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CCCCXCVII.

Il ne suffit pas que le Retravant s’oblige de décharger l’Acheteur, qui s’est soumis d’acquitter le Vendeur d’aucune rente envers ses Créanciers ; ains sera, & doit être contraint à garnir les deniers desdites rentes, pour la décharge dudit Acheteur ; & où l’Acheteur ne seroit tenu qu’à la faisance & racquit desdites rentes, il suffit que le Retrayant s’oblige l’en décharger, pourvû qu’il soit ainsi accepté par le Vendeur, & doit ce faire fous l’hypotheque de tous ses biens, & non-seulement de l’héritage retiré ; en quoi faisant l’Acheteur demeure déchargé de tout.

C’est une maxime, que l’acquereur en délaissant l’héritage au retrayant, doit être déchargé absolument de toutes les obligations qu’il a contractées par l’acquisition : C’est pourquoi la Coûtume a voulu pourvoir à sa sureté par cet Article, en obligeant le retrayant à garnir les deniers des rentes, au cas que l’acquereur s’est obligé de les acquitter abfolument envers les créanciers de son vendeur : car si son obligation n’étoit qu’envers le vendeur, l’agrément du vendeur suffiroit au retrayant, comme il suffit au cas que l’acquéreur s’est seulement obligé à la continuation des rentes, & non à les acquitter dans un certain temps ; car la Coutume en ce dernier cas, charge le retrayant de dégager l’acquereur, en obligeant & hypothéquant tous ses biens ; ce qui étant accepté par le vendeur, l’a-cheteur demeure entièrement déchargé de toutes les obligations qu’il auroit contractées. Il a été jugé par un Arrêt du 3 de Septembre 1677, rapporté parBasnage , qu’un acquereur s’étant obligé d’acquitter une rente dotale entre les mainsd’un mari, il ne suffisoit pas au retrayant de garnir le prix par lequel la rente pouvoit être amortie, mais qu’il étoit tenu de la racquitter aux termes du contrat, à ses risques ; ou au moins, de bailler bonne & suffisante caution au vendeur de continuer la rente. Or comme l’acquereur doit être déchargé de toutes les actions qu’il avoit attirées contre lui par son acquisition, il recouvre d’ailleurs toutes les actions qu’il avoit à l’égard de l’héritage, & qui avoient été confondues par sa possession.1


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Cet Article contient deux dispositions différentes, la premiere veut que le clamant garnisse pour la décharge de l’acquereur le capital des rentes que l’acquereur s’est chargé d’acquitter envers les créanciers du vendeur ; l’autre suppose que l’acquereur n’est tenu qu’à la faisance & racquit des rentes dont le vendeur est redevable ; & dans ce cas elle n’oblige le retrayant qu’à en décharger l’acquereur, pourvu qu’il ait le consentement du vendeur & qu’il hypotheque à la continuation des rentes, non-seulement Phéritage qu’il retire mais encore la totalité de ses biens, à ce moyen la Coutume déclarc que l’acquereur demeure déchargé du tout.

On auroit pu douter, ditBérault , si l’acquereur ayant pris charge par le Contrat de vente d’acquitter le vendeur envers le créancier dans un terme, comme de deux ou trois ans, d’une rente qu’il devoit, le retrayant en transférant sur lui cette obligation, n’étoit pas recevable au retrait sans garnir le principal ; mais la Loi, en exigeant le remboursement actuel, envisage l’intéret du vendeur & celui de l’acquereur : l’intéret du vendeur pour le garantir de la négligence du retrayant qui pourroit occasionner contre lui la poursuite de ses créanciers ; l’interét de l’acquereur, qui n’ayant plus le marché, ne doit pas demeures obligé envers le vendeur ni être exposé à des actions en recours envers le retrayant, Ainsi par le garnissement l’acquereur sera déchargé envers le vendeur & le vendeur envers ses créanciers par le paiement du capital des rentes dont il est débiteur.

Quand au contraire le débiteur n’est assujetti par le Contrat de vente qu’à la faisance, continuation & racquit des rentes, vous ne pouvez contraindre le retrayant de garnir le capital, sans lui imposer une condition plus dure que ce le de l’acquereur ; il faut cependant pourvoir à l’indemnité de cet acquereur : Dela cette Loi portée contre le rétrayant d’engager tous ses biens à la Sureté du paiement & du racquit des rentes, & de se faire ngréer du vendeur.

La différence du motif de ces deux dispositions est sensible, dans le premier cas, le vendeur veut affranchir ses biens dans un temps préfix de l’hypotheque de ses créanciers ; dans l’autre cas, il remet à la volenté de l’acquereur le moment de leur libération, & il consent d’être sa caution, C’est, au reste, une regle assez générale qu’à l’égard des charges, qui demandent un délai pour y fatisfaire, le clamant n’est point obligé de rembourser sur le champ ; il peut offrir au clamé l’alternative de recevoir ou de donner caution : cependant si l’on ne doit pas géner le clamant, on ne peut pas, sans de grandes rai ons, embrasser un parti qui expose l’acquereur à essuyer des procés contre le vendeur, le clamant & sa caution.

Le clamant n’est pas obligé d’apporter incontinent au clamé une décharge des faisances qu’il n’a pu connoître que par la repré sention du Contrat, de quo aliter constate non potest, dit d’Argentré , Article CexeIV, Gl. 1, quam exhibito & ledto contradu ; il n’est point tenu de donner caution des rentes foncieres, irracquittables & représentatives du fonds ; mais si l’héritage a été vondu à rente viagere, le retrayant doit se faire agréer par le vendeur pour la continuation de la rente, ou donner une caution qu’il accepte : Arrêt du 28 Février 1752.

On a demandé dans quel temps le retrayant devoit donner caution de faite & continuer la rente vi-gere : il ne doit pas y avoir de difficulté quand on a bien voulu lire le principe de d’ Argentré : il ne faut pas partir de la connoissance que le retrayant a pu avoir du Contrat de vente, la Coûtume elie-mête n’y fait aucune attention, puisqu’elle suppose par l’Article CCCCLXXXIV que l’assignation est faite pour exhiber le Contrat. Clest donc du moment de l’exhibition que le retray int est censé instruit des clauses qu’il contient, il lui suffit donc de se soumettre alors de donner caution ; & dans la vérité cette foumission est la seule chose qui soit actuellement dans son pouvoir.

Il n’est pas dimeile maintenant de décider cette fameufe question, tant discutée par Tiraqueau : si le retrayant peut profiter du terme de payer accordé à l’acquereur par le Contrat de vente, nous saivons la disposition des Coutumes de Troyes, Article CLXI & de Reims, Article CexxV, qui oblixent le retrayant à garnir le prix ou à représenter une décharge du vendeur, quoique le terme du paiement ne soit pas encore échu. Le retrait se passe entre l’acheteur & le retravant : l’acheteur n’a donc aucune action contre le vendeur pour l’obliger à le décharger de son obligation. Aussi du Moulin décide, S. 20, Gl. 8, n. 8, que le vendeur ne peut être contraint, quelque caution qu’on lui offre, d’accepter le retrayant pour débiteur, à la place de l’acheteur : voyet Bérault &Basnage . Observez cependant que le retrayant a souvent un grand intérét de payer le prix au vendeur ; car l’héritage qu’il clame demeure toujours privilégiément affecté à la Sureté du paiement du prix, & le retrayant payant entre les mains de l’acquereur court risque de payer deux fois.

Le créancier qui a prété des deniers pour l’acquisition d’un héritage, & dont l’emploi est eonstant par le Contrat de vente, paroit conserver son hypotheque sur le fonds, s’il n’a point été appellé au remboursement : Arrêt du 12 Juin 1672.Basnage .

C’est une maxime que, par le retrait, les hypotheques que l’acquereur avoit sur le fonde clamé, revivent, unde non revocatur hypotheca, dit duMoulin , 5. 20, Gl. 5, n. 38, in casum quo revocetur Dominium ex causa revocabilitatis, inexistente temport acquisitionis habentis implicitum resolutionis slatum in hunc eventum.