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CCCCLXV.

Si l’Acheteur dénie qu’il y ait eu achat, & qu’il soit trouvé par après du contraire, le prix du Contrat est confisqué au Roi, & l’héritage demeure au Clamant, & le treizieme au Seigneur duquel il tient ; & pourra le Clamant faire purger par serment, tant l’Acheteur que le Vendeur, sur la forme & prix du Contrat.

Il contient dans son commencement une peine rigoureuse contre l’acquereur qui veut dissimuler son contrat d’acquisition, & qui persiste à dire qu’il n’y en a point, par une dénégation qu’il en fait en Jugement : Car quand le contraire est avéré, le prix qu’il en a payé, ou auquel il s’est obligé, est confisqué au profit du Roi, & l’héritage est adjugé au retrayant, en payant ledit prix. Ce qui est ajouté à la fin, est commun au retrayant & à l’acheteur qui peuvent se faire interroger, & demander réciproquement leur serment en Justice, ( c’est ce que la Contume signifie, par faire purger par serment pour découvrir la fraude qui peut être commise de part & d’autre, comme il se voit par l’Aticle CCCCLXXIX. Ces sermens se doivent faire en personne ; & la qualité, pour éminente qu’elle soit, ne dispensera point celui à qui ce serment est déféré, de comparoître en Justice pour le faire, comme il a été jugé contre le Maréchal de Rohan, Sieur de Gié, par un Arrêt rapporté parBérault , du 3 d’Avril 1505.1


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La Constitution de Frédéric que j’ai déjà citée, dispose que si les contractans ont déguisé la vente sous l’apparence d’un Contrat non clamable, & que cela soit avéré par leur serment, ils perdront, au profit du Fifc, le prix & la chose rem & pretium perdent ; mais le Fisc la rendra au retrayant, si le retrayant découvre feul la fraude sans le serment des contractans premiere vente sera nulle, & le vendeur sera tenu de lui en passer un nouveau Contrat. L’Article CLIX des Etablissemens de S. Louis, prive de la restitution du prix l’acquereur qui n’ose en affirmer la vérité par serment, notre Article, qui a du rapport avec ces deux Loix, est tiré du Chapitre 116 de l’ancienne Coutume.

Berault rapporte deux Arrêts des 5 Mars & 8 Juillet 1551, qui adjugent dans le cas de cette fraude l’effer du retrait au clamant lignager, le treizieme au Seigneur, & les deniers au Roi. Il seroit à souhaiter qu’on punit d’une amende sérieuse les Auteurs de ces Contrats, qui sous l’apparence d’une fieffe ou d’un échange déguisent une vente, par l’interposition de personnes ou par quelqu’autre artifice semblable. La Coutume de Châteauneuf punit toutes les fraudes de la confiscation du prix, au profit du Seigneur, en la Justice duquel la fraude est avérée.

L’exagération du prix du Contrat de vente est encore une fraude, dont nos Commentateurs traitent sur cet Article : notre Coutume ne nous dit point quelle est la peine de ce genre de fourberie ; il est certain que quand l’acquereur recoit du clamant plus qu’il n’a payé, c’est une exaction qui dégénere en larcin. Aussi la Coutume de Lodunois, des retraits, Article XVI, punit par la restitution du double des deniers indûment perçus, la fraude de l’acquereur qui a fait paroître un prix plus fort que celui qui a été convenu. LaCoûtume de Tours, Article CLXXIV, joint à la restitution du double de ce que l’acque-reur a recu au-dela du véritable prix, la peine d’une amende : parmi nous la peine est arbitraire, puisqu’elle n’est point définie par la Loi.

Quoique le clamant prétende que le prix est exagéré il doit garnir dans les délais prescrits par la Coûtume, toute la somme portée par le Contrat : on ne doit pas faire dé-pendre le garnissement de l’évenement incertain d’une preuve, le clamant auroit à son tour la liberté de vexer un acquereur de bonne foi : & quand la mauvaise foi est découverte, la Justice est toujours en temps de subvenir au clamant, par des condamnations proportionnées au tort qu’il a souffert : ainsi jugé par Arrêt rendu en Grand Chambre le premier Juil-let 1751.

Le témoignage du vendeur paroit tres-suspect à d’Argentré , num & conjunctio sanguinis & obliqua revocatio in familium valde suspecta esse debet adversus extraneum testificantis ; on a encore à craindre que le vendeur ne soit d’intelligence avec l’acquereur pour partager le bénéfice ; maisGrimaudet , Liv. 5, Chap. 9, dit, commeBasnage , que sa déclaration, jointe, à ce qui résulte d’ailleurs ne laisse pas d’avoir du poids, & il donne aussi du crédit à la preuve des confessions extrajudiciaires des Contractans. Bérault rapporte un Arrêt du 17 Mai 1510, par lequel il a été jugé, aprés l’affirmation du vendeur, que le prix employé dans le Contrat excédoit d’une certaine somme celui qu’il avoit recu, que le clamant prouveroit que l’affirmation du vendeur étoit véritable ; mais l’acquereur fut condamné sur sa déclaration de ne pas vouloir attendre la preuve.