L’autre question est, si le Donateur est garant de ce qu’il donne à Il ne l’est pas généralement parlant mais il le peut être, quand il s’y est obligé, ou au cas de dol & de fraude de sa part, qui ecussent donné lieu à l’éviction du donataire, suivant les Loix 18. 8. ultimo, ff. De donalionibus, l. 62. ff. De Cdilitio Edicto ; ou quand la donation n’est pas pure & simple, mais avec quelque charge imposée donataire : car les donations ob causam, étant des contrats commutatifs, obligent a la garantie, comme il a été jugé par un Arrêt du & de Mars 16o8, rapporté parBérault , touchant une donation faite à l’Eglise à la charge de quelques Services : la contribution aux dettes, dont le donataire est chargé par cet Article, est expliquée sur les Article CCCCXLII & CCCCXLIII.4


CCCCXXXII.

Néanmoins si le Donateur n’a qu’un héritier seul, il lui peut donner tout son héritage & biens immeubles.

La raison de cet Article est évidente, car la puissance de donner n’étant limitee, qu’afin que les biens soient conservés aux héritiers, il est d’une conséquence manifeste, qu’en donnant tous ses biens à son héritier, on accomplit l’intention de la Loi, tant s’en faut qu’on y contrevienne.5 Sed quid : Si le Donateur n’a point d’héritiers, parce qu’il n’a aucuns parens habiles à lui succéder, soit qu’il soit bâtard, soit qu’il soit étranger. Il. sembleroit par la raison qui vient d’être représentée, qu’il pourroit disposer de tous ses biens par donations entre-vifs ou testamentaires : on a néanmoins jugé le contraire, comme il paroit par l’Article X CXCIV dudit Réglement, qui attesie que celui qui n’a point d’héritier, ne peut donner ni par Testament nientre-vifs, au-dela de ce que pourroit donner celui qui auroit des héritiers : ce que Louet & son Commentateur disent être contra generalem Regni consueJudinem, par laquelle ceux qui n’ont point d’héritiers, peuvent disposer de tous leurs biens, au préjudice des droits du fise, & des Seigneurs féodaux, qui sont roüius bonorum possessores, & successores quûm heredes D. 37. Néannioins les Coûtumes d’Anjoi, du Maine & de Bretagne, sont conformes à ce qui a été jugé en Normandie.


CCCCXXXIII.

Et s’il y a plusieurs Héritiers, il leur peut donner à tous ensemble : mais ne peut avantager l’un plus que l’autre, comme il a été dit ci-dessus.

Il est déclaré par plusieurs Coutumes, qu’on ne peut être héritier & donataire ou légataire : ce qui a été interprété à l’égard de la même sorte de biens.

Car si une succession est composée de plusieurs genres de biens, & qu’un héritier n’ait point de part à quelque genre des biens, qui font partie de cette succession, il a été jugé, qu’il pouvoit être donataire ou legataire des biens ausquels il n’avoit aucun droit en sa qualité d’héritier :Louet , H. 16. C’est pourquoi en Normandie, on peut donner une partie des acquêts à celui qui est seulement héritier au propre, ou une partie du propre à celui qui est héritier aux acquêts comme il est attesté par l’Article XCIII dudit Réglement.

Ce qui fait voir, que cet Article CCCCXXXIII, a besoin d’explication : En la même Coutume, on peut être héritier & légataire des meubles, suivant l’Article CCCCXXV.6


CCCCXXXIV.

Le Pere & la Mere ne peuvent avantager l’un de leurs Enfans plus que l’autre, soit de meuble ou d’héritage, pour ce que toutes donations faites par le Pere ou Mere à leurs Enfans, sont réputées comme avancement d’hoirie, réservé le tiers de Caux.

Par enfans, en cet Article, on n’entend point les filles, les peres & les meres pouvant donner à leurs filles, qui ne sont point leurs héritieres, des mariages anégaux : mais les donations faites par les ascendans à leurs héritiers, sont toujours réputées des avancemens d’hoirie, & partant, sujettes à rapport au bené-fice des autres descendans du donateur : de sorte que le donataire ne peut se tenir à son don, & renoncer à la succession, comme il le peut faire par plusieurs Coutumes, qui en déclarant que les ascendans ne peuvent avantager leurs descendans l’un plus que l’autre, ajoutent pouruu que ces descendans viennent à la succession du Donaieur : car s’ils y renoncent, ils peuvent retenir leur don, la légitime néanmoins réservée aux autres enfans ; Coutume de Paris, Articles CCCIII, CCCIV, CCCV, CCCVI & CCCVII.7

Quelques Coutumes sont conformes à la nôtre, comme Tours, le Maine, Anjou, le Grand Perche & Chalons, dans lesquelles les donataires en ligne directe, ne se peuvent tenir à leur don, & renoncer : il faut qu’ils rapportent ce qui leur a été donné, soit qu’ils se portent héritiers, soit qu’ils renoncent : ce qu’il faut entendre à l’égard des héritiers du Donateur, & non de ses créanciers, qui ne peuvent contraindre les donataires à rapporter leur don, à moins qu’ils ne fassent la demande du douaire ou tiers coutumier.

Dans les unes & les autres Coutumes, les fruits des choses données ne se rapportent point, si non ceux qui sont percus depuis l’échéance de la succession du Donateur : c’est pourquoi l’Article CXCV dudit Reglement, atteste que la pension ou jouissance donnée par le pere ou autre ascendant, ne doit point etre remise à partage ; mais il ajoute, que ce qui reste du de cette pension ou jouissance, ne peut être exigé par le donataire, encore que cela lui ait été donné en faveur de mariane, à la réserve de la dernière année échue, dont il se peut faire payer. VoyezLouet , D. 56.

Les Offices étant des biens d’une nature incertaine, & dont le prix est sujet à beaucoup de changemens, on a jugé que les enfans qui en avoient été avancés, devoient en rapporter le prix du contrat d’achat, non celui que les Offices pouvoient valoir lors du déces du Donateur : il n’en est pas ainsi des autres immeu-bles, qui ne sont estimés, lorsqu’il en faut faire le rapport, que par le prix qu’ils valent au temps de l’échéance de la succession, suivant les Loix 30 & Sz, ffa Ad legem Falcidiam.8


CCCCXXXV.

Les Héritiers peuvent révoquer les Donations faites contre la Coutume, dans les dix ans du jour du décès du Donateur, s’ils sont majeurs, & dans dix ans du jour de leur majorité, autrement ils n’y sont plus recevables.

Il est à propos de remarquer, que le consentement de l’héritier présomptif donné à une donation faite contre la Coutume, ne la rend pas valable, parce que ce consentement est presumé extorque par la crainte que cet hêritier doit avoir que le Donateur, en haine de son refus, ne lui fit souffrir quelqu’autre plus grande perte : mais la ratification que fait un héritier apres la mort du Donateur est suffisante pour valider une donation qui seroit faite contre la Coûtume, à moins que la prohibition de donner ne fût fondée sur quelques raisons publiques, ausquelles les pactions des particuliers ne peuvent déroger. Il a été jugé par cette raison, qu’une donation faite d’un usufruit à un Religieux, qui ne doit posséder aucuns biens, ne pouvoit avoir d’effet, quoique l’héritier l’eût ratifiée depuis la succession échue du Donateur.9


CCCCXXXVI.

Celui qui a fait don par avancement de succession de partie de ses biens, n’est privé de donner le tiers du reste de ses héritages à personne étrange, ou qui n’attend part en la succession.

L’avancement fait à un présomptif héritier, ne diminuant point la part que la Coûtume a voulu réserver aux héritiers, il est évident qu’il ne doit point empécher le Donateur d’user de sa libéralité, comme s’il n’avoit point fait cet avancement.10


CCCCXXXVII.

Nul ne peut donner à son Fils naturel partie de son héritage, ne le faire tomber en ses mains, directement ou indirectement, que les héritiers ne le puissent révoquer dans l’an & jour du décès du Donateur.

Les alimens étant dus à toutes sortes de batards, on a approuvé les pensions ou rentes viageres qui leur ont été laissées par les peres ou meres, quand elles ne sont point excessives.11


CCCCXXXVIII.

Et néanmoins les Bâtards sont capables de toutes Donations d’autres personnes que de leurs Pere & Mere.


CCCCXXXIX.

Les Mineurs & les autres Personnes, étant en puissance de Tuteur, Gardain ou Curateur, ne peuvent donner directement ou indirectement au profit de leurs Tuteurs, Gardains ou Curateurs, leurs En-sans ou préfomptifs Héritiers, meubles ou immeubles, pendant le temps de leur administration, & jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte, ni même à leurs Pédagogues, pendant le temps qu’ils sont en leur charge.

On a étendu la prohibition de cet Article CCCCXXXIX, à plusieurs autres personnes qui n’y sont pas nommées, comme aux Religieux Novices, qui ne peuvent donner à leur Couvent, aux Médecins, Chirugiens & Apothicaires, qui ne sont pas cipables de recevoir de donations des malades pendant leurs maladies, suivant la Loi Archiairi, C. De Professoribus &. Medicis ; aux Avocats, Procureurs & Juges, pendant le Procés. Au reste, cet Article fait connoi-tre, que la donation qui est prohibée à l’égard des peres, doit être rejettée à l’égard de leurs enfans, comme étant présumée faite en fraude de la Loi, le pere & les enfans ét ant réputés une même personne.12


CCCCXL.

Donation faite de la totalité des acquêts & conquêts immeubles, ne vaut que jusqu’à la concurrence du tiers de tous les biens du Donateur : néanmoins, où il y auroit divers Héritiers au propre, & aux acquêts & conquêts, la Donation de la totalité desdits acquêts & conquêts, ne vaut que pour un tiers desdits acquêts & conquêts, nonobstant que ladite Donation ait été faite en Contrat de Mariage, portant cette Clause ( que autrement n’eût été fait ), en quelque lieu que le Contrat soit fait & passé.

Cet Article & le suivant, ont été expliqués dans le Discours général, touchant ce qu’on peut donner.


CCCCXLI.

Celui auquel la Donation a été faite du tiers de tous les biens, doit avoir la tierce partie du propre, & la tierce partie des acquêts & conquêts du Donateur.

Quoique les héritiers aux propres soient de deux espèces les uns au paternel & les autres au maternel ; & quoique d’ailleurs la Coûtume ait pris soin de conserver les propres par le retranchement des acquêts, en donnant un recours aux héritiers aux propres, pour faire condamner les héritiers aux acquêts au remplacement des propres aliénés ; néanmoins si le Donateur a donné un héritage propre, en quoi consiste tout son bien paternel ou maternel, cette donation est maintenue au préjudice de l’héritier qui auroit eu droit de succéder à cet héritage, sans qu’il ait aucun recours ni récompense contre l’héritier de l’autre ligne, pourvu que la valeur de cet héritage n’excede point la valeur, ou du tiers de tous les biens du Donateur quand il n’y a point d’acquets, où du tiers des propres, quand il y à diversité d’héritiers les uns aux acquets & les autres au propre ; auquel cas il la faudroit reduire. De sorte qu’on a jugé, que comme lorsque la vente a été faite de tous les biens d’un côté, soit paternel ou maternel, il faut prendre la succession en l’état qu’elle se trouve au temps de l’échéance, sans que les héritiers de l’une ou de l’autre ligne, puissent prétendre aucun remplacement l’un contre l’autre à raison des aliénations faites par le défunt : ainsi quand un propre a été donné valablement, l’héritier qui pouvoit succéder, n’a aucun recours ni récompense à demander à l’héritier de l’autre ligne : ce qui a été jugé par plusieurs Arrets.13

Mais on peut demander si le Donateur a donné non un corps certain, mais une quotité, comme est le cas de cet Article ; cette quotité, par exemple le tiers qui doit être pris sur les propres ne sera pas fourni avec la même proportion ordonnée par cet Article CCCCXII ; sçavoir, le tiers des propres paternels, & le tiers des propres maternels 1 Videtur quod sic, parce que la donation est une charge de la succession, qui doit être portée par chaque héritier, pro modo emoiumenti.


CCCCXLII.

Les Donataires sont tenus porter toutes Rentes foncieres & seigneuriales, & autres charges réelles, dûes à raison des choses à eux données ; encore qu’il n’en eût été fait mention en la Donation, sans qu’ils en puissent demander récompense aux Héritiers du Donateur.

Les charges énoncées en cet Article, ne se pouvant séparer du fonds qui y est sujet, suivant l’expression de l’Article CCCLIII, le donataire ne peut pas prétendre s’en exempter, sous prétexte qu’il n’en a pas été expressément chargé par la donation, ni par conséquent demander une récompense aux héritiers du Donateur, solvat aut cedat.14


CCCCXLIII.

Et où les choses données seroient moindres que le tiers des biens du Donateur, elles seront déchargées des dettes hypothécaires & personnelles du Donateur, jusqu’à la concurrence de la valeur du tiers, discussion préalablement faite des meubles.

Il sert à expliquer ce qui est dit dans l’Article CCCCXXXI : c’est à sçavoir, que le donataire doit contribuer au payement de ce que le donateur doit lors de la donation. Ce qui ne se doit entendre, que quand le donateur a donné le tiers de son bien : car quand il a donné moins que le tiers, il peut arriver que le donataire n’est obligé de payer aucune partie des dettes hypothécai-res ou personnelles du donateur. Ce qui est distingué par cet Article, qui signifie par ces termes, jusqu’à la concurrence de la valeur du tiers, qu’il faut con-sidérer, si ce que le donataire reçoit par le moyen de la donation, joint aux dettes qu’il seroit obligé de porter à proportion de la valeur de la chose qui lui a été donnée, n’excede point le tiers des biens du Donateur : Car si cela joint ensemble n’excede point la valeur du tiers des biens, le Donataire ne doit point contribuer au payement des dettes, parce que le Donateur à pû disposer du tiers de tous ses biens, mais si cela excede, le Donataire doit contribuer au prorata de cet excedent : Non intelliguniur bona, nisi deducto are alieno. La Coûtume, par discussion faite préalablement des meubles, entend l’estimation qui duit être faite, avant qu’on puisse juger si le donataire doit con-tribuer au payement des dettes.15 Or quand la donation est faite par quotité précise, comme du tiers ou du quart, l’estimation des biens du Donateur se fait eu égard au temps de la donation : Que si la donation est du tiers ou du quart des biens présens & à ve-nir, l’estimation en doit être faite cu égard au temps du déces du Donateur, comme il est décidé dans le cas semblable, en l’Artiele CCLIV.

Lorsqu’on a donné un certain corps, comme une maison ou une ferme, & que la donation est jugée excessive, par l’eslimation qui s’est faite de tous les biens, tant meubles qu’immeubles ; l’héritier ne peut pas obliger le donataire à quitter la possession de la chose donnée : mais le donataire doit rendre l’excédent en argent, où il est condamné d’en payer l’intérét comme d’une rente constituée : ce qui a été jugé par un Arrêt du y de Juillet 16b8, rapporté parBas -nage.

Il faut de plus remarquer que le donataire n’est pas obligé personnellement à la contribution des dettes, par l’acceptation qu’il a faite de la Donation à moins qu’il ne se soit obligé lors d’icelle, à acquitter le Donateur, de certaines dettes : il n’est obligé à cette contribution, que par action réelle & hy-pothécaire, de sorte qu’il peut s’en libérer en abandonnant & quittant la chose donnée.


CCCCXLIV.

Donner & retenir ne vaut rien.


CCCCXLV.

Donner & retenir, est quand le Donateur s’est réservé la puissance de disposer librement de la chose par lui donnée entre-vifs, ou qu’il demeure en la possession d’icelle,


CCCCXLVI.

Ce n’est donner & retenir, quand l’on donne la propriété d’aucun héritage, retenu à soi l’usufruit la vie durant, ou à temps, ou quand il y a clause de constitut, ou précaire, ausquels cas vaut telle Donation.

Le premier de ces trois Articles propose une maxime générale, qui est expliquée dans les deux autres : Ils sont connoître qu’il faut que le Donateur demeure dessaisi par la donation, dont l’exécution ne doit point être remise aprés sa mort, pour dépendre de sa volonté tant qu’il est vivant. Une marque certaine que le Donateur n’a point voulu se dessailir, mais retenir, est quand tant la grosse que la minute du contrat de Donation sont toujours demeurées en sa main ; au moyen de quoi il a toujours été en son pouvoir de disposer de la chose donnée ; parce que le donataire n’a jamais eu aucun moyen de demander l’exécution de la donation : On peut dire de même, que donner à la charge de payer les dettes qui seront duës lors du déces du Donateur est donner & retenir ; car c’est s’être réservé la puissance de rendre la donation inutile & illusoire ; mais on peut donner à la charge de payer les frais funéraux, qui ont une mésure ou proportion certaine : comme aussi, on peut donner à la charge d’acquitter ce qui sera dû lors du déces, pourvû que cela soit limité à une certaine somme.

Mais la rétention de l’usufruit, ou les clauses de constitut & de précaire ne sont point contraires au proverbe donner & retenir ne vaut : mais plutôt étant incompatibles avec le droit de propriété elles équivalent à une tradition faite par le Donateur, comme Coquille l’a fort bien dit sur l’Article I. du Titre des Donations. La clause du constitut est, quand le Donateur promet paver une certaine redevance annuelle pour la jouissance qu’il se réserve de la chose donnée. La clause de précaire est quand le Donateur doit jouir de cette chose tant qu’il plaira au donataire : La possession donc, qui est significe à la fin de l’Article CCCCXL. V, est la véritable, qui ne peut être attribuée qu’à celui qui possede pour soi, animo Domini.16


CCCCXLVII.

Toutes Donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils décedent, sont réputées à cause de mort, & testamentaires ; ores que telles Donations soient conçues par termes de Dona-tions entre-vifs, si elles ne sont faites & passées devant Tabellions, quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuées dans lesdits quarante jours.

Il a été dit au sujet de la définition de la donation entre vifs, que la marque la plus certaine des donations à cause de mort est quand le Donateur aime mieux avoir la chose que le donataire l’aye, quoiqu’il aime mieux que le donataire aye cette chose, que son héritier : d’où procede, que les donations. g’eause de mort sont toujours révocables par le donateur, de manière que quelques clauses qu’on y puisse mettre, elles ne peuvent jamais être irrévoca-bles, parce que cela est contre leur nature, qui fait supposer nécessairement que le donateur n’a point voulu donner ; c’est-à-dire, préférer le donataire à soi-même. Et bien qu’il soit dit dans la Loi 2. ff. De moriis causa donationibus que c’est une espèce de donation à cause de mort, cûm quis iniminente periculo commotus, ila donas, ut siaiim res fiat accipientis, néanmoins cela ne se doit pas entendre des donations à cause de mort proprement dites, & se doit entendre, suivant qu’il est expliqué par la Loi 27 du même Titre, en ces termes : Ubi ita donatur, ut nullo casu revocetur, causa donandi magis est, qui nt mortis causa donatio, & ideo perinde haberi deber, aique alia quevis inter vivos donaiio. Donc par les Loix Romaines, un mourant pouvoit faire une donation entre-vifs poierai moriens facere donationem inter vivos, comme il est en-core plus expressément déclaré en la Loi Seia, S. ullimo, ff. eodem titulo, ce qui n’est pas de l’usage du Droit Coutumier : La raison qu’on en doit rendre, est que par le Droit Romain la puissance de donner par Testament étoit libre, & encore plus ample que celle de donner entre-vifs, ainsi il n’y avoit aucun inconvénient de laisser aux mourans la liberté de disposer où par forme de Testament, ou par forme de donation entre-vifs. Mais au Pays Coutumier, la puissance de disposer par Testament étant extremement resserrée, & d’ailleurs la faculté de donfer entre-vifs ayant beaucoup plus d’étenduë, on n’a pas dû laisser au pouvoir des particuliers, de nommer avec effet leurs actes de derniere volonté, donations entre-vifs ; autrement, on leur auroit donné un moyen facile de faire fraude à la Loi prohibitive de donner par Testament ou à cause de mort : C’est pourquoi comme la fraude fai-te à la Loi, doit être aussi réprouvée, que ce qui est fait directement contre la Loi, l. si liberius minorem, ff. De Iure Paironaius, les Coutumes, pour prévenir cette fraude, ont réputé toutes les donations qui sont faites en vue de la mort, testamentaires, ou plutôt à cause de mort. Mais quelques Coûtumes ont voulu décider quelles sont les donations qu’on doit censer être faites en vue de la mort, contemplalione moriis imminente peticulo, par un gisant malade, comme celle de Normandie en cet Article. Une marque plus assurée est, quand l’effet & l’exécution des donations sont remises entièrement aprés la mort du donateur, iune enim appuret eum maluisse habere, quûm eum cui donat. Ce n’est que la mention de la mort du donateur faite dans l’acte de la donation, la fasse toujours presumer à cause de mort, il faut que cette mention marque que c’est la vue de la mort, qui est la cause impulsive de la donation : car s’il n’est parlé de la mort que par occasion, & dans les clauses exécutoires & accessoires, cela ne peut pas donner la forme à la disposition principale, suivant la Loi ex his, C. Quando dies legaii, Gc.17

Il ne faut pas omettre ce que Coquille a judicieusement remarqué sur l’Art. V du Titre des Donalions, que quand la Coutume, qui est la Loi, use du mot de réputées ou censées, cela n’a pas seulement l’effet de présomption, mais l’a de jugement & de décision : VoyezLouet , D. 10 & 11.

Au reste, ces donations, qui sont réputées par cet Article à cause de mort, pouvant avoir l’effet de donations entre-vifs, si le Donateur survit quarante Jours, & si elles sont insinuées dans ce temps, doivent être acceptées par le donataire du vivant du Donateur ; autrement, elles ne pourroient être jugées vala-bles, parce qu’elles n’auroient la forme d’aucune donation. On a jugé au Parlement de Paris, que les donations faites par les personnes mourantes, ne pourroient avoir aucun effet, si elles n’étoient faites en la forme testamentaire.


CCCCXLVIII.

Toutes Donations de choses immeubles faites entre-vifs, de Pere à Fils, en faveur de mariage ou cause pitoyable, doivent être insinuées & acceptées dans les quatre mois, suivant l’Ordonnance, fors & excepté les Donations faites aux Puînés en Caux.

Il faut ajouter à ce qui a été dit de l’acceptation dans le Discours général, que quand elle est faite en l’absence du donataire, en vertu de sa procuration spéciale, l’instrument de la donation, c’est-à-dire, l’acte qui la contient, doit être inséré dans celui de l’acceptation, par l’Ordonnance de Henri Il de 1549, qui l’enjoint expressément, en interprétant & modifiant l’Art. CXXXIII de l’Ordonnance de 1539.18


CCCCXLIX.

Donation faite d’héritage par Homme ou Femme n’ayant enfans, peut être révoquée par le Donateur, avenant qu’il ait Enfans, procréés en loyal Mariage, réservé celle faite en faveur de Mariage & pour le dot de la Femme, laquelle est révoquée quant à la propriété seulement, demeurant l’usufruit à la Femme ; & si elle est faite au Mari, la Femme aura Douaire sur les choses données.

I a été remarqué dans le Discours général fait sur la définition de la donation, quelle est la cause pourquoi les donations qui sembloient parfaites pouvoient être révoquées, au cas que le Donateur ait procréé des enfans depuis la donation. Cette exception a été faite à l’imitation du Droit Romain, en la Loi Si unquam, C. De revocandis donationibus, qui révoquoit ipso jure, les donations faites par les Patrons à leurs affranchis, propter supervenientiant liberorum. Mais la disposition de la Coûtume est générale, & à l’égard de tous donataires : Mais il paroit par les termes de cet Article, peut ctre révoquée par le Donaleur, que les donations ne sont pas révoquées de plein droit, mais. seulement par la volonté expresse du Donateur, & partant les fruits ne se restitueront pas du jour de la naissance des enfans, mais du jour que la révocation aura été signifiée : Néanmoins Basnage rapporte un Arrêt du 5 de Juillet 165z, par lequel il semble qu’il a été jugé qu’il n’étoit point nécessaire que le Donateur révoquât sa donation, parce qu’elle est censée révoquée des le moment de la naissance des enfans : Mais comme les donations, ob causam remunerationis compensatorie, ne sont point proprement donations, elles ne sont pas révocables au cas de cet Article. On a néanmoins jugé, que quoique les donations faites en faveur de mariage soient ad susiinenda onéra matrimoniâ, & partant onéreuses à l’égard des donataires ; toutefois procédantes de la pureliberalité du Donateur, elles étoient révocables propier supervenientiam liberorum, La Coûtume en a proposé deux exceptions à la fin de cet Article, qui sont en faveur de mariage & de la femme. Car les donations faites à la femme en considération de son mariage, ne sont révocables que pour la propriété, parce que l’usufruit de la chose donnée, doit demeurer à la femme pendant sa vie : Que si la donation est faite au mari, elle peut être révoquée semblablement ; mais la femme ne sera pas privée de son Douaire sur l’immeuble donné à son mari.

On a demandé, si le donateur qui avoit des enfans d’une concubine lors de la donation, lesquels il ait légitimés par mariage depuis célébré, peut révoquer cette donation, par la considération de ses enfans ainsi légitimés ; On a jugé au Parlement de Paris, que la donation étoit révocable ; parce que les bâtards sont réputés nés pour ies droits successifs, pour les biens & les honneurs, du jour de la célebration du mariage subséquent, lequel les fait, renaître pour participer à tous les mêmes droits des enfans procréés en légitime mariage ; cap. Tanta vis, qui filii sunt legitimi, Novella 18. De triente & semise, qui appelle la légitimation faite par le mariage subséquent, jus regenerationis, d’intioy ranuryirtrios,Louet , D. 22 & 52. Cela paroit contraire aux termes de cet Article, qui requiert que les enfans soient procréés en loyalmariage : ce qui est fondé en une tres-bonne raison, ne devant pas dépendre de a volonté du Donateur, de re n dre la donation illusoire.19


CCCCL.

Donation faite de tous les biens à la charge d’alimens, soit par démission ou autrement, n’est valable que jusqu’à la concurrence du tiers, sauf à déduire les alimens sur les meubles & fruits des deux autres tiers.

Le cas de cet Article pouvoit faire douter, si la donation faite de plus du tiers, pouvoit être réduite, parce que la donation à la charge de nourrir le Donateur, est où causam, onéreuse au donataire, & profitable au donateur & partant ne doit pas être comprise dans les regles des donations pures, qui procedent de libéralité. Néanmoins la Coutume, pour obvier aux fraudes. qui pouvoient être commises au préjudice des héritiers, fous ce prétexte d’alimens, a statué que ces donations devoient être réduites au tiers, non pas par le Donateur, mais par ses héritiers, auquel cas de reduction, elle permet au donataire de prendre & déduire sur les meubles & sur les fruits des deux autres tiers des immeubles du Donateur, la dépense qu’il a faite pour foutnir les alimens. Voyez la Loi 1. C. De donationibus que sub modo, qui est tou-chant le cas auquel le donataire ne s’acquitte pas des charges de la donation & la Loi 4y verbo Victus, ff. De verborum significatione, qui déclare ce qui est compris sous le nom d’alimens.20

que jusqu’à la concurrence du tiers des biens du Donateur, sauf néanmoins au Donataire à déduire les alimens sur les meubles du Donateur & sur les fruits des deux autres tiers de ses immeubles percus ou à percevoir pendant sa vie. On a jugé le contraire au Parlement de Paris dans la Coutume d’Anjou qui comme la nôtre, réduit les donations au tiers.

Une donation faite à un Hopital, à charge de nourrir & entretenir le Donateur, fut déclarée non reductible, par Arrét du 31 lanvier 1648, rapporté par Soefve ; le mouf de l’Ar-ret fut la qualité de la donation, qui est un Contrat innominé ; l’incertitude de l’espérance & le doute de l’événement, & commodum si sit, quod sit pendet omnino ex eventu.



1

Les donations qui ont des motifs legitimes sont tres-favorables & elles ont été approuvées dans tous les temps ; mais d’Argentré , sur la Préface du Titre des Donations, observe que la plupart sont accompagnées de quelque vice qui les dégradent ; la plupart partent souvent d’une haine injuste ou d’un amour deréglé, d’une profusion naturelle ou d’un défaut de jugement, d’une fougue & d’un libertinage d’esprit qui ne permettent pas au Donateur de considérer ce qu’il doit ou peut donner, perdere multi fciunt, dunare ne, ciunt. M.

Laurière , surRagueau , ver8. Pauvreté jurée, nous représente les familles dépouillées, les enfans déshérités par des liberalités indiscretes fous la seconde Rstace de nos Rois ; pour remédier à cet abus, il n’étoit pas permis, au commencement de la troisieme Race, de donner, sans le consentement de son héritier présomptif, vidi ante 357 annos dit duMoulin , sur l’ancienne Coutume d’Artois, Article L vetera insiramenta donationum in quibus fieb it mentio uxoris, fratris, & siliorum donationi consentientium. Bien des Auteurs blimeit l’usage des donations universelles ; d’Argentré s’étonne que les Parisiens, avec autant d’esprit & de délicatesse, ayent pu l’adopter ; notre Coûtume a pris dans cette matière un juste tempérament.


2

Les donations que les femmes font de leurs biens, étant autorisées de leurs maris, sont valables dans la plupart des Coutumes, on n’en doute pas à Paris ; dés que la femme, suivant le droit commun peut s’obliger sous l’autorité de son mari, quand même le mari n’auroit pas de biens capables de pourvoir à son indemnité, on ne doit pas être si difficile a lui permettre de disposer avec la même précaution de son bien à titre gratuit. Les femmes sont rarement libérales, il est donc à présumer qu’elles ne voudront donner que quand elles y seront excitées par de puissans motifs. Cependant, lorsqu’on considère qu’en Normandie le bien des femmes est inaliénable, que si elles en disposent du consentement de leurs maris, elles ont une récompense non-seulement sur les biens des maris, mais subsidiairement sur les acquereurs & que l’interdiction d’une femme est telle, qu’elle ne peut rien faire qui tourne à son défavantage, on est foiblement affecté des raisons qui portent à approuver les donations que les femmes font de leur bien sous l’autorité de leur mariQuand je lis dans Bérault un Arrêt qui confirma une donation faite par la femme du tiers de ses acquêts, je ne sçai s’il n’étoit point alors plutôt question de conquêts ; dans ce cas, comme le mari avoit la liberté de les aliéner, en autorifant sa femme d’en donner une portion, il étoit censé donner lui-même. Basnage rapporte deux Arrêts des 30 Mai 1653 & 27 Juillet 188s, par lesquels des donations de propres faites par des femmes autorisées par leur mari ont été déclarées nulles. Cette Jurisprudence a varié, & par Arrêt du 18 Août 1S66, une donation dans cette espèce a été confirmée, on cite un autre Arrét semblable, rendu en 1700 & une Consultation de MM. Romy & Duval : on avoue que la femme ne peut aliéner sans remplacement ; mais on dit que comme la donation en est exempte, appliquer aux donations la Loi du remplacement, c’est en faire usage hors de son objet. Basnage rapporte même un Arrêt du 1i Juiller 165y, qui déclare valable une donation de propres, faite par la femme separée, conjointement avec son mati, pour une fondation : cet Arrêt n’a pas été suivi ; & par Arrét du premier Août 1730, il a été juge qu’une femme civilement séparée, n’avoit pu, de l’autorité & consentement de son mari, donner de ses propres entre-vifs.


3

L’homologation du Pape, dont Pesnelle fait mention, étoit ignorce dans les beaux siecles de l’Eglise ; chaque Evéque avoit sous l’autorité du Souverain une inspection immédiate sur les revenus de son Diocese. Cet Ordre, dit le célebre Fleuri, que discours sur l’Histoire Ecclesiastique subsista jusque dans ces temps malheureux où l’ignorance couvroit d’un voile épais la surface de l’Europe. Les exemptions de la Jurisdiction des Ordinairce, alors multipliées dans la vue d’étendre le pouvoir de la Cour Romaine, amenerent une Police inconque dans le régime Ecclesiastique. Cne Hiérarchie moderne, clevée sur les débris de la Hiérarchie primitive, courba sa tête sous le joug, reconnut l’autorité absolue des Papes, & les Papes lui accorderent pour retour des priviléges dont ils n’étoient pas en droit de difposer. La France, quoique réservée dans l’hommage qu’elle rend au Chef de l’Eglise, recut dans son sein une partie de ses nouveautes. L’Edit du mois d’Août 174y. a pris, plus que tout autre Loi, en considération, les intérêts du gouvernement ; nous n’avons plus à redouter les effets cruels d’une piété indiscrete ou séduite, & la donation d’héritage faite aux gens de main-morte n’est maintenant valable qu’aprés que le Monarque en a examiné le motif, & confirmé l’acte par des Lettres. Patentes qui doivent être sujvies d’un enregistrement dans le Parlement du Ressort, de sorte que les questions sur les homologations Ecclesiastiques sont devenues peu importantes.


4

Les donations se faisoient d’abord par écrit per Cancellarium, suivant la Loi Ripuaire, ou en présence de témoins sans aucun écrit : elles se firent ensuite per Epistolant, suivant les Formules deMarculphe . On trouve sur cela des détails dansBaluze , tom. 1 & 2. Chez quelques peuples du Nord on se servoit de simples signes symboliques. Diplomat. deMabillon , Chap. 5.

Basnage avoit atresté comme une Jurisprudence certaine que les donations devoient être recues par des Notaires ou Tabellions, & le motif de cette décision étoit l’irrévocabilité des donations qui fait leur caractere essentiel. L’Ordonnance du mois de Fevrier 173t, exige cette fornalité, & qu’il reste minute de l’acte de donation. La peine de nullité que la Loi impose, doit faire évanoair l’opinion deRicard , des Donat. Part. 1, n. 88y, qui pensoit que la donation, sous signature privée, engage le Donateur, quoiqu’elle puisse être artaquée par son héritier ou ses créanciers. PoyerFurgole . C’est une autre opinion erronée que la donation soit valable, si le Notaire remet au Donateur la minute de l’acte de donation, elle est combattue par la lettre & l’esprit de l’Ordonnance. Remarquez que l’Ordonnance vent encore que l’acte de donation soit passé en la forme des autres actes, d’où il suit que si les formalités prescrites par les Loix du Royaume à peine de nullité, pour la validité des actes passés devant Notaire, n’avoient pas été observées dans l’acte de donation, la donation seroit nulle.

Je n’ai garde de dissertet sur la capacité d’être Donateur entre viss ou Donataire, ni si la disposition gratuite entre-vifs est un Statut personnel réel ou mixte. Tai dit un mot de la derniere question sur l’Article CCCLxxxix de la Coutume, & l’une & l’autre question sont traitées par d’Argentré ,Ricard ,Basnage ,Froland ,Boullenois , & l’Auteur du Traité de la Mort civile.

Tai remarqué sur la Préface de ce Chapitre que les Parisiens ont voulu retenir la faculté de préferer les devoirs de la reconnoissance aux intérêts de la parente & du sang. Aussi cette Coutume, Art. CCLxxiI, vous permet de disposer à l’âge de vingt-cinq ans de tous vos biens par donation entre vifs ; les peres ont cependant entendu les cris de la nature justement alarmée sur les fuites d’une profusion sans bornes la querelle d’inofficiosité a été introduite en faveur des enfans, & on a fixé par l’Article CexeVIII leur légitime : cette légitime est la moitié de ce que l’enfant auroit eu, s’il n’y avoit eu ni donation ni tostament, sur le tout déduit les dettes & frais funéraires On ne sçauroit croire combien de proces occasionne la demande & la liquidation de la légitime ; les regles paroissent claires, mais l’application en est penible : on fait une masse de tous les biens demeurés ab intestat, de ceux donnés par Testament & par donation entre : vifs : quand la légitiine est déterminée, elle est prise premierement sur les biens qui restent ab intestit, les biens donnés par Testament viennent ensuste dans la contribution, & enfin au défaut des biens testamentaires, les donations entre-vifs, même les dots, sont sujets à la légitime ; n’ais on considère la date des donations entre-vifs, & elles ne doivent contribuer que subsidiairement c’est-à. dire, l’une au défaut de l’autre. Vover les Articles XXXIV, XXXV XXXVI, XXXVII & XXXVIII de l’Ordonnance de 1731 ; & les Commentateurs sur l’Article CoxeVIII de Paris. Mais quand le Donateur n’a que des collatéraux, plus de légitime, plus de retranchement dans les donations : & un pauvre parent a la douleur de voir, sans ressource, les biens du Donateur passer dans une famille étrangere, son indigence sert souvent de prétexte pour le dépouiller.

Notre Coutume réserve aux héritiers du sing les deux tiers des biens, & cette disposition est si strictement observée, qu’il a été jugé au Parlement de Normandie qu’un batard ne peut pas donner entre vifs au-dela du tiers de ses acquets. Nous n’avons pas de Loi qui défende au pere de donner le tiers de ses immeubles, on a dit que comme on avoit appliqué l’Article COcoxXII aux donations que le mari feroit à sa femme entre : vifs, il falloit faire aussi une décision de cet Article en faveur des enfans ; & en conclure que si le pere ne peut disposer de ses acquêts par Testament, au préjudice de ses enfans, il lui est pareillement interdit, en ce cas, de donner entre-vifs ; c’est l’opinion de Routier. Pour moi, je crois que si l’on n’a point porté de Loi prohibitive contre les peres, c’est qu’on n’a pas présumé qu’ils voulusient depouiller leurs enfans pour entichir des étrangers par des liberalités imprudentes.

Les donations ne s’étendent point par interprétation, on s’attache aux termes ; & dans le doute, sur le plus ou le moins, on présume que le Donateur a entendu doimer le moins, in dubio verba strictam interpretationem habent ut Donatur minimùm don-sse intelligaturDuaren . D. 37, de Collat. Sur ce principe on a jugé au Parlement de Bretagne, par Arrét dû S Juillet 1o8s, qu’une femme ayant doané, par Contrat de mariage à son mari, le tiers de ses héritages, cela ne se pouvoit pas étendre aux rentes constituées, dont la Donatrice étoit créancière. Cout. général. de Bretag. Tit. 12 Art. CXClX.

La donation de l’usufruit de la totalité des immeubles n’est tolérée qu’en Contrat de mariage en faveur du mari ; mais hors ce cas, la donation doit être réduite au tiers : il est vrai que le Donateur auroit pu disposer du tiers de son bien, tant en propriété qu’en ufufruit, s’il ne l’a pas fait, il ne s’enfuit pas qu’il ait pu gréver les deux autres tiers de la propriété d’un usufruit en faveur d’un étranger. Puyer la Nore sur l’Article CCCCV.

Les donations sont, de même que les autres Contrats, susceptibles de différentes clauses, il faut souvent beaucoup de pénétration pour distinguer les donations qui contiennent des charges à acquitter par les Donataires de celles qui renferment des conditions à remplir ; des notes ne sont pas suscepribles du détail qu’exigeroit cette matière. ConsultezBasnage , & sur-tontRicard , Traité des Donat. & des Dispositions condit. Ce dernier Auteur est sentré dans le véritable esprit du droit François.

Je me borne à observer que les donations qui contiennent des charges n’en sont pas moins pures & simples & qu’elles transferent la propriété aux Donataires des l’instant qu’elles sont parfaites, le Donateur ne peut plus la revendiquer, il lui reste seulement une action personnelle contre le Donataire pour l’obliger à l’exécution de ce qu’il a promis : le Donataire peut vendre & aliéner irrévocablement la chose donnée, & le Donateur ne peut inquiêter le tiers acquereur. Ricard pense cependant que le Donateur peut employer dans l’acte de donation, que par le défaut de l’accomplissement de la charge, il rentrera en la propriété & possession de ce qu’il aura donné : mais il dit que l’acquereur est recevable à acquitter la charge, ce qui doit s’entendre lorsque la charge ne conceme pas l’industrie ou le fait personnel du Donataire. Mais les donations conditionnelles dépendent de l’exécution de la condition, si elle n’est point exécutée, le Donateur a le droit d’enlever au Donataire l’objet de sa libéralité dont la condition étoit l’ame & le principe.

Genéraliter in donationibus definiendum est miltiim interesse an causa donandi fuerit, anconditio, si causa, cessure repetitionem, si conditio repétitioni locum fore. l. 3. D. de Donat.

Cujas , sur le Tit. du Code de Donat. explique la difficulté en peu de mots. Modus contrahit, conditio suspendit, modum autem non implente Donatatio vel competit condictio ob-rem dati, vel actio prescriptis verbis, non rei vindicatio quia desiit dominus esse reiNous avons des donations causées, d’où il ne réfulte pas d’action en faveur du Dona-teur, à cause du défaut d’accomplissement. Aussi les Docteurs distinguent des causes de deux especes : ils appellent les unes finales, & les autres impulsives ; : les causes finales affectent la donation, les autres sont présumées écrites, comme ditRicard , par forme d’avis, nudum praceptum ; & toutes causes sont réputées impulsives, à moins qu’elles ne concernent l’intérer du Donateur ou d’un tiers, suivant la doctrine deBarthole .

Les stioulations les plus ordinaires dans les donations sont la clause de retout en cas dedéces in Donataire sans enfans la défense d’aliéner la chose donnée, & la sibstitution.

Paî remarqué sous l’Artiele CoxI. Il la diversité des opinions sur les effets de la clausede retour ; la plus grand nombre. des. Auteurs qui ont écrit sur la Jurisprudence de Paris, ont tenu que par la clause de retour, le Donateur se mettoit à la place des héritiers du Donataire, & qu’il n’avoit pas plus de droit qu’eux ; de sorte que la chose donnée ne retournoit au Donateur que chargée des hypotheques aux quelles il avoit plu eu Donataire de l’affecter ; & Sil en avoit disposé pendant sa vie, le droit de retour cessoit absolument par l’aliénation. On prétend au contraire que la clause du retour imprime ce caractere à la chose donnée, que le Donateur ne peut y imposer aucune charge au préjudice du Donateur, & que le cas de réversion arrivant, elle doit se retrouver dans les mains du Donateur, telle qu’elle étoit au moment de la Donation. La clause de renere, dss un Contrat de vente, quoique moins favorable, ajoute-t. on, ne laisse pas d’avoir un parcil effet, & le Vendeur reprend ce qu’il a vendu, sitût qu’il lui plait d’user de cette faculté. Pourquoi le Donateur, dans le cas du retour, n’auroit-il pas le même avantage ) Nous avons sur cette question diversité d’Arréts. Les anciens Arrêts ont plus de conformité avce la Jurisprudence de Paris ; les modêrnes se rapprochent de la seconde opinion : ne serons, nous point assez heureux pour avoir un Réglement stable qui nous procure l’uniformité dans les Jugemens IN’étendez pas, au surplus, la clause de retour au-dela du terme circonserit par l’acte de donation : si j’ai stipule le retour, en cas de déces du Donstaire sans enfans, le retour s’évanouit quand il a laisse des enfans, quoique morts en minorité La défense d’aliéner est formelle ou implicite ; la défense formelle n’a pas besoin d’explication, un exemple fait connoître la défense implicite. Je donne un fonds à Titius pour en jouir sa vie durant & à ses enfans à naître par héritage : cette disposition annonce deux donations differentes, l’une de l’usufruit au profit de Titius, & l’autre de la propriété en faveur des enfans qui naitront de lui, ainsi Titius ne pourra pas aliéner le fonds que je lui ai donné. Quand la défense d’aliéner paroit concerner le Donateur, elle est le plus souvent supposée être accompagnée d’une clause de retour : s’il est évident que le Donateut n’y est point envisage, elle dégénere en substitution. La défense peut être concue en faveur du Donateur personnellement ou d’une manière indéfinie, dans ce dernier cas, les héritiers du Donateur peuvent opposer la clause prohibitive à l’Acquereur, quand même l’héritage. donné eût été possédé par la famille du Donataire pendant plusieurs générations : Arrét du a3 Ianvier 1623, rapporté parBasnage . On a jugé en plus foits termes par Arrét du premier Août 1758 en Grand Chambre à tour de grand Role. Dans le fait, le sieur de Campion avoit aumoné en 1826, au Prieuré de faint Fremont, la somme de treize cens livres pour retiter un Fief dépendant du Prieuré, précédemment vendu pour acquitter les subventions pour le besoin de l’Etat : il étoit dit, dans le Contrat d’Aumone, que le Fief qui seroit rétiré demeureroit uni à perpétuité au Prieuré de saint Fremont, & qu’il ne pourroit jameis en être separé par aucune espèce d’alienation, vente, fieffe, échange ou autrement pour quelque cause ou quelque occasion que ce fut. Le sieur de la Soudexterie avoit obtenu du Roi, au mois d’Août 1757, des Lettres Patentes, pour permettre au Prieur de saint Premont d’aliéner le Fief, & au sieur de la Soudexterie de l’acquetir. Le sieur d’Aubians s’op-posa à l’enregistrement des Lettres. Patentes, comme représentant le sieur de Campion son quatrieme aieul : par l’Arrêt, le sieur de la Soudexterie fut debouté de sa demande en enregistrement, avec dépens. Vous remarquerez qu’il n’y avoit aucune clause de retour dans l’acte de donation, ni expresse, ni sous-entenduë, & que le sieur de Cempion & le sieut d’Aubigny n’avoient pu avoir dans l’exécution de la défense d’aliéner, qu’un intérét que Ricard appelle un intéret d’affection.

On ne peut en Normandie instituer un héritier, ni substitues à la part que la Couta me donne aux héritiers ; mais le Donateur peut entre-vifs & par Testament ordonner que les choses par lui données passeront aprés la mort du Donataire, à celui ou à ceux qu’il aura nommés par la donation ou Testament, Article LIV & LV du itéglement de to86.

C’est une maxime que les enfans du Donataire qui ne sont point appellés expressément à la substitution, mais qui sont seulement mis dans la condition, sans être chargés de restituer à d’autres, ne sont en aucuns cas regardes comme étant dans la disposition, encore qu’ils soient dans la condition, en qualité de mâles ; que la condition soit redoublée, & que le Donataire soit obligé de porter le nom & armes de l’Auteur de la substitution, &c.

Article XIX de l’Ordonnance du mois d’Août 1747 concernant les substintions. Quand une fois la donation est parfaite & a eu son exécution, le Donateur n’a plus la liberté de substituer ; & dans le cas de déshérence, le Seigneur dont réléve les héritages donnés, a été jugé préférable à celui en faveur duquel une substitution de cette espèce avoit été faite : Arrêt du 14 Mai 1699. L’Article XIII de l’Ordonnance de 1747 est conforme à cet Arrêt, il porte que les biens qui auront été donnés par une donation entre-vifs, sans aucune charge de substitution, ne pourront en être grévés par une donation ou disposition postérieure ; mais l’Article XVI excepte le cas où le Donateur auroit fait une nouvelle libéralité au Donataire, à condition que les biens qui lui avoient été précédemment donnés, demeureroient chargés de substitution. Si le Donataire accepte la nouvelle libéralité faite sous cette condition, il ne lui est plus permis de diviser les deux donations faites à son profit, & de renon-cer à la seconde pour s’en tenir à la premiere, quand même il offriroit de rendre les biens compris dans la seconde disposition avec les fruits percus. Mais la substitution est-elle en Normandie sujette aux restrictions portées par les Ordonnances de Moulins & d’Orléans Nous n’avons pas sur ce point de Jurisprudence certaine : si vous interprétez séparément l’Article LV du Réglement de 16b8, vous n’y appercevez pas même le terme de substitution, il ne présente que l’idée d’une condition imposée au Donataire ; mais l’Article LIV, en defendant de substituer les successions, fait entendre le sens de l’Article qui suit. Les Ordonnances qui donnent des bornes à la substitution sont favorables au commerce ; la Jurisprudence qui étend au-dela l’effet de la substitution, tend à fixer les biens dans lesfamilles.


5

Dans l’espèce d’une donation universelle, faite au préfomptif héritier, par Arrét du ré Avril 160s, le Donataire fut condamné personnellement au paiement des dettes du Donateur antérieures à la donation ; mais il fut dit qu’il ne payeroit que jusqu’à la concurrence des choses données : sed teneretur solvere usque ad concurrentiam donationis tantum : duMoulin , sur l’Article CLxxxII d’Artois. Mais si la donation étoit justifiée frauduleuse, le donataire seroit tenu de toutes, les dettes du Donateur comme un héritier.


6

Je parle sur cet Article des donations faites à Phéritier présomptif en ligne collatérale ; l’Article suivant a plus particulierement pour objet les donations faites par les parens de la ligne ascendante à ceux qui en descendent. Notre Coutume défend d’avantager de ses héritages ou biens immeubles, l’un de ses héritiers plus que l’autre, nous nous éloignons de la surisprudence du Parlement de Paris, l’Article CCCl décide qu’on peut être Donataire entre-vifs & héritier en ligne collatérale ; cette décision fuit des principes généraux de cette Coutume ; on peut être donataire en collatérale de tous les biens du denateur sans être grévé ni de réserve ni de légitime. Il n’y a donc pas d’inconvénient de dispenser le donataire d’une partie des biens du rapport, qui suivant le droit commun n’a point lieu en ligne collatérale. Voyer Orléans, Article CCLXXXVIII ; Montargis, Chap. 15, Article XX.

Il en est autrement en Normandie, si le Donataire devient habile à succéder au Donateur, il est tenu de rapporter son don à ses cohéritiers, soit en essence ou par estimation, en cas d’aliénation.

Deux difficultés s’offrent sur l’explication de cet Article, 16 Si on peut donner de son propre maternel à son héritier au propre paternel ou des acquêts à l’héritier des propres & vice versd. 26. Si la donation faite au fils de l’héritier présomptif & immédiat est valable.

D’Argentré dit, sur la premiere question, qu’il suffit qu’il y ait une qualité d’héritier, dans quelque sorte de biens que ce soit, pour rendre non-valide la donation, & que l’heritier soit présomptif, indépendamment de ce qui peut lui venir de la succession. Nous avons suivi l’opinion contraire : il est permis de donner des propres à l’héritier des acquets & à P’héritier d’une ligne des biens d’une autre ligne. Bérault rapporte des Arrêts qui ont approuvé ces sortes de donations : Arrêts des premier Février 1520, premier Mais 1751, & AMars 161 3 ; Basnage en rapporte plusieurs autres que l’on peut y appliquer. le ne con nois qu’un seul Arrêt différent, qui est du 5 Février 1608 ; de la dérive l’Article XCIII du Réglement, qui porte qu’on peut donner partie des acquêts à celui qui est seulement héritier aux propres, & partie des propres à celui qui est seulement héritier aux acquêts 3 & il a été jugé, par Arrét du 7 Août 1755, à tour de grand Role que l’héritier au propre paternel & aux acquets, pouvoit être encore Donataire entre-vifs du tiers du propre maternel. M. le Comte d’Harcourt avoit donné à M. le Marquis d’Hlarcourt, son l’éritier présomptif au propre paternel & aux acquets, le tiers de ses propres maternels ; les sieuss de Draqueville & de Graffart contesterent la donation : elle fut confirmée par cet Arrêt.

On considere les différens biens dont une succession est composée & la disposition de la Loi qui appelle les héritiers à recueillir les biens d’une certaine nature, à l’exclusion les uns des autres, ce qui forme l’idée de plusieurs successions dans une feule, d’où l’on concelut que l’heritier, dans une sorte de biens, est comme un étranger par rapport aux biens dont il n’hérite point. Je conviens que quiconque s’arrêtera au texte de la Loi n’y trouvera aucun fondement, même apparent de cette distinction.

Les Jurisconsultes sont partagés sur la seconde question, les uns prétendent qu’il faut prendre les dispositions prohibitives dans le sens étroit, les autres disent que la donation faite à l’héritier de l’héritier est censée faite, en considération du plus proche, & que quand on donne par rapport à une personne & principalement à une personne prohibée, c’est à la personne proltibée qu’un est cense avoir donné. En Normandie il est permis de donner au fils de ion héritier en liune collatérale, & le Donateur n’est pas toujours assujetti. au rapport. Si l’oncle duune le tiers de ses propres à son neveu, du vivant du pere du Donataire, & que le pere hérite de l’oncle, le neveu ne sera tenu de rapporter ce tiers, ni dans la succession de son oncle ni dans celle de son pere : il ne le rapportera pas dans la succession de l’oncle, puisqu’il n’en a pas hérité ; il ne le rapportera pas dans la succession de son pere, puisque ce qui lui a été donné par son oncle n’a jamais fait partie de la succession paternelle.

La Coûtume proserit, au surplus, tous les actes ou traités frauduleux pour colorer les avantages faits à un héritier plus qu’à l’autre : cela a fait naître une question au Palais. Une femme âgée de soixante trois ans avoit vendu un héritage de valeur de 3oo livres à un de ses conéritiers collatéraux, par 157 livres de rente viagere, en outre la rétention de la jouissince du fonds : elle survéeut treize aus aprés le marché ; lautre cohéritier prétendit aprés sa mort que cette vente étoit un avantage indirect, & qu’il en étoit de même que si l’acquereur eût donné 150 livres de rente viagere à la venderesse, pour s’assurer à lui seul sa succession ; mais Pacquereur répondoit que la vente étoit réelle, & que le prix de la chose étant incertain, & dépendant de l’événement & de la durée de la vie de la venderesse, on ne pouvoit pas dire qu’il fût au dessous de sa valeur ; par Arrêt du 22 Avril 1750, à la petite Audience de la Grand Chambre, on ordonna l’exécution du Contrat.


7

La décision de cet Article est d’un droit ancien. Voyer dansBaluze , tome 1, les Loix Ripuaires, Chap. 59, Article XIx. Sed dare potest pater, estil écrit dans la Loi Regiam Majestatem, Liv. 2, Chap. 21. Tantum cuilibet filiorum suorum de Lbero soccagio in vitâ sud quantum jure successionis idem filius esset consequuturus de eadem hereditate. Cet usage avoit lieu à Paris dans l’ancienne Coûtume, nous l’apprenons de duMoulin , S. 17, n. 1 & 2 : il dit que les enfans doivent rapporter dans les successions de pere ou de mere ce qu’ils en ont recu, quand même ils renonceroient ; car celui des enfans qui avoit recu, devoit, selon lui, être héritier ou rendre ce qu’il avoit recu, s’il ne vouloit pas l’être : Non licet igitur hoc casu filio se tenere ad dunationent sibi fadant abstinendo à successione, sed nécesse haber vel adire, vel rem donatam restituere. Les subtilites n’étoient pas encore nées ; & il n’étoit pas alors plus permis de s’arrêter à son don, que de renfermer en soi, par rupport à une méme succession, les qualités incompatibles d’héritier & de renoncant.

Les temps sont changés, & l’Article CCCVI de la Coutume de Paris réformée a détruit un si bel ordre, en offrant aux parens un moyen de se placer au-dessus de la Loi, & de gratifier à leur gré, le fils de la prédilection : c’est ce que d’Argentré , Glos. s, Article CéXVIil de l’anc. Cout. de Bret. dit, qu’il ne pouvoit pas suivre. Quod ego de jure consuetudinario non sequar, proptereâ quod nulla ratione facere potest pater, ut inqqualiter succedant liberi vis Contradtus desinit mortuo testatore, incipit esse hareditas. Nous suivons ce principe, & plusieurs Coutumes sont conformes à la nôtre. Voyes Tours 30o ; Lodunois, Chap. 29, Article Xl ; Anjou, Article CCCXXXIV ; Maine, Artiele CCeXIVI.

Le pere peut cependant renoncer à une succession échue, afin que l’ainé la partage & ait néanmoins aprés son déces un préciput dans ses terres nobles : Arrêt du 19 Juillet 168s.

Il peut faire la réunion de plusieurs Fiefs au préjudice de ses puinés nés & à neître :Bardet , tome 3, Liv. 8, Chap. 20. On pratique encore de faire des acquêts sous sa mouvance par linterposition d’un tiers que l’on clame ensuite feodalement. M. Thouars ma répondu sur cette question qu’elle étoit d’une espèce délicate d’autant plus que souvent le vendeur n’est pas participant du Traité. Le pere peut encore céder à son fils la jouissance d’un fonds, oului donner une pension : mais comme les fruits échus, ou les arrérages de la pension, pour-roient former un capital qui absorberoit souvent une bonne partie de sa succession, ils ne sont pas exigibles aprés son déces à l’exception de la dernière année, quand même le fils avantagé renonceroit à sa succession-

Un pere peut vendre un héritage à un de ses enfans, pourvu que la vente soit sincere & sans fraude ; c’est-à-dire, qu’il y ait une proportion juste entre le prix & la valeur du fonds, avec emploi des deniers ; c’est sur ce principe qu’une Fieffe en cette espèce a été confirmée, par Arrét rapporté parBasnage , aprés une estimation de l’héritage.

L’on a déclaré nulles, par des Arrêts du Parlement de Paris, les obligations du pereu profit des enfans, sur des présomptions violentes de fraude. L’oy : :Charondas , sur Paris, Article CCCIII, leBrun , des Succ. Liv. 3, Chap. 3, Sect. 3, n. 13. Dans cette Province, la déclaration par laquelle un pere se reconnoit débiteur de son fils, doit être justifiée. On a jugé, par Arrét du 13 Mars 1752, au rapport de M. de Ranville, qu’une pareille déclaration, passée au profit d’un des enfans, devant Notaire, en présence des autres, & même répétée, ne suffisoit pas pour pouvoir exiger la somme sur la succession paternelle ; mais que celui, au profit de qui la reconnoissance avoit été faite, devoit en vérifier l’objer.

Si le pere transmet à les enfans ses héritages par donation, il ne peut les grever de substitution ; ils peuvent aliéner les biens substitués ; & dans les autres degrés, ceux qui ont inté. rét de vendre pourront opposer la nullité de la substitution, sans qu’on puisse se prévaloir du silence & de l’acquiescement même de leurs Auteurs. Consultation des anciens Avocats de Rouen de l’an 1710, rapportée parAugeard , de l’edition de 1756, tome 2.

Sur les Questions de rapport, consultez Basnage sous cet Article : Louet &Brodeau , Lett.

R, Som. 13 ; Arrêtés de Lamoignon, des Rapports ; & les Commentateurs de Paris, souel’Article CCCIII.

Comme j’ai promis, sous l’Article CCXLVII, de dire un mot des Offices de la Maison duRoi, observez que quoique ces Offices paroissent être dans la seule disposition du Roi ; ce-pendant le fils, pourvu d’un pareil Office des deniers de son pere, qui le possede encore au temps de son déces, & qui l’a pu vendre en doit tenir compte à ses cohéritiers, ainsi jugé par Arrêt du 2r Juillet 1o8â, contre le fils demandeur en tiers coutumier.Basnage .


8

Le motif qui donne lieu au rapport en faveur des enfans, ne peut pas être appliqué au profit des créanciers ; car cessant la Loi du rapport entre les enfans, un pere, par l’effet d’une passion aveugle & defordonnée, pourroit faire des avantages à l’un au préjudice des autres, & détruire le systême d’égalité entr’eux, conforme au voeu de la nature & de la Loi. Mais quand un pere, qui n’a qu’un enfant, lui fait une donation d’une partie de ses biens, ou s’il donne à tous également il n’agit pas en fraude des créanciers : car la donation précede leur créance, ou elle est postérieure. Dans le premier cas, le pere possedant librement ce qu’il donnoit il ne faisoit par la donation aucun tort à personne. Au second cas, les créanciers ne hafardent rien, car ils conservent leur hypotheque sur les héritages & immeubles donnés : c’est ce qu’expliqueChopin , sur Aniou, Liv. 3, Chap. 1.

Tit. 3, n. 4. Aut enim ante donatum fuit quam mutuunt à donatore acceptum, quo casu fraudandi aninis datum non videtur nec posterior creditoris obligatio retroducitur ud priorem liberi fundi largitionem. Quippe que vivus semel donatione transcripserit alicui, ea extrû e ausam bunorum defundi computantur, aut vero donationem precedunt obligatorie tubulies ereditarum pecuniurum ; ex tunc salvum creditori jus redditur lvpothecaria formula in fundum donatarii, cujus propterea fundi collationem vel restitutionem iniqué creditor desi-derarit.


9

D’Argentré , sur la foi d’un Arrét rapporté parTerrien , & désapprouvé parBérault , prétend que le consentement de Phéritier présomptif, qui accede à l’acte d’une donation excessive, la fait valider. DuMoulin , sur le Chap. 12 d’Auvergne, est d’un sentiment bien opposé à celui de M. d’ Argentré : amplia hune paragraphum, dit-il, etiam interveniente consensu haredis legitimi S successuri ab intestato vivo tesiatore quia videtur extortus ut arte 25 annos fuit judicatum in Senat. Paris. Ricard fuit l’opinion de du Moulin qu’on peut appliquer aux donations entre-vifs. Mais si l’héritier du Donateur a consenti apres sa mort l’exé-cution de la donation, il ne pourra l’impugner dans la suite, à moins qu’il n’y ait une incapacité de recevoir dans la personne du Donataire ; car alors la ratification ne pourroit pas être opposée à l’héritier.

On ne pourroit pas attaquer en Normandie une donation, sous prétexte qu’elle auroit été faite en haine ou en fraude de l’héritier. Perchambault, sur l’Article CXCIx de la Coutume de Bretagne, qui annulle les donations sur un pareil motif, dit que cette disposition occasionne une multitu le de Proces. Soefve rapporte un Arrêt du Parlement de Paris du 10 Juillet 1Say, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat Général Talon, qui est bien sage.

Il a été jugé par cet Arrêt, qu’en matière de donation entre-vifs, les faits de suggestion. de la part du Donataire envers le Donateur, & d’animosité de la part du Donateur contre ses héritiers collatéraux, n’étoient point recevables en la Bouche des héritiers pour deniander que la preuve en fût faite, à l’effet de faire casser la donation.

Nous avons un Arrét du Parlement de Roüen, rendu au Rapport de M. de Coltot, le 9 Janvier 1783, qui est dans les mêmes principes. Des héritiers coilatéraux atraquoient une donation e forme, faite à une proche parente de la Donatrice ils prétendoient qu’elle étoit le fruit de la subornation, qu’ils induisoient de l’âge avancé de la Donatrice, de son imhécillité, occasionnée par de fréquentes artaques d’épilepsie qui étoient constantes ; ils em-ployoient enfin un grand nombre de faits graves, dont ils demandoient la preuve par témoins. Par l’Arrêt, sans s’arrêter à la preuve conclue par les héritiers, on erdonna l’exé-cution de la donation. Dans le fait, la Donatrice avoit survéeu à l’acte pendant trois ans : on opposoit aux héritiers qu’ils auroient du constater l’état de la Donatrice avant sa n’ort que le moyen unique de prévenir la disposition dont ils se plaignoient eût été de provoquer son interdiction : que la donation étoit tres-raisonnabie, puisqu’elle étoit faite à une seur exclue de la succession de la donatrice par son frere, qui en étoit un des cohcritiers & qu’on ne pouvoit détruire par une preuve vocale, un acte de donation passé devart Notaire & revétu de toutes les formalirés de l’Ordonnance.

D’Argentré a établi un sentiment singulier sur la manière de considérer les biens du Donateur ; s’il a, dit-il, donné un corps certain, pour sçavoir quelle est sa valeur, & s’il excede le tiers de ses biens, il faut regarder le temps de la donation ; mais si la donation est par quotité ce sera le temps de la mort qui fera la regle, d’autant que la prohibition de donner a été introduite en faveur de l’héritier. Id tempus spectandum est quu nunten, jus S actiones haredum in actum exeunt, cum habitus tantum in prasumpto sit. On perse autrement en Normandie, & la donation du tiers des biens, même par quotité se regle sur le tetal des biens que le Donateur possédoit au temps de l’acte. Nous n’admettons, en ce cas, ni l’accroissement, ni le décroissement dont parle d’Argentré .

C’est une maxime, que dans le cas de plusieurs donations qui, étant réunies, excedent le tiers des biens du Donateur, ses héritiers doivent suivre l’ordre des donations dans leur action révocatoire : s’il en étoit autrement, le Donateur auroit la liberté de révoquer, oudu moins d’altérer les premieres donations, en en faisant de nouvelles, ce qui feroit per-dre à toutes les donations leur caractere d’irrévocabilité.

Les donations de la totalité de l’usufruit, ne sont tolérées que quand elles ont été faites. en Contrat de mariage par la femme, au profit du mari ; & les héritiers de la femme ont la liberté de les réduire au tiers en propriété des biens de la Donatrice. Voyes ma Note. sur l’Article CCCCV de la Coutume : la donation de la totalité de l’usufruit est donc, hors ce cas, réductible au tiers. On convient que le Donateur auroit pu disposer, & de l’usufruit & de la propriété du tiers ; mais il ne peut pas gréver la propriété des deux autres tiers qui appartiennent à ses héritiers d’un usufruit au profit d’un étranger.

Le temps, pour révoquer les donations, qui a couru contre l’héritier majeur, est imputé à son héritier mineur, de sorte qu’aprés l’àge de vingt ans il n’aura que le résidu pour intenter son action.

Les donations contraires au droit public ne se soutiennent point par la prescrition de dix ans, diversa est ratio earum t donationum ) quibus perpetua prohibitionis causa cum publicumscilicet primario S principaliter respicit.,, : : adus in totum cortuit, & impeditur potentia &. ideo nil agitur & titulus non tribuitur : d’Argentré , Art. CCXVIII, Gl. 1.


10

Pesnelle se trompe dans l’interprétation de cet Article. L’avancement, dit hérault, n’est pas une donation : car s’il étoit tel celui qui auroit fait avancement du-tiers de son bien ne pourroit plus rien donner. Terrien s’étoit expliqué encore plus alairement : Voici ses propres termes, n & celui qui a fait un tel don de ses héritages. 7 par forme d’avancement de succession, n’est privé de donner le tiers du reste de ses hé ritages à personne étrange. n.


11

Les donations directes & indirectes, qui ont pour principe un commerce illégitime, nedoivent point être tolérées ainsi que je l’ai observé sous le Titre des Testamens, car le crime ne peut être une voie d’acquérir protégée par les Loix, ainsi non seulement les donations, mais les constitutions de rentes, les ventes d’immeubles entre personnes qui vivoient dans le défordre, ont été déclarées nulles par les Arrêts. Voyez le Journal des Audiences, tom, 3 & 4 Arrêtés de Lamoignon, des Donations, 32.

On ne peut régulièrement artaquer une donation, sous prêtexte que la Donataire, femme mariée, a vécu dans le libertinage avec le Donateur, lorsque le mari de cette Donataire ne se plaint point de sa conduite ; & la preuve n’en est pas admissible, parce qu’elle irtéresse un tiers qui est le mari : Arrêt du 28 Mars 1706.Augeard , tom. 1 : Arrêt 68. CependantSoefve , tom. 2, Cent. 1, Chap. 25, rapporte un Arrêt du 6 Avril 1656, qui admet les héritiers d’une femme à la preuve de sa débauche avec son Donataire, quoique le mari ne se fût pas plaint pendant la vie de sa femme séparée. Par autre Arrêt rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Chauvelin, le 17 Mai 1736, les héritiers du sieur le Fo-restier ont été admis à prouver que Françoise la Gogue avoit vécu en mauvais commerce avec le sieur le Forestier qui l’avoit instituée sa Légataire universelle, quoique Jean Thiboult, son mari, ne se fût jamais plaint. Françoise la Gogue étoit connue au Palais, elle avoit été décrétée de prise de corps, & les héritiers du sieur Forestier offroient de prouver qu’elle étoit logée au premier avec le sieur le Forestier, avec lequel elle mangeoit, tandis que le mari habitoit un Grenier de la même Maison, & mangeoit avec les do-mestiques.

La preuve du concubinage est admissible, principalement quand il y a commencement de preuve par écrit ou notoriété publique ; mais une fiile d’une naissance honnête se retire, quoique jeune, aupres d’un vieillard ; les offices qu’elle lui rend exigent certaines familiarités qui ne sont cependant pas incompatibles avec la pureté des moeurs : ce vieillard lui fait un don, les héritiers ne sont pas en droit de l’attaquer sous prêtexte de libertinage, & à moins forte raison, s’il se trouve entre celui qui donne & la personne qui recoit des rapports de parenté : c’est l’espèce d’un Arrét célèbre du Parlement de Rouen, tendu depuis peu en faveur de la Demoiselle Martainville, contre les héritiers de M. de la Motelicre, Conseiller en la Cour.

Le tres-ancien Droit Romain, ditBrodeau , & l’ancien Droit François, ne mettoient point de différence entre les enfans legitimes & les Bâtards ; les Formules de Mareulfe nous inprennent que le pere pouvoit faire une donation universelle a son fils naturel, on lit dans le Traité de la Souverainete de leBret , Liv. 2, Chap. 12, qu’au Parlement de Paris ces sortes de donations étoient autrefois permises quand le pere n’avoit point d’enfans legitimes ; quoique du Moulin ait dit, sur la Coutume d’Auvergne, Chap. 14, Art. XXXIII, que de son temps cet usage avoit cessé. AnneRobert , Liv. 2, Chap. 14, rapporte un Arrét de ce Parlement du 15 Mai 1584, qui confirma contre des collatéraux une donation universelle faite par le mere an profit de son fils illégirime, nam si quod crimen natalibus heret, dit l’Auteur, id non filio obpici, sed parentum libidini imputari debet ; Ricard observe que cet Arrêt n’est point suivi.

Notre ancienne Coûtume rédigée, selon les confectures deBasnage , sous Philippes le Hardi, contient une disposition toute semblable à celle de la Coutume réformée & le Jurisprudence étend la prohibition au don des rentes constituées : Arrét du Parlement de Roüen du 15 Juillet 1671.

Comme nôtre Jurisprudence ne défend pas de donner à son fils naturel une rente viagere pour lui tenir lieu d’alimens, il est assez difficile de décider sur le nombre des arrérages. que le Donataire peut exiger de Phéritier du Donateur : il sembleroit que quand le Bâtard s’est procuré d’ailleurs sa subsistance, le motif de la donation ayant cesse il suffiroit de lui payer.-l’année d’atrérage échue avant sa demande ; mais la donation est une charge de la succession, & des qu’elle est autorisée, le Bâtard doit être, en ce cas, considéré comme tout autre citoyen. Par Arret rendu en Grand Chambre, au Rapport de M. d’Ectot, le 22 Juin 1754, il fut accordé au Batard cinq années d’arrérages auparavant sa demande ; cenendant cette rente viagere diffère des rentes constituées à prix d’argent.

On a jugé, par Arrêt du 17 Mai 1754, en Grand Chambre qu’une fille naturelle qui avoit recu le renboursement d’une rente viagere des mains de l’héritier de son pere ne nouvoit plus former contre lui aucune demande : cet Arrét peut avoir des conséquences facheuses pour les moeurs. le crois aussi qu’il en seroit autrement si le pere du Bâtard, condamné de lui payer une pension, prétendoit s’en exempter sous prétexte qu’il se seroit affrinchi du capital entre les mains du Bâatard qui l’auroit follement dissipé.

Le legs universel d’un frère Bâtard, fait à son frère Bâtard, a été déclaré valable, par Arrét du Parlement de Paris du 6 Août 1677, rapporté par l’Auteur du Journal du Palais : on opposoit au Légataire que c’est faire fraude à la Loi prohibitive de la succession que d’autoriser de pareils legs. Si le droit de succéder est un effet civil, fondé sur la Loi, & que la Loi ne défere qu’a ceux qui sont nés en légitime mariage, l’honnéteté publique exige que la disposition de la Loi s’étende aux legs testamentaires ; mais on répondoit qu’il suffit d’être libre pour donner ou recevoir, soit entre vifs ou par Testament ; & que pour être libre, il suffit d’être Citoyen, d’être François, d’être né Sujet du Roi, sans considération de la naissance : parmi nous le legs universel des acquets auroit été réduit au tiers, comme je l’ai observé.


12

Cet Article est tiré de l’Article CXxxi de l’Ordonnance de François les de l’an 1539, & de la Décclaration de Henri Il, de l’an 1549, qui en ajoutant aux défenses générales, portées par la précédente Ordonnance déclare nulles les donations qui seront faites frrud ileusemest durant le temps de l’administration à des personnes interposées, directement ou indirectement. Bérault dit que l’on comprend, sous le nom de dispositions gratuites, la quittance qui seroit expédiée par le pupille à son tuteur.

Auparavat le compte rendu, le mineur ne peut donner à l’héritier de son tuteur.

La pohibition de la Loi ne s’étend pas aux ascendans, la Coutume de Paris, Artiele CCLXaVI les en excepte formellement, & les Auteurs rapportent différens Arrêts qui prouvent la certitude de cette Jurisprudence. Voyer le Journal du Palais, Henrys & Bretonnier, Tom. 1, Liv. 5, quest. 38.

L’esprit de la Coutume est de déclarer incapables d’être donataires les personnes qui peuvent abuser de leur pouvoir pour extorquer des donations ; l’autorité du Maître sur sont Apprentif, la soumission aveugle du Novice aux volontés de son Supérieur l’ascendant du Confesseur sur son Pénitent, peuvent provoquer des dispositions que la Loi annulle, parce qu’elle y présume un défaut de liberté.

M.Auzanet , sous l’Article CCLxxVI de Paris, dit qu’il a été jugé que les Avocats & Procureurs ne peuvent recevoir de donations entre vifs de leurs cliens, tandis qu’ils travaillent on occupent pour eux : le motif est tiré de la crainte qu’ils peuvent avoir que les Avo-cats n’abandonnent leurs intéréts ou que les Procureurs ne mettent leurs Titres en peril Plusieurs Arrêts ont confirmé des donations faites aux Avocats :Erard , de Plaidoyer. On a aussi confirmé des donations faites aux Procureurs, soit à cause de la parenté ou de leur probité, & de leur désivtéressement reconnus. VuyerSoefve , Cent. 1, Chap. 8, & le Journal du Palais.

Mais on rejette les legs faits aux Médecins & Appothicaires na-int la dernière maladie du Testateur, si des circonstances n’écartent le soupeon de la suggestion.

Ricard , dans son Traité des Donat. Part. 1, Chap. 3. Sect.,, développe tres-clairement tes differentes sortes d’incapacités relatives, & il faut le consulter.


13

D’Argentré dit que quand il y a des biens de différentes lignes & qui doivent passer à divers héritiers, le Donateur ne peut pas disposer de tous les biens d’une ligne, quoique les objets qu’il donne n’excedent pas le tiers de tout le patrimoire, & il discute la question en Jurisconsulte éclairé. On peut opposer que tous les biens du Donateur ne composent qu’un seul patrimoine dont il suffit de n’avoir pas donné au-dela du tiers ; qu’il ne faut point diviser ce qui est un, & que cependant il le faudroit faire, si la donation étoit reductible, & que c’est aux héritiers de la ligne grévée à former leur demande en récompense. D’Argentré répond que tous les biens faisoient un seul patrimoine dans la main du Donateur, quant a l’usage, aux dispositions onéreuses & aux droits des Créanciers ; mais il foutient que quant aux dispositions lucratives on ne pouvoit ôter que le tiers de chadre hérédité : que la pronioition de donner au-dela du tiers étant en contemplation des heritiers, & pour conserver les biens dans la famille, cela doit avoir lieu par rapport à chaque ligue ; & que dans le cas proposé, il faut considerer autant d’héréditée diverses d’origine, de sang & de familles qu’il y a de lignes ; il lui paroit plus de regle de moderer l’exces, que d’établir en faveur de la donation un recours qui ne rétablira pas le véritable patrimoine de la ligne grévée. DuMoulin , S. 93, n. 3 & 4, est de l’avis de d’Argentré , aliquis carens liberis, S Rabens bona paterna, & materna, legat domum maternant que excedit quintum maternorum, sed nun excedit quintum omnium bonorum, res-pondi nihil petere posse Legatarium preter quintum maternorum.Renusson , des Propres, Chap. 3, Sect. 3, s’exprime à peu pres comme le Commentateur Breton, des qu’en matière de succession distingue l’une & l’autre ligne, dit, Renusson doit suivre la mé-me regle dans la disposition ; & comme dans l’une & l’autre ligne chaque patrimoine est separé, quand la Coûtume limite la disposition du propre, cette limitation doit s’appliquer diviément à chaque ligne. L’Anteur cite en preuve la Coutume du Maine, Art. CCCxxxix & celle d’Anjou, Article CCCXXIV.

Notre Jurisprudence a varié : tous ceux qui ont lu nos Commentateurs sont instruits de l’Arrêt de Cesne, ranporté parBérault . Charles Richer avoit donné au sieur de Cesne tous les biens qu’il avoit cus de sa mere ; cette donation n’excedoit pas le tiers des autres biens qu’il possedoit : par l’Arrêt la donation fet confirmée ; mais les héritiers maternels obtinrent un recours contre les héritiers au propre paternel & les héritiers aux acquêts ; cette ré-compense à paru embarrassante dans la suite, on a cru pouvoir la refuser aux hétitiers de la ligne grévée, & la question a été jugée contr’eux, par Arrêts des ayJuillet ro8s & ay Ianvier 1O85, rapportés par Basnage : on aura refusé la récompense sur les propres, parce qu’une ligne n’a pas d’action contre une autre ligne : on l’aura refusée sur les acquets, parce qu’en matière de donation il n’y a point de remplacement.

Si le Donateur a fait don d’un corps certain, d’un héritage ou d’une maison, le Donataire n’est pas obligé d’en faire des lors, si elle excede de quelque chose le tiers ; la donation doit être exécutée, & il suffit au Donataire de rapporter l’estimation de ce qui excede. On a ainsi jugé par plusieurs Arrêts : mais aussi il y a des cas où l’héritier du Donateur n’est pas tenu de souffrir des lots, comme si le Donateur avoit disposé au profit du Donataire du tiers d’un Fief : le bien de cette nature étant indivisible, il faut que le Donataire s’arrête au Domaine non fieffé que l’héritier du Donateur lui cédera, jusqu’à la concurrence de la donation, ou à une rente sur le Fief.


14

Le donataire supporte non-seulement les arrérages des rentes foncieres échues de son temps, mais ceux même tombés avant l’acte de donation, sauf son recours de droit à l’égard des arrérages antérieurs : Godefroy dit que le Donateur, par une stipulation expresse, ne peut pas même décharger le donataire des charges foncieres, à cause, sans doute, des contestations que cette exemption pourroit occasionner, & qu’il ne peut préjudicier le Créancier.


15

Pour expliquer cet Article, supposez une donation des biens présens, & distinguez la donation d’un corps certain de la donation par quotité : liquidez d’abord dans la premiere espèce les dettes du Donateur, déduisez les dettes mobiliaires sur les menbles autant qu’ils en pourront supporter, estimez ensuite les fonds dont jouissoit le Donateur au temps de l’acte de donation, ycompris celui dont il s’est ainsi dessaisi, si le tiers des dettes du Donateur, joint à la valeur de l’héritage donné, n’excede point la tierce partie de tous ses immeubles, le donataire sera déchargé des dettes personnelles & hypothécaires ; mais si aprés votre opération il se trouve un exeédent dans le tiers, le donataire sera tenu de l’acquitter, & ce sera par rapport à lui le tiers des dettes dont il est susceprible. Dans la donation par quotité, comme du quart des biens du Donateur, le donataire doit contribuer d’un quart à ses dettes ; car sans cela il auroit plus que le quart contre l’intention de celui qui donne.


16

La tradition réelle dans l’ancien droit François, comme dans l’ancien droit Romain, devoit nécessairement suivre la donation ; elle se faisoit per ostiun de iesû cas vel per herbam G cespitem,, : : vel per feffucam atque Adelangum. Voyer les Formules de Marculfe & de Lindenb. dansBaluze , tome 2, & le Glossaire de duCange , cela étoit accompagné de certaines paroles que l’on a long-temps conservées : Du Moulin en parle dans son Commentaire sur Paris, 8. 22, Gl. 1, n. 30, comme de la chose la plus solemnelle.

D’Ordonnance de 1731 a terminé les plus grandes difficultés sur l’interprétation de ces Articles. Auparavant cette Ordonnance, les donations des biens présens & à venir étoient valables dans presque tous les Tribunaux du Royaume. M. Talon a dit que la maxime donner & retenir ne vaut, n’a pas lieu dans les donations universelles de tous biens présens & à venir ; qu’il falloit faire différence entre les donations d’une chose particulière & les donations universelles ; que par rapport aux premières, la maxime donner & retenir étoit indubitable, lorsque le Donateur ne se dessaisissoit pas de la chose donnée, ou qu’il se réservoit la faculté d’en pouvoir disposer ; mais qu’à l’égard des autres il n’en étoit pas ainsi, & qu’un homme pouvoit donner tous ses biens, présens & à venir, & en vendre, engager & hypothéquer telle partie que bon lui semble, aprés la donation ainsi faite. On ne peut pas mieux faire l’apologie des donations des biens présens & à venir, & Basnage a été du même sentiment. L’Article XV de l’Ordonnance dispofe qu’aucune donation ne pourra comprendre d’autres biens que ceux qui appartiendront au Donateur, au temps de la Donation. Comment, en effet, concilier cette espèce de donation avec la nature du Contrat 1 Celui qui donne des biens à venir conservant la liberté d’aliéner, suivant M. Talon, peut rendre illusoire la donation des biens même présens. Ricard avoit pensé que la donation des biens presens & à venir étoit valable pour les biens présens : M. le Chancelier a répondu au Parlement de Toulouse sur cette question, que la séparation de biens que ce Parlement vouloit autoriser étoit contraire aux vrais principes, qui ne veulent pas qu’on puisse diviser un acte originairement un dans l’esprit des contractans : Boutaric. La prévoyance du Législateur s’étend sur les dons de meubles, dont le Donateur ne se dessaisit pas actuellement, il doit en être fait un état qui demeurera annexé à la minute, & par le défaut d’un état, le Donataire ne peut prétendre aucuns des meubles & effets mobiliers compris dans la donation, contre le Donateur ou ses héritiers.

Ricard , Part. 1, n. 1027, dit que la question de sçavoir, si la clause de paver les dettes qui se trouveroient dues au temps du déces du Donateur rend la donation nulle, a été fort agitée par les Auteurs & differemment jugée par les Arrêts. L’objet de la nouvelle Ordonnance étant de bannir des donations toutes les conditions qui dépendroient de la vo-lonté du Donateur & rendroient leur effet incertain, porte, Article XVI, que les donations même des Biens présens seront déclarées nulles, lorsqu’elles seront faites à condition. de payer les dettes & charges de la succession du Donateur, ou toutes autres dettes & charges que celles qui existoient lors de la donation.

Bérault avoit pensé que si le Donateur s’étoit réservé la liberté de disposer d’une partie de la chose donnée, la donation étoit nulle à l’égard de cette partie, parce que la transsation de la propriété étoit incompatible avec cette réserve.Ricard , Part. 1, n. so1x & suivant, croyoit que la chose réservée passoit au Donataire, si le Donateur avoit slipulédans l’acte de donation qu’elle appartiendroit à ce Donataire s’il n’en avoit pas disposé-L’Ordonnance rejette cette distinction, elle applique la prohibition de donner & retenir à tous les cas où le Donateur ne cesse point d’être le maître de ce qu’il paroit donner.

L’Ordonnance, pour se conformer au droit commun, déroge en faveur du Contrat de mariage aux dispositions dont je viens de rendre compte : la donation des biens présens & à venir est permise par Contrat de mariage, pourvu qu’elle regarde les conjoints ou leurs enfans à naître : les donations mobiliaires y sont valides, sans qu’il en soit fait un état : le Donataire a la liberté qu’on avoit accordée par les derniers Arrêts du Parlement de Paris, à tout Donataire de diviser la donation ; s’il prend les biens comme du jour du déces du Donateur, en faisant inventaire, il ne sera tenu de ses dettes que jusqu’à la concurrence de leur va-leur, & il pourra même abandonner la donation ; s’il s’en tient aux biens qui existoient lors dela donation, il ne paiera les dettes que du jour qu’elle a été faite ; & pour distinguer les-dettes passives & les effets mobiliers du Donateur, alors en nature, il seroit bon que le Donataire en fit, au temps de l’acte, une description. La Loi veut encore que l’effer dont le Donateur s’étoit réservé la disposition, appartienne au Donataire par Contrat de mariage, à l’exclusion de l’héritier du Donateur qui n’en a point disposé pendant sa vie. Des Arrêts des Parlemens ont confirmé quelques unes de ces exceptions. On a jugé au Parlement de Paris, par Arrêt du 16 Mars 1745, au rapport de M. Chauvelin, qu’une do-nation de biens meubles & immeubles par Contrat de mariage, est valable pour les meibles quoiqu’il n’y en ait point eu d’état annexé au Contrat, & que c’est au Donataire à faire preuve de la quantité des meublos qui existoient lors de la donation, lorsqu’il Sy arrête : on a jugé par Arrét du Parlement de Normandie du 28 Juin 1752, qu’une donation faite par un parent, par Contrat de mariage sous seing privé, en faveur d’un des conjoints, d’une somme fixe si mieux le Donataire n’aimoit prendre tous les meubles qui se trouveroient aprés le déces du Donateur, étoit valable, quoiqu’il n’y eût point eu d’état fait ; mais confirmer une donation de meubles, hors Contrat de mariage, sans un état annexé, c’est s’écarter de la Lettre de l’Ordonnance

La donation, des rentes & autres droits semblables, recoit sa perfection contre toute personne par la signification de l’acte aux débiteurs :Ricard , des Donations, Chap. 4. Mais Cochin prétend que la donation est accomplie par la tradition des Titres constitutifs des rentes ; & que si le Donateur peut disposer au préjudice du donataire, c’est une puissance de fait qui l’oblige à un desintéressement à l’égard du donataire, s’il en use, & que l’on ne considere point en droit ; mais comme il avoue qu’il y a diversité d’Arrêts sur cette question, je crois que l’on peut suivre l’opinion deRicard , adoptée par d’habiles gens qui ont écrit depuis lui. loyerCochin , Consultation 57 tome 3. On cite deux Arrêts du Parlement de Paris, conformes à l’opinion deRicard , des 11 Février 1732, au Rapport de M. l’Abbé Loranchet, & 25 dû même mois 1755 ; mais on cite un autre Arrét du même Parlement, rendu en Grand’Chambre sur les Conclusions de M. l’Avocat. Général Séguier, le 25 Mai 1762, dans lequel on a suivi le sentiment deCochin .


17

Auparavant l’Ordonnance de 1731, on pouvoit donner de ses biens en trois manieres : par donation entre-vifs, par donation à cause de mort, & par testament ; quoique la donation à cause de mort fût concuë à peu prés dans les formes de la donation entre-vifs, la donation à cause de mort étoit restreinte aux effets du Testament Il y a toujours eu de la difficulté à distinguer la donation à cause de mort de la donation entre-vifs ; l’Ordonnance s’est propose de réfoudre les questions les plus importantes : en établissant que P’irrévocabilité omnimodale est le caractere des donations entre-vifs, elle a fait entendre que toutes les fois que ce caractere ne se remarque point dans une donation, cette donation est à cause de mort ; ainsi la donation faite par un Novice ou celui qui se dispose à entrer dans un Monastere, est une donation à cause de mort, parce qu’elle est faite en contemplatien de la mort civile qui sera la suite de la profession Religieuse ; c’est la décision de duMoulin , sur l’Authentid. Ingressi cod. Liv. 2, Tit. 2, potest libere alienare bona sua in tessamento, non quatenus inter vivos. Arrêt du Parlement de Paris du a2 lanvier 1Sûy, qui déclarc, à cause de mort, une donation faite par deux soeurs six mois avant que d’entrer en Religion : Iournal du Palais. Ainsi la donation d’une somme à prendre sur la succession du Donateur, est une donation à cause de mort : Arrêts du même Parlement des 21 Mai 1737, & E Juillet 1730 ; cette donation ne contient en effet aucune tradition, & elle dépend de la volonté du donateur ; mais la donation est entre-vifs, si le Donateur y affecte ses biens présens, & se retient la jouissance pendant sa vie de la somme qu’il donne. Rousseau, de la Combe, Conférence de M. d’Amour Boutaric &Furgole .

Les Coutumes se sont moins atrachées à la forme extérieure de l’acte de donation qu’au temps où il a été passé pour juger du mérite de l’acte ; la plupart portent que toutes donations, encore qu’elles soient concuës entre-v. fs, faites par personnes gisantes au lit malades, de la maladie dont ils décedent, sont réputées à cause de mort & testamentaires, & non entre vifs. Notre Coutume ajoute, si elles ne sont faites & passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du Donateur, & insinuées dans lesdits quarante jours.

On ne sçauroit croire combien l’explication de cette disposition, qui est tres-sage, a Ricard causé d’embarras dans la France coutumiere, on en est surpris en lisant les Auteurs, particulierement lePrêtre ,Soefve , sticard,Henrys , les Journaux des Audiences & du Palais, & les Commentateurs sur l’Article CCLXXVII de Paris.

Mais la question la plus problématique a été de sçavoir si les donations faites en maladie, & qui sont réputées par les Coutumes à cause de mort, devoient, pour être valables en cette derniere qualité, être revétues des formalités des Testamens. On a dit qu’elles ne pouvoient valoir ni comme donations entre-vifs, ni comme donations testamentaires ; elles ne valoient pas comme donation entre-vifs, puisque les Coutumes s’y opposoient ; elles ne valoient pas comme donations testamentaires, n’étant point dans les formes des testamens. En effet, un homme malade à l’extrémité n’a point assez de tranquillité d’es-prit pour faire des réflexions sur un acte d’aussi grande importance comme est une donation : quoiqu’il déclare donner entre-vifs & irrévocablement, si on pénetre dans son intention, on verra que la mort est le seul motif de sa libéralité. Les Coûtumes ont voulu empéchet les suggestions, en prescrivant dans les Testamens des formalités propres à exciter la réflexion du Testateur, les donations n’exigent que le consentement du Donateur ; il seroit d’autant plus facile de l’extorquer d’un malade, que c’est un moyen de se delivrer des importunités des donataires, ainsi les formalités des Testamens deviendroient inutiles.

Brodeau , surLouet , D. n. 10, &Bouguier , D. n. 12, rapporte des Arrêts du Parlement de Paris qui ont décidé qu’une donation qui ne peut valoir comme donation entre-vifs, est valable comme donation testamentaire, quoiqu’on n’y ait pas observé les formes du Testament. MaisSoefve , Tom. 2, Cent. 4. Chap. 5, rapporte un Arrêt du 18 Janvier 1688, & l’Autour du Journal du Palais en rapporte un autre du S lanvier 1oya, qui annullent de semblables donations.

L’Ordonnance de 1731, Art. III, abroge les donations à cause de mort qui n’auront pas été faites dans la forme des Testamens ou Codicilles, à l’exception de celles qui se seront par Contrat de mariage ; & elle dispose par l’Art. IV que toutes donations entrevifs qui ne seroit valable en cette qualité ne pourra valoir comme donation à cause de mort ou testamentaire, de quelque formalité qu’elle soit revétue.


18

L’acceptation se pouvoit faire en droit, non-seulement en termes spécifiques, mais par des actes équivalens, suivant les Textes cités parRicard . On auroit pu douter en Normandie. avant l’Ordonnance de 173t sur la manière d’accepter, sur-tout à l’égard des donations onéreuses fouscrites par le donataire. Poyey un Arrêt du y Août 1684, rapporté parBasnage , dont on induit que l’acceptation explicite n’étoit point nécessaire. M. de Lamoisnon, Article NXIV des Donations, se contente aussi de la signature du Donataire. L’Article VI de l’Ordonnance veut que l’acceptation de la donation soit expresse, il défend aux Juges d’avoir égard aux circonstances dont on prétendroit induire une acceptation tacite ou présumée, & ce quand même le Donataire auroit été présent à l’acte de donation, & qu’il l’auroit signé, ou quand il seroit entré en possession de la chose donnée. Les donations entre-vifs, même celles qui seroient faites en faveur de l’Eglise, ne peuvent engager le Donateur niproduire aucun effet que du jour qu’elles auront été acceptées par le Donataire ; ainsi le Do-nateur peut les révoquer sans sa participation, Article V de l’Ordonnance.

La donation peut non-seulement être acceptée par le Donataire, mais par son Proeureurgénéral & special, dont la Procuration doit rester annexée à la minute de la donation abid, une Procuration en blanc ne suffit pas pour la validité de l’acceptation : Arrêt du 5 Mai 1733.

Quand la donation a été acceptée par une personne qui auroit déclaré se porter fort pour le Donataire absent la donation n’a effet que du jour de la ratification faite par le Donataire, par acte passé devant Notaire, dont il doit rester minute : on pense que cette rati-fication ne peut être faite par les héritiers du Donataire quoique du vivant du Donateur : du Rousseaud de la Combe, Gueret sur lePrêtre , Cent. 1, Chap. 43. Mais il n’est pas nécessaire que la ratification soit passée devant le Notaire qui a recu la donation, ni que la donation soit transcrite dans l’acte de ratification, il suffit de la rappeller en substance. Ibid.

L’acceptation d’une donation faite au mineur ou interdit, est valablement faite pour lui, soit par son tuteur ou curateur, soit par ses pere & mere ou autres ascendans, méme du vivant du pere & de la mere, & il n’est pas besoin d’aucun avis de parens. On avoit juge par Arrêt du 19 Juillet ISoû, rapporté dans le Journal des Audiences, que le curateur de l’émancipé, pour toutes ses affaires, avoit pu accepter une donation faite à l’éman-cipé ; mais la mère du vivant de son mari ne pourroit pas accepter pour ses enfans. Article VII de l’Ordonnance.

Les Administrateurs des Hôpitaux, Hôtels-Dieu ou autres établissemens de charité approuvés, les Curés & Marguilliers peuvent accepter les donations entre-vifs, faites pour le Service divin, pour Fondations particulietes, ou pour la subsistance & le soulagement de leur des pauvres Paroisse : Article VIII de l’Ordonnance, du Rousseaud de la Combe dit sur cet a rticle, que hors les trois cas énoncés dans l’Ordonnance, il faut un décret du Juge d’Eglise, homologué dans les Bailliages ou Senéchaussées. Voyer l’Edit de 1749, Louet D.

Som. 3 ;Ricard , Part. 1, n. 851.

Les femmes non communes en biens ou civilement separées, ne peuvent aecepter aucunes donations entre-vifs, sans être autorisées de leur mari ou par justice à leur refus, Article Ix : cet Article est une conséquence de l’Article CexxIII de la Coutume de Paris ; mais comme la femme civilement séparée ne peut en Normandie aliéner ses immeubles de l’autorité de son mari, je crois que tous ceux qui conviennent que le Donataire contracte des engagemens par la donation auxquels il affecte ses biens, croiront qu’il est beaucoup plus sur, pour la validité de l’acceptation, que la femme civilement séparée se fasse autoriser par Justice.

L’Ordonnance ne comprend point dans ses dispositions sur la nécessité & la forme de l’acceptation dans les donations entre-vifs, celles qui seroient faites par Contrat de mariage aux conjoints ou aux enfans à naître, soit par les conjoints même, ou par les ascen-dans ou pirens collatéraux, même par les étrangers : ces donations ne peuvent être attaquées ni déclarées nulles, sous prêtexte du défaut d’acceptation, Article X ; mais l’inten-tion de la Loi n’est pas d’en exempter les donations qui seroient faites par le Contrat de mariage à d’autres personnes.

La donation faite en faveur du Donataire & des enfans qui en naîtront, ou chargée de substitution au profit desdits enfans ou autres personnes nées ou à naître, vaut en faveur des enfans ou autres personnes par la seule acceptation du Donataire, quoiqu’elle ne soit pas faite par Contrat de mariage, & que les Donateurs soient des collatéraux ou des étrangers, Article Ml ; mais si la donation est faite au Donataire & à son fils majeur, l’accepta-tion personnelle du fils est nécessaire : Arrêt du 16 Mai 1680, Lournal du Palais ; & auparavant son acceptation la donation peut être révoquée pour moitié :Ricard , Part. 3, n. 476 & 480.

Quand une donation faite à des enfans nés & à naître a été acceptée par ceux qui étoient déja nés au temps de la donation, ou par leur tuteur, curateur, pere & mere, ou autres ascendans, elle vaut, même à l’égard des enfans qui naitront dans la suite, nonobstant le défaut d’acceptation faite de leur part ou pour eux encore qu’elle ne soit pas faite par Contrat de mariage & que les Donateurs soient des collatéraux ou des étrangets, Art. XII. Au reste, je crois que dans le cas de cet Article & de l’Article précédent de POrdonnance, le Donateur, de concert avec le premier Donataire ne peut révoquer la donation à l’égard des autres. Ricard est d’un sentiment contraire, & M.Furgole , n. 36, a suivi Ricard ; il n’a pas fait attention que la Loi donue un pouvoir suffisant au premier Donataire d’accepter pour tous ceux qui doivent profiter de la donation ; ainsi on ne peut pas opposer le défaut d’acceptation aux Donataires subordonnés. Conférence de M. d’Amour.

Les Mineurs, les Interdits l’Eglise & les Hopitaux, les Communautés, & autres qui jouissent des priviléges des Mineurs, ne peuvent être restitués contre le défaut de l’acceptation des donations entre-vifs, sans préjudice du recours tel que de droit des Mineurs & Interdits, contre leurs Tuteurs ou Curateurs ; & des Eglises Hopitaux & Communautés, ou autres jouissans des priviléges des Mineurs, contre les Administrateurs ; mais la donation ne peut être confirmée sous prêtexte de l’insolvabilité de ceux contre lesquels le recours pourra être exécuté, Art. XIV. Il n’y a donc aucun privilege qui puisse faire valider les donations entre-vifs hors Contrat de mariage sans acceptation, quand même elles seroient faites avec rétention d’usufruit.Ricard , Part. 1, n. 843. rapporte un Arrét célèbre du y Septembre 16oy, qui avoit fixé les doutes ; M. le Premier President du Harlai avertit, aprés l’Arrêt, les Avocats, que l’acceptation est tellement de l’essence de la donation, que les Mineurs même n’en peuvent être relevés.

Comme l’acceptation est de l’essence de la donation, le défaut d’acceptation opere à l’égard de la donation une nullité qui ne peut se couvrir que par la possession de quarante Sans : Arrêt du 27 Février 1782.

Constantin a introduit la nécessité de l’insinuation pour la Sûreté des créanciers du Donateur.

Dans le pays coutumier, tandis que la prise de possession ou saisine solemnelle a été pratiquée, & que l’on n’a point mis en usage la tradition fictive & civile deJustinien , l’insinuation étoit inutile : elle est prescrite par l’Article CXXXII de l’Ordonnance de 1539, annotée par duMoulin. Cette Ordonnance a été suivie de celle de Moulins de l’an 1568, qui comprend toute espèce de donation, & même celle faite en faveur de mariage ; aussi, suivant le texte de notre Coutume, la donation faite par un pere à son fils étoit sujette à insinuation ; mais l’Edit du mois de Décembre 1703, & la Déclaration du 2o Mars 17o8, ont exempté de cette formalité les donations faites par les ascendans à leur descendans par leur Contrat de mariage, & cette exemption est confirmée par l’Art. XIX de l’Ordonnance ; nais toutes donations, en ligne directe hors Contrat de mariage, doivent être insinuées.

La publicité du Contrat de mariage, la faveur qui lui est due & la raison d’équité, ont porté le législateur à déroger aux Loix générales.

Toutes autres donations, même les donations rénumératoires ou mutuelles, quand même elles seroient entièrement égales, ou celles qui seroient faites à la charge des services ou fondations, doivent être insinuées suivant la disposition des Ordonnances, à peine de nullité, Art. Xx ; ainsi le titre Clétical doit être insinué. VoyesLoüet , D. Som. 583Ricard , Part. 1, n. 1250 ; les services rendus, les charges imposées au Donataire, même pour cause pie, tout cela contre les anciens Arrêts ne fait point valoir une donation sans insinuation. Vuye ;Bérault ,Basnage , lePrêtre , Cent. 1, Chap. A43Ricard , Part. 1, n. 1097.

L’Ordonnance n’assujettit cependant pas à la peine de nullité les donations faites en Contrat de mariage par la femme, à son mari, elles sont seulement sujettes aux peines pécu-niaires portées par l’Edit de 17o3, & renouvellées par la Déclaration de 1vo8 conformément à la Déclaration du 25 suin 1729. La Loi se conforme à l’Article LXXIV du Réglement de 16bo, qui dispose que cette donation n’est pas sujette à insinuation, Art. XXI de l’Ordonnance. Il en est de même des donations mobiliaires quand il y a tradition réelle, ou qu’elles n’excedent pas la somme de mille livres, le défaut d’insinuation n’entraine pareillement que des peines pécuniaires, Art. XXII.

Dans tous les cas où l’insinuation est nécessaire à peine de nullité, les donations d’immeubles récls, ou de ceux qui sans être réels ont une assiette selon les Loix, Coutumes ou Usages des lieux & ne suivent pas la personne du Donateur, doivent être insinuées, sous la peine de nullité, aux Greffes des Bailliages ou Senéchaussées royales ou autre Siége royal ressortissant nuement aux Cours de Parlement, tant du domicile du Donateur, que des lieux où les biens donnés sont situés ou ont leur assiette ; & à l’égard des choses mobiliaires ou même immobiliaires qui n’ont point d’assiette & suivent la personne, l’insinuation doit en être faite seulement au Greffe des Bailliages ou Senéchaussées royales res-sortissantes immédiatement au Parlement du domicile du Donateur ; & en cas que le domicile du Donateur, ou que les biens donnés soient situés dans une Justice seigneuriale, ou dans une Jurisdiction royale inférieure, l’insinuation doit être faite au Greffe du Siége qui a la connoissance des cas royaux dans le lieu du domicile du Donateur, ou de la situation des biens donnés à peine de nullité, Art. XXIII. Le défaut d’insinuation, au domi-cile du Donateur rend toutes les donations nulles ; mais quand l’insinuation a été faite à domicile, la donation n’est nulle que par rapport aux biens en l’assiette desquels l’insinuation n’a pas été faite au Greffe designé par l’Ordonnance.Renusson , des Propres, Chap. 3, Sect. 4, n. 55, estime que les Offices domaniaux ont leur assietre dans le lieu de leur exercice. VoyerAuzanet , sur l’Art. XCV de Paris. Il y a plus de difficulté pour les Offices de judicature : du Rousseaud de la Combe conseille d’en faire insinuer la donation, tant au lieu de l’exercice qu’à celui du domicile de l’Officier. Comme nos rentes constituées se partagent suivant la nature des hiens du débiteur, tant que cette singuliere Juris-prudence subsistera, on demandera s’il faut insinuer la donation des rentes constituées dans tous les Greffes des Bailliages royaux où l’obligé a ses biens ; Si cela est, quel embarras Il semble que par argument de l’Art. CxxXIX du Réglement de 16b6, qui porte que la saisie, & criées des rentes constituées, doit être faite en la Paroisse en laquelle l’obligé est domicilié, il suffit de faire insinuer la donation des rentes constituées, tant au Greffe du domicile du Donateur qu’à celui du domicile de l’Oblige.

Furgole prétend que l’insinuation doit être faite aux Bureaux, suivant la Déclaration du mois de Fevrier 1731, & en même-temps au Greffe des Bailliages, suivant l’Article XXIII de l’Ordonnance. Je crois que l’insinuation aux Bureaux suffit genéralement. Mais renoncerons-nous à notre Jurisprudence, qui veut que la donation soit lue & publiée les Assises tenantes ; & que si avant le jour des Assises les quatre mois étoient prêts d’expirer il faut faire la publication à l’Audience ordinaire, à la charge de la réitérer aux prochaines Assises TC’est l’esprit de l’Ordonnance d’observer dans les donations entre-vifs les formalités qui y avoient lieu auparavant suivant les differentes Loix, Coûtumes & usages des Pays.

Quand l’insinuation a été faite dans les délais portés par les Ordonnances, même apres le décés du Donateur ou du Donataite, la donation a son effet du jour de sa date à l’égard de toutes sortes de personnes. Il est vrai que la donation peut être insinuée aprés les délais, même aprés le déces du Donataire, pourvu que le Donateur soit encore vivant mais elle n’a effet que du jour de Pinsinuation : Article XXVI. Le délai d’insinuer une donation conditionnelle, court du jour de la donation.Ricard , Part. 1, n. 1255. Le délai de faire insinuer une donation acceptée par une personne se portant fort pour le Donataire absent, ne court que du jour de la ratification qu’a fait le Donataire de l’acceptation.

Ricard , n. 1278, estimoit que l’insinuation ne pouvoit être faite, aprés les quatre mois, que du vivant du Donataire, mais l’Ordonnance y déroge.

Le défaut d’insinuation des donations qui y sont sujettes à peine de nullité peut être opposé, tant par les tiers : acquereurs & créanciers du Donateur, que par ses héritiers, Donataires postérieurs, ou Légataires, & généralement par tous ceux qui y auront intétét, autres néanmoins que le Donateur ; & cela a lieu quand même le Donateur se seroit chargé de faire insinuer la donation à peine de tous dépens, dommages & intéréts, laquelle clause l’Ordonnance déclare nulle Article XXVII. Des que l’insinuation se peut faire pendant la vie du Donateur, il est juste qu’il ne puisse pas en opposer le défaut ; & si la clause dont je viens de parler avoit lieu, ce seroit un moyen sur pour éluder la nécessité de Pinsinuation.

On peut pareillement opposer le défaut d’insinuation à la femme commune en biens ou séparée d’avec son mari & à ses héritiers, pour toutes les donations faites à son profit, même à titre de dot, dans tous les cas où l’insinuation est nécessaire, à peine de nullité, mais la femme ou ses héritiers ont leurs recours, s’il y échoit, contre le mari ou ses héritiers. La donation ne peut cependant être confirmée dans aucun cas, nonoustant le défaut d’insinuation, & sous prétexte d’insolvabilité du mari, Article XXVIII. Ricard dit, n. 1243, que le mari, en refusant d’accepter la donation se décharge de tout le peril qui peut en résulter ; & que si la femme est civilement séparée, ayant alors la direction de ses affaires, c’est à elle à y veiller.

Le mari ni ses héritiers ou ayans-cause, ne peuvent en aucun cas & quand même il g’agiroit de donation faite par d’autres que par le mari, opposer le défaut d’insinuation à la femme ni à ses héritiers, Article Xxx.Ricard , n. 1228, avoit pensé que les heritiers du mari ne pouvoient opposer à la femme le défaut d’insinnation des donations que le mari lui avoit faites : l’Ordonnance étend l’opinion de Ricard à toutes les donations faites à la femme, la maxime ne peut s’appliquer en Normandie, qu’aux donations d’immeubles faites à la femme par autre que le mari-Les Tuteurs, Curateurs, Administrateurs ou autres, qui par leur qualité sont tenus de faire insinuer les donations faites par eux ou par d’autres personnes aux Mlineurs ou autres, étant sous leur autorité, ne peuvent pareillement ni leurs héritiers ou ayans-cause, opposer le défaut d’insiuation aux Mineurs ou autres Donataires dont ils ont eu l’administration, ni à leurs héritiers ou leurs représentans, même à titre particulier, Article XXXI.

Qu’est la Maxime quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio.

Les Mineurs, l’Eglise, les Hopitaux, les Communantés ou autres qui jouissent du privilége des Mineurs, ne peuvent être restitués contre le défaut d’insinuation : ils ont leur ecours contre leurs Tuteurs ou Administrateurs ; mais la restitution n’a pas même lieuorsque ces Tuteurs ou Administrateurs se trouvent insolvables, Article XXXII. Quelques anciens Arrêts ont dispensé les Mineurs de l’insinuation ; mais VoyexRicard , n. 1176, & Basnage sur nôtre Couûtume, Article CCCCXLVIII.

On demande si on peut opposer le défaut d’insinuation aprés trente ans Bérault estime que la prescription trentenaire met le Donataire à couvert, & il cite un Arrét de notre Parlement qui l’a ainsi jugé. Mais si la donation est du nombre de celles qui sont nulles par le défaut d’insinuation quoique l’on dife que l’insinuation n’est qu’une formalité extrinseque, il paroit qu’il n’y a que la possession de quarante ans qui puisse couvrir la nullité-du titre.


19

L’interprétation de la Loi si unquant, cod. de Revoc. Donat., a été l’écueil de presque tous les Auteurs ; & auparavant l’Ordonnance de 1731, il n’y avoit aucune uniformité de Jurisprudence dans les differens Tribunaux du Royaume.

L’Ordonnance décide, Article XXXIX, que toutes donations entre-vifs, faites par personnes qui n’avoient point d’enfans ou de descendans actuellement vivans, au temps de la donation, de quelque valeur que les donations puissent être, & à quelque titre qu’elles ayent été faites, & encore qu’elles fusient mutuelles ou rémunératoires, même celles qui auroient été faites en faveur de mariage par autres que par les conjoints & les ascendans, demeurent révoquées de plein droit par la survenance d’un enfant légitime du Donateur, même d’un posthuine, ou par la légitimation d’un enfant naturel par mariage subséquent, & non par aucune autre sorte de légitimation.

Tiraqueau avoit pensé, dans son Traité éélebre sur la Loi si unquam, n. 110, que la donation mutuelle, faite entre deux particuliers, ne tomboit point sous sa disposition, censetur enint potius quedum permutatio quam donatio.Ricard , aprés avoir beaucoup douté, croyoit que les donations rémunératoires qui n’excédoient pas les services rendus, & dont il résultoit une action contre le Donateur n’étoient point révoquées par la survenance d’enfans. La faveur de la cause pie balancoit, dans l’esprit de certains Auteurs, celle des enfans : voyerTiraqueau , n. 79 & 82. D’autres distinguoient les donations particulières des donations uni-verselles.Mainard , Liv. 5, Chap. 41 : l’Ordonnance a fixé toutes ces irresolutions.

Bérault étoit d’avis que la donation n’étoit pas révoquée de droit par la survenance d’enfans ; il argumentoit du Texte de notre Coutume, & il y avoit de la difficulté dans le temps que cet Auteur écrivoit.Ricard , des Donat., Part. 3, n. 6a8 avoit la même opinion que Bérault ; mais il avoit été jugé, par Arrét du Pariement de Rouen du s Juillet 167a, rapporté dans le Journal du Palais, que la révocation se faisoit de plein droit, & c’est la décision de l’Ordonnance.

Il y avoit plus de difficulté, par rapport aux effets de la legitimation par le mariage subséquent. Bérault entrainé par la force d’un raisonnement simple, avoit refusé à cette légitimation l’effet de révoquer la donation. Godefroy avoit contredit Bérauit : l’Ordonnance accorde à la legitimation la faveur qu’elle donne au cas de survenance d’enfans.

La révocation a lieu, encore que l’enfant du Donateur ou de la Donatrice fût concuu temps de la donation, Article XI. Quoi de plus équitable I La révocation des donations. par survenance d’enfans n’est ordonnée que parce qu’il est à presumer qu’un pere ne se seroit pas dépouillé de ses biens, au profit d’un étranger, s’il avoit eu des enfans. Or, cette affection paternelle ne se forme véritablement dans le coeur d’un pere, qu’apres la neissance de ses enfans : sil sent quelque tendresse pour un posthume, c’est une tendresse imparfaite, & comme dans cet état il ne connoit pas encore ce qu’il doit aimer, il ne peut jamais aimer autant qu’il le devroit.

La donation demeure pareillement révoquée quand même le Donataire seroit entré en possession des biens donnés, & qu’il y auroit été laissé par le Donateur depais la survenance de l’enfant ; mais le Donataire n’est tenu de restituer les fruits par lui percus, de quelque nature qu’ils soient, que du jour que la naissance de l’enfant ou sa légitimation par mariage subséquent lui aura été notrfié par exploit ou autre acte en bonne forme ; & depuis cet acte, la restitution sera due, quand même la demande pour rentrer dans les biens donnés n’auroit été formée que postérieurement à la notification, Article XLI. Berault estimoit, aprés duMoulin , de donat. in contrad. matrim. 5. 3 & suivant, que la res-titution des fruits n’étoit due que jour de la demande en révocation de la donation, cuit restitutione fructuum à die litis contestate.

Les biens compris dans la donation révoquée de plein droit, rentrent dans le patrimoine du Donateur, libres de toutes charges & hypotheques du chef du Donataire, sans qu’ils puissent demeurer affectés même subsidiairement, à la restitution de la dot de la femme du Donataire reprises, douaire ou autres conventions matrimoniales ; ce oui a lieu, quand même la donation auroit été faite en faveur du mariage du Donataire & insèrée dans le Contrat, & que le Donateur se seroit obligé, comme caution, par la donation, à l’exécution du Contrat de mariage, Article XIII. Cette disposition déroge à notre Coûtume, qui ne révoquoit la donation faite à la femme pour sa dot que quant à la propriété, & qui donnoit à la femme douaire sur la donation faite au mari en faveur de mariage. Du Moulin loco cit. avoit en quelque sorte préjugé l’Ordonnance, il dit que l’Arrét qui déclara dans l’espece de cet Article, les biens par lui donnés à Ferry du Moulin son frère, hypothéqués au douaire de la Dame Maillard sa femme, passa de son consentement expres. LePrêtre , Cent 2, Chap. 15, n. 36, assure qu’il a vérifié l’Arrêt au Greffe, & qu’il n’y est point fait mention du consentement de du ; mais ce que du Moulin Moulin ajoute, n. 88, ne permet pas d’en douter esset enim contra jus & concordem omnium sententiam qui tenent pure resulvi per pradicta. Ricard vouloit que quand le Donateur s’étoit rendu caution pour l’exécution du Contrat de mariage, les biens donnés nonobstant la survenance d’enfans, y demeurassent subsidiairement hypothéqués, non pas en vertu de la donation, mais du cautionnement. M. d’Amout a fort bien remarqué que quoique la donation n’eût pas un principe gratuit, à l’égard de la femme, elle n’étoit pas moins gratuite à l’égard du mari Donataire ; & que si le cautionnement avoit pu mettre la donation à l’abri de la révocation par survenance d’enfans, le cautionnement seroit devenu de style.

Les donations révoquées par survenance d’enfant, ne peuvent revivre ni avoir de nouveau leur effet, ni par la mort de l’enfant du Donateur, ni par aucun acte confirmatif ; & si le Donateur veut donner les mêmes biens, soit avant ou apres la mort de l’enfant, par la naissance duquel la donation avoit été révoquée il ne le peut faire que par une nouvelle disposition, Article XLIII. Tiraqueau avoit décidé de même, standum est regula communt que dicit contractum, c aliam quanilibet dispositionem semel extinctam non reviviscere, sublatd etiam extinctionis causâ. MaisRicard , des Donat. Part. 3, n. 683 & suivant, en-trainé par certains Arrêts, a soutenu que le Donateur ne pouvoit plus révoquer la donation, quand il ne l’avoit point révoquée du vivant des enfans, & que leur déces l’avoit fait revivre. Un grand nombre d’Auteurs, parmi lesquels étoit duMoulin , ne desiroient qu’une approbation expresse ou présumée d’une volonté persévérante dans la personne du Donateur, aprés la naissance des enfans ; ainsi le moindre acte confirmatif auroit sussi, suivant leur opinion.

Toute clause ou convention, par laquelle le Donateur auroit renoncé à la révocation de la donation par survenance d’enfans, doit être régardée comme nulle & ne produire aucun effet, Article XLIV. Il est étonnant que les Auteurs ayent été partagés sur cette question.

VoverCharondas ,Bouguier Montholon : il me semble que la raison devoit dicter que cette renonciation n’est pas dans la puissance du Donateur, parce qu’elle concerne principalement l’intéret de ses enfans à naître : Godefroy avoit fait cette observation.

Le Donataire, ses héritiers ou ayans-cause, ou autre détenteur des choses données, ne peuvent opposer la prescription pour faire valoir la donation révoquée par survenance d’enfans qu’apres la possession de trente années, qui ne peuvent commencer à courir que du jour de la naissance du dernier enfant du Donateur même posthume, sans préjudice néanmoins des interruptions, telles que de droit, Article XLV. Cette disposition porte directement contre l’avis de duMoulin , de donat. in contr. matrim. fad. & deRicard , Part. 3, n. G5y, qui admettoient en faveur des tiers-détenteurs la prescription de dix ans & vingt ans ; elle condamne encore une autre opinion de ce dernier Auteur qui vouloit, n. 660, que l’on commençât à compter pour la prescription du jour de la naissance du premier enfant, parce que c’étoit de ce jour que le pere pouvoit agir pour revendiquer les biens donnés. Qu’il me soit permis de dire mon fentiment particulier : comme notre Jurisprudence est différente de celle de Paris, je crois que l’on ne peut opposer aux enfans que la prescription de quarante ans, à commencer du jour de la naissance du dernier enfant du Donateur.

L’ingratitude doit être un titre, pour révoquer les donations aussi ancien que l’usage des donations mêmes. Voyer les Capitulaires, Liv. 7, Article CCexxx, tome ; deBaluze .

C’est être ingrat, selon les Loix, que d’attenter à la vie de son bienfaiteur & a son honneur, ou de lui causer une perte considérable dans fa fortune, en un mot, que de blesser l’état de l’homme : les Loix ne punissent point l’indifference, qui est le supplice le plus cruel pour un coeur sensible.

L’accusation d’ingratitude est réservée individuellement au Donateur outragé, elle ne passe donc point à ses héritiers, si elle n’a été préparée avant son déces ; l’héritier du donataire est aussi à couvert de la demande en révocation, il n’est obligé qu’à réparer civilement le dommage causé par son Auteur, & le tombeau de lingrat est le terme de la juste vengeance du Donateur.

L’effet ordinaire de cette action est que le Donateur rentre en possession & propriété des héritages dont il s’étoit dépouillé en faveur du donataire : Grivel, Decis. Dolan. Decis. S6, n. 21, prétend que le donataire doit restituer les fruits du jour de l’ingratitude qu’il a commise. Per ingratitudinem donatarii, dit cet Auteur, tenetur donatarius ad restitutionem fructuunt non tantum à tempore petitionis aut litis mote & contestate, sed à tempore ingratitudinis commisse ; maisRicard , n. 731, dit que la restitution des fruits n’est due que du jour de la demande en révocation. Les héritages demeurent affectés aux dettes du donataire, & s’il les a aliénés auparavant, le Donateur ne peut troubler celui qui les a acquis ; mais Bérault observe aprés du Moulin que le donataire doit être contraint de les décharger des hypotheques, ou en cas de vente d’en payer l’estimatson.


20

La Loi derniere, au Code de donat. que sub modo, permet au Donateur, dans le cas d’une donation faite à charge d’alimens, de dépouiller le Donataire de tout ce qu’il a recu de lui, par le défaut d’exécuter les charges de la donation.Soefve , Tom. 1, Cent.

Chap. 30, dit que ces donations sont de la nature des Contrats sonnallagmatiques, il faut que ce qui a été convenu entre le Donateur & le Donataire soit fidelement accompli ; & si le Donataire veut obliger le Donateur à entrerenir la donation, il doit aussi s’acquitter de la charge qui lui est imposée.

Les héritiers présomptifs du Donateur tenteroient inutilement de se mettre à la place du Donataire par la voie du retrait ; la prétention n’est pas raisonnable, le choix spécial du Donateur doit prépondérer, & cela est équitable, dit du Moulin sur Bourbonnois, Art.

COOCLxix, ut facilius inveniat cui victum S alimentum committat ; aussi la Cour condamna cette prétention par Arrét du s Août 1Sro, rapporté parBérault . VoyesGrimaudet , du Retrait, Liv. 5, Chan. 15, Coutume de Vitri, Art. XXXIX.

Mais les héritiers du Donateur ont aprés son déces la liberté d’agir en réduction de la donation : car quelque favorable que soit la donation à charge d’alimens, en quelque forme qu’elle soit concue, même par démission, fut-elle de tous les biens, elle n’est valable.