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CCCCXCII.

Et s’il y a eu refus, & depuis obéissance le garnissement doit être fait dans les prochains Pleds, si c’est Terre Roturiere ; & si elle est Noble, dans la prochaine Assise.

Les actions en Retrait renfermant nécessairement l’offre du remboursement, I c’est pourquoi la Coûtume les appelle Clameurs de bourse, pour signifier que les demandeurs doivent avoir l’argent à la main ) les demandeurs sont obligés de payer dans les vingt-quatre heures, quand l’acquereur consent aux fins de la demande ; ( ce que la Coûtume signifie par la Clameur gagée, encore que le retrayant ait donné l’assignation aux prochains Fleds ou à la prochaine Assise ; ce temps que la Coûtume semble donner, n’étant qu’au cas qu’il y ait proces, & non quand l’acquereur obéit à la clameur : mais quand l’acquereur a varié, c’estA-dire, lorsqu’aprés avoir refusé de quitter la possession de l’héritage, il obéit, alors le temps du payement ou garnissement est prorogé jusqu’aux Pleds ou Assises.

Le garnissement doit être fait partie présente, ou dument appellée, & au lieu ou le remboursement doit être fait ; c’est pourquoi il a été jugé que le garnissement n’étoit pas valable, fait au lieu où l’action avoit été évoquée ; mais qu’il avoit dû être fait au lieu du domicile du défendeur, par un Arrêt du premier de Février 1630, rapporté parBasnage .1

Au reste, la chose retirée demeurant en la possession de l’acquereur, jusqu’à ce qu’il s’en soit dessaisi par un délaissement volontaire, ou par la prise de possession du demandeur en Retrait, demeure-t’elle toujours pendant cet intervalle, aux risques du défendeur ; & le retrayant peut-il se desister de son action, & renoncer même à l’effet de la Sentence qui lui a adjugé ses conclusions, sans qu’on puisie lui faire porter la perte, ou la diminution qui est arrivée à la chose, ni d’autre peine que celle des intérêts & dépens ; VoyezLouet , C. 37, qui rapporte les raisons pro & contra, & un Arrét qui a jugé la question en faveur du de-mandeur, qui avoit fait juger la rescision d’un contrat.


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La Coutume ne connoit que deux délais pour faire le garnissement : celui de vingtquatre heures, si la clameur est gagée ; mais quand le clamé a fait d’abord refus & depuis obéissance, le garnissement doit être fait aux prochains plaids, lorsqu’il est question du retrait, d’une terre roturière ; & en cas de retrait d’une terre noble dans la prochaine assise. On ne sçauroit croire combien de difficultés a fait naître l’explication de ces deux dispositions. On auroit du consulter l’ancien Coutumier, la Glose, & le style de procéder de la Province. L’ancien Coutumier, Chap. 116, porte n’Oil qui le retrait ( l’héritage ) ps doit avoir terme de payer jusqu’à la premiere assise, pourtant qu’il y ait quarante jours n & dedans ce, sera le marché en la main du Prince : la Justice doit enjoindre au retrayeur n que s’il ne paye le prix au terme qui lui est mis, le marché remaindra à l’acheteur ; & n ainsi à la première assise, sera le retrait affermé en la défaulte au retrayeur qui depuis ne n devra être oui, se il défault à payer le prix au terme n. La Glose marque le changement intervenu depuis dans la Jurisprudence. n Par ce texte apert ; y ess-il dit, que le cuamant n aprés que le tenant lui aura connu son lignage, & obëi à sa clameur, & demandé ses n deniers aux pleds ordinaires, il aura terme de garnir main de justice du prix du marché y dedans les autres prochains plaids. Combien que de présent il est usé que si du premier n jour des plaids, le tenant obëit & demande ses deniers, le clamant est tenu de garnir n dedans le jour naturel n. Le style de procéder est encore plus clair. n Item, & se le n tenant de l’héritage vendu, ou defendeur de la clameur se compare au prochain siége, enn saivant la clameur & assignation, confesse le marché & lignage, & demande ses deniers ; n il doit mettre ses Lettres d’acquisition devers la Cour, afin que le clamant les voie. n Et doit le clamant faire garnissement de ce que le marché a coûté, & la facon des Letn tres & loyaux coûts dedans un jour qui est de vingt-quatre heures, à compter de l’heurs n qu’il sera lors jugé par les assistans ; & s’il ne fait son garnissement dedans ledit temps, n il doit décheoir de sadite clameur, & le Juge le doit condamner & confermer le marché à y son préjudice. Item, S’il y a delai que le tenant ne soit comparu au prochain siége en nsuivant la clameur & l’assignation, ou s’il est comparu au prochain siege, & qu’il n’ait n pas demandé ses deniers, mais en aucune autre manière délayé, si aprés ce à l’autre siége n il demande lesdits deniers, le clamant pourra avoir temps de garnir jusqu’au prochain n siége de la Jurisdiction où la matière sera pendante.

On voit dans ce tableau de notre ancienne Jurisprudence quel a été notre usage sur le temps du garnissement jusqu’à la réformation de nôtre Coûtume. Le gagé ne se faisoit que judiciairement, on ne pratiquoit point le gagé extrajudiciaire, où il étoit sans effet. Le clamant avoit quarante jours pour garnir suivant l’ancien Coutumier, mais cet usage éprouva dans la suite une révolution. La Glose atteste que quand le clamé avoir gagé clameur dans les prochains plaids ou assises, le clamant étoit tenu de garnir dans le jour natu-rel ; & le style de procéder nous apprend que ce jour étoit composé de vingt quatre heures, & qu’il couroit du moment que le Juge avoit accordé acte du gagé de clameur & sans aucune signification de la Sentence. Mais le clamé avoit-il refusé de comparoître aux prochains plaids ou assises, ou contesté la clameur, toutes les obéissances qu’il vouloit passer dans la suite, il devoit les passer aux plaids ou assises ; & alors le clamant n’étoit obligé de garnir, selon notre style de procéder, qu’aux plaids ou assises qui suivoient les assiles ou plaids dans lesquels le clamé avoit fait son obéissance.

La Coûtume réformée n’a rien changé dans ces dispositions ; & pour s’en convaincre, il suffit d’en conférer le texte avec les autorités que je viens de citer. D’où vient donc cette multitude de décisions si difficiles à concilier, & qui surcharge la matière sans l’éclaircir : L’Arrét solitaire de Mainfant, rapporté parBasnage , & qui déboute le clamant du retrait pour n’avoir pas garni dans les vingt-quatre heures du gagé de clameur fait au pied de l’Exploit de signification, est devenu célèbre de nos jours : la décision n’est cependant pas sans difficulté ; des que le retrayant n’est point tenu, à peine de nullité, d’offrir deniers à découvert par l’Exploit de clameur, des que la Coûtume marque un terme pour l’assignation, qui est celui des prochains plaids ou assises, le terme doit être commun au clainant comne u clamé ; & quand la Coutume fait mention du gagé de clameur, il est prouvé par l’Art.

CCCeLXXXIV, & plus encore par nos anciens usages qui ne sont point abrogés, qu’elle suppose un gané fait aux plaids ou assises. Quand on auroit suivi l’Arrêt unique de Mainfant, il ne falloit pas faire des efforts pour l’étendre, sterilis esto, nec alios generet casus : autre variation on a tantôt jugé que le délai de garnir, en conséquence d’un gagé fait aux prochains plaids, ne devoit courir que du jour de la signification de la Sentence & l’on a tantôt jugé le contraire. On ne parviendra cependant jamais à étouffer les dispositions de la Coûtume. Je vous ai clamé, vous avez gagé la clameur aux prochains plaide, terme de l’assignation : je dois garnir dans les vingt-quatre heures que j’ai obtenu la Sentence qui m’accorde acte du gage & ordonne la remise du fonds ; mais sur l’ajournement en retrait r vous n’avez point comparu aux prochains plaids ; vous gagez aux plaids suivans, je ne dois garnir qu’aux plaids qui suivent votre obéissance. Vous contestez : cette contestation dure pendant plusieurs plaids ; vous vous déterminez enfin a gager la clameur, j’aurai le même avantage que dans le cas de contumace, je garnirai dans les plaids qui suivront le gagé ; cela est si vrai que le clamant, pendant le délai marqué par la Loi, ne pourroit pas se préjudicier par un garnissement anticipé qui seroit défectueux, il a tous les momens du délai pour se rectifier : Arrêt du 11 Juin 1749. Loin de nous toutes ces procedures extrajudiciaires, ces sommations devant les Notaires & Tabellions inutiles au clamant & au clamé, ces exhibitions de deniers, soit lors de l’Exploit de retrait ou à l’Audience. N’accablons point la Loi sous le poids des formalités étrangeres ; n’oubliez pas que si l’on souftre l’évocation en matière de retrait lignager, le tribunal devant lequel on évoque doit littéralement observer les délais que la Coutume prescrit.

Ex Auteurs ont bien remarqué que le Juge ne peut proroger les délais du garnissement cela est vrai ; cependant il est des cas où il seroit impossible d’exécuter la Loi. Le garnissement doit être fait au domicile du clamé Supposez que le clamant ait pris la voie réelle, que le fonds qui fait l’objet de la clameur soit situé dans une distance considérable du domicile du clamé ; supposez que le clamé, résidant à l’extrémité de la Province, ait évoqué l’action en retrait, que le clamé gage la clameur, soit sur les lieux aux prochains plaids, soit au tribunal où il a évoqué à la prochaine Audience, il ne sera pas alors possible au clamant de garnir dans vingt-quatre heures ; cependant l’intention de la Coûtume n’est pas de rendre illusoire ses dispositions sur le retrait. Il est donc réservé au Parlement de prévoit cette difficulté, & de fixer, sans donner atteinte, aux dispositions de la Coutume, par un Réglement, le délai de garnir, eu égard à la saison & à la distance des lieux, Quand le clamé refuse d’accepter le remboursement de ses deniers, il faut alors les consigner en présence du clamé ou lui dument appellé, & dans le concours de deux lignagers étant en pareil degré, & ayant été recus à la clameur, l’un doit au défaut de l’autre rembourser l’acquereur, & ipsi in solidum debent pretium refundere, alioquin singuli excluduntur. D’Argentré , sur l’Art. CCLXXXVI de l’anc. Cout. de Bretag. Gl. 2. Je ne suis pas de l’avis de M.Potier , qui pense que le coretrayant peut même, apres le temps fatal pour consigner, rembourser le coretrayant des deniers qu’il a payés au clamé, car chaque clamant ne peut profiter du retrait qu’en satisfaisant aux conditions que la Coutume impose ; & si vous suivez le sentiment de M.Potier , vous établirez une seconde espèce de retrait en faveur du lignager en contumace. Voyej cet Auteur, Part. 1, Chap. 9, n. 382.

Le retrayant plus éloinné qui a été obligé de céder la suite à un lignager plus proche, & qui est cependant resté au proces, peut à son défaut consigner le prix du Contrat, & s’éjouir ainsi de l’effet du retrait.

Lorsqu’il y a contestation entre deux clamans, le Juge ne peut par provision adjuger la clameur à l’un d’eux ; & quand l’un a appellé de la Sentence, l’autre ne peut consigner, lors même que le clamé ne seroit point appellant de son chef : Arrét du 7 Juillet 1751.

Dans les cas où il faut garnir, il ne suffit pas, dans les regles, de justifier d’un Certificat de numération de deniers, il faut un acte de dépût & de consignation en bonne forme ; un garnissement où il se trouve des pièces fausses ou legeres, est nul, le plus Sûr est de garnir une somme plus forte que celle qui est portée par le Contrat de vente.

La consignation n’est parfaite qu’apres l’expédition totale de la quitrance, & un clamé qui obéiroit auparavant & dans le temps intermédiaire ne seroit pas susceptible des frais du garnissement : Arrét rendu en l’Audience de Grand Chambre le 5Mai 1752.

Si le retrayant retire du Bureau des Consignations le prix qu’il a consigné, il n’est pas douteux qu’il sera déchu du retrait ; car c’est de sa part y renoncer que de retirer sa consignation. M.Potier , n. 304.

Il résulte de l’esprit de notre Coûtume que l’établissement des Receveurs des Consignations ne doit pas préjudicier au retrait ; ce seroit un bon Réglement que celui qui autorise-roit le Notaire du domicile du clamé, à recevoir la consignation du clamant, quand la remise doit être faite dans une distance considérable du lieu du Bureau des Consignations.

On a ce semble préjugé ainsi la question, en accordant par Arrêt du 11 Juillet 1749, six deniers pour livres au Notaire qui avoit recu une consignation sur retrait.

Les Auteurs conviennent que le clamant peut avant la Sentence qui a ordonné à son profit la remise de P’héritage, se désister de sa demande en rétrait ; mais plusieurs pensent qu’apres la Sentence l’acquereur peut contraindre le retrayant à prendre le marché : c’est la distinction de duMoulin , sur l’Aricle VII de Bordeaux, aut reus jam accepravit, & non potest ( actor ) discedere invito reo, aut nondum acceptavit, & potest sive ante litem contestatam, sive post discedere refusis impensis, & ita practicari vidi.Grimaudet , Liv. 2, Chap. 33, pense autrement, il dit que le retrayant, aprés avoir obtenu Sentence, qui condamne l’acquereur a lui faire délai, peut abandonner le Jugé en payant les dépens du Proces, & il argumente des Articles CCCCVIl de la Coutume d’Anjou & CCCCXVIII de la Coutume du Maine : cette opinion paroit préférable. Voyer M.Potier , Part. 1, Chap. 9, n. 305.