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CCCCXCV.
Le Mari ou ses héritiers peuvent répéter la moitié des deniers qu’il a déboursés pour retirer l’héritage au nom de sa Femme.
Quand un mari retire un héritage vendu par ses parens ou par ses vasfaux, la femme n’y peut prétendre de part comme à un conquêt ; parce que retirer en ce cas, est remettre dans la famille, ou réunir à un Fief ce qui en avoit été séparé. Mais quand au contraire, un mari retire un héritage au nom de sa femme, qui est parente du vendeur ou propriétaire d’un Fief ; ( ce qu’il peut faire sans son intervention & sa procuration, quoique dans tous les autres droits propriétaires de la femme, il ne puisse contracter valablement qu’en la présence, ou en vertu de procuration d’icelle, ) tout l’héritage rétiré appar-tient par la même raison à la femme, qui n’est obligée qu’à rapporter la moitié des deniers déboursés pour le Retrait, & la moitié de ceux qui ont été employés pour faire les augmentations ou améliorations faites sur l’héritage depuis qu’il a été rétiré, qui est un avantage qu’on peut faire aux femmes en Normandie, outre celui de l’acquisition en bourgage : & bien que le mari puisse impunément aliéner les conquêts par lui faits, néanmoins quand il a rétiré un héritage au droit de sa femme, il n’en peut valablement disposer, que le consentement de sa femme n’intervienne, comme il a été juge par un Arrêt du 18 de Mars 1549, rapporré par Bérault sur cet Article.1 Mais il y a un cas spécifié dans l’Article suivant CCCCXCVI, auquel la femme ne peut prétendre l’héritage retiré en son nom, qu’en remboursant tout le prix, ou en faisant voir un remplacement, qui est quand le mari a vendu ou hypothéqué son propre bien pour faire le Retrait, à quoi il faut ajouter pour plus grand éclaircissement de ces deux Articles : Premièrement que la femme & ses héritiers peuvent se défendre de la répétition autorisée par ces Articles, quand le Retrait fait au nom de la femme, a été fait sans son consentement ou sa procuration : car en ce cas, ils peuvent renoncer à l’effet du Retrait ; ils le pourroient même nonobstant l’intervention ou la procuration de la femme, si cette répétition ne fe pouvoit faire, sans engager ou diminuer les propres de la femme, parce que le mari ne les peut aliéner ni hypothéquer par aucun contrat, sans un suffisant remplacement : Ce qu’il faut entendre au cas de renonciation à la succession du mari ; car l’acceptation de sa succession renferme une ratification des contrats qu’il a faits ; cependant le cas de renonciation n’empéchera pas la femme ni ses héritiers, de s’éjouir du Re-
trait fait par le mari au nom de la femme ; mais seront obligés de rapporter tout le prix.2 Mais que faudra-t il juger, s’il y a séparation de biens ? Le mari en ce cas, peut-il retirer au nom de sa femme ; ayant retiré, peut-il répêter tout le prix, ou seulement la moitiè : Il semble que le mari séparé de biens ne pouvant acquérir au nom de sa femme, ne peut aussi retirer en son nom, sans sa procuration, & qu’il n’ait répétition de tout le prix, parce qu’il ne peut faire avantage à sa femme, ni lui acquérir aucune propriété à ses dépens. Il y a diversi-té d’Arrêt sur cette question, les derniers ont jugé la répétition de tout le prix.
Il faut de plus ajouter, que non-seulement la femme qui veut s’éjouir de Phéritage rétiré en son nom doit porter le remplacement du propre que son mari a aliéné pour payer le prix du Retrait ; mais même qu’elle est tenue du remplacement du propre que le mari avoit aliéné auparavant le Retrait, quand elle est héritière de son mari : ce qui a été jugé par un Arrêt rapporté parBasnage , du 28 de Janvier 1660 : parce que l’héritage rétiré au droit de la femme, quoiqu’il soit réputé un propre dans les biens de la femme, suivant l’Article CCCCLXXXIII, est un véritable acquet à l’égard du mari, & partant doit porter à proportion le remplacement des propres qu’il a aliénés, par l’Article CCCCVIII & l’Article. LXV dudit Réglement.3
DuMoulin , sur Rheims Article CexxIil, dit que le mari pert intenter ce rétrait malgré sa femme, ergo etium illâ invitâ quia qualitas que adori non sufficit, non put-st per adorem revocari ; mais Berault pense que, par le refus du mari, la femme pourroit se faire habiliter en Justice pour clamer, si elle en avoit d’ailleurs les moyens. Voyer la note sur l’Article CCeCIIII.
La Coutume de Rheims, citée par du Moulin & Grimaudet Chap. 16, Liv 2, désire que le mari dans l’Exploit d’ajournement en retrait au nom de sa femme, exorime sa qualité de mari ; il suffit en Normandie que le mari clame à droit de sang & de proximité de lignrage : Arrêt du 21 Janvier 1734.
Le mari peut clamer au nom de sa femme séparée ; mais si on fuit la distinction de Basrage, elle doit tenir compte aux créanciers du mari de la totalité du prix du retrait ; & par rapport à ses héritiers, elle demeure dans le droit établi par cet Article.
Plusieurs Coutumes disposent que la femme ou ses héri iers doivent, dans l’an & jour de la dissolution du mariage, offrir le remboursement prescrit ; vuver Poitoi, Anjos, Maine.
Notre Goutume n’a fait aucune regle sur cet Article, parce qu’elle considere, sans doute, l’action qui appartient à la femme pour revendiquer les hérit-ges clamés en son nom comme ses autres actions immobiliaires ; mais le mari ou ses héritiers ont le droit de rétention des fonde clamés jusqu’au temps du remboursement de la Coûtume, dans lequel on fait entrer comme dit Pesnelle, la moitié des améliorations, suivant un Arrét du mois de Juin ou Juillet 16oy, cité parBérault .
Il semble que quand la femme ou ses héritiers ne veulent point accepter le retrait, l’acquereur devroit rentrer dans son héritage, en remboursant le mari du prix du retrait, d’au-tant que le principal motif de la Loi, qui y avoit autorisé le mari, cesse alors ; voyez l’Article CCIII
Il résulte de l’Arrêt du 26 Fevrier 1660, par argument à sens contraire, que si la femme renonce à la succession de son mari, elle n’est assujettie au remplacement du propre Sliéné par son mari, que quand il a été vendu ou hypothéqué pour retirer l’héritage à son droit ; ainsi dans ce cas, nulle obligation contre la femme de remplacer le propre venduauparavant le retrait, & dont le prix n’est point justifié avoir été employé au retrait.