Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCCCLII.

Tout héritage ou autre chose immeuble, soit propre ou acquêt, vendu par deniers, ou fieffé par rente racquittable à prix d’argent, peut être rétiré, tant par le Seigneur féodal immédiat, que par les lignagers du Vendeur jusqu’au septieme degré icelui inclus, dedans l’an & jour de la lecture & publication du Contrat.

Le retrait lignager étant préféré au féodal, la Coutume n’a pas gardé un bon ordre, en nommant dans cet Article le féodal avant le lignager : ce que le féodal a de particulier, a été remarqué sur l’Article CLXXVII & les sept suivans, au Chapitre des Fiefs. Basnage rapporte un Arrêt du 20 Juin 1653, par lequelil a été jugé, que les Offices domaniaux sont retrayables : mais tout l’immeuble baillé à une fille ou à une seur, au lieu du payement des sommes qui lui ont été promises pour son mariage, n’est point retrayable, en quelque-temps que cette vente ou cession fait éte faite, soit lors ou depuis le mariage. Il faut de plus remarquer, que le mari vendant l’héritage de sa femme, sans l’intervention ou procuration spéciale. d’icelle, l’an & jour du retrait ne commence à courir, au préjudice des parens de la femme, que du jour que la ratification de la femme a été publiée par une lecture solemnellement faite : mais si le mari vend conjointement avec sa femme, ou en vertu d’une Procuration d’icelle, en ce cas la vente est parfaite, & partant, l’an & jour du retrait commence à courir du jour de la lecture qui en a été bien faite : comme quand le tuteur a vendu l’héritage appartenant à son pupille, parce qu’il a autorité & une procuration tacite par la Loi, qui lui donne pouvoir de faire tout ce qui est à l’avantage du mineur, l’an & jour du retrait court du jour de la lecture, & non du jour que la vente est ratifiée par le pupille devenu majeur. Quand on a vendu à la charge du décret, l’an & jour du retrait, court du jour de la lecture du contrat de vente, & non du pour de l’adjudication du décret, quand elle est conforme audit contrat ; Louer, D. 26.1


1

La promesse de vendre ne donne point lieu au retrait :Grimaudet , ibid, Liv. s, Chaps 8 ; mais des qu’un Contrat de vente est accompli, ce qui se fait par le consentement des contractans, il ne peut plus être résolu au préjudice du retrait ; nous nous éloignons entierement du sentiment de duMoulin , S. 20, Gl. s, n. 2i, qui dit qu’une seconde vente, faite avant l’action en retrait par l’acquereur au vendeur, exelut le retrait, ratio est ex quo res reposita est in agnatione sua cessat tota S finalis causa legis inducentis retradum & conséquenter ipsa lex, tel est son raisonnement. La déclaration même des contractans, que la vente seroit simulée, ne feroit point de foi-

Le Contrat de vente ne se prend pas dans le sens étroit : on donne plus de force à l’intention des Parties qu’à la forme extérieure de la convention. Tout Contrat qui renferme le dessaisissement d’un fonds pour la libération d’une dette personnelle ou hypothécaire est considéré comme un Contrat de vente : aussi dans les Coutumes d’Auxerre, Article CLIV, de Sens, Article XXXII, de Lodunois, Chap. 15, ArticleI ; de Senlis, Article CexxII, il est dit que Retrait a lieu par Contrat de vente ou titre onéteux, équipolent à vente.

On excepte cependant le Contrat de cession de fonds, fait par le pere, pour le paiement de la dot de sa fille, ou par le frère à sa soeur, pour la même cause. La Jurisprudence a été plus loin, en exceptant encore la cession du fonds que le mari ou ses héritiers font à la femme pour la restitution de sa dot, quoiqu’il y ait une différence notable entre l’un & l’autre cas ; puisque, comme l’observeGrimaudet , Liv. 5, Chap. 17 il paroit suffire à la femme que par l’exécution du Retrait sa dot lui soit entièrement restituée, au lieu que la dot des filles à payer a quelque chose de plus réel que d’hypothécaire. Ne trouverez : vous pas encore plus singulier que la cession d’un ancien propre du mari, faite à la femme, pour la moitié d’une succession mobiliaire à elle échue en ligne collatérale, ne donne pas lieu au Retrait lignager, sic voluere. Mais il est naturel que le vendeur qui rentre en la possession de son fonds par le défaut de paiement du prix, ne soit pas exposé à la clameur, d’autant que l’éviction que souffre l’acheteur est nécessaire & dérive d’une condition. essentielle à la validité du Contrat.

Le Contrat de cession de fonds, à charge d’une rente viagere, ce que nous appellors vente à fonds perdu, est sujet au Retrait : ainsi jugé au Parlement de Paris, par Arrét du6 Août 1747 ; & par autre Arrêt du même Parlement du 7 Juillet 1734, il avoit encore été jugé qu’il y avoit lieu au Retrait d’un fonds vendu moyennant une rente viagere, lors même que le rentier est décédé, & que le retrayant ne court aucun hazard. Voyez la Collection deDenizart , Tom. 2, verb. Retrait.

La plupart des Coutumes n’admettent le Retrait lignager que dans le cas de la vente des propres, & elles forment le droit commun. Rien n’est plus conforme à l’esprit de la Loi, qui a originairement introduit le Retrait : car elle a eu pour but de conserver dans les familles les héritages que nous avons recus de nos peres. La Coûtume de Normandie assu-jettit les acquêts au Retrait, tant lignager que féodal : c’est une faveur extraordinaire, qui a cependant lieu dans quelques autres Coutumes. Les Coûtumes d’Acs, Tit. du Rétrait, Articles I & IV, & de S. Sever, Tit. 5, Articles I, Il, III, portent que les hétitages foit avitins ou acquis par le pere ou mere, & encore bien nouvellement acquis par le vendeur, sont sujets à retenue.

Tout héritage vendu est clamable, & on comprend sous le nom d’héritage, tout ce qui est réputé tel, soit par lui-même, soit en vertu de l’accession ou cohérence avec un Péritage ; ainsi la rente fonciere venduë est sujette à Retrait, suivant l’Article CXxix de Paris, pourvu qu’elle soit irracquitable : car tant que dure la faculté de rachat, la vente de la rente ne peut donner ouverture au Retrait, ainsi le Retrait a lieu pour toute l’hérédité, quoiqu’elle comprenne des meubles :Basnage ,Grimaudet . DuMoulin , S. 160, n. 1, décide que l’acquereur est le maître d’admettre le Retrait pour le tout, ou seulement pour les héritages.

Mais l’Hoste, sur Montargis, Tit. 16, Article I, pense que si la succession n’est que mobiliaire, le Retrait n’est pas recu, & cette opinion est juste. luyesAuroux , sur Bourbon-nois, Article CCCeXLIII, &Brodeau , sur Paris, Article CXLIyV, n. 3.

La vente par Décret ne donne pas moins lieu au Retrait que la vente volontaire. Je ne connois que deux Couûtumes contraires à cette décision : Orléans, Article CCCC, & Lodunois, Chap. 15, Article XXIII, ainsi l’héritage vendu par décret, soit sur Phéritier bénéficiaire, soit en vert i de la contumace des heritiers en genéral, peut être clamé, tant par les lignegers, que par le Seigneur ; mais l’héritage connsqué & vendu par decret n’est sujet qu’au retrait feodal.

La vente, sous faculté de rachat est clamable des Pinstant qu’elle est parfaite ; c’est aussi le sentiment de duMoulin , S. 20, Gl. 5, n. 22, vertas est in terminis nusue cunsuetudinis, dit-il, Patronum slutim retta ere posse sub eodem tamen onere redimendi quia facultus redimendi non facit quominus sit puté venditum. Le même Auteur, n. 27, admet le Retrait dans les ventes conditionnelles, quand l’acquereur, aprés le Contrat & avant l’évenement de la condition, est entré en possession des héritages vendus, videntur enin contranentes exequendo con-tradum ante conditionis eventum recedère d conditone, secus si vendieor non processit ad tradi tionem puram, Gc.Grimaudet , du iterrait. Mais on ne peut exercer le retrait sur une vente nulle, quia lex, continue duMoulin , n. 50, vel siatutum loquens de contradtu, sententid, vel alio actu, intel. ig. tur ale valido non autem nullu. L’acquereur ne peut cependant pas opposer la nullité de la vente ; car il n’a intérét que d’être remboursé, cum sua non interest, retra-hente pretiunt refundente S legales sumptus.

La faculté de remere est regardée comme une portion du fonds non vendu si le vendeur qui l’a retenue la vend dans la suite, ses lignagers pourront la clamer, & ils seront tenus a’ors, en l’exercant, de rembourser le prix de la première & de la seconde vente :Bérault . Mais souvent cette faculté ne sert qu’à couvrir une fraude, comme si le vendeur en dispose, dans la suite gratuitement au profit de l’acquereur. Supposez, en effet, que P’aliene un héritage, avec faculté de remere de quinze mois, & que je la donne à Pacquereur, il est évident que de concert avec l’acquereur, j’ai eu dessein d’eluder le Rétrait en accordant à l’acquereur, en vertu d’une convention simulée, un droit de préférer tous mes lignagers Les Auteurs qui ont écrit sur cette matiere ont remarqué cette fraude, & ils l’ont proscrite ; ils ont même observé qu’elle se déguisoit plus ou moins, mais que le dég-arement, en ce genre, ne devoit pas echapper à la pénétration des Juges.

Quoique l’extinction d’une servitude au profit du propriétaire du fonds servant, l’amortissement d’une rente même irracquittable fait par celui qui la doit, la consolidation. de l’usufruit à la propriété ne semblent pas donner lieu au Retrait, j’expliquerai cependant, sous l’Art. CCCCLXIl, ce que l’on doit penser de l’amortissement des rentes ; & j’observe que que que l’ususruit vendu au propriétaire ne soit pas clamable, on peut clamer la vente de la proprété faite a l’usufruitier ; mais l’usufruit est rétabli par l’effet du Retrait, & ne subsiste pas moins séparément sur la tête de l’usufruitier qu’auparavant qu’il eût traité de la propriété.Grimaudet ,Basnage .

Les auteurs disent que le Retrait n’est pas recevable en vente faite pour l’utilité publique L’intéret dans le Retrait n’étant qu’un intéret de particuliers, ils décident qu’il doit céder a un intérét publie. Voyez le Grand, sur Troyes, Art. CXLIV, Gl. 3, n. 32 3DuPineau , pag. 1178,Brodeau , Art. CXxix de Paris, n. s, note PPP, sur du Plessis Decormis, Tome 2, Cent. 4 ;Auroux , sur Bourbonnois, Art. CCCCl ; la Peirere, R. n. 177 ;Potier , du Retrait, Part. 1, Chap. 4, Sect. 1, n. 78.

Il résulte de l’an & jour que la Coutume accorde pour clamer, que le Contrat de venteayant été lu se premier anvier 177s, la clameur pourra être intentée le premier lanvier 1772 & pendant tout le jour : Godefroy observe que la clameur ne peut être intentée aprés l’an & jour dans les six heures, dont on compose en quatre ans l’année bissextile, mais si la clameur écheoit dans l’an bissextil, le jour intercalaire est compris dans l’an & ne se diminue pas.

Voyer les Notes surDuplessis , Notes M : Jurisprudence de la Combe, verb. Retrait.