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CCCCLXXVII.

Si les Freres, Soeurs ou autres, étant Parens du Vendeur en pareil dégré, se clament, le plus aîné des Clamans préférera les autres, si c’est un Fief ; & si c’est héritage partable, il partageront également.

Il est plus convenable de joindre ces fix Articles, que de suivre l’ordre selon lequel ils ont été placés dans ce Chapitre, parce qu’ils concernent le même sujet, & déclarent comment les parens du vendeur doivent être admis au retrait.

L’Article CCCCLXXVI, devoit être mis le premier des fix, vû qu’il contient la maxime générale, par laquelle la préférenee doit être réglée entre les parens concurrens au retrait. Cette maxime est, que les parens sont recus à clamer selon l’ordre que les successions sont déferées par la Coutume : C’est pourquoi on peut dire, que l’Article CCCCLXVIII, ne renferme qu’une décision imparfaite, & qu’il la faut suppléer par ce qui est ajouté dans les Arti-cles CCCCLXXV & CCCCLXXVI, car il ne suffit pas d’être le plus proche parent, il faut en outre être le plus habile à succéder aux biens retrayables : Or cette habileté à succéder dépend de plusieurs maximes, qui ont été remarquées dans les Chapitres des Successions au propre & des Successions collatérales des acquets, desquelles il y en a une proposée dans l’Article CCCCLXIX : sçavoir, que les parens paternels peuvent seulement retirer les biens paternels, comme les parens maternels ne peuvent retirer que les biens maternels. Il y a encore une autre de ces maximes dans l’Article CCCCLXXVII, qui est que les aînés sont préférés dans le retrait des Fiefs, comme ils le sont dans les successions.

Mais la Coutume n’a point répété les autres maximes qu’elle a établies pour les successions, soit au propre, soit aux acquêts : il les faut néanmoins observer à l’égard des retraits ; puisqu’il est certain, que le même ordre qui se garde dans les successions, se doit garder dans le retrait lignager suivant qu’il est statué par ledit Article CCCCLXXVI. Et partant l’Article CCCCLXXVII doit être expliqué en discernant le droit des freres d’avec celui des soeurs, que cet Article paroit avoir confondus : Car comme les freres & les descendans des freres sont préférés aux seurs & aux descendans des seurs, en la succession tant des propres que des acquêts, ainsi doiventils être préférés aux retraits. Quand donc ce même Article CCCCLXXVII déclaré, que si les freres, seurs ou autres étant en pareil dégré clament, ils partageront également, il le faut entendre avec distinction, & suivant la qualité des clamans : de sorte que les freres qui sont entr’eux en pareil degré partagent également entr’eux l’héritage qu’ils retirent ; & les seurs qui sont aussi en pareil degré, partagent également entr’elles les Retraits, quand elles veulent concurrer ; mais il ne faut pas confondre ces qualités de frères & de seurs, & conclure que, parce que les seurs sont en pareil dégré que les freres, elles doivent être reçues à partager également avec leurs freres les choses retrayables.

La Coûtume a fort embarrassé cette matière des Retraits, en les admettant aussi-bien pour les acquêts que pour les propres. Du Moulin a écrit, que toutes les Coûtumes qui autorisent le Retrait des acquêts sont odicuses & iniques parce que le Retrait lignager a été introduit pour conserver les biens dans les familles, & non pour en acquérir : Retractus jure proximilatis est conservatorium in familiâ, non acquisitorium ;Louet , R. 3. Mais outre que ce rétrait des acquêts ne convient pas à la fin pour laquelle le Retrait lignager a été établi, il en arrive plusieurs inconvéniens, parce que le même héritage pouvant être vendu plusieurs fois en peu de temps, comme dans une même an-née, il se rencontre qu’il y a plusieurs échelles de retrayans, de sorte qu’il faut faire une distinction des parens du premier vendeur d’avec ceux du second, & ainsi subsécutivement des autres, aux termes de l’Art. CCCCLXXIV, qui adjuge la préférence suivant la priorité des contrats de vente : Ce qui peut causer une grande incertitude dans toutes ces acquisitions, parce que si les premiers contrats contiennent de la fraude, ou n’ont pas été publiés, conformément à toutes les formalités requises par la Coûtume, les derniers acque-reurs peuvent être dépossédes pendant prés de trente ans : ce qui peut produire une involution de plusieurs proces, tant entre les différens acque-reurs, qu’à raison des recours en garantie que les acquereurs ont contre leurs vendeurs.

On peut ajouter, que la concurrence que la Coutume admet dans les Retraits lignagers, en rend le jugement autant difficile & embarrassé, que celui des successions, puisqu’ils se doivent décider par les mêmes regles. Les Coutumes qui donnent la préférence, par la seule considétation de la diligence & de la prévention, comme celle de Paris en l’Article CXII, paroissent plus raisonnables, non-seulement parce qu’elles évitent toutes les difficultés qui se rencontrent dans l’eéclaircissement du droit des retrayans, mais parce qu’elles ont exclu la concurrence, en conséquence de laquelle il faut venir au partages des choses retrayables : ce qui ne se peut faire sans beaucoup d’embar-ras, & sans désunir & comme démembrer les héritages, dont l’union, telle qu’elle étoit en la main du vendeur, rend souvent la possession plus commode, plus utile & plus agréable.

Il faut néanmoins remarquer, que quand la Coûtume rejette la prévention par les Art. CCCCLxx, CCccLXXV, CcccLXXVI, & CCCCLXXVII, cela ne se doit entendre, que quand le Retrait est fait dans l’an & jour de la publication du contrat : car s’il étoit fait aprés, à raison de la fraude ou du défaut de la lecture, il conviendroit préférer le parent qui auroit prévenu en découvrant la fraude ou le défaut, & le maintenir en la possession en laquelle il auroit été envoyé sur son action, suivant qu’il semble avoir été jugé par n Arrêt du 22 de Mars 1616, rapporté parBérault .

Basnage a explique sur l’Article CCCCLXIx l’Arrêt de Graverel, par lequel Graverel qui étoit en droit de retirer un héritage, qui avoit été acquis par son cousin germain, fils de la seur de sa mere, au cas que cet héritage eût été vendu par l’acquereur, fut exclu du Retrait, parce que ce même héritage étant devenu un propre paternel en la personne du fils de l’acquereur, Grave-rel qui étoit parent paternel maternel, mais qui n’étoit pas de la ligne paternelle de ce fils, qui avoit revendu l’héritage, n’étoit pas habiie à y succéder. Il en a été fait mention sur les Articles CCXLV, CexLVI & CexLVII, au Chapître de la Succession au propre.1


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C’est un principe général en Droit coutumier que pour intenter le Retrait lignager, il faut être habile, selon la Loi, à succéder ; mais ici on préfere le parent le plus diligent ; la le plus proche doit venir entre la bourse & le denier, c’est-à-dire, avant l’adjudication du Retrait ; ailleurs une proclamation du Retrait, à la Paroisse de la situation de l’héritage, suivie d’un Jugement, exelut tout autre retrayant. Voyer Paris, Anjou, Bretagne sur ce Titre.

Dans bien des Coutumes, comme je l’ai remarqué, le retrayant une fois déchu de son action n’en peut intenter une nouvelle ; il est réduit à mandier le secours d’un autre lignager ; si elles rejertent presqu’universellement & avec raison le retrait des acquêts, elles interpretent quelquefois dans le retrait les maximes des propres tout différemment que dans l’ordre de succeder, & un propre acquis de son parent du côté & ligne, soit par deniers ou à titre gratuit en collatérale étant vendu, est sujet à retrait. Parmi nous le retrait est déféré aux parens, suivant le droit habituel que la Coutume leur donne dans sa succession du vendeur un Contrat de remise échoue contre la proximité du degré, & une nullité dans les diligences peut être réparée dans l’an & jour, soit par une nouvelle action ou par un retrait judiciaire, & les acquêts comme les propres sont retrayables.

Les héritiers présomptifs du vendeur ceux qui ont recueilli sa succession, les enfans deshérités, les cautions du Contrat de vente, le Notaire qui a recu l’acte de vente, les témoins qui l’ont souscrit, les créanciers qui ont provooué la vente judiciaire, le Juge qui a prononcé l’adjudication, le tuteur en son nom, s’il est question des biens de son pupille, ou au nom de son pupille, s’il s’agit des siens propres, le mari au nom de sa femme même civilement séparée, l’enfant né ou concu depuis la vente, les filles au défaut des mâles, le vendeur même sur une seconde vente faite par l’acquereur lignager, sont recevables à user du retrait. Hoc est justum, dit du Moulin sur Vermandois, Article CCLIV, quia hoc jus non datur cert & persone, sed toti cognationi in genere.

Quand le Contrat de vente est frauduleux, ou si la lecture en est défectueuse, comme il y a alors ouverture au retrait pendant trente ans on demande si le lignager le plus proche & le plus habile à succéder, ayant clamé P’héritage vendu, soit dans l’an de la vente ou aprée l’an, un parent plus proche, concu dans les trente ans, peut user du retrait nonobstant la première clameur à Il est certain que l’acquereur ne peut pas contester son droit ; mais le premier clamant peut-il foutenir le retrait inadmissible ; Loyes sur la question, dansBérault , deux Arrêts contraires, des 13 Août 1S1s & 22 Mars 1616.Basnage . a essayé de la traiter, mais on remarque toute son incertitude, il finit par dire que le delai de trente ans pour clamer est accordé pour punir la fraude ou la négligence de l’acquereur, mais non pas contre le lignager qui a usé de son droit. l’estime que le second clamant a pour lui la rigueur des principes ; mais que la faveur est due à celui qui le premier a intenté le retrait.

Si plusieurs ont vendu solidairement ou par indivis, aucun d’eux ne peut user du retrait, ni pour partie, ni pour le teut : quia unusquisque fit venditor S auctor venditionis o quilibee diceret se retrahere partem socii sui quod est absurdum : duMoulin .

L’acquereur doit faire délai au lignager clamant sans examen de la proximité de sa parenté avec le vendeur, il suffit qu’il lui justifie qu’il est parent du côté & ligne dans le septiene dégré : mais il perd les frais de la remise, s’il est évincé par un lignager plus proche.

Le lignager plus éloigné peut opposer au plus proche les nullites qui se rencontrent dans ses diligences : Arrêt du 23 Août 1754.