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CCCCLIII.

Et si lecture & publication n’en a été faite, le Contrat est clamable dans trente ans, en remboursant le prix & loyaux coûts, des-quels loyaux coûts, le Clamant baillera caution, s’ils ne peuvent être promprement liquidés, pour les Contrats qui seront faits à l’avenir.

Les contrats dont la lecture n’a pas été valablement faite, sont retrayables dans les trente ans, encore que les héritages vendus ayent changé de main, par titres qui ne sont plus retrayables, comme par ventes volontaires dûement publiées plusieurs années auparavant : ce qui a été innové par la Coûtume réformée, auparavant laquelle les contrats, qui n’avoient pas été publiés comme il est requis, n’étoient retrayables que dans les dix ans aprés qu’ils avoient été faits. Ce changement paroit avoir été fait sans aucune raison valable, le temps. de dix ans étant beaucoup plus que suffisant pour rendre une aliénation notoire aux parens & aux Seigneurs, qui ne peuvent pas ignorer la possession & la jouissance que l’acquereur doit avoir cue ouvertement pendant un si long-temps. Il y a eu plus de raison d’accorder trente ans de retrait aux cas des fraudes que les acquereurs ou les clamans peuvent commettre ; non-seulement parce que ces fraudes qui se font avec beaucoup d’artifice & de clandestinité, peuvent demeurer inconnues pendant un fort long-temps, mais parce qu’il est juste que les tromperies ne demeurent pas impunies : c’est pourquoi dans les autres Coûtumes, il n’y a point de temps limité précisément pour les retraits qui se font aux cas de fraudes : mais on a donné un an, à compter du jour que la fraude a été découverte.1

On a proposé sur cet Article la question de l’incendie arrivé aux bâtimens. tenus à loyer ; sçavoir, si le locataire est tenu de prouver la cause de l’incendie on a jugé, que les incendies arrivant presque toujours par la faute de quelqu’un suivant ce qui est dit en la Loi 3. ff. De officio pre fecti vigilum ; & la Loi se vendita, ff. De periculo & commodo rei vendite ; le locataire qui est obligé à la garde & conservation de la chose dont il jouit, ne peut détruire la présomption qui fait juger que l’incendie est arrivé par sa faute ou celle de ses domestiques, qu’en alléguant ou justifiant le contraire.


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Godefroy pense que les trente ans de cet Article ne courent que du moment de la posfession de l’acquereur : c’est aussi le sentiment de duMoulin , 5. 20, Gl. 12, n. 12, unde si venditio fuit occultata facto contrahentium puta venditore semper possidente non incipit currere praescriptio, cependant dans trente ans il arrive ordinairement des changemens qui découvrent les actes les plus secrets, & notre Coûtume a un terme marqué.

La vente judiciaire des biens des mineurs est sujette à lecture pour exclure le Retrait, & on ne peut opposer au retrayant la connoissance personnelle qu’il a de la vente : Arrêt du 21 Avril 1610.Bérault .

La lecture d’un second Contrat ne purge point le défaut de lecture d’un premier Contrat, à cause de la diversité des prix ; mais le second acquereur ne peut prétendre d’intérêts d’évietion contre le premier : Arrét du 11 Avril 1614. Cependant si, pour suppléer à une formalité. comise dans un Contrat de vente, les mêmes parties en passent un second par le même prix, il suffit de faire lire le second Contrat : Arrêt du 16 Mai 1668.Basnage .

La manière de rembourser le prix & les loyaux coûts, fait naître de grandes questions, différemment discutées par les Auteurs.

Quand le vendeur déclare dans le Contrat qu’il a vendu le fonds par un prix designé, & qu’il a donné la plus value, le retrayant est-il obligé à s’arrêter à la déclaration portée par le Contrat Basnage traite cette question, & je crois qu’elle doit être décidée par les circonstances. Si l’acheteur est une personne qui n’a aucune liaison de sang ou d’amitié avec le vendeur, & si le prix, sans y. comprendre la somme dont le vendeur a déclaré faire remise, égale la juste valeur de l’héritage, on présume que le don de la plus value n’a été inséré dans le Contrat de vente que pour gréver le retrayant, c’est la présomption naturelle que font naître ces Contrats ; mais quand l’héritage excede effectivement le prix stipule lorsqu’il paroit une intention bien marquée de donner, & que le Donateur n’a pas voulu faire une libéralité du tout, il ne seroit pas juste de dénaturer les actes en faveur du retrayant. Du Moulin dit aussi que si dans le Contrat de vente le vendeur fait don d’une par-tie du prix à l’acquereur, il faut examiner la valeur du fonds. Fraus autem detegitur, dit cet Auteur, S. 20, Gl. 5, n. 22, eo ipso quod eodem contradu eidem venditur media quanti totum valet, & residuum donatur ; mais si la remise est faite depuis le Contrat de vente, il faut, comme dans le cas précédent examiner si la remise a pour principe une simple gratification, ou si elle n’est pas l’effet d’une fraude concertée pour exagérer le prix véritable Bérault décide en tormes généraux que le retrayant n’est tenu de restituer à l’acquereur, les deniers qu’il a payés depuis au vendeur, par forme de supplémeit, que quand lacquereur y a été forcé en vertu d’un jugement rendu sur une clameur révocatoire ; & il cite en faveur de cette opinion un Arrêt du 2o Fevrier 1613. La Coutu ne d’Anjoi, Article CCCLXV, approuve ausii le supplément fait par l’acquereur, par autorité de Iustice & sans fraude avant l’ajournement : Voyer Chopin & les Notes dePocquet . Mais d’autres Coutumes ne font aucune mention de l’autorité de la Justice, elles désirent seulement que le supplément ne soit pas fait en fraude du retrayant : l’oyerAuroux , sur Bourbonnois, Article CCCexxxl, & Coquille sur le Chap. 31, Article XII de la Coûtume de Nivernois. Je crois que l’augmentation du prix, prétenduë payée depuis l’entière exécu-tion du Contrat de vente ne doit pas être remboursée par le retrayant, a moins que l’acquereur n’ait fait le supplément pour se rédimer d’une action que le vendeur avoit contre lui, ainsi si l’acquereur paye depuis le Contrat de vente, en vertu d’une transaction, une somme au vendeur pour supplément, l’acquereur n’en peut prétendre le remboursement qu’autant qu’il prouve que le vendeur étoit en droit d’intenter contre lui une clameur révocatoire.Grimaudet , Liv. 7, Chap. 6.

L’acquereur, à charge de décret, stipule inutilement dans son Contrat qu’il sera remboursé, en cas de clameur, de la meilleure partie des encheres, car il en mettroit à plaisir : Arret du 28 Mal 1Gr0 :Bérault . Dans le fait de l’Arrêt, il étoit convenu par le Contrat de vente, entre la venderesse & l’acquereur, que l’acquereur profiteroit des deux tiers des encheres, & la venderesse du tiersPotier , Part. 1, Chap. 9, p. 18y, pense cependant que quan d l’acheteur a fait un décret sur lui qui est devenu forcé, & sur lequel il a été obligé de se rendre adjudicataire par un prix plus fort, ce n’est pas le prix du Contrat de vente, mais celui du decret qu’il faut rembourser.

DuMoulin , 5. 20, Gl. 7, n. 10 dit que le prix peut être remboursé par compensation, dummodo fiat de liquido ad liquidum : Grimaudet estime que le plus sur est de rem-bourser en argent.

Selon l’Edit du mois d’Octobre 1738, Article IV, dans les payemens de doo livres on ne peut obliger de prendre plus de 1o livres en espèce de billon, & au dessus de duo livres, plus de d0 livres s’il suffit au reste de rembourser en espèces de cours au temps du Re-trait : si l’acheteur, dit duMoulin , 5. 20, Gl. 8, n. 2, n’a intérét de recevoir in eddem solutâ S conventâ monetd.

Le retrayant doit non seulement rembourser le prix principal, mais encore les loyaux coûts. On appelle loyaux coûts, tout ce que l’acquereur a été obligé de débourser pour les frais d’acquisition. Ces loyaux coûts sont les frais de voyage faits, soit par l’acheteur ou par quelque expert envoyé de sa part pour visiter l’héritage ; ce que l’acheteur a donné à la femme, aux enfans du vendeur pour pot de vin, épingles, ou sous toute autre dénomination ; ce qu’il a promis ou donné aux proxenetes, pourvu qu’il n’excede pas l’usage du lieu, les frais du Contrat ; c’est-à-dire, le Contrûle, l’insinuation le centième denier, le papier le parchemin, les falaires du Notaire, les frais des quitrances des paiemens, les frais d’ins-tance que l’acquereur a faits pour obliger le vendeur à exécuter le Contrat ; l’intérét du prix principal, les lots & ventes que l’acquereur a payées au Seigneur. DuMoulin , S. 22, n. 6, dit que le retrayant doit rembourser l’acquereur du treizieme, quand même il en auroit été gratifié, quia non debetur ei tanquam emptori, sed tanquam cuilibet extraneu hubenti jus cessum à patrono : ce qui a fait dire à Basnage que le retrayant ne peut pas demander sar le paiement du treizieme l’affirmation de l’acquereur ; mais Pocquet excepte la remise faite par le Receveur du Domaine : elle profite au retrayant, parce qu’elle n’est pas censée faite par le motif d’une consideration personnelle. Vassin, sur l’Article XXXV de la Rochelle, dit encore que lacquereur ne doit pas profiter de la remise, S’il a payé & obrenu la remise depuis la demande en retrait. On ne met pas en loyaux coûts les sommes que l’acquereur auroit payées aux lignagers du vendeur por renoncer au retrait ; car ces fommes étant hors prix, elles ne doivent pas être remboursées. Viennent enfin les impenses sur la chose ou les détériorations. C’est une regle certaine & qui ne souffre aucune ex-ception, nonobstant toutes les clauses du Contrat, que l’acquereur ne peut exiger le remboursement des impenses, qui quoiqu’utiles n’étoient pas nécessaires ; car il n’est point permis à l’acquereur de rendre la condition du retrait plus onéreuse, & d’empécher indirectement le lignager d’exercer un droit que la Coûtume lui donne : ainsi jugé par Arrêt de ce Parlement du 11 Fevrier 1757. Dans le fait, l’acquereur avoit été autorise par son Contrat à fumer & engraisser l’héritage acquis, & il étoit constant qu’il avoit augmenté le revenu du fonds d’une somme de deux cens cinquante-huit livres ; cependant par l’Arrét il fut dit que lacquereur seroit remboursé des impenses nécessaires seulement. Voyer les Commentateurs sur l’Article CXLVI de Paris, & la Lande sur l’Article CCClXXIil d’Orléans. Quelques Coutumes permettent à l’acquereur d’enlever ce qui peut être enlevé, en remettant les choses en leur premier état. Voyes Laon, CCLIII ; Châteauneuf, LXxxix.

C’est encore une autre regle que l’acquereur est tenu des dégradatious survenues par sa faute, d’autant qu’il a contracté en acquérant l’obligation de rendre le fonde à ceux qui ont droit de le retirer, & par consequent celle de le leur conserver ; il suffit cependant que l’acquereur apporte à cet égard le même soin que dans l’administration du bien qu’il possede irrévocablement.