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CCCCLXXIII.

Les Parens de l’Acquisiteur perdant, sont recevables à se clamer de l’héritage dont il auroit joui par an & jour à titre de Lettre lue, & ne seront les Parens de celui pour les dettes duquel l’héritage est décreté, reçus à se clamer, si le Possesseur perdant étoit Propriétaire incommutable.

Ces trois Articles contiennent ce que la Coutume a ordonné touchant cette espèce de Retrait, qui fait la quatrieme partie de la division de l’Art. CCCCLI.

Il s’appelle d titre de Lettre lue, parce qu’il est nécessaire que l’acquereur ait joui par an & jour, depuis la publication de son contrat, ( lequel la Coutume appelle Lettre, ) laquelle l’ait rendu propriétaire incommutable à l’égard des parcns de son vendeur, de sorte qu’il ait droit de les exclure du Retrait de l’héritage adjugé par le décret fait pour les dettes de ce même vendeur, ou de ceux qu’il représentoit. C’est pourquoi l’Arrêt du 23 de Juin 1623, rapporté parBérault , par lequel il avoit été jugé, qu’il suffisoit que le contrat eût été lu, & qu’il n’étoit point nécessaire que l’acquereur eût joui pendant un an & jour depuis la lecture, ne doit être d’aucune confidération.1

De Retrait a été établi par la Coûtume qui favorise les acquereurs en plusieurs autres oecasions, comme il se voit par les Articles CCCCIII, DXL. & DLII, pou diminuer en quelque façon la perte que fait un acquereur quand il est dépoiiédé de son acquitition, au moyen du décret qui s’en est fait pour les dettes de son auteur. Ce Retrait donc consiste dans une préférence qui est accordée à l’acquereur au droit de l’adjudicataire. Il differe des Retraits lignagers & féodaux, par trois propriétés remarquables : la premiere, qu’il donne la préférence au droit qu’ont les parens & les Seigneurs comme il a été dit dans le Discours général : la seconde propriété est déclarée par l’Article CCCCLXXI, qui fait connoître qu’il ne suffit pas, comme aux deux autres espèces de Retrair, de signifier, c’est-à-dire, d’intenter l’action en retrait, dans l’an & jour de la publication de la vente encore que le jour de l’assignation pour venir voir compter deniers échée aprés l’an & jour, suivant l’expression de l’Article CCCCLXXXIV, mais il est de plus requis, que le prix & les loyaux coûts de l’adjudicataire lui soient remboursés dans l’an & jour de son adjudication, ou en cas d’absence ou de refus de cet adjudicataire, que lesdits prix & loyaux coûts soient garnis & déposés, comme il se doit intérer du gérondif, en remboursant, qui renferme une condition nécesfaire à accomplir. La troisieme propriété est expliquée dans l’Art. CCCCLXXII, qui déclare, que combien que l’héritage retrayable à droit de Lettre lue, ait éeté adjugé par un seul prix avec d’autres, le retrayant ne peut être contraint de prendre le tout, c’est-à-dire, tous les héritages adjugés par ce seul prix : mais ne prendra que son héritage, dont il ne payera que la juste valeur, par rapport & proportion au total prix de l’adjudication.

Cette derniere propriété renferme un privilége qui paroit bien contraire à l’équité, suivant laquelle l’acheteur ne devroit pas être contraint de partager. la chose qu’il a achetée, son intention ayant été de la posséder toute, & ayant un intéret fort considérable de n’en souffrir point la division, tant parce que par ce démembrement il peut être privé de plusieurs commodités, qu’il avoit cues envue, en s’engageant dans l’achat, que propier discordias quas communio solet excitare, comme il est dit en la 1. 77. 8. dulcissimis, ff. De legatis 2. L’acquereur donc, qui n’est évincé que par un droit de préférence, devroit être dégagé entierement de son marché, & n’en avoir point de dommage, suivant les autorités alléguées par Louet & son Commentateur, R. 25.

Suivant cette équité, ceux qui intentent l’action de Retrait, soit lignager, soit seigneurial, sont obligés de prendre tout l’héritage acheté par l’acquereur & ne peuvent en prendre une partie & rejetter l’autre : ce qu’il faut entendre, quand le tout a été acheté par un seul prix ; car quand plusieurs choses sont venduës distinctement par des prix particuliers, quoique ce soit en même-temps.

& par le même contrat, ce sont autant de venditions qu’il y a de prix distincts & séparés ; & partant peuvent être maintenues & révoquées indépen-damment les unes des autres, à moins qu’il n’apparoisse évidemment, que l’intention de l’acheteur n’a pas été de les acquérir l’une sans l’autre, suivant ce qui est dit en la l. 34. 8. interdum, ff. De aedilitio edicto : Interdum eliam si in singula capiia pretiunt constitutum sit, tamen una emptio est ; scilicet cûm manifesum erit, non nisi omnes quem empturum, vel venditurum fuisse : ut plerumque circa comedos, vel quadrigas, vel muilas pares accidere soler. Que si néanmoins plusieurs pieces d’héritages ont été venduës par un seul prix, & que dans la suite du contrat ont ait spécifié l’estimation de chacune de ces pieces, par des sommes distinctes, dans la vue de régler les droits des Seigneurs de Fief, ce n’est qu’une feule vendition : & en cas qu’on vint à la diviser, on ne suivroit pas cette estimation, mais on en feroit une plus exacte, eu égard à la quantité du prix total de la vente.

Mais cette raison d’équité, qui rend la cause des acquereurs si favorable, n’a pas empéché qu’on y ait apporté des restrictions fort importantes : Car à l’égard du Retrait lignager, on a décidé que les parens usant de Retrait, étoient tenus de prendre tous les héritages vendus par un même contrat, & qu’ils avoient droit de retirer, comme il est artesté par l’Article CXIII dudit Réglement ; mais qu’ils ne pouvoient être obliges de prendre les héritages qu’ils n’avoient point droit de clamer, parce qu’ils provenoient d’une ligne, soit paternelle ou maternelle du vendeur, à laquelle ils ne pouvoient succéder : ce qui a été jugé par un Arrêt du 20 de Juillet 168a, conformément à l’Article CCCCLXIX. Et quant au Retrait séodal, on y a accorde une faculté en-core plus ample & plus contraire à l’intérét de Iacquereur : car le Seigneur retrayant n’est pas tenu de prendre tout ce qu’il a droit de retirer, vu qu’il n’est obligé de prendre que ce qui est en la mouvance du Fief, en vertu duquel il fait le Retrait, & qu’il ne peut être tenu de retirer les héritages rele-vans des autres Fiefs qui sont en sa main, quoique ces héritages soient vendus par un seul prix avec d’autres, comme il est artesté par l’Article CXIV dudit Réglement.2

Or ce Retrait à droit de Lettre lue, n’appartient pas seulement à l’acquereur dépossédé, & à ceux qui le représentent par titre universel ou particu-lier ; mais il est attribué de plus, par l’Article CCCCLXXIII, à ses parens :

Ce qui est une conséquence, de ce que le Retrait lignager est admis aussi-bien pour les acqueêts que pour les propres, comme il a été remarqué, de sorte que les parens du vendeur décreté, nont aucun droit de retirer les héritages adjugés par le décret, parce que par la lecture supposée bien faite, & un an & jour auparavant l’adjudication, ils étoient exclus du Retrait, suivant qu’il est déclaré à la fin dudit Article CCCCLXXIII.

Au reste, il faut remarquer que celui qui a acquis par un contrat d’échange ou de fieffe, ne peut pas s’éjouir de cette espèce de Retrait, ce qui est attesté par l’Article XCIX dudit Réglement : ce qui a pour fondement, que ces sortes d’acquereurs ont une récompenle ou indemnité réelle, l’un pouvant reprendre ce qu’il a baillé pour contr’échange, & le preneur à fieffe étant libéré par l’é-viction qu’il souffre de la continuation de la rente foncière.


1

Terrien avoit écrit avec beaucoup d’énergie & de simplicité, que l’acquereur ayant jous par an & jour à titre de lettre lue, étant évincé de son opposition, à cause de la priorité des dettes de son vendeur, est préféré à tout autre, soit lignager ou Seigneur, à retiren l’héritage qu’il avoit acquis, & dit on communément, pour parler le langage deTerrien , que cet acquereur est le plus prochain du fonde.

Le remboursement sur le retrait, à droit de lettre lue, se liquide sur le total pris de l’adjudication, en ayant égard à la bon : é de chaque fonds.

Quoique l’impartition du prix de l’adjudication soit évidemment injuste, l’acquereur doit dans le temps fatal offrir à l’adjudicataire la totalité du prix réparti sur le fonds qu’il retire, les loyaux coûts, ou caution dans le cas de difficulté de les liquider, & sur ce refus consigner dans le même délai, sous la réserve de faire faire la ventilation du fonds clamé, eu égard aux autres fonds adjugés & au prix total de l’adjudication, & pour cet effet assigner l’adjudicataire : Arrêt du 1oFévrier 16yo.

Basnage a adopté une opinion contraire à celle de Pesnelle : il décide qu’il suffit à l’acquereur perdant, qui retire à droit de lettre lue, d’offrir le remboursement à l’adjudicataire dans l’an & jour & il cite pour s’étayer un Atrét du 16 Juillet 163o ; mais un Arrét solitaire ne fait pas Loi. Et si par l’Article CCCCLXXII de la Coutume, l’acquereur perdent a la liberté de morceler le retrait, on ne doit pas faire concourir deux praces dans une nême personne pour le même objet. Enfin l’Article CCCCLxxI impose à l’acquereur perdant lobligation de rembourser dans lan & jour ; ainsi je crois qu’il faut suivre l’opinion de Pesnelle.


2

On ne connoit bien l’individuité du retrait, qu’aprés avoir distingué le retrait séodal du retrait lignager. On convient que le retrait féodal étant une prérogative dépendante du Fief, il ne peut pas s’étendre au-dela des héritages vendus dans mouvance du Fief.Auroux , sur Bourbonnois Article CCCexLIz, &la Lande , sur Orléans, Article XLIN, n. 22, décident que si les biens sont mouvans d’un même Seigneur, mais à cause de deux Fiefs differens le Seigneur peut borner son rettait à ce qui releve d’un de ses Fiefs : Voye l’Article ExIV de notre Réglement de 16686. Mais duMoulin , sur Paris, S. 20, Gl. 1, n. 54 & 55, prétend que si plusieurs Fiefs relevans d’une même Seigneurie sont vendus, le Seigneur n’est pas obligé de clamer le total. Quia ex quo sunt diversa feuda, necessario sunt diverse fidelitates, diversa jura feudalia, & diverse distincte S separata actiones, tant ad jura quinti pretii, quam ad jura retradus ; cette opinion n’est pas adoptée par les Commentateurs sur Paris ils pensent que le Seigneur doit retirer le tout. Voyer Camus & Auzanet sur l’Article CXX de cette Coûtume, & nous ne la suivrions pas en Normandie.

Le droit commun coutumier se réunit à statuer que le retrait lignager doit être exécuté pour la totalité de la vente, car l’intention de l’acquereur a été de posseder tous les objets vendus : & si vous ne lui enlevez qu’une partie de son acquisition, vous l’exposez aux incommodités d’un partage ou au désagrément encore plus sensible de la Communauté. le ne connois que la Coutume de Bretagne, Article CCCVIII, qui permette de morceler le retrait lignager, en accordant aux parens la faculté de retirer par portion, suivant l’état de leur fortune seulement. D’Argentré , sur l’Article CexCIV de l’ancienne Coûtume Gl. 1, désapprouve cette disposition, hoc vero contra jus, imo cotra rationem ( regulas, de multaruni provinciurum mores.

Mais les Coûtumes exceptent deux cas, l’un lorsqu’il y a plusieurs biens vendus par un même Contrat, par differens prix distincts & séparés ; car alors elles permettent de diviser le retrait : cette exception convient au retrait féodal, comme au retrait lignager. Elles exceptent en second lieu le cas où l’on aura vendu par le même acte des biens de differentes lignes : car les parens de la ligne paternelle n’ont pas le droit de clamer les héritages renans du côté maternel.

Lorsqu’on a d’abord assigné à chaque héritage un prix separé, quoiqu’à la fin de l’acte tous ces prix ayent été assemblés dans une somme, il ne laisie pas, dit M.Potier , du Retrait, Part. 1, Chap. 6, n. 20s, d’y avoir autant de Contrats de vente que d’héritages ; & en conséquence le retrayant doit être admis à retirer l’un d’eux sans les autres. il adopte enfuite une autre opinion de M.Tiraqueau , qui dit que quand on a assigné d’abord un seul prix pour tous les héritages compris au marché, qui a été ensuite réparti par le même acte, en différentes sommes, pour le prix de chaque héritage, il y a pareillement, en ce cas, autant de ventes que d’héritages. le m’arrête à la solution deGrimau -det ; il faut, selon lui, moins consulter la lettre de l’acte, que l’intention des contractans : car si l’acquereur n’eût point acquis un fonds sans l’autre, ce n’est qu’un seul marché, de quelque manière qu’il ait été rédigé : aussi l’Article CXIII du Réglement de 16b8, porte que quand plusieurs héritages sont vendus par un même Contrat, le lignager clamant doit retirer tous ceux auxquels il a droit de clamer.

Il n’y a que la Coûtume de Luxembourg qui recoive au retrait ceux même qui ne sont pas de la ligne d’où procede l’héritage, & où la seule qualité de parent du vendeur suffit ; mais plusieurs Coutumes, comme Melun, Article CL ; Mantes, LXxxl ; Pérone, CoXEVI ; Touraine, CLXXVIII, disposent que quoique le lignager n’ait droit de retiret que P’héritage de sa ligne, l’acquereur pour son indemnité peut obliger le retrayant à retirer le tout ou rien.

Notre Coutume est muette sur ce point, elle regle bien l’ordre qui doit être observé entre les parens du vendeur, soit pour concourir au retrait ou pour s’exclure respectivement : elle dit bien que les parens paternels peuvent seulement retirer ce qui est du côté paternel ; & les parens maternels, ce qui est du côté maternel, mais elle ne va pas plus loinAussi les acquereurs ont-ils prétendu plusieurs fois, en cette Province, forcer le rétrayant, parent du vendeur d’un seul côté, de retirer les biens de l’un & l’autre côté : la question a été décidée contre l’acquereur en faveur du lignager, par Arrét de ce Parlement du 20 Juillet 16ba.

On peut rapporter ici une question à peu pres semblable, & qui a partagé tout le Barrean. Dans le fait, le Fief de Fontaine est saisi réellement sur le propriétaire : on com-prend dans le décret des rotures qui avoient fait originairement partie du Fief, & dont les tiers-acquereurs avoient la propriété incommutable Un parent du décreté clame à droit lignager le Fief de Fontaine, l’adjudicataire foutient qu’il doit aussi clamer les rotures il répond que le retrait des rotures ne lui appartient pas, qu’il en ost exclu par l’Article CCCCLxxIII de la Coutume, que le silence même des acquereurs ne peut lui conférer un droit dont il a été dépouillé par leur possession & qu’enfin le décret des rotures éclipsées du Fief n’est point un moyen de réunion au Fief. Par Arrêt rendu sur partage du premier Août 1787y le lignager a été dispensé de clamer les rotures.

Mais régulierement le lignager doit clamer tous les biens auxquels il en habile à succéder ; ainsi quand par le même Contrat le vendeur a aliéné des propres & des acquets, le lignager qui clame les propres doit aussi clamer les acquets, pourvu qu’il ne se présente pas au retrait des biens de cette nature des parens plus proches & plus habiles à succéder ; & par Arrêt du 8 Février 1731, on débouta du retrait le sieur d’Herbouville qui clamoit un propre maternel, pour n’avoir pas aussi clamé les acquets, quoiqu’il eût pû être préféré par des parens plus proches dans le retrait des acquêts ; mais ils avoient gardé le silence.

Cependant, quand le temps du retrait est passé pour quelques-uns des héritages compris dans le Contrat de vente, & qu’il dure encore à l’égard des autres, le retrayant ne peut être forcé de clamer que ceux par rapport auxquels le retrait est encore ouvert. Potier Part. 1 Chap. 6, n. 2o1, est d’avis contraire, & il s’appuie sur l’Article CCexcV d’Orléans. le sçai que depuis que le Notaire est le seul ministre de la lecture, il y a de la dif-ficulté : car comment cet Officier se transportera-t-il le même jour pour faire la lecture à l’issue des Messes paroissiales, des lieux où les héritages sont assis, quand ces lieux sont dans une distance considérable les uns des autres

Dans le cas de plusieurs Contrats frauduleux, le clamant n’est pas tenu de retirer le tout Arrêt du 8 Août 1637 rapporté parBasnage .

Celui qui clame un Fief n’est pas obligé de clamer les terres que l’acquereur aura retirées dans l’an & jour, à drolt féodal ; le remhoursement du prix que l’acquereur y auroit mis rendroit souvent le retrait du Fief impossible.