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CCCCLXXXIV.

Il suffit que la Clameur soit prise, & signifiée à l’acheteur dans l’an & jour de la lecture & publication faite du Contrat de vendue, encore que le jour de l’assignation pour venir voir compter deniers & exhiber le Contrat, échée aprés l’an & jour ; pourvu que l’assignation soit aux prochains Pleds ou Assises, du jour de ladite signifi-cation.

Le temps qui est donné pour faire les retraits étant précis & fatal, il doit être utile jusqu’au dernier moment. VoyezLouet , a. 10. C’est pourquoi on a jugé, que les ajournemens se pouvoient faire de nuit, & même aux jours de Fêtes les plus solemnelles,Louet , R. 30.

Si le temps de l’échéance de l’assignation pour faire le délaissement de l’héritage, est dans l’an & jour de la lecture, & que l’ajourné ait comparu sur l’assigna-tion, il ne peut alléguer les défauts de l’exploit, pour faire débouter le retrayant, parce que par sa comparence, il a reconnu que le retrayant a fait sa demande en retrait, ce qui suffit, cette demande pouvant être faite en Jugement sans exploit, quand l’acquereur y est présent, comme il a été jugé par un Arrêt du 18 de Mai 1612, rapporté par Bérault : mais si l’échéance de l’assignation est aprés l’an & pour, l’ajourné peut comparoître pour se défendre des fins de l’action, par le moyen de la nullité de l’exploit, le demandeur ne pouvant se prévaloir d’un exploit nul, & n’étant plus dans le temps de faire une nouvelle demande ; ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts.

Il faut de plus remarquer, qu’il est requis que l’exploit de la signification du retrait soit signé de deux témoins, autrement il y auroit nullité : ce qui n’est point changé par l’usage introduit depuis l’Edit du Controle des Exploits, qui déroge à l’Ordonnance, qui requiert que les Exploits soient signés de témoins ; car dans les matieres réelles & héréditaires, comme dans les sommations & saifies en décret, & dans les lectures des Contrats de vente, les témoins y sont toujours ne-cessaires. Il est en outre requis nécessairement, que l’assignation qui ne peut écheoir dans l’an & jour de la publication du contrat, soit aux prochains Pleds ou aux prochaines Assises du jour de la signification du retrait, aux termes de cet Article.1


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La Coûtume de Paris, Article CXxx, exige que le jour de l’assignation tombe dans l’an & jour accordé pour le retrait : plusieurs Coutumes portent, comme la nôtre, qu’il suffit que l’Exploit d’ajournement soit donné dans l’an & jour. Voyer Angoumois, Articie LVI ; Sens, Article XXXII ; Auxerre, Article CLVII ; Vitry, Article CxxyI ; Chalons, Article CXXXIV, Reims, Article CXCVII ; Vermandois Article CexxxIl.

Mais lorsque l’assignation doit échoir aprés l’an & jour, il faut en Normandie qu’elle soit donnée aux prochains Plaids ou aux prochaines Assises ; & une assignation au délai de l’Ordonnance ne suffit pas. Aussi les Coûtumes qui ont au fonds la même disposition que la nôtre, prescrivent un terme à l’assignation plus ou moins long ; les unes veulent qu’elle soit donnée à huitaine, d’autres au mois, quelques-unes au quarantieme jour. Dans le temps que Bérault écrivoit lorsque le clamant, dont la signification tomboit aprés le temps fatal, ne comparoissoit pas aux Plaids ou Assises prochaines, il étoit déclare déchu du retrait, & cette Jurisprudence paroit conforme à la Coutume.

Quoique la Coûtume semble en cet Article donner le choix de commettre l’assignation en retrait aux prochains Plaids ou aux prochaines Assises, on doit entendre ce Texte selon le partage de Jurisdiction, entre le Bailli & le Vicomte ; ainsi en refrait d’une terre roturiere, ce seroit une nullité d’assigner aux prochaines Assises, d’autant que l’on prolongeroit par cette voie les delais prescrits par la Coutume, & qui sont de l’essence de l’action : Arret du 23 Août 1754.

Les Huissiers & Sergens doivent enregistrer les matieres réelles, suivant les Réglemens rapportés par Bérault : cependant il a été jugé par Arrêt du ro Décembre 17os, qu’une clameur n’éroit point nulle pour n’avoir point été employée sur le Régistre d’héredité du Ser-gent ; mais la copie de l’Exploit étoit signée du retrayant. L’Officier qui instrumente la claeneur doit se faire assister de deux témoins idoines âgés de vingt ans ; à peine de nullité & de répondre des intérêts des Parties : Réglement du 17 Janvier 1731. Ce Réglement termine une grande difficulté : la Coutume ne prescrit point que le Sergent soit obligé d’ap-peller témoins a l’Exploit de retrait : on auroit opposé à la Jurisprudence ancienne la Déelaration de 1671, qui ne désire le concours des témoins que dans les Exploits de saisie féodale ou réelle.

Le Parlement de Paris a déclaré par un Arrêt du 6 Septembre 1721 rendu en forme de Réglement, & publié dans les Siéges de son ressort, un Exploit de demande en rétrait lignager nul, pour avoir été fait par un Huissier parent au troisieme degré du clamant : cet Arrêt est conforme aux Ordonnances & aux autres Arrêts rendus dans la même Cour.

Le dernier Réglement de cette Province du 18 Iuin 1789, sur le fait des Procédures, muni de Lettres patentes enrégistrées, a des dispositions précieuses sur la capacité que doit avoir l’Officier ministériel du retrait, il faut le consulter.

On a jugé au Parlement de Rouen, par Arrêt en Grand Chambre, du 14 Décembre 1756 que quand le pere intente le retrait au nom de son fils, on ne considère à l’égard du temoin la parenté, que par rapport à celui au nom duquel la clameur a été faite ; & sur ce principe on a déclaré valable un Exploit de clameur, signé d’un témoin, parent du pere, du troisieme ou quatrieme degré, & du fils du quatrieme au cinquieme, d’où il fuit que si le pere eût été le clamant, on n’auroit point approuvé la clameur : cet Arrêt est dans le même efprit que celui du Parlement de Paris.

Quand on tolère les Exploits de clameur faits de nuit ou à des jours de Fêtes solemnelles, ce n’est que dans le cas de nécessité indispensable & qu’on ne puisse remettre au lendemainHeriato die cum res tempore peritura est, aut actionis dies exitutus est. M. Jousse, sur l’Or-donnance de 1687, Tit. 2, Art. X, cite un Arrêt du Parlement de Paris du 4 Février 1719, qui a déclaré nul un Exploit de demande en retrait lignager, donné un jour de Fête dans un cas où il restoit encore un mois de temps pour le donner.

Ce n’est pas une nullité dans l’Exploit de retrait, que de n’avoir pas exprimé l’heure quand il est énoncé dans l’Exploit qu’il a été donné apres midi.Basnage . Il n’est pas aussi nécessaire que le clamant date le Contrat de vente dans la sianification, on a proposé cette question, & elle a été jugée en faveur du clamant, par Arrêt du 29 Mars 1754, rendu en l’Audience de Grand’Chambre. L’omission du degré de parenté du retrayant avec le vendeur, ne rend pas non plus l’Exploit nul : Arrêt du 2S Juillet 16yaâ, rapporté dans le Journal du Palais.

Le retrayant doit dans l’Exploit de retrait marquer son véritable domicile, & il ne suffit pas qu’il constitue domicile chez son Procureur : Arrêt du o Ianvier toë8 rapporté parAugeard , quoiqu’il soit obligé de constituer procureur, il suffit qu’aprés avoir designé son domicile, il ait ajouté chez un tel son Procureur : Arrét de ce Parlement du 24 Août 1782. La Coutume d’Orléans exige que le demandeur en retrait fasse élection de domicile dans le territoire de la Justice où la clameur doit être portée lorsqu’il réside ailleurs. Cette disposition est tres-juste.

Il n’est pas nécessaire que l’Exploit en retrait contienne des offres de rembourser actuellement l’acquereur, comme à Paris & dans plusieurs autres Coûtumes, il suffit que l’acque-reur soit assigné pour voir venir compter deniers & représenter le Contrat.

Bérault observe qu’en clameur on ajourne valablement le premier acquereur dans le cas d’une seconde vente ; c’est aussi la décision de du Moulin sur l’Article Cex de Blois, certum est quod citatio fada primo emptori interrumpit, sed si non sit suspicio fraudis, susficit nominare novum proprietarium si non sit difficilioris nec longioris conventionis ; c’est ainsi qu’il faut entendre Bérault ; Basnage rapporte un Arret du 1o Mars 1658, par lequel une assignation en retrait commise au second acquereur fut déclarée valable, quoique le premier acquereur fût resséant dans la Vicomté, le pénultieme Article de la Chartre Normande est concu dans les mêmes termes : Itent, qu’en aucuns cas de marché de bourse le querelle ne soit tenu àrepondre, s’il ne possede le marché.

L’action en clameur pour autrui doit être appuyée d’une procuration spéciale, & la ratification, apres le temps prescrit pour retirer est inutile : Arrét du 3 Avril 16c6. Et sic non potest valere actus tanquam ratificatus, quia etiam non potest valere tanquam noya adio, cum tempus sit lapsun, & nune post annum non est tempus, duMoulin , ibid, S. 173, n. 7. On a jugé par Arrêt du 17 Juillet 1731 que le dé aut d’avoir donné copie de la procuration dans l’Exploit de clameur avoit opéré la nullité de l’Exploit. MaisTerrien , Liv. 8 rapporte un ancien Arrét qui condamna le clamé à faire délai sur une assignation en retrait faite apres l’an & jour, parce qu’il étoit prouvé que le clamé avoit corrompu le Sergent chargé dans le temps de droit de signifier le retrait.

La comparution du clamé sur l’Exploit, dont l’échéance tombe dans l’an & jour, en couvrela nullité, & le retrayant peut clamer de nouveau judiciairement ; ainsi un acquereur prudent ne se présente point sur un Exploit nul donné dans le déclin du temps du retrait.