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CHAPITRE DIX-HUITIEME. DES RETRAITS, AUTREMENT DITS CLAMEUR DE BOURSE.

C E Chapître est intitulé Des Retraits & Clumeur, pour signifier qu’il y est traité des actions qui tendent à retirer des mains d’un acquereur, les immeubles qui lui ont été transportés ; ce qui se fait, ou afin de les remettre dans la famille dont ils avoient été aliénés, ( c’est le Retrait lignager : ) Ou afin de les réunir au Fief dont ils avoient été séparés, ( c’est le Rerrait féodal : ) Ou afin de les faire repasser aux mains de l’ancien acquereur qui en avoit été dépossedé par une Adjudication de Decret, ( c’est le Retrait à droit de Lettre lue : Qu afin de les remettre en la possession du vendeur, en exécution de la faculté qu’il s’étoit réservée par le Contrat de vente, ( c’est le Retrait conventionnel : ) Ou enfin, pour rejoindre le domaine utile. & la propriété, qui avoient été comme divisés par le Bail à rente foncière ; ( & c’est le Retrait, qu’on peut appeller de proprieté ) qui fait la cinquième espèce de Retraits, qui est établie par l’Article DI, quoique la Coutume dans la division qu’elle a faite dans l’Article CCCCLXI femble l’avoir oubliée.1 Mais les plus importans des Retraits, sont le lignager & le féodal, parce qu’ils sont d’un usage plus ordinaire, y ayant peu de contrats d’aliénations. d’immeubles, dont ces actions ne naissent pas au benéfice, tant des parens du vendeur, que des Seigneurs dont les héritages aliénés relevent à cause de leurs

Fiefs. Ces droits qui consistent dans une préférence qu’ont les rétrayans aux acquercurs, étoient inconnus dans la Jurisprudence Romaine, & sont fondés sur une raison, qui est plutôt de bienséance que d’équité & de Justice, paroissant qu’il est plus équitable & plus juste, que celui qui a fait un contrat pour parvenir à quelque acquisition qui lui est commode, s’éjouisse de ses soins & de son industrie, que d’en accorder tout l’avantage à un au-tre, qui veut profiter d’une négociation à laquelle il n’a point contribué : Outre que cette préférence est contraire à la liberté & à la facilité du commerce, plusieurs étant détournés d’acheter par l’appréhension qu’ils ont, que non-seulement les acquisitions qu’ils pourroient faire, leur deviendront inutiles par l’in-tervention des parens & des Seigneurs de Fief, mais les exposeront à beaucoup d’inconvéniens, comme de la perte d’une partie de leurs deniers, par les changemens qui arrivent souvent aux monnoies, ou de la division des héritages qu’ils auront achetés, dont la meilleure partie leur pourra être retirée, & l’autre leur demeurera, quoiqu’il leur soit fort incommode, & même fort dom-mageable de l’avoir séparément. On peut ajouter, que les retraits sont une source d’une tres-grande quantité de proces, qui proviennent des fraudes & des dé-guisemens qui se commettent, tant dans les contrats, pour frustrer les droits des parens & des Seigneurs, que dans les retraits mêmes, pour en obtenir ou en empécher l’effet, mais il seroit inutile de s’arrêter davantage à blamer des droits qui sont autorisés par toutes les Coutumes ; il suffira de dire, qu’il seroit à defiren qu’on les eût restreints à leur effet naturel, qui est la préférence, en pourvoyant à l’indemnité de l’acquereur, qui, sans doute, devroit être mis au même état qu’il étoit avant son contrat, par celui qui entre en sa place, & qui a tout le profit de son marché.2

Outre la division des retraits, qui fait un partage des principales matieres on en peut encore proposer une autre, pour y rapporter les Articles qui composent ce Chapirre : car on peut considérer quels contrats sont retrayables, quelle est la durée des actions de retrait, qui sont ceux qui y sont préférés, & quels en sont les effets.

Les contrats qui font ouverture aux droits de retrait, sont ceux par lesquels les héritages, ou la plûpart des choses qui sont réputées immeubles, sont aliénées.

C’est pourquoi toutes les ventes, tant volontaires que par décret, faites d’héritages, de rentes foncieres, de bois de haute fûtaie, d’un usufruit, sont sujettes aux retraits ; il n’y a que les Offices non domaniaux, & les rentes constitués à prix d’argent, qu’on appelle hyporheques, qui ne sont point retrayables au cas de la vente qui en est faite.

a l’égard des contrats d’échange, il faut user de distinction ; car quand l’echange se fait purement d’un immeuble contre autre immeuble, il n’y a point d’ouverture aux droits de retrait : si au contraire l’échange est mixte, parce qu’il est baillé quelque argent ou quelque chose mobiliaire pour supplément de la valeur de l’autre héritage, cet héritage pour lequel ce supplément t’que la Coutume appelle solde yest baillé, estretrayable, quelque petite que soit la solde, & l’héritage au contraire avec lequel la solde est baillée, n’est point clamable, pour se servir du terme de la Coûtume. Mais les rentes rachétables, soit qu’elles soient foncieres, soit qu’elles soient volantes & pures hypotheques, quoique d’ailleurs réputées immeubles, étant baillées en échange, ou en tout ou en partie, sont censées une solde, & rendent le contrat par lequel elles sont baillées, retrayable à l’égard de l’héritage con-tre lequel elles sont transportées, pour en suppléer la valeur.

Les contrats de transaction ordinairement, ne sont pas retrayables, encore que le possesseur d’un héritage qui étoit litigieux, ait promis ou baillé de l’argent pour se maintenir en sa possession : car on présume toujours qu’il étoit pro-priétaire, & que l’argent qu’il a promis ou baillé, n’a éte que pour éviter la continuation d’un proces : Transactione sive litis renuntiatione dominium non queritur, sed tantun exceptio qui renuntians excluditur, l. postquam, C. De pactis. Mais quand le possesseur reçoit de l’argent, & s’oblige de quitter l’héritage. par la transaction, ce contrat est retrayable, parce qu’il est réputé une vente, mais les retrayans n’ont pas l’effet de leur action en payant le prix porté par le contrat, ils sont tenus de défendre au proces & d’en attendre l’événement con-tre celui qui est devenu possesseur en vertu de la transaction : que si au contraire, le possesseur a donné de l’argent, & qu’on lui ait cédé quelques autres imimeubles, le Contrat de transaction, qui contient ces pactions, est retrayable ; mais ce n’est qu’à l’égard de ces immeubles baillés à ce possesseur, & en ce cas, le prix du retrait ne sera pas réputé être l’argent qui a été baille par cet acquereur, mais il faudra faire l’estimation par experts de ces immeubles qu’il a acquis ; c’est ce qu’on peut inférer de l’Article CCCCLXVII.

Les contrats des véritables donations ne sont pas retrayables, mais les donations qu’on appelle remunératoires ou compensatoires, faites pour récompense de services, sont retrayables ; mais les retrayans sont tenus de payer la vraie valeur & estimation des héritages baillés, par l’Article CCCCXCVIII.

Enfin les baux à ferme pour plus de neuf ans, que la Coûtume appelle Baux ù longues années, sont retrayables par l’Article DII.

La durée de l’action du retrait conventionnel est d’autant de temps qu’il en a été stipulé par le contrat qui en contient la clause : Mais pour les autres retraits, qui sont établis par la Coûtume, en conséquence des contrats d’aliénation, la durée ordinairement est d’une année, qui commence au jour auquel l’aliénation est renduë notoire ; c’est pourquoi la Coutume a prescrit tant de solemnité pour cette notoriété, dont les particularités sont déclarées par les Articles CCCCLV & CCCCLVI, l’omission desquelles en tout ou partie, prolonge le temps du retrait jusqu’à trente ans. Il en faut dire autant de toutes les fraudes qu’on peut pratiquer dans les contrats pour empécher que ceux qui ont droit de retirer, ne s’en puissent ou veulent éjouir, soit qu’on ait augmenté le prix, ou déguisé le nom du contrat.

Mais ce qui est de plus remarquable dans ces actions annales, est que la contestation ne les fait pas vivre plus d’une année, de sorte que si la poursuite en est discontinuée pendant un an & jour, elles sont péries par un usage. particulier de la Coutume, comme il paroit par l’Article CCCOxCI & ; car dans les autres Provinces, les actions possessoires, & qui intru annum tantum compelunt, ne sont point prorogées par l’ajournement, ni par tous les autres actes qui n’emportent point la contestation de la cause, mais quand elles sont contestées, elles sont prolongées jusqu’à trois ans du jour de la contestation,Louet , I. 2.

Il faut en outre remarquer, que ces actions semblent être autant réelles que personnelles, parce qu’on a égard & au domicile du défenseur, & au lien où la chose est sieuée : C’est pourquoi, quand le défendeur est domicilié hors de la Vicomté, dans l’etenduë de laquelle est l’héritage retrayable, il suffit de signifier le retrait au détenteur, comme au fermier receveur ou autre qui y réside pour l’intérét du propriétaire, par l’Article CCCCLXXXV. Il est anéanmoins d’un usage constant, que les actions de retrait sont évocables devant le Juge des privilégiés : il les faut donc réouter mixtes, d’autant plus que plusieurs Coutumes donnent le choix au demandeur d’intenter son action de retrait, ou devant le Juge du domicile de l’acquereur, ou devant le Juge du lieu de l’héritage ; Louet & son Commentateur, R. 51.

Quant à la préférence qui est donnée dans les actions de retrait, il est certain que le lignager préfere le féodal, & que ces deux retraits préferent ce-lui qui se fait en vertu de la propriété, comme il se doit inférer par l’Article, Di car pour le retrait à droit de lettre lue, il est encore indubitable qu’il est prefére à tous les autres établis par la Coutume.

Donc la seule difficulté pour cette préférence est, quand plusieurs parens du vendeur concurrent en l’action de retrait. Dans la plupart des Coûtumes cela ne peut faire aucune question, parce que l’effet du retrait est adjugé au plus diligent : mais en Normandie, les retraits s’adjugent par les mêmes maximes qui sont observées dans le droit de succéder, comme il est déclaré par les Art.

CeccLXVIII, ceceLxix, CcccExx, CCCCExXV, CCeCLXXVI & CCCCLXXVII, sur lesquels cette matière sera plus particulièrement développée.

Reste à discourir en général des effets de ces actions de retrait. On les peut distinguer par rapport à l’héritage même, & par rapport aux fruits qui cn sont dépendans : a l’égard de l’héritage, il est évident que le retrayant y a tous les droits qui appartenoient à l’acquereur, en vertu de son contrat d’acquisition, parce que par l’effet naturel du-retrait, il entre en la place de l’ac-quereur : mais neanmoins il est nécessaire d’éclaircir cela par une restriction. qui se doit faire à l’égard des héritages qu’il a droit de retirer ; car il arrive assez souvent que tous les héritages qui sont aliénés par un seul contrat, ne sont pas retrayables par la même personne, les parens ne pouvant retirer les propres qui ne viennent pas de leur côté & ligne, & ne pouvant d’ailleurs être obligés de prendre les autres héritages, quoiqu’ils soient vendus par un seul contrat & par un seul prix. Il en est de même du Seigneur de Fief, qui n’a droit de retirer que ce qui dépend de son Fief, & qui partant ne peut pas prétendre, qu’un autre héritage qui est compris dans le contrat d’aliénation, mais qui ne releve point de sa Seigneurie, lui soit adjugé en vertu de son retrait ; comme d’ailleurs, l’acheteur ne peut pas contraindre le Seigneur de Fief retrayant, de prendre tout ce qui lui a été vendu, quoique par un seul contrat & par un seul prix : de sorte qu’en ces rencontres, le marché peut être divisé, tant en faveur qu’au dommage de l’acquereur, comme il sera expliqué plus au long sur l’Article CCCCIXXII. Pour les fruits, ils appartien-nent aux retrayans en de certains cas, & sous quelques conditions qui seront soécifiées sur les Art. CCCCLXXXVI, CCceLXXXVII, CCCCLXXXVIII, CCeClxxx. & & CCcexC.


CCCCLI.

L’on peut se clamer en l’héritage vendu, en quatre manieres, à droit de lignage, droit seigneurial, droit conventionnel, & à droit de lettre lue.

Il été remarqué que la division faite par cet Article, n’est pas exacte, ou qu’il y a une cinquieme espece de retrait, autorisée par les Articles DI & DlI, qui est celle du propriétaire à l’égard de la rente foncière & de l’usufruit. Ces cinq sortes de retraits font encore le partage des maticres qui sont comprises dans ce Chapitre, dont la plûpart des Articles sont communs au retrait lignager & au féodal. Mais le retrait à droit de lettre lue, est compris dans trois Articles, qui sont le CCCcLxxI, CCCcLxxII & CCCCLXXIII.

Le retrait du propriétaire est établi par les Articles DI & DII ; & quantur conventionnel, il est renfermé dans un seul Article, qui est le dernier du Chapître.3


CCCCLII.

Tout héritage ou autre chose immeuble, soit propre ou acquêt, vendu par deniers, ou fieffé par rente racquittable à prix d’argent, peut être rétiré, tant par le Seigneur féodal immédiat, que par les lignagers du Vendeur jusqu’au septieme degré icelui inclus, dedans l’an & jour de la lecture & publication du Contrat.

Le retrait lignager étant préféré au féodal, la Coutume n’a pas gardé un bon ordre, en nommant dans cet Article le féodal avant le lignager : ce que le féodal a de particulier, a été remarqué sur l’Article CLXXVII & les sept suivans, au Chapitre des Fiefs. Basnage rapporte un Arrêt du 20 Juin 1653, par lequelil a été jugé, que les Offices domaniaux sont retrayables : mais tout l’immeuble baillé à une fille ou à une seur, au lieu du payement des sommes qui lui ont été promises pour son mariage, n’est point retrayable, en quelque-temps que cette vente ou cession fait éte faite, soit lors ou depuis le mariage. Il faut de plus remarquer, que le mari vendant l’héritage de sa femme, sans l’intervention ou procuration spéciale. d’icelle, l’an & jour du retrait ne commence à courir, au préjudice des parens de la femme, que du jour que la ratification de la femme a été publiée par une lecture solemnellement faite : mais si le mari vend conjointement avec sa femme, ou en vertu d’une Procuration d’icelle, en ce cas la vente est parfaite, & partant, l’an & jour du retrait commence à courir du jour de la lecture qui en a été bien faite : comme quand le tuteur a vendu l’héritage appartenant à son pupille, parce qu’il a autorité & une procuration tacite par la Loi, qui lui donne pouvoir de faire tout ce qui est à l’avantage du mineur, l’an & jour du retrait court du jour de la lecture, & non du jour que la vente est ratifiée par le pupille devenu majeur. Quand on a vendu à la charge du décret, l’an & jour du retrait, court du jour de la lecture du contrat de vente, & non du pour de l’adjudication du décret, quand elle est conforme audit contrat ; Louer, D. 26.4


CCCCLIII.

Et si lecture & publication n’en a été faite, le Contrat est clamable dans trente ans, en remboursant le prix & loyaux coûts, des-quels loyaux coûts, le Clamant baillera caution, s’ils ne peuvent être promprement liquidés, pour les Contrats qui seront faits à l’avenir.

Les contrats dont la lecture n’a pas été valablement faite, sont retrayables dans les trente ans, encore que les héritages vendus ayent changé de main, par titres qui ne sont plus retrayables, comme par ventes volontaires dûement publiées plusieurs années auparavant : ce qui a été innové par la Coûtume réformée, auparavant laquelle les contrats, qui n’avoient pas été publiés comme il est requis, n’étoient retrayables que dans les dix ans aprés qu’ils avoient été faits. Ce changement paroit avoir été fait sans aucune raison valable, le temps. de dix ans étant beaucoup plus que suffisant pour rendre une aliénation notoire aux parens & aux Seigneurs, qui ne peuvent pas ignorer la possession & la jouissance que l’acquereur doit avoir cue ouvertement pendant un si long-temps. Il y a eu plus de raison d’accorder trente ans de retrait aux cas des fraudes que les acquereurs ou les clamans peuvent commettre ; non-seulement parce que ces fraudes qui se font avec beaucoup d’artifice & de clandestinité, peuvent demeurer inconnues pendant un fort long-temps, mais parce qu’il est juste que les tromperies ne demeurent pas impunies : c’est pourquoi dans les autres Coûtumes, il n’y a point de temps limité précisément pour les retraits qui se font aux cas de fraudes : mais on a donné un an, à compter du jour que la fraude a été découverte.5

On a proposé sur cet Article la question de l’incendie arrivé aux bâtimens. tenus à loyer ; sçavoir, si le locataire est tenu de prouver la cause de l’incendie on a jugé, que les incendies arrivant presque toujours par la faute de quelqu’un suivant ce qui est dit en la Loi 3. ff. De officio pre fecti vigilum ; & la Loi se vendita, ff. De periculo & commodo rei vendite ; le locataire qui est obligé à la garde & conservation de la chose dont il jouit, ne peut détruire la présomption qui fait juger que l’incendie est arrivé par sa faute ou celle de ses domestiques, qu’en alléguant ou justifiant le contraire.


CCCCLIV.

Les héritages ou rentes vendues dans le Ponteaudemer, Pontlevêque, Lisieux, Caen, Coutances, Avranches & autres endroits esquels il n’y avoit que vingt quatre heures de clameur, pourront être dorénavant retirées dans les quarante jours du jour de la lecture & publication du Contrat. ( 1 )6


CCCCLV.

La lecture se doit faire publiquement & à haute voix, & à jour de Dimanche, issue de la Messe paroissiale du lieu où les héritages sont assis, en la présence de quatre Témoins pour le moins, qui seront à ce appellés, & signeront l’Acte de la publication sur le dos du Contrat, dont le Curé ou Vicaire, Sergent ou Tabellion du lieu qui aura fait ladite lecture, est tenu faire registre ; & n’est reçu aucun à faire preuve de ladite lecture par Témoins : Pourront néan-

moins les Contractans, pour leur sûreté, faire enrégistrer ladite leeture au Greffe de la Jurisdiction ordinaire.

La preuve des solemnités prescrites par cet Article CCCCLV doit résulter de ce qui est écrit sur le dos des contrats ( c’est l’expression de la Coûtume dont la lecture a été faite, & ne se peut suppléer par la preuve qu’on offriroit de faire par témoins : par la même raison, que la forme des Exploits & les solemnités des Testamens, ne peuvent être prouvées autrement, que par ce qui est écrit aux Exploits & Teftamens ;Louet , F. 3. & T. 12. Il faut donc qu’il soit énoncé dans l’endos mis sur le contrat, que la lecture en a été faite publiquement, à haute voix, à l’issue de la Grand Messe paroissiale, par le Curé, Vicaire, Tabellion ou Sergent du lieu, en présence de quatre Témoins, qui soient nommés, & qui ayent signé : cet endos est réputé l’original de la lecture, de sorte que s’il y a quelque défaut dans cet endos, il ne seroit point sup-pléé par le registre de la personne publique, qui aura fait la lecture avec toutes les circonstances ordonnées par la Coutume, comme il a été jugé par un Arrêt du 18 d’Avril 1654, rapporté parBasnage . Ce régistre néanmoins feroit preuve suffisante, si le contrat avoit été perdu. Il faut dire la même chose de l’enregistrement fait de la lecture en la Jurisdiction ordinaire.

Ce n’est pas une nullité, que le Curé, Vicaire, Tabellion ou Sergent soient parens de l’acquereur, dont ont peut inférer que ce ne seroit pas une nullité que quelqu’un des témoins eût cette même qualité : ce qui a été jugé par un Arrét de 1622, cité parBasnage .

Par le Sergent du lieu, on doit entendre celui qu’on appelle Sergent de la Querelle, & il ne suffiroit pas qu’il eût son domicile dans la Paroisse, ni qu’il y git faire des Exploits : jugé par un Arrêt du 3 de lanvier 16t8, rapporté parBasnage .

Les Vicaires & Curés ne sont pas responsables des défauts des lectures qu’ils ont faites comme le sont les Sergens ou Tabellions, qui doivent sçavoir ce qui est prescrit par la Coûtume. Sed quid ; Si le contrat a été perdu, & le registre de celui qui a fait la lecture, l’acquereur sera-t il admis à faire preuve par témoins, que le contrat a été vu, tenu, lu & endossé de ladite lecture, suivant la forme prescrite par cet Article ; Videtur quod sic, par argument des Articles DXXVII & DXXVIII ; mais. il seroit nécessaire que les témoins de l’enquête certifiassent avoir bien connu les signatures mises sur l’endos du contrat.

a présent il n’y a plus que les Notaires qui puissent faire les lectures, suivant l’Edit de 1694, & la Déclaration du 20 Septembre 172o, insérés dans le Recueil à la fin de ce Livre.7


CCCCLVI.

Et où le corps des Eglises seroit hors le Ressort de Normandie, & les héritages acquis dans ledit ressort, la lecture s’en peut faire au prochain Marché des choses vendues, ou en la Jurisdiction ordinaire, dont lesdites terres & héritages vendus sont dépendans.

Si la Coutume eût voulu approuver les lectures faites en la Paroisse au cas de cet

Article, elle n’eût pas pris le soin de proposer deux autres lieux où cette lecture peut être valablement faite. Par le Marché plus prochain, on doit entendre un Marché qui soit dans le ressort.8


CCCCLVII.

L’an & jour du retrait & clameur, court aussi-bien contre le Mineur que contre le Majeur, sans espérance de restitution.

Le droit de retrait étant contre le droit naturel & au préjudice d’autrui, n’est donné que pour un temps préfix, qui ne peut être prorogé pour quelque cause que ce soit ; parce que ce temps étant expire, statim jus parii queeritur, quod Principis rescripto tolli non potest ; la restitution étant introduite pour ceux qui reçoivent de la perte ou du dommage, & non pour ceux qui veulent profiter ez alterius penù vel damno, l. sciendum, ff. Ex quibus causis majores. Ce qui se doit entendre, non-seulement du temps dans lequel il faut signifier le retrait, mais aussi du temps dans lequel le remboursement ou garnissement doit être fait : Quic in his de momento in momentum fit supputalio. C’est pourquoi ces temps couroient contre les absens, les furieux & les mineurs, sans elpérance de restitution, aux termes de cet Artile.9


CCCCLVIII.

L’an & jour de la clameur de l’héritage décreté, commence à courir du jour de l’Adjudication par décret & derniere renchere, & Adjudication d’icelle ; encore qu’il en fût appellé, & l’appellation indécise, pourvu que le décret soit passé devant le Juge ordinaire, au ressort duquel l’héritage est assis.

Cela est spécial pour les adjudications faites par décret, & n’a pas lieu pour les autres adjudications faites en Justice, comme celles faites des biens des Mineurs, comme il a été jugé par un Arrêt rapporté parBérault .

Il est à propos de remarquer, que bien que le retrait ait lieu, aussi-bien pour les ventes involontaires que pour les contractuelles, néanmoins, si les héritages confisqués, sont depuis décretés pour les dettes du confisqué ou de ses auteurs, les parens ne sont pas admis au retrait ; parce que les. héritages adjugés au décret étoient hors de leur famille par l’effet de la confiscation, de sorte que, comme les parens n’avoient plus droit d’y succeder, ils n’avoient pas celui de les retirer. Il faut dire tout le contraire du retrait féodal, que le Seigneur peut intenter dans l’an & jour de l’adjudication faite par décret de l’héritage du confisqué, parce que par la confiscation, l’héritage n’est pas affranchi de la dépendance du Fief dont il releve.10 On peut en outre rapporter sur cet Article ce qui est attesté par les Articles CXI & OXII dudit Réglement. Par le premier desquels, celui pour les dettes duquel l’héritage a été vendu par décret, ne peut clamer, parce qu’il estréputé le vendeur : & par le second, les héritiers du vendeur peuvent retirer l’héritage qu’il a vendu, parce que le droit de retirer ne leur appartient pas à cause de la qualité d’héritier, qui les engage à exécuter les contrats de leur prédécesseur ; mais leur appar-tient par un droit de consanguinité, qui est plutot confirmé que diminué, par la qualité d’héritier.


CCCCLIX.

Et où il seroit passé ailleurs, l’an de la clameur n’aura cours que du jour que la lecture & publication aura été faite de l’Adjudication, à l’issue de la Messe paroissiale du lieu où les héritages sont assis, selon la forme prescrite pour la publication des contrats de vendition ; si c’est un Fief Noble, il suffira que la lecture & publication soit faite issue de la Messe paroissiale du lieu où le principal Manoir est assis.

Les Juges qui ont décreté en vertu de Lettres de Mixtion, sont réputés Juges ordinaires, comme il est attesté par l’Article XCVII dudit Réglement : mais ceux qui ont connu d’un décret en vertu d’un Arret du Parlement, qui leur en a attribué la compêtence, sont Juges extraordinaires ; c’est pourquoi les adjudications qu’ils ont faites doivent être lues suivant la forme prescrite en l’Article CCCCLV, à l’égard des héritages qui sont situés hors le ressort du Bailliage où ils ont été adjugés, comme il est déclaré par l’Article XCVIII dudit Réglement, auquel il faut poindre l’Article I. Voyez ce qui a été dit sur les Articles IV & VIII de la Coûtume.11


CCCCLX.

Toutes conditions retenues par les Vendeurs, doivent être inserées dans les Contrats de vendition, & publiées, autrement, on n’y aura aucun égard, & ne seront les Clamans tenus de les accomplir.

Il est conforme à ce qui est déclaré par l’Ordonnance nouvelle, au Titre des faits qui gisent en preuve, dans l’Article Il, qui rejette toutes allégations qu’on peut proposer contre & outre le contenu aux actes faits par écrit, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de cent livres. VoyezLouet , T. 7. Mais la Coutume en cet Article rejette non-seulement les preuves par témoins, mais toutes celles qui pourroient être faites par écrit, par le moyen des contre-lettres.12


CCCCLXI.

En permutation de choses immeubles, il n’y a point de clameur ; toutefois si l’un des compermutans, ou personne interposée pour lui, rachete l’échange qu’il a baillé, dans l’an & jour, ou bien s’il est prouvé qu’il fût ainsi convenu entre les Parties lors de ladite compermutation, il y a ouverture de clameur dans les trente ans.

Quand un des permutans ou personne interposée pour lui, rachete l’héritage baillé par titre d’échange, dans l’an & jour du contrat, la Coûtume re-pute ce contrat d’échange une véritable vente, mais déguisée & simulée en fraude des droits de retrait : c’est pourquoi en ce cas elle accorde trente ans pour retirer les héritages ainsi aliénés. Cette présomption donc est au nombre de celles qu’on appelle juris & de jure contre lesquelles on ne reçoit aucunes défenses ni moyens d’opposition : Non videiur fadum, quod non durat factum.

Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCCCXL. VII touchant les présomptions : Mais encore qu’un des permutans ait promis à l’autre de lui trouver dans un certain temps un acheteur, qui achêtera par un prix désigné & précis l’héritage par lui baillé pour contr’échange, & bien que depuis, en exécution de cette promesse, il ait trouvé un acheteur à qui de plus il aura prété l’argent pour payer ce prix ; ces pactions, quoique faites par dessein d’exelure les parens & les Seigneurs du droit de Retrait, & les Seigneurs du treizieme, ne rendent point les héritages sujets aux droits de retrait ni du trciaieme ; pance que ces droits ne sont dus qu’en cas de vente, & non en celui de permutation, qui n’est point empèchée par ces conventions, parce qu’elles ne détruisent pas la vérité du contrat, qui a titre d’échange, & est effectif. & sans simulation.13


CCCCLXII.

L’héritage baillé à rente rachetable en tout ou partie, est sujet à retrait dans l’an & jour, en remboursant le principal de ladite rente & arrérages, à celui à qui elle est dûe, ou à son refus, icelle consignant ; & n’est reçu le Clamant à faire la rente, si ce n’est du consentement du Vendeur.

Il n’y a point d’ouverture aux retraits, quand un héritage est baille à rente fonciere irraquittable, parce que c’est une espèce de permutation d’un im-meuble contre un immeuble, laquelle fait un remplacement perpétuel : Mais quand la rente est racquittable, alors ne se faisant point de remplacement perpétuel ni de subrogation d’immeuble à l’égard du bailleur, le prix par lequel cette rente est racquitrable, est réputé le prix d’une véritable vente : : C’est pourquoi l’héritage haillé à la charge de cette rente, est retrayable, tout de même que si on avoit baillé une rente hypotheque ou volante par forme d’échange14. ( Sur cette matière, il a été rendu récemment deux Déclarations du Roi, les 10 Janvier & 14 Mai 1725, lesquelles sont rangées en leur ordre dans le Recueil d’Arrêts, à la suite de la Coûtume. ) Il semble qu’il ne faut pas dire la même chose, quand un héritage est baillé par forme d’échange contre un usufruit ; car quoique l’usufruit ne soit pas un droit perpétuel, ni qui soit transmissible à l’héritier, il ne peut pas être réputé un prix, parce qu’il n’y a point de vente, celui à qui l’usufruit est baillé pour contr’échange, ne voulant point vendre ni recevoir de prix, mais voulant jouir d’un usufruit, û quoi un clamant ne peut pas contrevenir, parce que son droit n’est qu’une préférence qui ne doit pas détruire le juste intérêt, ni l’intention de celui au lieu duquel il veut succéder s2y. Ce qui est dit à la fin de cet Article, que le retrayant doit rembourser le prix principal de la rente, & qu’il n’est recevable à l’offre de continuer la rente, à moins que le vendeur ne le consente, est conforme à ce qui est ordonné par l’Article CCCCXCVII, & est fonde sur la même raison, qui ne permet pas que le débiteur d’une rente soit changé, sans le consentement de celui à qui la rente est due.


CCCCLXIII.

Bois de Haute-fûtaie est sujet à retrait encore qu’il ait été vendu à la charge d’être coupé, pourvu qu’il soit sur le pied lors de la clameur signifiée, & à la charge du Contrat.

Il a été remarqué sur l’Article III, au sujet des dimes, que les bois de haute-fûtaie, étoient ceux qui avoient une excroissance de plus de quarante années, & qu’ils étoient réputés faire partie du fonds ; ce qui a fait juger, que quand ils étoient vendus, il en étoit dû treizieme, & qu’ils pouvoient être rétirés, tant par les parens du vendeur propriétaire du fonds que par le Seigneur du Fief. Cet Article apporte une restriction au droit de retrait, en déclarant implicitement, que les bois de haute-fûtaie ne sont retrayables que tant qu’ils sont sur pied, c’est-à-dire, tant qu’ils ne sont point abattus : Mais quoique le buis séparé du fonds ne soit plus retrayable, il peut être faisi & arrété par les créanciers du vendeur, s’il n’a pas été enlevé : ce qui a été jugé par plusieurs ilrrêts. Ces termes mis à la fin de cet Article, 4 la charge du contrat, signifient, que le retrayant est tenu de couper & enlever le bois, suivant qu’il a été stipulé par le contrat de vente.15


CCCCLXIV.

Tout Contrat d’échange où il y a solde de deniers, quelque petite qu’elle soit, est clamable pour le regard de la terre contre laquellea été baillé argent.

Il est contraire à l’Article CXLV de la Coutume de Paris, par lequel si la soulte ( c’est la même chose que la solde ) est moindre que la valeur de la moitié de l’héritage baillé en contr’échange, il n’y a point d’ouverture audroit de retrait, & si la solde est plus grande que la valeur de cette moitié, le retrait a licu, mais seulement par rapport à la quantité de la solde : Ce qui paroit beaucoup plus raisonnable, que ce qui est ordonné en cet Article CCCCLXIV, qui detruit la nature du contrat, vû qu’un des contractans setrouve dépouillé de la chose qu’il avoit voulu acquérir, en la substituant en la place de celle dont il s’étoit dessaisi, la baillant pour contr’échange : de sorte que son intention qui n’étoit pas de vendre ni d’avoir un prix, se trouve frustrée, & le contrat d’échange transformé en vente, contre la volonté des contractans.16

Il faut remarquer que le retrayant au cas de cet Article CCCCLXIV doit payer la valeur de l’héritage avec lequel la solde a été baillée, suivant l’estimation qui en sera faite par experts ; & il ne suffit pas d’offrir de payer l’estimation. de l’autre héritage contre lequel la solde a été baillée, en déduisant la solde : ce qui a été jugé par un Arrêt du 14 de Mai 1661.


CCCCLXV.

Si l’Acheteur dénie qu’il y ait eu achat, & qu’il soit trouvé par après du contraire, le prix du Contrat est confisqué au Roi, & l’héritage demeure au Clamant, & le treizieme au Seigneur duquel il tient ; & pourra le Clamant faire purger par serment, tant l’Acheteur que le Vendeur, sur la forme & prix du Contrat.

Il contient dans son commencement une peine rigoureuse contre l’acquereur qui veut dissimuler son contrat d’acquisition, & qui persiste à dire qu’il n’y en a point, par une dénégation qu’il en fait en Jugement : Car quand le contraire est avéré, le prix qu’il en a payé, ou auquel il s’est obligé, est confisqué au profit du Roi, & l’héritage est adjugé au retrayant, en payant ledit prix. Ce qui est ajouté à la fin, est commun au retrayant & à l’acheteur qui peuvent se faire interroger, & demander réciproquement leur serment en Justice, ( c’est ce que la Contume signifie, par faire purger par serment pour découvrir la fraude qui peut être commise de part & d’autre, comme il se voit par l’Aticle CCCCLXXIX. Ces sermens se doivent faire en personne ; & la qualité, pour éminente qu’elle soit, ne dispensera point celui à qui ce serment est déféré, de comparoître en Justice pour le faire, comme il a été jugé contre le Maréchal de Rohan, Sieur de Gié, par un Arrêt rapporté parBérault , du 3 d’Avril 1505.17


CCCCLXVI.

Le Créditeur qui contre vérité dénie ou méconnoît le gage, confisque au Roi les deniers qu’il a prêtés sur icelui, & le gage doit être rendu à celui qui l’a baillé.

Il n’a point de rapport au sujet de ce Chapitre, mais seulement à l’Article précédent, en tant qu’ils punissent l’un & l’autre d’une semblable peine les fausses méconnoissances & dénégations faites en Jugement. Ce qui est dit à la fin de l’Article, que le gage doit être rendu à celut qui l’a baille, se doit entendre, en payant par lui les deniers qui lui avoient été prétés, & qui sont déclarés confisqués, en haine de la méconnoissance du créancier.18


CCCCLXVII.

Le Contrat de Transaction n’est clamable, si le Tenant n’est dépossédé de l’héritage contentieux par la Transaction, combien qu’il ait baillé argent, si autres choses ne sont baillées au Possesseur, dont il n’étoit jouissant lors de la Transaction.

On peut ajouter a ce qui a été dit du contrat de Transaction, dans le Discours général, que si l’argent que le possesseur paye, égale la valeur de l’héritage qu’il conserve en sa main, le contrat doit être réputé une vente : Possessor qui litis oestimationem obtulit, pro emptore incipit possidere, l. 2. § 3. ff. Proemptore.

C’est pourquoi en ce cas, la Transaction pourroit être jugée retrayable. VoyezLouet , T. 5.19


CCCCLXVIII.

Les Parens sont reçus à retirer les héritages vendus, selon qu’ils sont plus prochains du Vendeur.


CCCCLXIX.

Les Paternels peuvent seulement retirer ce qui est du côté Paternel, & les Maternels ce qui est du côté Maternel.


CCCCLXX.

Les acquêts & conquêts immeubles peuvent être retirés, tant par les Parens Paternels que Maternels ; & y sont reçus selon qu’ils sont plus prochains du Vendeur, soit qu’ils soient Paternels ou Maternels.


CCCCLXXV.

En concurrence de Clamans lignagers, le plus prochain Parent du Vendeur, & plus habile à lui succéder, est préféré, encore que délais eût été fait à autre du lignage.


CCCCLXXVI.

Et où les Clamans seroient en semblable degré, ils sont reçus à la clameur selon l’ordre que les successions sont deférées par la Coutume.


CCCCLXXVII.

Si les Freres, Soeurs ou autres, étant Parens du Vendeur en pareil dégré, se clament, le plus aîné des Clamans préférera les autres, si c’est un Fief ; & si c’est héritage partable, il partageront également.

Il est plus convenable de joindre ces fix Articles, que de suivre l’ordre selon lequel ils ont été placés dans ce Chapitre, parce qu’ils concernent le même sujet, & déclarent comment les parens du vendeur doivent être admis au retrait.

L’Article CCCCLXXVI, devoit être mis le premier des fix, vû qu’il contient la maxime générale, par laquelle la préférenee doit être réglée entre les parens concurrens au retrait. Cette maxime est, que les parens sont recus à clamer selon l’ordre que les successions sont déferées par la Coutume : C’est pourquoi on peut dire, que l’Article CCCCLXVIII, ne renferme qu’une décision imparfaite, & qu’il la faut suppléer par ce qui est ajouté dans les Arti-cles CCCCLXXV & CCCCLXXVI, car il ne suffit pas d’être le plus proche parent, il faut en outre être le plus habile à succéder aux biens retrayables : Or cette habileté à succéder dépend de plusieurs maximes, qui ont été remarquées dans les Chapitres des Successions au propre & des Successions collatérales des acquets, desquelles il y en a une proposée dans l’Article CCCCLXIX : sçavoir, que les parens paternels peuvent seulement retirer les biens paternels, comme les parens maternels ne peuvent retirer que les biens maternels. Il y a encore une autre de ces maximes dans l’Article CCCCLXXVII, qui est que les aînés sont préférés dans le retrait des Fiefs, comme ils le sont dans les successions.

Mais la Coutume n’a point répété les autres maximes qu’elle a établies pour les successions, soit au propre, soit aux acquêts : il les faut néanmoins observer à l’égard des retraits ; puisqu’il est certain, que le même ordre qui se garde dans les successions, se doit garder dans le retrait lignager suivant qu’il est statué par ledit Article CCCCLXXVI. Et partant l’Article CCCCLXXVII doit être expliqué en discernant le droit des freres d’avec celui des soeurs, que cet Article paroit avoir confondus : Car comme les freres & les descendans des freres sont préférés aux seurs & aux descendans des seurs, en la succession tant des propres que des acquêts, ainsi doiventils être préférés aux retraits. Quand donc ce même Article CCCCLXXVII déclaré, que si les freres, seurs ou autres étant en pareil dégré clament, ils partageront également, il le faut entendre avec distinction, & suivant la qualité des clamans : de sorte que les freres qui sont entr’eux en pareil degré partagent également entr’eux l’héritage qu’ils retirent ; & les seurs qui sont aussi en pareil degré, partagent également entr’elles les Retraits, quand elles veulent concurrer ; mais il ne faut pas confondre ces qualités de frères & de seurs, & conclure que, parce que les seurs sont en pareil dégré que les freres, elles doivent être reçues à partager également avec leurs freres les choses retrayables.

La Coûtume a fort embarrassé cette matière des Retraits, en les admettant aussi-bien pour les acquêts que pour les propres. Du Moulin a écrit, que toutes les Coûtumes qui autorisent le Retrait des acquêts sont odicuses & iniques parce que le Retrait lignager a été introduit pour conserver les biens dans les familles, & non pour en acquérir : Retractus jure proximilatis est conservatorium in familiâ, non acquisitorium ;Louet , R. 3. Mais outre que ce rétrait des acquêts ne convient pas à la fin pour laquelle le Retrait lignager a été établi, il en arrive plusieurs inconvéniens, parce que le même héritage pouvant être vendu plusieurs fois en peu de temps, comme dans une même an-née, il se rencontre qu’il y a plusieurs échelles de retrayans, de sorte qu’il faut faire une distinction des parens du premier vendeur d’avec ceux du second, & ainsi subsécutivement des autres, aux termes de l’Art. CCCCLXXIV, qui adjuge la préférence suivant la priorité des contrats de vente : Ce qui peut causer une grande incertitude dans toutes ces acquisitions, parce que si les premiers contrats contiennent de la fraude, ou n’ont pas été publiés, conformément à toutes les formalités requises par la Coûtume, les derniers acque-reurs peuvent être dépossédes pendant prés de trente ans : ce qui peut produire une involution de plusieurs proces, tant entre les différens acque-reurs, qu’à raison des recours en garantie que les acquereurs ont contre leurs vendeurs.

On peut ajouter, que la concurrence que la Coutume admet dans les Retraits lignagers, en rend le jugement autant difficile & embarrassé, que celui des successions, puisqu’ils se doivent décider par les mêmes regles. Les Coutumes qui donnent la préférence, par la seule considétation de la diligence & de la prévention, comme celle de Paris en l’Article CXII, paroissent plus raisonnables, non-seulement parce qu’elles évitent toutes les difficultés qui se rencontrent dans l’eéclaircissement du droit des retrayans, mais parce qu’elles ont exclu la concurrence, en conséquence de laquelle il faut venir au partages des choses retrayables : ce qui ne se peut faire sans beaucoup d’embar-ras, & sans désunir & comme démembrer les héritages, dont l’union, telle qu’elle étoit en la main du vendeur, rend souvent la possession plus commode, plus utile & plus agréable.

Il faut néanmoins remarquer, que quand la Coûtume rejette la prévention par les Art. CCCCLxx, CCccLXXV, CcccLXXVI, & CCCCLXXVII, cela ne se doit entendre, que quand le Retrait est fait dans l’an & jour de la publication du contrat : car s’il étoit fait aprés, à raison de la fraude ou du défaut de la lecture, il conviendroit préférer le parent qui auroit prévenu en découvrant la fraude ou le défaut, & le maintenir en la possession en laquelle il auroit été envoyé sur son action, suivant qu’il semble avoir été jugé par n Arrêt du 22 de Mars 1616, rapporté parBérault .

Basnage a explique sur l’Article CCCCLXIx l’Arrêt de Graverel, par lequel Graverel qui étoit en droit de retirer un héritage, qui avoit été acquis par son cousin germain, fils de la seur de sa mere, au cas que cet héritage eût été vendu par l’acquereur, fut exclu du Retrait, parce que ce même héritage étant devenu un propre paternel en la personne du fils de l’acquereur, Grave-rel qui étoit parent paternel maternel, mais qui n’étoit pas de la ligne paternelle de ce fils, qui avoit revendu l’héritage, n’étoit pas habiie à y succéder. Il en a été fait mention sur les Articles CCXLV, CexLVI & CexLVII, au Chapître de la Succession au propre.20


CCCCLXXI.

Le Propriétaire ayant possédé par an & jour l’héritage, qui puis après soit décrété pour dettes aînées de son acquisition, il peut s’en clamer à titre de lettre lue, & en remboursant le prix & loyaux coûts dans l’an & jour.


CCCCLXXII.

Et combien que l’héritage soit adjugé par un seul prix avec d’autres, il ne peut être contraint prendre le tout, & ne payera que la juste valeur de son héritage, eu égard au total prix de l’enchere.


CCCCLXXIII.

Les Parens de l’Acquisiteur perdant, sont recevables à se clamer de l’héritage dont il auroit joui par an & jour à titre de Lettre lue, & ne seront les Parens de celui pour les dettes duquel l’héritage est décreté, reçus à se clamer, si le Possesseur perdant étoit Propriétaire incommutable.

Ces trois Articles contiennent ce que la Coutume a ordonné touchant cette espèce de Retrait, qui fait la quatrieme partie de la division de l’Art. CCCCLI.

Il s’appelle d titre de Lettre lue, parce qu’il est nécessaire que l’acquereur ait joui par an & jour, depuis la publication de son contrat, ( lequel la Coutume appelle Lettre, ) laquelle l’ait rendu propriétaire incommutable à l’égard des parcns de son vendeur, de sorte qu’il ait droit de les exclure du Retrait de l’héritage adjugé par le décret fait pour les dettes de ce même vendeur, ou de ceux qu’il représentoit. C’est pourquoi l’Arrêt du 23 de Juin 1623, rapporté parBérault , par lequel il avoit été jugé, qu’il suffisoit que le contrat eût été lu, & qu’il n’étoit point nécessaire que l’acquereur eût joui pendant un an & jour depuis la lecture, ne doit être d’aucune confidération.21

De Retrait a été établi par la Coûtume qui favorise les acquereurs en plusieurs autres oecasions, comme il se voit par les Articles CCCCIII, DXL. & DLII, pou diminuer en quelque façon la perte que fait un acquereur quand il est dépoiiédé de son acquitition, au moyen du décret qui s’en est fait pour les dettes de son auteur. Ce Retrait donc consiste dans une préférence qui est accordée à l’acquereur au droit de l’adjudicataire. Il differe des Retraits lignagers & féodaux, par trois propriétés remarquables : la premiere, qu’il donne la préférence au droit qu’ont les parens & les Seigneurs comme il a été dit dans le Discours général : la seconde propriété est déclarée par l’Article CCCCLXXI, qui fait connoître qu’il ne suffit pas, comme aux deux autres espèces de Retrair, de signifier, c’est-à-dire, d’intenter l’action en retrait, dans l’an & jour de la publication de la vente encore que le jour de l’assignation pour venir voir compter deniers échée aprés l’an & jour, suivant l’expression de l’Article CCCCLXXXIV, mais il est de plus requis, que le prix & les loyaux coûts de l’adjudicataire lui soient remboursés dans l’an & jour de son adjudication, ou en cas d’absence ou de refus de cet adjudicataire, que lesdits prix & loyaux coûts soient garnis & déposés, comme il se doit intérer du gérondif, en remboursant, qui renferme une condition nécesfaire à accomplir. La troisieme propriété est expliquée dans l’Art. CCCCLXXII, qui déclare, que combien que l’héritage retrayable à droit de Lettre lue, ait éeté adjugé par un seul prix avec d’autres, le retrayant ne peut être contraint de prendre le tout, c’est-à-dire, tous les héritages adjugés par ce seul prix : mais ne prendra que son héritage, dont il ne payera que la juste valeur, par rapport & proportion au total prix de l’adjudication.

Cette derniere propriété renferme un privilége qui paroit bien contraire à l’équité, suivant laquelle l’acheteur ne devroit pas être contraint de partager. la chose qu’il a achetée, son intention ayant été de la posséder toute, & ayant un intéret fort considérable de n’en souffrir point la division, tant parce que par ce démembrement il peut être privé de plusieurs commodités, qu’il avoit cues envue, en s’engageant dans l’achat, que propier discordias quas communio solet excitare, comme il est dit en la 1. 77. 8. dulcissimis, ff. De legatis 2. L’acquereur donc, qui n’est évincé que par un droit de préférence, devroit être dégagé entierement de son marché, & n’en avoir point de dommage, suivant les autorités alléguées par Louet & son Commentateur, R. 25.

Suivant cette équité, ceux qui intentent l’action de Retrait, soit lignager, soit seigneurial, sont obligés de prendre tout l’héritage acheté par l’acquereur & ne peuvent en prendre une partie & rejetter l’autre : ce qu’il faut entendre, quand le tout a été acheté par un seul prix ; car quand plusieurs choses sont venduës distinctement par des prix particuliers, quoique ce soit en même-temps.

& par le même contrat, ce sont autant de venditions qu’il y a de prix distincts & séparés ; & partant peuvent être maintenues & révoquées indépen-damment les unes des autres, à moins qu’il n’apparoisse évidemment, que l’intention de l’acheteur n’a pas été de les acquérir l’une sans l’autre, suivant ce qui est dit en la l. 34. 8. interdum, ff. De aedilitio edicto : Interdum eliam si in singula capiia pretiunt constitutum sit, tamen una emptio est ; scilicet cûm manifesum erit, non nisi omnes quem empturum, vel venditurum fuisse : ut plerumque circa comedos, vel quadrigas, vel muilas pares accidere soler. Que si néanmoins plusieurs pieces d’héritages ont été venduës par un seul prix, & que dans la suite du contrat ont ait spécifié l’estimation de chacune de ces pieces, par des sommes distinctes, dans la vue de régler les droits des Seigneurs de Fief, ce n’est qu’une feule vendition : & en cas qu’on vint à la diviser, on ne suivroit pas cette estimation, mais on en feroit une plus exacte, eu égard à la quantité du prix total de la vente.

Mais cette raison d’équité, qui rend la cause des acquereurs si favorable, n’a pas empéché qu’on y ait apporté des restrictions fort importantes : Car à l’égard du Retrait lignager, on a décidé que les parens usant de Retrait, étoient tenus de prendre tous les héritages vendus par un même contrat, & qu’ils avoient droit de retirer, comme il est artesté par l’Article CXIII dudit Réglement ; mais qu’ils ne pouvoient être obliges de prendre les héritages qu’ils n’avoient point droit de clamer, parce qu’ils provenoient d’une ligne, soit paternelle ou maternelle du vendeur, à laquelle ils ne pouvoient succéder : ce qui a été jugé par un Arrêt du 20 de Juillet 168a, conformément à l’Article CCCCLXIX. Et quant au Retrait séodal, on y a accorde une faculté en-core plus ample & plus contraire à l’intérét de Iacquereur : car le Seigneur retrayant n’est pas tenu de prendre tout ce qu’il a droit de retirer, vu qu’il n’est obligé de prendre que ce qui est en la mouvance du Fief, en vertu duquel il fait le Retrait, & qu’il ne peut être tenu de retirer les héritages rele-vans des autres Fiefs qui sont en sa main, quoique ces héritages soient vendus par un seul prix avec d’autres, comme il est artesté par l’Article CXIV dudit Réglement.22

Or ce Retrait à droit de Lettre lue, n’appartient pas seulement à l’acquereur dépossédé, & à ceux qui le représentent par titre universel ou particu-lier ; mais il est attribué de plus, par l’Article CCCCLXXIII, à ses parens :

Ce qui est une conséquence, de ce que le Retrait lignager est admis aussi-bien pour les acqueêts que pour les propres, comme il a été remarqué, de sorte que les parens du vendeur décreté, nont aucun droit de retirer les héritages adjugés par le décret, parce que par la lecture supposée bien faite, & un an & jour auparavant l’adjudication, ils étoient exclus du Retrait, suivant qu’il est déclaré à la fin dudit Article CCCCLXXIII.

Au reste, il faut remarquer que celui qui a acquis par un contrat d’échange ou de fieffe, ne peut pas s’éjouir de cette espèce de Retrait, ce qui est attesté par l’Article XCIX dudit Réglement : ce qui a pour fondement, que ces sortes d’acquereurs ont une récompenle ou indemnité réelle, l’un pouvant reprendre ce qu’il a baillé pour contr’échange, & le preneur à fieffe étant libéré par l’é-viction qu’il souffre de la continuation de la rente foncière.


CCCCLXXIV.

Si l’héritage est vendu plusieurs fois, & à diverses personnes, dans l’an & jour de la premiere vendition, les Parens des Vendeurs sont reçus à eux clamer chacun en leur ordre, & sont préférés les Parens du premier Vendeur à ceux du second, & ainsi subsécutivement des autres.

Il est encore une conséquence de ce que les acquêts sont retrayables, & augmente l’absurdité de cette Jurisprudence.23


CCCCLXXVIII.

Où l’un des Clamans aura laissé la suite à l’autre, il peut néanmoins poursuivre l’effet de sa Clameur dans trente ans, si celui qui a la suite cede par fraude l’héritage à l’Acquereur, ou à un autre pour lui.


CCCCLXXIX.

L’Acquereur, encore qu’il fait délais, & obéit à la Clameur, peut dans trente ans demander l’héritage à lui vendu, si fraude a été commise en la Clameur.


D.

Tout Contrat de Vente où il y a fraude commise, au préjudice du Droit de Retrait appartenant aux Lignagers ou aux Seigneurs séodaux, est clamable dans trente ans.

On joint ces trois Articles, parce que le sujet en est commun : car comme par les deux premiers il est traité de la fraude que les retrayans peuvent commettre, ou par collusion avec l’acquereur, ou à son préjudice, dans le D. il est traité de la faude que les contractans peuvent concerter pour empecher le retrait, soit par le déguisement du contrat, soit par l’augmentation du prix. Comme la peine de ces fraudes est semblable, sçavoir, que l’action pour empécher ou réparer le dommage dure trente ans, ainsi les moyens de la découvrir sont les mêmes. Il a été remarqué sur l’Article CCCCLXV, que l’interrogation & le serment pouvoient être demandés, tant par l’acquereur que par les retrayans : il faut dire la même chose de la preuve qu’on peut faire tant par écrit que par témoins ; car comme les retrayans peuvent prouver la simulation du contrat, & l’augmentation du prix ; de même, l’acque-reur peut prouver que le Retrait n’a éte fait que pour mettre l’héritage en la poslession du vendeur, ou d’un autre qui n’y a point de droit, qui est le cas de l’Article CCCCLXXIX, que les Auteurs appellent l’action de repetition de Retrail, que la Coûtume déclare pouvoir être intentée pendant trente ans.

L’Ordonnance de Moulins & les postérieures, qui ont défendu la preuve par témoins, pour les choses excédantes la valeur de cent livres, ne sont point contraires à ce qui a été dit, qu’on pouvoit prouver la fraude par témoins ; parce ques ces Ordonnances ne s’etendent que contre les contractans, qui ont pû & dû pourvoir à leurs intérêts, & bien expliquer leurs conventions par écrit, qui potuerunt & debuerunt sibi prospicere, & non contre les tierces personnes ; au préjudice desquelles les contractans ont fait des déclarations & des pactions pour les frustrer de quelque droit legitime ;Louet , T. 7. Il a été jugé au contraire par plusieurs Arrêts, qu’on pouvoit prouver ces fraudes, tant par témoins de certain, que par ceux qui se présentent sur la publication des Censures de l’fglise.

Or pour prouver la fraude, il ne suffit pas d’en prouver le dessein, il faut de plus faire connoître que ce dessein a été exécuté, & a eu son événement, necesse est, ut consilium 6 eventus concurrant, suivant les textes cités par Louer & son Commentaire, R. S3. C’est pourquoi le fait, que le parent usant de Retrait, ne fait que prêter son nom à l’acheteur en fraude d’un autre parent n’est pas recevable : Frusirâ enim probaiur quod probatum non relevat, l. dd probationem, C. De probationibus. Or l’accommodation de nom ne suffiroit pas pour faire débouter le retrayant de son action, nec enim eum ponam cogitlationis païi equum est eûm potuerit poenitere, & garder l’héritage pour lui : Il faut donc attendre l’événement, c’est-à-dire, que le parent qui a rétiré, ait mis l’héritage aux mains de l’acheteur ; car alors les parens qui prétendront qu’il y a eu fraude commise à leur préjudice, pourront prouver l’accommodation de nom, tant par pieces d’écritures que par témoins, & par la reconnoissance du retravant, duquel ils pourront demander l’interrogatoire & le serment. Iis peuvent offrir de prouver que le retrayant n’a point payé de ses deniers, n’a point joui de Théritage rétiré, & qu’il l’a rebaillé en fraude des autres lignagers : c’est pourquoi ce qui est dit en l’Article CCCCLXI, qu’il y a ouverture à la clameur dans trente ans, S’il est prouvé qu’il fût convenu entre les parties, que l’échange seroit racheté, se doit entendre quand le rachat a été exécuté, c’est-à-dire, qu’un des permutans a repris la possession de ce qu’il avoit baillé pour contr’échange ; car auparavant la preuve ne seroit pas admissible, étant insuffisante, pour faire juger que le contrat d’échange auroit été fait en fraude de ceux qui auroient droit de retirer.

On a jugé par un Arrêt du 14 de Mai 1625. rapporté parBasnage , que le vendeur ayant été convaincu de fraude commise dans le contrat de vente, & concertée avec l’acheteur, n’étoit pas recevable à retirer l’héritage au nom de ses enfans, pour exclure le demandeur en retrait, qui avoit découvert la fraude.24


CCCCLXXX.

Si le Vendeur promet faire cesser les Clameurs lignageres, & l’Acquereur est dépossédé, le Vendeur est tenu seulement aux intérêts du prix, à raison du denier dix, sur ce déduit les fruits de l’héritage qu’il aura perçus.

L’intéret au denier dix étoit l’ordinaire lors de la réformation de la Coûtume, du depuis c’a été le denier quatorze, & maintenant c’est le denier dix-huit : Voyez l’Article C dudit Réglement. Basnage rapporte un Arrêt du 30 Janvier 1636, par lequel il fut jugé, que le vendeur ayant promis d’empécher les clameurs lignageres, pouvoit néanmioins, comme tuteur de ses enfans nés lors du contrat, retirer l’héritage qu’il avoit vendu, ce qui paroit contra bonam fidem, & bonos mores.25


CCCCLXXXI.

Si par la fraude ou collusion du Tuteur, le Mineur est évincé de sa Clameur, le Pupille aura recours contre son Tuteur pour ses dommages & intérêts, dans l’an de sa majorité.

Il ne faut pas s’étonner que la négligence du Tuteur puisse être nuisible au mineur, & lui faire perdre l’effet du droit de Retrait, par la raison qui a été deduite sur l’Article CCCCLVII. In acquirendis potest lutor prejudicare minoribus, sed’ubicumque denégaiur minori restitutio propter negligentiam tutoris, reservatur actio ad interresse contra iutorem. Mais il semble qu’il n’est pas raifonnable que le dol ou la collusion du tuteur, qui sont proposés en cet Article CCCCLXXXI, & qui ne peuvent être pratiqués qu’à la complicité de l’ac-quereur, ou d’un autre retrayant, ne donne qu’une action au mineur contre son tuteur, pour le faire condamner à ses interêts, & ne lui en donne point contre le possesseur de l’héritage qu’il avoit droit de retirer, pour se faire envoyer en la possession dont il avoit été injustement & malicieusement frustré : Il paroit de plus, que c’est sans raison, que le recours que cet Article donne au pupille contre son tuteur, soit borné à l’année de sa majorité.26

On peut remarquer sur ce même Article, que le tuteur ne doit pas entreprendre aucune affaire importante, sans prendre avis des parens, ou sans consultation, signée d’Avocats ; auquel cas, quand il perdroit sa cause, il ne peut pas être condamné aux dépens envers son pupille : Sufficit enim tutori bene l diligenter negotia gessisse, eisi eventun adversum habuit quod gestum est, 3, S. sufficit, ff. De contraria tutela, l. 1o, ff. De negoliis gestis.


CCCCLXXXII.

L’héritage rétiré par le Pere ou la Mere au nom de l’un de ses Enfans, doit être remis à partage, si d’ailleurs l’Enfant n’a biens sussisans pour payer le prix de la Clameur.

Pour êmpécher les avantages que les peres, meres ou autres ascendans pourroient faire à quelques-uns de leurs enfans où descendans ; l’héritage retire par ces ascendans au nom d’un de leurs enfans, n’est point acquis à cet enfant, a moins qu’il n’eût lors du Retrait des biens suffisans pour en payer le prix. Iden dicendum à l’égard de l’héritage acquis par tout autre moyen, au nom d’un des enfans ou descendans : Dans l’un & l’autre cas, l’héritage fait partie des biens de l’ascendant qui l’a acquis, & doit être partagé entre les fiéritiers, suivant que la Coutume l’ordonne pour tous les autres biens dont la succession est composée, comme il est attesté par l’Article CI dudit Réglement, qui de plus éclaircit ce qui n’étoit pas assez expliqué par cet Article CCCCLXXXII, en ajoutant, que l’enfant doit avoir, lors de l’acquisition, des biens pour en payer le prix ; ce qui signifie que ce prix doit provenir des deniers appartenans à l’enfant, au nom duquel l’acquisition est faite : Mais ce nonobstant les ascendans ausdits cas, ne peuvent aliéner ce qu’ils ont rétiré ou acquis au nom de leurs enfans, étant réputés en avoir donné la propriété.27

On demande, si la femme peut prétendre quelque droit de conquêt sur les héritages retirés ou acquis par son mari au nom de ses enfans ; Sur cette question, on fait différence entre les biens retires, & ceux qui ont été acquis par quelque contrat ; car les biens retirés, à droit de lignage, tenans licu de propre & non d’acquet par l’Article CCCCLXXXIII, il paroit que la femme n’y peut prétendre aucun droit de conquêt, sinon sur ceux qui provien-droient de son côté & ligne : Mais néanmoins on pourroit douter, si la femme ne pourroit pas au moins répêter la môitié des deniers employés à faire le Retrait, de la même manière, que le mari qui a rétiré des héritages au nom de sa femme parente du vendeur, peut demander la moitié du prix du Retrait, nonobstant que les héritages qu’il a retirés soient réputés propres de sa femme, par les Articles CCCCXCV & CCCCXCVI. Mais on dit au contraire, qu’un mari peut ne pas augmenter les biens de sa femme, en donnant ses meubles & en les dissipant, & partant qu’il peut donner à ses enfans, le prix du Retrait qu’il fait en leur nom ; ce qu’il est présumé avoir fait, quand expressément il ne s’est point reservé à faire la répétition de ce prix, en faisant le Retrait : Mais un mari ne peut pas en faisant un Retrait au nom de sa femme, lui en donner les deniers, parce qu’il ne peut pas lui faire des avantages, autres que ceux qui sont autorisés par la Coutume. Quant aux biens simplement acquis au nom des enfans, il semble que la femme ne devroit point être excluse d’y prendre part, comme de conquet quand les prix a été payé des deniers amassés par son mari, parce que c’est une véritable acquisition faite constant le mariage, sur laquelle la femme a un droit qui lui est attribué par la Coutume, auquel le mari ne peut pas préjudicier : ce qui a été jugé en plus forts termes, par un Arrêt du 24 Novembre 1633, par iequel on adjugea un droit de conquêt à une femme sur un héritage acquis par son mari au nom de ses enfans ; encore qu’il eût déclaré lors du contrat, que le prix provenoit des meubles qu’il avoit eus d’une succession qui lui étoit échue, comme il a été remarqué sur l’Article CCCXXIX.

Sod quid dicenduim, à l’égard des créanciers du pere qui a acquis au nom de ses enfans, quand ii n’y a point de déclaration faite dans le contrat, que les deniers ont été empruntés ; On avoit jugé par plusieurs Arrêts, que les enfans renonçant à la succession du pere, devoient être maintenus dans la propriété qui leur étoit acquise par le contrat d’acquêt fait en leur nom, sans être obligés de payer les dettes du pere, le pere ayant pu leur donner le prix, qui est un meuble qui n’a point de suite par hypotheque : Mais par un dernier Arrêt, donné en l’Audience de la Grand’Chambre, le 25 de Mai 1674, rapporté par Basnage, on a jugé, que les créanciers anterieurs avoient pu faire saisir les fermages de l’héritage acquis par le pere, depuis leurs créances, sous le nom de ses enfans : la raison de cet Arrêt est, que ce pere ayant toujours joui de l’héritage, quoiqu’acquis sous le nom de ses enfans, il ne devoit pas être presumé en avoit donné le prix ; autrement, ce seroit donner un moyen de faire illusion & une fraude aux créanciers, aux dépens defquels les enfans se trouveroient enrichis, sans avoir rien contribué de leur part à faire cette acquisition. Magis dubilandum, quand les créanciers sont postérieurs à l’acquisition, car ils ne peuvent-pas objecter qu’elle ait été faite pour leur faire fraude : mais il semble, que ces créanciers au moins peuvent soutenir, que ces héritages acquis au nom des enfans, doivent être rapportés, ou au moins diminuer ce qui leur peut appartenir pour leur Douaire ut noiatum est sur l’Article CCCCI. Il faut dire indistnctement, à l’égard du fisc, que les acquisitions faites sous le nom des enfans, & payées des deniers du pere, ne peuvent être confisquées, ni pour le crime du pere ni pour celui des enfans ; parce que le pere ne peut aliéner ce qu’il a ainsi acquis, & que d’autre part, le pere n’est pas présumé avoir donné pour acquerir un droit au fifec, ni même aux créanciers de ses enfans, à son préjudi-ce.28


CCCCLXXXIII.

L’héritage retiré par Clameur de bourse à droit de lignage, tient nature de propre & non d’acquêt.

Il a été remarqué sur les Articles CCXLVII & CCCXXXIV, que la qualité de propre n’étoit pas acquise seulement par succession, mais qu’elle s’acque-roit de plus par le retrait lignager comme il est déclaré par cet Article, qui ne distingue point si l’héritage rétiré étoit un propre ou un acquet du parent du vendeur ; & partant on doit conclure généralement, que tout ce qui est retiré à droit de lignage est un propre, & conséquemment que ce qui est retiré à droit de Lettre lue, par les parens de l’acquereur depossédé, est censé leur être propre.29

Il n’est dû aucune récompense par les héritiers du propre aux héritiers des acquets, pour les héritages qui ont été rétirés par le parent dont ils appréhendent la succession ; en quoi notre usage est contraire à l’Article CXXXIX de la Coutume de Paris, qui aprés avoir déclaré que l’héritage rétiré par retrait lignager, appartient à l’héritier des propres, & non à l’héritier des acquêts, ( par cette Coutume, le retrait lignager n’est que pour les propres ) ajoute, que c’est en rendant dans l’an & jour du déces, le prix du retrait aux héritiers des acquets.

Notre usage est encore different de celui de Paris, en ce que nous réputons propre l’héritage retiré à droit féodal, quand le fief en vertu duquel l’héritage a été retiré, est propre, comme il est attesté par l’Article CVIII dudit Réglement. a Paris, au contraire, indistinctement, tout ce qui est retiré à droit féodal, est reputé acquet du Seigneur retrayant, mais quoiqu’il foit acquêt, il ne fait pas partie des biens de la communauté, encore que le retrait ait éte fait constant le mariage, parce que le retrait féodal ayant été établi pour réunir les héritages aux Fiefs. dont ils dépendent, il n’obtiendroit pas sa fin, si celui des mariés qui n’est pas Seigneur du Fief, devenoit propriétaire de l’héritage retiré, mais aprés la dissolution. de la communauté, celui des conjoints au droit duquel le retrait a été fait, ou ses représentans, est tenu de rapporter la moitié du prix payé pour parvenir au retrait, & même la moitié des augmentations & améliorations faites sur les hérita-ges retirés, comme étant ces deniers déboursés des effets de la communauté, qui doivent être partagés entre le survivant des mariés & les héritiers du prédécédéLouet , R. 3. En Normandie, la femme n’a aucun droit de propriété ni d’usufruit sur l’héritage que son mari a rétiré comme parent ou Seigneur de Fief : ce qui n’est pas équitable ; car au moins elle devroit avoir un usufruit du tiers, semblable à celui du Douaire ; parce que les héritages retirés devroient être réputés une dépendance ou un accessoire des héritages que le mari possédoit lors du mariage : mais si un mari au nom de sa femme retire un héritage, soit à droit lignager ou féodal, il peut répêter la moitié des deniers débourses, & même le tout, si pour parvenir au retrait il a aliéné son propre, de sorte que sa femme ni ses héritiers ne peuvent prendre possession des héritages retirés, qu’ils n’ayent fait ledit rembourse-ment ou remplacement, comme on le doit inférer des Articles CCCCXCV, & CCCCXCVI.


CCCCLXXXIV.

Il suffit que la Clameur soit prise, & signifiée à l’acheteur dans l’an & jour de la lecture & publication faite du Contrat de vendue, encore que le jour de l’assignation pour venir voir compter deniers & exhiber le Contrat, échée aprés l’an & jour ; pourvu que l’assignation soit aux prochains Pleds ou Assises, du jour de ladite signifi-cation.

Le temps qui est donné pour faire les retraits étant précis & fatal, il doit être utile jusqu’au dernier moment. VoyezLouet , a. 10. C’est pourquoi on a jugé, que les ajournemens se pouvoient faire de nuit, & même aux jours de Fêtes les plus solemnelles,Louet , R. 30.

Si le temps de l’échéance de l’assignation pour faire le délaissement de l’héritage, est dans l’an & jour de la lecture, & que l’ajourné ait comparu sur l’assigna-tion, il ne peut alléguer les défauts de l’exploit, pour faire débouter le retrayant, parce que par sa comparence, il a reconnu que le retrayant a fait sa demande en retrait, ce qui suffit, cette demande pouvant être faite en Jugement sans exploit, quand l’acquereur y est présent, comme il a été jugé par un Arrêt du 18 de Mai 1612, rapporté par Bérault : mais si l’échéance de l’assignation est aprés l’an & pour, l’ajourné peut comparoître pour se défendre des fins de l’action, par le moyen de la nullité de l’exploit, le demandeur ne pouvant se prévaloir d’un exploit nul, & n’étant plus dans le temps de faire une nouvelle demande ; ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts.

Il faut de plus remarquer, qu’il est requis que l’exploit de la signification du retrait soit signé de deux témoins, autrement il y auroit nullité : ce qui n’est point changé par l’usage introduit depuis l’Edit du Controle des Exploits, qui déroge à l’Ordonnance, qui requiert que les Exploits soient signés de témoins ; car dans les matieres réelles & héréditaires, comme dans les sommations & saifies en décret, & dans les lectures des Contrats de vente, les témoins y sont toujours ne-cessaires. Il est en outre requis nécessairement, que l’assignation qui ne peut écheoir dans l’an & jour de la publication du contrat, soit aux prochains Pleds ou aux prochaines Assises du jour de la signification du retrait, aux termes de cet Article.30


CCCCLXXXV.

Et où l’Acheteur seroit demeurant hors la Vicomté où sont assis lesdits héritages, il suffira de la signifier aux détenteurs desdits héritages, soit Fermier, Receveur ou autre.

Il a été expliqué dans le Discours général, dans lequel on a discouru de la qualité de cette action de Retrait, & où il a été montré qu’elle étoit autant réelle. que personnelle, & qu’elle étoit réputée mixte.

SSed quid ; Si le possesseur est mineur & n’a point de Tuteur, suffira-t il de signifier le Retrait à son domicile ou au fermier de son héritage ; Videiur quod non, parce que le mineur n’étant point partie capable de le défendre, il ne peut être valablement ajourné en aucun lieu ; il est plus sûr de se pourvoir devant le Juge du domicile du mineur, pour demander acte de sa demande & de ses offres, & pour faire dire, que les parens seront assignés à la diligence du Procureur du Roi ou Fiscal, pour élire un Tuteur.31

Louet a remarqué, R. 37, que les Juges Présidiaux ne peuvent juger en dernier ressort des actions en Retrait, non plus que quand il s’agit de l’interpré-tation d’une Coutume ou Loi établie, n’y ayant que la Cour de Parlement qui puisse faire des Réglemens généraux : c’est pourquoi les Présidiaux ne pouvoient appointer à faire preuve par turbes, de l’usance & interprétation. d’une Coutume, parce que cet interlocutoire tend à un Réglement général.

Voyez du Moulin &Coquille , aux lieux cités par cet Auteur & son Commentateur.


CCCCLXXXVI.

Les fruits sont acquis au Retrayant, du jour de l’ajournement, débours ou garnissement qu’il aura fait des deniers du prix principal du Contrat & des loyaux coûts.


CCCCLXXXVII.

Et où l’Acquisiteur seroit refusant ou délayant d’obéir à la Clameur, il suffira d’offrir les deniers du prix & loyaux coûts, pour gagner les fruits du jour de l’offre.

Ces deux Articles se doivent expliquer l’un par l’autre, en supposant deux cas différens, ou l’acquereur a obéi au Retrait, ou il a refusé & dilayé de faire le délaissement de l’héritage, au premier cas, on ne gagne les fruits que par le déboursement ou confignation des deniers : au second, ils sont gagnés par les offres qu’a faites le retrayant, de rembourser ou de consigner. Ce qui est spécial par le Retrait : car pour faire cesser les intérêts qui sont dûs en vertu d’un contrat de constitution de rente, ou d’un contrat de vente, les offres faites par le débiteur ne suffisent pas, il faut qu’il se dessaisisse, ou par le payement, ou par une consignation des deniers. Au reste, ce qui est dit que les fruits sont acquis au retrayant, se doit entendre, quand il a signifié son Retrait avant que les fruits soient ameublis ; c’est-à-dire, avant la Fête de Saint Jean-Baptiste, & le premier de Septembre ; car apres ce temps, ils sont acquis irrévocablement à l’acquereur : ce qu’on doit inférer de l’Article suivant.

VoyezLouet , R. 35.32


CCCCLXXXVIII.

Les Grains étant sur la terre après le Jour de Saint Jean-Baptiste, sont réputés meubles, encore qu’ils ne soient sciés ni coupés, tout ainsi comme s’ils étoient séparés du sol.

Il est répété par l’Article DV, sur lequel ce qu’il y a de remarquable, sera référé.


CCCCLXXXIX.

L’Acheteur sera payé de ses airures, semences & engrais, s’il n’a les fruits ; & outre, il aura pour le terrage, des deniers du fermage, ou du prix qu’eût pû être baillée la terre, prorata du temps qu’il a possédé avant l’ajournement.


CCCCXC.

Et quant aux Prés, Bois, Pommes & autres Fruits naturels, l’Acheteur en sera payé au prorata du temps qu’il aura possédé avant l’ajournement, sur l’estimation qui en sera faite, si mieux le Clamant ne lui veut payer l’intérêt des deniers du Contrat au denier quinze.

Ces deux Articles pourvoient à l’indemnité de l’acquereur, qui ne doit pas être privé de la récompense qui lui est dûe, pour les impenses qu’il a faites pour la culture de l’héritage, ni de l’intérét des deniers qu’il a déboursés pour le prix de son contrat. Quand il a perçu tous les fruits, il est réputé indemnisé, c’est pourquoi il ne peut rien prétendre pour les engrais, airures & se-mences : ce qui se doit néanmoins entendre, quand il a recueilli les fruits qui sont provenus aprés ces engrais, airures & semences. Mais quand il n’a recueilli aucuns fruits depuis, il le faut indemniser par les moyens proposés en ces deux Articles, qui se doivent expliquer par une distinction, qui est que l’héritage retiré est baillé à ferme, ou il ne l’est pas : s’il est baillé à ferme, I’acquereur doit être payé par le retrayant du prix du fermage, par rapportESPERLUETTE par proportion au temps de sa possession : que si l’héritage n’est point af-fermé, alors il faut faire estimer ce qu’il pourroit être baillé à ferme, & donner à l’acquereur la part qu’il pourroit avoir, suivant cette estimation & le temps de sa possession, à moins que le retrayant n’aimât mieux payer l’intérét des deniers du prix du contrat : car quoique cette option semble n’être qu’au cas de l’Article CCCCXC ; c’est-à-dire, quand les fruits naturels, comme les foins, les bois, les pommes & les poires n’ont pas été perçus par l’ac-quereur ; il paroit qu’il est raisonnable de l’admettre dans l’autre cas des fruits andustriels ; c’est-à-dire, qui proviennent de semence, lorsqu’il est nécessaire de faire faire des estimations par experts, quand il n’y a point de prix réglé par aucun bail fait à un fermier : c’est pourquoi on peut dire, qu’il est fort difficile de donner une bonne explication à cet Article CCCexC, la distinetion qui y est faite des fruits naturels, ne paroissant pas fondée en aucune rai-son valable, pour faire un Réglement différent de celui qui avoit été fait à l’égard des fruits industriels, en l’Article précédent, d’autant que l’estimation de ces deux genres de fruits peut être faite semblablement, ou par experts, ou par rapport à ce que les héritages seroient ou pourroient être baillés à ferme ; & qu’il est d’ailleurs équitable, que pour éviter la difficulté des estima-tions, les retrayans ayent la faculté de payer à l’acquereur l’intéret de ses deniers. Il ne faut pas omettre, que cet intéret que la Coutume avoit fixé u denier quinze, est réglé maintenant au denier vingt, suivant qu’il est artesté par l’Article C dudit Réglement.33

Au reste, outre les airures, semence & engrais, dont l’acquereur doit être remboursé, il y a encore les impenses nécessaires, faites pour la conservation des héritages, comme sont les réparations des bâtimens, lorsqu’il a stipulé avec le vendeur, qu’il les pourroit faire jusqu’à une certaine somme, ou quand, s’y est fait autoriser par le Juge, qui a nommé des Experts pour dresser des proces-verbaux ; car pour les autres impenses, quoiqu’utiles, l’acquereur n’en peut demander remboursement, ne pouvant aggraver les charges du retrayant in alieno Cdificavit, aut sevit.

On a jugé par deux Arrêts, l’un du 24 de Fevrier 1656, & l’autre du 19 de Juillet 168s, que l’acquereur n’avoit pû stipuler valablement avec le vendeur, qu’au cas du Retrait, le retrayant seroit obligé de lui payer l’intérét du prix déboursé, suivant l’Ordonnance. Mais cette stipulation seroit valable contre le vendeur, si elle étoit faite pour l’assujettir à payer ledit interet en cas de Retrait, comme il a été jugé par un autre Arrêt du 14 de Décembre 1621, rapporté par Bérault sur l’Article CCCCLXXX, qui semble autoriser cette stipulation : ce qui n’est pas contraire aux deux Arrêts ci-dessus datés, rapportés par Basnage sur l’Articles CCCCLXXXIX, d’autant que dans l’espèce de ces deux Arrêts, le vendeur avoit expressément stipulé qu’il ne payeroit point d’intérêt, mais que le clamant seroit obligé d’en payer.


CCCCXCI.

Le garnissement doit être fait en Or ou Argent monnoyé ayant cours ; & au cas que la Clameur soit gagée, le garnissement doit être fait dans les vingt-quatre heures.


CCCCXCII.

Et s’il y a eu refus, & depuis obéissance le garnissement doit être fait dans les prochains Pleds, si c’est Terre Roturiere ; & si elle est Noble, dans la prochaine Assise.

Les actions en Retrait renfermant nécessairement l’offre du remboursement, I c’est pourquoi la Coûtume les appelle Clameurs de bourse, pour signifier que les demandeurs doivent avoir l’argent à la main ) les demandeurs sont obligés de payer dans les vingt-quatre heures, quand l’acquereur consent aux fins de la demande ; ( ce que la Coûtume signifie par la Clameur gagée, encore que le retrayant ait donné l’assignation aux prochains Fleds ou à la prochaine Assise ; ce temps que la Coûtume semble donner, n’étant qu’au cas qu’il y ait proces, & non quand l’acquereur obéit à la clameur : mais quand l’acquereur a varié, c’estA-dire, lorsqu’aprés avoir refusé de quitter la possession de l’héritage, il obéit, alors le temps du payement ou garnissement est prorogé jusqu’aux Pleds ou Assises.

Le garnissement doit être fait partie présente, ou dument appellée, & au lieu ou le remboursement doit être fait ; c’est pourquoi il a été jugé que le garnissement n’étoit pas valable, fait au lieu où l’action avoit été évoquée ; mais qu’il avoit dû être fait au lieu du domicile du défendeur, par un Arrêt du premier de Février 1630, rapporté parBasnage .34

Au reste, la chose retirée demeurant en la possession de l’acquereur, jusqu’à ce qu’il s’en soit dessaisi par un délaissement volontaire, ou par la prise de possession du demandeur en Retrait, demeure-t’elle toujours pendant cet intervalle, aux risques du défendeur ; & le retrayant peut-il se desister de son action, & renoncer même à l’effet de la Sentence qui lui a adjugé ses conclusions, sans qu’on puisie lui faire porter la perte, ou la diminution qui est arrivée à la chose, ni d’autre peine que celle des intérêts & dépens ; VoyezLouet , C. 37, qui rapporte les raisons pro & contra, & un Arrét qui a jugé la question en faveur du de-mandeur, qui avoit fait juger la rescision d’un contrat.


CCCCXCIII.

Tout lignager qui a renoncé à user de ses droits de Clameur, soit lors du Contrat ou après, n’y peut revenir.

IL a été jugé par un Arrêt du 7 de Février 1673, rapporté parBasnage , que l’héritier de celui qui avoit renoncé à un Retrait, par une Transaction. faite avec l’acquereur étoit privé du droit de retirer, qu’il avoit de son chef, comme étant parent du vendeur, aussi bien que l’étoit le défunt, parce qu’on réputa que la Fransaction avoit été faite, tant pour celui qui avoit contracté, que pour ses héritiers ou ayans-cause : ce qui paroit avoir une raison d’équité, quand la renonciation a été faite au moyen d’un profit qu’en a tiré celui qui a renoncé. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCCCLVIII, à la fin.35


CCCCXCIV.

Le Droit de Clameur de bourse & lignagere est de sa nature incessible, & néanmoins est transmissible aux héritiers.

Il se doit entendre, tant du Retrait féodal que du lignager, quoique le contraire s’observe dans tout le Pays coutumier, dans lequel le retrait séodal est cessible : mais il ne se doit pas entendre du Retrait conventionnel, ni de celui de Lettre lue, qui peuvent être cédés, comme il est attessé par l’Article CXVI dudit Réglement.36

Quand la Coûtume dit, que le droit de clameur est transmissible aux héritiers, elle signifie que le même droit qui appartenoit au défunt, passe en la personne de son héritier, qui peut s’en éjouir à la représentation du défunt, c’est-à-dire, avec les mêmes avantages qu’auroit eu le défunt en retirant : ce qu’il faut limiter, en ajoutant, pourvû que cet héritier ne soit pas inhabile pour posséder l’héritage retrayable ; c’est-àdire, par exemple, qu’un héritier au propre paternel, ne pourra pas retirer à la représentation du défunt, les héritages retrayables, s’ils procedent de la ligne maternelle : il semble qu’on doit dire une chose semblable, quand l’héritier ne succede pas au Fief, en vertu duquel le Retrait féodal peut être fait.


CCCCXCV.

Le Mari ou ses héritiers peuvent répéter la moitié des deniers qu’il a déboursés pour retirer l’héritage au nom de sa Femme.

Quand un mari retire un héritage vendu par ses parens ou par ses vasfaux, la femme n’y peut prétendre de part comme à un conquêt ; parce que retirer en ce cas, est remettre dans la famille, ou réunir à un Fief ce qui en avoit été séparé. Mais quand au contraire, un mari retire un héritage au nom de sa femme, qui est parente du vendeur ou propriétaire d’un Fief ; ( ce qu’il peut faire sans son intervention & sa procuration, quoique dans tous les autres droits propriétaires de la femme, il ne puisse contracter valablement qu’en la présence, ou en vertu de procuration d’icelle, ) tout l’héritage rétiré appar-tient par la même raison à la femme, qui n’est obligée qu’à rapporter la moitié des deniers déboursés pour le Retrait, & la moitié de ceux qui ont été employés pour faire les augmentations ou améliorations faites sur l’héritage depuis qu’il a été rétiré, qui est un avantage qu’on peut faire aux femmes en Normandie, outre celui de l’acquisition en bourgage : & bien que le mari puisse impunément aliéner les conquêts par lui faits, néanmoins quand il a rétiré un héritage au droit de sa femme, il n’en peut valablement disposer, que le consentement de sa femme n’intervienne, comme il a été juge par un Arrêt du 18 de Mars 1549, rapporré par Bérault sur cet Article.37 Mais il y a un cas spécifié dans l’Article suivant CCCCXCVI, auquel la femme ne peut prétendre l’héritage retiré en son nom, qu’en remboursant tout le prix, ou en faisant voir un remplacement, qui est quand le mari a vendu ou hypothéqué son propre bien pour faire le Retrait, à quoi il faut ajouter pour plus grand éclaircissement de ces deux Articles : Premièrement que la femme & ses héritiers peuvent se défendre de la répétition autorisée par ces Articles, quand le Retrait fait au nom de la femme, a été fait sans son consentement ou sa procuration : car en ce cas, ils peuvent renoncer à l’effet du Retrait ; ils le pourroient même nonobstant l’intervention ou la procuration de la femme, si cette répétition ne fe pouvoit faire, sans engager ou diminuer les propres de la femme, parce que le mari ne les peut aliéner ni hypothéquer par aucun contrat, sans un suffisant remplacement : Ce qu’il faut entendre au cas de renonciation à la succession du mari ; car l’acceptation de sa succession renferme une ratification des contrats qu’il a faits ; cependant le cas de renonciation n’empéchera pas la femme ni ses héritiers, de s’éjouir du Re-

trait fait par le mari au nom de la femme ; mais seront obligés de rapporter tout le prix.38 Mais que faudra-t il juger, s’il y a séparation de biens ? Le mari en ce cas, peut-il retirer au nom de sa femme ; ayant retiré, peut-il répêter tout le prix, ou seulement la moitiè : Il semble que le mari séparé de biens ne pouvant acquérir au nom de sa femme, ne peut aussi retirer en son nom, sans sa procuration, & qu’il n’ait répétition de tout le prix, parce qu’il ne peut faire avantage à sa femme, ni lui acquérir aucune propriété à ses dépens. Il y a diversi-té d’Arrêt sur cette question, les derniers ont jugé la répétition de tout le prix.

Il faut de plus ajouter, que non-seulement la femme qui veut s’éjouir de Phéritage rétiré en son nom doit porter le remplacement du propre que son mari a aliéné pour payer le prix du Retrait ; mais même qu’elle est tenue du remplacement du propre que le mari avoit aliéné auparavant le Retrait, quand elle est héritière de son mari : ce qui a été jugé par un Arrêt rapporté parBasnage , du 28 de Janvier 1660 : parce que l’héritage rétiré au droit de la femme, quoiqu’il soit réputé un propre dans les biens de la femme, suivant l’Article CCCCLXXXIII, est un véritable acquet à l’égard du mari, & partant doit porter à proportion le remplacement des propres qu’il a aliénés, par l’Article CCCCVIII & l’Article. LXV dudit Réglement.39


CCCCXCVI.

Et où il auroit vendu ou hypothéqué son propre, pour retirer héritage au droit de sa Femme, elle ni ses héritiers, n’y peuvent prétendre aucune chose, que le propre ne soit remplacé.

Il n’est pas inutile de remarquer, outre ce qui a été dit sur l’Article précédent, qu’au cas qu’on retire un héritage appartenant à la femme, le retrayant doit veiller pour faire bien remplacer les deniers du remboursement, c’est pourquoi il doit demander au mari caution, ou un remplacement valable comme s’il lui racquittoit une rente appartenante à la femme.40


CCCCXCVII.

Il ne suffit pas que le Retravant s’oblige de décharger l’Acheteur, qui s’est soumis d’acquitter le Vendeur d’aucune rente envers ses Créanciers ; ains sera, & doit être contraint à garnir les deniers desdites rentes, pour la décharge dudit Acheteur ; & où l’Acheteur ne seroit tenu qu’à la faisance & racquit desdites rentes, il suffit que le Retrayant s’oblige l’en décharger, pourvû qu’il soit ainsi accepté par le Vendeur, & doit ce faire fous l’hypotheque de tous ses biens, & non-seulement de l’héritage retiré ; en quoi faisant l’Acheteur demeure déchargé de tout.

C’est une maxime, que l’acquereur en délaissant l’héritage au retrayant, doit être déchargé absolument de toutes les obligations qu’il a contractées par l’acquisition : C’est pourquoi la Coûtume a voulu pourvoir à sa sureté par cet Article, en obligeant le retrayant à garnir les deniers des rentes, au cas que l’acquereur s’est obligé de les acquitter abfolument envers les créanciers de son vendeur : car si son obligation n’étoit qu’envers le vendeur, l’agrément du vendeur suffiroit au retrayant, comme il suffit au cas que l’acquéreur s’est seulement obligé à la continuation des rentes, & non à les acquitter dans un certain temps ; car la Coutume en ce dernier cas, charge le retrayant de dégager l’acquereur, en obligeant & hypothéquant tous ses biens ; ce qui étant accepté par le vendeur, l’a-cheteur demeure entièrement déchargé de toutes les obligations qu’il auroit contractées. Il a été jugé par un Arrêt du 3 de Septembre 1677, rapporté parBasnage , qu’un acquereur s’étant obligé d’acquitter une rente dotale entre les mainsd’un mari, il ne suffisoit pas au retrayant de garnir le prix par lequel la rente pouvoit être amortie, mais qu’il étoit tenu de la racquitter aux termes du contrat, à ses risques ; ou au moins, de bailler bonne & suffisante caution au vendeur de continuer la rente. Or comme l’acquereur doit être déchargé de toutes les actions qu’il avoit attirées contre lui par son acquisition, il recouvre d’ailleurs toutes les actions qu’il avoit à l’égard de l’héritage, & qui avoient été confondues par sa possession.41


CCCCXCVIII.

L’héritage donné en faveur ou récompense de services, peut-être rétiré, tant par le lignager que par le Seigneur, en rendant la vraie valeur & estimation de l’héritage.

Quoique les donations rémunératoires, comme sont celles qui sont pour récompense de services, ne soient pas de véritables donations, parce qu’elles ne procedent pas d’un pur motif de libéralité, néanmoins ne pouvant pas être réputées des contrats de vente, parce que l’affection & la bienveillance en sont souvent la cause principale ; il semble qu’il y auroit eu grande raison de préférer la volonté de celui qui a eu le dessein de récompenser, à lintérét des parens ou des Seigneurs de Fief, qui ne doit donner ouverture aux Retraits, que quand ii y a une véritable vente ou chose équivalente, ausquelles on ne consent que par la considération du prix. Néanmoins le contraire est ordonné par cet Article, qui ajoute, que le retrayant doit payer la vraie valeur de l’héritage, & non-seulement le prix déclaré par le contrat ; parce que, comme il a été remarqué, ce prix n’est pas la cause du contrat, mais bien plutôt la gratitude pour les services ou bienfaits reçus.42


CCCCXCIX.

Après que l’action en retrait lignager Seigneurial, ou à droit de Lettre lue, aura été discontinuée par an & jour, le Clamant n’est recevable aprés, d’en faire aucune poursuite.

La contestation de l’action en Retrait ne proroge pas l’action plus d’un an & jour comme il est déclaré par cet Aticle, & qu’il a été remarqué au Discours général.

Si le retrayant a été évincé de sa demande en Retrait, il ne peut appeller de la Sentence que dans l’an & jour, à moins qu’il n’ait prétendu qu’il y ait eu de la fraude, la Sentence portant éviction n’ayant pas attribué un nouveau droit u retrayant : Mais si au contraire, le défendeur en Retrait a été condamné de faire le délaissement au retrayant, la Sentence pourra-t’elle être mise à exécution pendant trente ans ; & pendant ce temps, l’acquereur qui est demeuré en posses-sion, pourra-il en appeller 1 Videri potesi quod sic, parce que l’action ex causa judicali dure trente ans ; & partant, que la défenfe qu’on peut prendre de cet-te action par l’appel, doit durer aussi long-temps : mais on peut dire au contraire, que la Sentence renduë contre l’acquereur procédant de l’action en Rétrait, qui est annale, nonobstant la contestation, doit être exécutée dans l’an, autrement qu’elle ne doit plus avoir d’effet, parce que le droit du retrayant n’est qu’une préférence, qui ne doit pas prevaloir pendant un long-temps au droit d’un con-trat, qui par sa nature a un effet pour l’avenir. Il a été jugé, que l’action. en Retrait conventionnel ne périssoit point par la discontinuation de poursuites par an & jour, par un Arrêt du premier de Février 164â, cité parBas -nage.43


DI.

Si rente fonciere est vendue, & non retirée par le Seigneur ou le Lignager, le Propriétaire du fonds peut retirer ladite rente, dans l’an & jour de la lecture du Contrat, & en décharger son fonds, en payant le prix & loyaux coûts.

Cet Article établit une cinquième espèce de Retrait, non comprise en la division faite en l’Article CCCCLI. Ce Retrait se fait en vertu de la propriété du fonds obligé à la rente foncière, le propriétaire du fonds pouvant, lors-que cette rente est venduë, la retirer, si le parent du vendeur, où le Scigneur immédiat du Fief dont releve l’héritage obligé à la rente, ne la retire point ; en ce cas de Retrait fait par le propriétaire, la rente est éteinte, & partant n’a plus de suite par hypotheque : Que si cette rente est venduë au pro-priétaire, elle ne peut être retirée, ni par les parens, ni par les Seigneurs de Fief, parce que c’est une libération ou extinction plu’ôt qu’une vente, & conséquemment en ce même cas, les créanciers ne peuvent plus faire saisir la rente, parce qu’elle ne subsiste plus : cela est attesté par l’Article XXVIII & LXXVI dudit Réglement.44


DII.

Baux à ferme à longues années, faits pour plus de neuf ans, sont retrayables ; comme aussi est la vente d’un usufruit faite à autre qu’au Propriétaire, lequel est préféré à la Clameur.

Le temps de dix ans est réputé long par les Docteurs, tant du Droit Romain que du Coutumier : Voyez ce qui est dit sur l’Article DLXXXVI. C’est pourquoi les baux faits pour plus de neuf ans, sont appellés à longues années & sujets aux Retraits ; ce qui a paru injuste à d’Argentré , sur l’Article CCXCIx de la Coutume de Bretagne. Il semble que ces Retraits ne se peuvent faire qu’avec l’agrément du bailleur, qui ne peut être contraint de décharger le preneur & de changer son obligé.45

Mais sera-t il dû treitieme de ces baux : Il semble qu’il n’en est pas dû, parce qu’il ne se fait aucune mutation de vassal, vû que le fermier à longues années ne peut être réputé propriétaire, ne pouvant engager, vendre, ni confisquer l’héritage ; & partant la conséquence du Retrait au treizieme n’est pas toujours bonne, comme l’enseigne Brodeau sur l’Article LXXVIII de la Coutume de Paris, n. 31.

Il a été jugé par un Arrêt du 1s d’Octobre 1616, rapporté parBasnage , qu’une fieffe faite pour le temps de la vie du preneur, n’étoit point retrayable, parce que les fieffes faites à perpétuité ne le sont pas, comme on le peut inférer de l’Article CCCCLII & qu’il a été remarqué sur l’Article CeceLXII.

C’est mal interprêter les dernieres paroles de cet Article, que d’en conclure, que le propriétaire doit être préféré à rétirer l’usufruit quand il a été vendu à un autre qu’à lui : car il n’y a pas de raison de lui attribuer plus de privilége en ce cas, qu’il n’en est attribué au propriétaire en l’Article précédent ; la consolidation n’étant pas plus favorable que la libération : le sens paroit plus naturel, en disant que le propriétaire à qui l’usufruit a été vendu, est préféré à la clameur, parce que son droit a exclu celui de la clameur qu’en interprétant que le propriétaire doit être préféré en cas de clameur, quand l’usufruit a été vendu à une tierce personne ; parce qu’il n’y a pas de raison qui lui doive donner cette préférence, & que d’ailleurs la Coutume en la lui donnant, auroit dù s’expliquer autrement, en déclarant qu’il seroit préféré au cas de la elameur. VoyezLouet , D. 23. & ce qui est remarqué sur l’Article CLXXXI.46 C’est mal raisonner que de conclure, que la vente des fruits faite avant la Saint-Iean, ou le premier jour de Septembre, est retrayable ; parce qu’en ce temps, les fruits sont immeubles : car tout ce qui est réputé immeuble n’est pas retrayable, autrement, il faudroit dire, que les bois taillis, qui sont immeubles jusqu’à ce qu’ils soient coupés, suivant l’Article DV, pourroient être retirés quand ils ont été vendus.


DIII.

En retrait conventionnel le Retrayant doit au jour de l’assignation offrir, consigner & déposer actuellement les deniers du Contrat, autrement il n’est recevable.

Il y a beaucoup de différence entre les autres espèces de Retraits, dont il a été traité précédemment, & celle du Retrait conventionnel, qui provient d’une clause & stipulation expresse du contrat d’aliénation ; car c’est un droit qui se peut vendre, céder & donner ; de plus, pour venir à temps de faire ce Rétrait il est nécessaire que non-seulement l’assignation soit donnée mais même que le payement ou garuissement des deniers soit fait avant que le temps designé par le contrat pour retirer, soit expiré, outre que l’action de ce Retrait ne périt point par la discontinuation de poursuites par an & jour. Il y a deux opinions touchant la nature du contrat qui contient la faculté de rachat, qu’on appelle réêmeré, parce que le vendeur peut racheter l’héritage qu’il a vendu, & s’en remettre en posiession, en rendant le prix & les loyaux coûts dans le temps. convenuQuelques-uns l’ont estimé un contrat imparfait, parce que l’effet dépend d’une condition, par laquelle il peut être réfolu : D’autres l’ont estimé parfait, parce que l’obligation n’en est point suspendue, mais subsiste & s’exé-cu-é des le temps que le contrat a été passé, vû que l’acheteur jouit & entre en possession des ce même temps. Le fondement de la premiere opinion est, que le contrat est véritablement conditionnel : Ceux qui soutiennent l’autre, disent qu’il n’est pas conditionnel, mais qu’il est résoluble sous condition.

Or, sub conditione contrahi, & resolvi sub conditione differunt : contrahiiur sul conditione, cûm ab inilio contractus est conditionalis ; sub conditione resolvitur cûm ab initio purus est contraclus, sed eyentu ë exitu est conditionalis. Gothofredus in legem primam, ff. De lege commissoria. Les exemples que ce nouveau Glossateur apporte des contrats résolubles sous condition, lont les contrats ausquels apposita est clausula commissoria, aut pacti de redimendo.

On a suivi à Paris la première opinion & on a réputé le contrat fait avec la clause de la faculté de rachat vrayement imparfait, jusqu’à ce que le temps. donné pour racheter fût expiré : c’est pourquoi on n’a point accordé les lods & ventes de ces contrats, avant ce temps. On a jugé, que les dix ant donnés par l’Ordonnance, pour faire rescinder les contrats, ne commençoient à courir qu’aprés que le temps de la condition étoit passé : On a ju-gé la même chose à l’égard des Retraits, & que les parens du vendeur & les Seigneurs de Fief, pouvoient retirer dans l’an & jour, à compter depuis l’expiration du temps apposé dans cette même condition. Mais l’autre opinion a été autorisée en Normandie, par l’Article CXCIII, qui oblige l’ache-teur à faire & payer tous les droits Seigneuriaux, encore que par le contrat il y ait condition de rachat. De plus, on a jugé que les temps preserits par l’Ordonnance, pour prendre les relevemens contre les contrats, ou par la Coutume, pour faire les Retraits, commençoient dés que le contrat a été passé & publié, comme il a été remarqué sur l’Article CLXXI, que si le vendeur vend cette faculté qu’il a retenue, quoique cette derniere vente soit retrayable, elle ne l’est pas toujours dans l’an & jour que le contrat en a été publié ; car si auparavant, le temps de la faculté finit, le temps du retrait finit au même instant, comme il est attesté par l’Article CIX dudit Re-glement.47

que l’assignation soit commise dans le temps fatal ; une procuration générale autorise valablement celui qui l’a acceptée à intenter le retrait, parce qu’il est la suite d’un Contrat ; mais le vendeur doit faire ses offres par son Exploit, & y déclarer qu’il va consigner incontinent & déposer ; aprés cette déclaration, la consignation est valablement faite le jour de l’Exploit de clameur, quand il auroit été délivré au domicile de l’acquereur sans avoir parlé à sa personne : Arrét du & Mai 1755.

Berault a bien décidé que le vendeur n’est pas tenu de consigner les loyaux coûts qui ne sont pas liquides, & encore moins le prix des augmentations ; les instances qui naissent à ces égards se portent devant le Juge en cas de contestation, comme les autres instances ordinaires.

Quand il n’y a point de Receveur des consignations établi sur le lieu où la consignation doit se faire, elle est valablement faite entre les mains d’un Notaire ou Tabellion qui a recu le Contrat de vente : Arrêt du 2o lanvier 167s, rapporté parBasnage .

La faculté de rachat, retenue pour un an, n’emporte point l’an & jour ; ainsi une vente à faculté de remere d’un an, faite le premier lanvier 1vvI, devra être clamée le dernier Décembre de la même année ; Godefroy : ainsi jugé par Arrêt en Grand’Chambre le 2o Fe-vrier 1728.

C’est une maxime constante en Normandie que cette faculté expire de droit ; l’acquereur pour exclure le retrayant n’a point besoin, comme dans plusieurs autres Coûtumes, d’obtenir un jugement qui déclare le vendeur déchu du profit de la grace stipulée dans le Con-trat de vente.



1

Le Retrait féodal dérive naturellement de la Loi des Fiefs comme une condition légale. de l’investiture ; mais l’origine du retrait lignager est plus obseure : il ne faut point, suivantCujas , Consult. o, remonter au 25e. Chap. du Lévitique.Pithou , sur Troyes, Tit. o, pour donner au retrait une époque réculée, emprunte de Tacite la belle description des associations des anciens Allemands faites par choix & par familles ; je crois qu’il faut borner les recherches à des siecles moins éloignés du nôtre. Le Chapître 1é de la Loi des Saxons, dans la Collection deLindenbrog , porte une défense d’aliener auparavant d’avoir offert à ses proches. On lit dans le Chapitre 127 des Loix d’Ecosse, de l’an 1124, que pour être approprié d’un fonds, il falloit que la vente eût été précédée de trois proclamations à trois Plaids solemnels, avec des offres en faveur des parens, & que l’acquéreur eût possédé sans trouble par an & jour.Laurière , dans ses Notes sur les Etablissemens de S. Louis, du Retrait, suppose toujours la nécessité d’offrir. Une constitution de l’Empereur Frederic, rapportée dans le Se Livre des Fiefs accorde precisément un mois aux parens du vendeur, depuis les offres pour agir : on pourroit donc penser que l’origine du retrait lignager procede de ce droit, qui, pour remédier aux abus des donations, défendit d’alièner sans le consentement de ses heritiers, & même de ses proches. Voyer le grand Coûtumier.


2

M. Auxanet, Préface, Tit. du Retrait, sur Paris, dit que l’usage du retrait devroit être aboli : outre qu’il est contraire à la foi des Contrats, il occasionne un nombre infini de contestations & de parjures ; les Coutumes qui abregent le plus le temps du retrait, s’écartent le moins de l’équité, suivant les meilleurs Auteurs ; car dans un delai d’un an, tel que le nôtre, un acquereur n’ose amcliorer les terres & réparer les édifices. On ne peut pas dire que l’on se propose dans le retrait d’épargner à un parent la douleur de se voir enlever par un étranger des possessions que l’habitude de les voir dans sa maison lui rendoit cheres ; car un parent éloigné a fouvent bion moins de relation avec le vendeur que l’acquereur. L’attachement que l’on a dans cette Province à maintenir les biens dans les familles, l’emporte sur ces considérations ; notre Coûtume multiplie non-seulement les ouvertures au retrait mais elle applanit encore toutes les difficultés, nous ne pratiquons point ces formes rigides si funestes aux lignagers, & si favorables aux acquereurs ; tout est simple dans l’action en rétrait & dans la manière de la poursuivre. Ce qui embarrasse, c’est la qualité qu’il faut avoir pour être habile au Retrait ; car le droit de Retrait se regle en Normandie comme celui des successions.

Bérault remarque cependant que le Retrait est de droit étroit & qu’ainsi le Retrayant doit se conformer littéralement à la Coûtume. Tiraqueau a fait la même observation dans son Fraité du Retrait, S. 8, Gl. 3 & 7, n. 1, ubicunque agitur ex consuetudine vel siatuto in materid retradis debent ad unguem observari, concurrere & probari omnia que à stututo ipfo, aut consuetudine requiruntur, aliâs agens suecumbit. Les Auteurs en rendent cette raison que le Retrait est l’effet d’une grace accordée contre le droit commun, & la liberté des Contrats qui forment le commerce de la vie civile : ainsi celui qui méprise les dispositions de la Loi, est indigre du bénéfice auquel elle l’a appellé : & plus la Loi est simple, mioins la transgression est excusaible. Il y a des pays où l’omission de la forme ne peut jamais se téparer, & l’on y juge que des le moment de la contravention la peine est encourue, & la déchéance du Retrait acquise de plein droit à l’acquereur. Poyer les Commentateurs sur l’Article CXI. de Paris & CLVIII de Melun.

Les Loix coutumieres qui ont établi le Retrait lignager, ayant pour objet de leur disposition, les héritages qu’elles assujettissent au Retrait lignager lorsqu’ils sont vendus à un étranger de la famille, elles sont, par conséquent, dit M.Potier , du Retrait, Part. 1, Chap. 1, n. 7, de la classe de celles qu’on appelle Statuts réels ; il est de la nature de ces Statuts réels qu’ils n’exercent leur empire que sur les héritages qui sont situés dans l’etendue de leur térritoire, & qu’ils l’exercent par rapport à quelque personne que ce soit, quoique domicilié hors du térritoire. Il n’y a donc que les héritages situés dans une Province, dont les Loix admettent le Retrait lignager, qui soient sujets à ce Rétrait ; mais ils y sont sujets, quand même le vendeur & l’acquereur auroient ler domicile en quelque Province du Droit écrit, qui n’admet pas le Retrait. C’est donc la Coûtume où l’héritage est situé qui doit régler tout ce qui concerne le Retrait linnager de cet héritage ; je veux dire, quelles sont les personnes qui y sont appellées, dans quel ordre quels sont les titres qui y donnent ouverture dans quel temps & fous quelles conditions il doit être exercé, &c. dites la même chose du Retrait féodal.


3

Grimaudet , du Retrait, Liv. 10, met en premier ordre le retrait conventionnel quia, ditTiraqueau , quidquid juris quesitum est consanguineo ex ejusmodi eontradu censetur quesitum cum eadem conditione, pucto apposito in contractu, Gl. 7, de Retrad conventCela est vrai ; le Retrait a droit de lettre lue vient ensuite parmi nous, c’est une grace sin-gulière accordée à l’acquereur perdant, qui préfere tout autre Retrait que le Retrait conventionnel. Ensuite vient le Retrait lignager retradus proximitatis excludit retradum feuda-iem. : : : : etiam si preveniente Patrono retractis consummatus sst, duMoulin , S. 22. n. 1.

Le Retrait féodal suit le Retrait lignager, nisi aliter specialiter eautum esset in primd investiturd, duMoulin , sur Angoumois, Art. LXIV. Le retrait a droit de propriétaire cede à tous les autres, il a du rapport avec la constitution de Fredéric, qui appelle au Retrait ceux qui ont des droits réels dans la chose.


4

La promesse de vendre ne donne point lieu au retrait :Grimaudet , ibid, Liv. s, Chaps 8 ; mais des qu’un Contrat de vente est accompli, ce qui se fait par le consentement des contractans, il ne peut plus être résolu au préjudice du retrait ; nous nous éloignons entierement du sentiment de duMoulin , S. 20, Gl. s, n. 2i, qui dit qu’une seconde vente, faite avant l’action en retrait par l’acquereur au vendeur, exelut le retrait, ratio est ex quo res reposita est in agnatione sua cessat tota S finalis causa legis inducentis retradum & conséquenter ipsa lex, tel est son raisonnement. La déclaration même des contractans, que la vente seroit simulée, ne feroit point de foi-

Le Contrat de vente ne se prend pas dans le sens étroit : on donne plus de force à l’intention des Parties qu’à la forme extérieure de la convention. Tout Contrat qui renferme le dessaisissement d’un fonds pour la libération d’une dette personnelle ou hypothécaire est considéré comme un Contrat de vente : aussi dans les Coutumes d’Auxerre, Article CLIV, de Sens, Article XXXII, de Lodunois, Chap. 15, ArticleI ; de Senlis, Article CexxII, il est dit que Retrait a lieu par Contrat de vente ou titre onéteux, équipolent à vente.

On excepte cependant le Contrat de cession de fonds, fait par le pere, pour le paiement de la dot de sa fille, ou par le frère à sa soeur, pour la même cause. La Jurisprudence a été plus loin, en exceptant encore la cession du fonds que le mari ou ses héritiers font à la femme pour la restitution de sa dot, quoiqu’il y ait une différence notable entre l’un & l’autre cas ; puisque, comme l’observeGrimaudet , Liv. 5, Chap. 17 il paroit suffire à la femme que par l’exécution du Retrait sa dot lui soit entièrement restituée, au lieu que la dot des filles à payer a quelque chose de plus réel que d’hypothécaire. Ne trouverez : vous pas encore plus singulier que la cession d’un ancien propre du mari, faite à la femme, pour la moitié d’une succession mobiliaire à elle échue en ligne collatérale, ne donne pas lieu au Retrait lignager, sic voluere. Mais il est naturel que le vendeur qui rentre en la possession de son fonds par le défaut de paiement du prix, ne soit pas exposé à la clameur, d’autant que l’éviction que souffre l’acheteur est nécessaire & dérive d’une condition. essentielle à la validité du Contrat.

Le Contrat de cession de fonds, à charge d’une rente viagere, ce que nous appellors vente à fonds perdu, est sujet au Retrait : ainsi jugé au Parlement de Paris, par Arrét du6 Août 1747 ; & par autre Arrêt du même Parlement du 7 Juillet 1734, il avoit encore été jugé qu’il y avoit lieu au Retrait d’un fonds vendu moyennant une rente viagere, lors même que le rentier est décédé, & que le retrayant ne court aucun hazard. Voyez la Collection deDenizart , Tom. 2, verb. Retrait.

La plupart des Coutumes n’admettent le Retrait lignager que dans le cas de la vente des propres, & elles forment le droit commun. Rien n’est plus conforme à l’esprit de la Loi, qui a originairement introduit le Retrait : car elle a eu pour but de conserver dans les familles les héritages que nous avons recus de nos peres. La Coûtume de Normandie assu-jettit les acquêts au Retrait, tant lignager que féodal : c’est une faveur extraordinaire, qui a cependant lieu dans quelques autres Coutumes. Les Coûtumes d’Acs, Tit. du Rétrait, Articles I & IV, & de S. Sever, Tit. 5, Articles I, Il, III, portent que les hétitages foit avitins ou acquis par le pere ou mere, & encore bien nouvellement acquis par le vendeur, sont sujets à retenue.

Tout héritage vendu est clamable, & on comprend sous le nom d’héritage, tout ce qui est réputé tel, soit par lui-même, soit en vertu de l’accession ou cohérence avec un Péritage ; ainsi la rente fonciere venduë est sujette à Retrait, suivant l’Article CXxix de Paris, pourvu qu’elle soit irracquitable : car tant que dure la faculté de rachat, la vente de la rente ne peut donner ouverture au Retrait, ainsi le Retrait a lieu pour toute l’hérédité, quoiqu’elle comprenne des meubles :Basnage ,Grimaudet . DuMoulin , S. 160, n. 1, décide que l’acquereur est le maître d’admettre le Retrait pour le tout, ou seulement pour les héritages.

Mais l’Hoste, sur Montargis, Tit. 16, Article I, pense que si la succession n’est que mobiliaire, le Retrait n’est pas recu, & cette opinion est juste. luyesAuroux , sur Bourbon-nois, Article CCCeXLIII, &Brodeau , sur Paris, Article CXLIyV, n. 3.

La vente par Décret ne donne pas moins lieu au Retrait que la vente volontaire. Je ne connois que deux Couûtumes contraires à cette décision : Orléans, Article CCCC, & Lodunois, Chap. 15, Article XXIII, ainsi l’héritage vendu par décret, soit sur Phéritier bénéficiaire, soit en vert i de la contumace des heritiers en genéral, peut être clamé, tant par les lignegers, que par le Seigneur ; mais l’héritage connsqué & vendu par decret n’est sujet qu’au retrait feodal.

La vente, sous faculté de rachat est clamable des Pinstant qu’elle est parfaite ; c’est aussi le sentiment de duMoulin , S. 20, Gl. 5, n. 22, vertas est in terminis nusue cunsuetudinis, dit-il, Patronum slutim retta ere posse sub eodem tamen onere redimendi quia facultus redimendi non facit quominus sit puté venditum. Le même Auteur, n. 27, admet le Retrait dans les ventes conditionnelles, quand l’acquereur, aprés le Contrat & avant l’évenement de la condition, est entré en possession des héritages vendus, videntur enin contranentes exequendo con-tradum ante conditionis eventum recedère d conditone, secus si vendieor non processit ad tradi tionem puram, Gc.Grimaudet , du iterrait. Mais on ne peut exercer le retrait sur une vente nulle, quia lex, continue duMoulin , n. 50, vel siatutum loquens de contradtu, sententid, vel alio actu, intel. ig. tur ale valido non autem nullu. L’acquereur ne peut cependant pas opposer la nullité de la vente ; car il n’a intérét que d’être remboursé, cum sua non interest, retra-hente pretiunt refundente S legales sumptus.

La faculté de remere est regardée comme une portion du fonds non vendu si le vendeur qui l’a retenue la vend dans la suite, ses lignagers pourront la clamer, & ils seront tenus a’ors, en l’exercant, de rembourser le prix de la première & de la seconde vente :Bérault . Mais souvent cette faculté ne sert qu’à couvrir une fraude, comme si le vendeur en dispose, dans la suite gratuitement au profit de l’acquereur. Supposez, en effet, que P’aliene un héritage, avec faculté de remere de quinze mois, & que je la donne à Pacquereur, il est évident que de concert avec l’acquereur, j’ai eu dessein d’eluder le Rétrait en accordant à l’acquereur, en vertu d’une convention simulée, un droit de préférer tous mes lignagers Les Auteurs qui ont écrit sur cette matiere ont remarqué cette fraude, & ils l’ont proscrite ; ils ont même observé qu’elle se déguisoit plus ou moins, mais que le dég-arement, en ce genre, ne devoit pas echapper à la pénétration des Juges.

Quoique l’extinction d’une servitude au profit du propriétaire du fonds servant, l’amortissement d’une rente même irracquittable fait par celui qui la doit, la consolidation. de l’usufruit à la propriété ne semblent pas donner lieu au Retrait, j’expliquerai cependant, sous l’Art. CCCCLXIl, ce que l’on doit penser de l’amortissement des rentes ; & j’observe que que que l’ususruit vendu au propriétaire ne soit pas clamable, on peut clamer la vente de la proprété faite a l’usufruitier ; mais l’usufruit est rétabli par l’effet du Retrait, & ne subsiste pas moins séparément sur la tête de l’usufruitier qu’auparavant qu’il eût traité de la propriété.Grimaudet ,Basnage .

Les auteurs disent que le Retrait n’est pas recevable en vente faite pour l’utilité publique L’intéret dans le Retrait n’étant qu’un intéret de particuliers, ils décident qu’il doit céder a un intérét publie. Voyez le Grand, sur Troyes, Art. CXLIV, Gl. 3, n. 32 3DuPineau , pag. 1178,Brodeau , Art. CXxix de Paris, n. s, note PPP, sur du Plessis Decormis, Tome 2, Cent. 4 ;Auroux , sur Bourbonnois, Art. CCCCl ; la Peirere, R. n. 177 ;Potier , du Retrait, Part. 1, Chap. 4, Sect. 1, n. 78.

Il résulte de l’an & jour que la Coutume accorde pour clamer, que le Contrat de venteayant été lu se premier anvier 177s, la clameur pourra être intentée le premier lanvier 1772 & pendant tout le jour : Godefroy observe que la clameur ne peut être intentée aprés l’an & jour dans les six heures, dont on compose en quatre ans l’année bissextile, mais si la clameur écheoit dans l’an bissextil, le jour intercalaire est compris dans l’an & ne se diminue pas.

Voyer les Notes surDuplessis , Notes M : Jurisprudence de la Combe, verb. Retrait.


5

Godefroy pense que les trente ans de cet Article ne courent que du moment de la posfession de l’acquereur : c’est aussi le sentiment de duMoulin , 5. 20, Gl. 12, n. 12, unde si venditio fuit occultata facto contrahentium puta venditore semper possidente non incipit currere praescriptio, cependant dans trente ans il arrive ordinairement des changemens qui découvrent les actes les plus secrets, & notre Coûtume a un terme marqué.

La vente judiciaire des biens des mineurs est sujette à lecture pour exclure le Retrait, & on ne peut opposer au retrayant la connoissance personnelle qu’il a de la vente : Arrêt du 21 Avril 1610.Bérault .

La lecture d’un second Contrat ne purge point le défaut de lecture d’un premier Contrat, à cause de la diversité des prix ; mais le second acquereur ne peut prétendre d’intérêts d’évietion contre le premier : Arrét du 11 Avril 1614. Cependant si, pour suppléer à une formalité. comise dans un Contrat de vente, les mêmes parties en passent un second par le même prix, il suffit de faire lire le second Contrat : Arrêt du 16 Mai 1668.Basnage .

La manière de rembourser le prix & les loyaux coûts, fait naître de grandes questions, différemment discutées par les Auteurs.

Quand le vendeur déclare dans le Contrat qu’il a vendu le fonds par un prix designé, & qu’il a donné la plus value, le retrayant est-il obligé à s’arrêter à la déclaration portée par le Contrat Basnage traite cette question, & je crois qu’elle doit être décidée par les circonstances. Si l’acheteur est une personne qui n’a aucune liaison de sang ou d’amitié avec le vendeur, & si le prix, sans y. comprendre la somme dont le vendeur a déclaré faire remise, égale la juste valeur de l’héritage, on présume que le don de la plus value n’a été inséré dans le Contrat de vente que pour gréver le retrayant, c’est la présomption naturelle que font naître ces Contrats ; mais quand l’héritage excede effectivement le prix stipule lorsqu’il paroit une intention bien marquée de donner, & que le Donateur n’a pas voulu faire une libéralité du tout, il ne seroit pas juste de dénaturer les actes en faveur du retrayant. Du Moulin dit aussi que si dans le Contrat de vente le vendeur fait don d’une par-tie du prix à l’acquereur, il faut examiner la valeur du fonds. Fraus autem detegitur, dit cet Auteur, S. 20, Gl. 5, n. 22, eo ipso quod eodem contradu eidem venditur media quanti totum valet, & residuum donatur ; mais si la remise est faite depuis le Contrat de vente, il faut, comme dans le cas précédent examiner si la remise a pour principe une simple gratification, ou si elle n’est pas l’effet d’une fraude concertée pour exagérer le prix véritable Bérault décide en tormes généraux que le retrayant n’est tenu de restituer à l’acquereur, les deniers qu’il a payés depuis au vendeur, par forme de supplémeit, que quand lacquereur y a été forcé en vertu d’un jugement rendu sur une clameur révocatoire ; & il cite en faveur de cette opinion un Arrêt du 2o Fevrier 1613. La Coutu ne d’Anjoi, Article CCCLXV, approuve ausii le supplément fait par l’acquereur, par autorité de Iustice & sans fraude avant l’ajournement : Voyer Chopin & les Notes dePocquet . Mais d’autres Coutumes ne font aucune mention de l’autorité de la Justice, elles désirent seulement que le supplément ne soit pas fait en fraude du retrayant : l’oyerAuroux , sur Bourbonnois, Article CCCexxxl, & Coquille sur le Chap. 31, Article XII de la Coûtume de Nivernois. Je crois que l’augmentation du prix, prétenduë payée depuis l’entière exécu-tion du Contrat de vente ne doit pas être remboursée par le retrayant, a moins que l’acquereur n’ait fait le supplément pour se rédimer d’une action que le vendeur avoit contre lui, ainsi si l’acquereur paye depuis le Contrat de vente, en vertu d’une transaction, une somme au vendeur pour supplément, l’acquereur n’en peut prétendre le remboursement qu’autant qu’il prouve que le vendeur étoit en droit d’intenter contre lui une clameur révocatoire.Grimaudet , Liv. 7, Chap. 6.

L’acquereur, à charge de décret, stipule inutilement dans son Contrat qu’il sera remboursé, en cas de clameur, de la meilleure partie des encheres, car il en mettroit à plaisir : Arret du 28 Mal 1Gr0 :Bérault . Dans le fait de l’Arrêt, il étoit convenu par le Contrat de vente, entre la venderesse & l’acquereur, que l’acquereur profiteroit des deux tiers des encheres, & la venderesse du tiersPotier , Part. 1, Chap. 9, p. 18y, pense cependant que quan d l’acheteur a fait un décret sur lui qui est devenu forcé, & sur lequel il a été obligé de se rendre adjudicataire par un prix plus fort, ce n’est pas le prix du Contrat de vente, mais celui du decret qu’il faut rembourser.

DuMoulin , 5. 20, Gl. 7, n. 10 dit que le prix peut être remboursé par compensation, dummodo fiat de liquido ad liquidum : Grimaudet estime que le plus sur est de rem-bourser en argent.

Selon l’Edit du mois d’Octobre 1738, Article IV, dans les payemens de doo livres on ne peut obliger de prendre plus de 1o livres en espèce de billon, & au dessus de duo livres, plus de d0 livres s’il suffit au reste de rembourser en espèces de cours au temps du Re-trait : si l’acheteur, dit duMoulin , 5. 20, Gl. 8, n. 2, n’a intérét de recevoir in eddem solutâ S conventâ monetd.

Le retrayant doit non seulement rembourser le prix principal, mais encore les loyaux coûts. On appelle loyaux coûts, tout ce que l’acquereur a été obligé de débourser pour les frais d’acquisition. Ces loyaux coûts sont les frais de voyage faits, soit par l’acheteur ou par quelque expert envoyé de sa part pour visiter l’héritage ; ce que l’acheteur a donné à la femme, aux enfans du vendeur pour pot de vin, épingles, ou sous toute autre dénomination ; ce qu’il a promis ou donné aux proxenetes, pourvu qu’il n’excede pas l’usage du lieu, les frais du Contrat ; c’est-à-dire, le Contrûle, l’insinuation le centième denier, le papier le parchemin, les falaires du Notaire, les frais des quitrances des paiemens, les frais d’ins-tance que l’acquereur a faits pour obliger le vendeur à exécuter le Contrat ; l’intérét du prix principal, les lots & ventes que l’acquereur a payées au Seigneur. DuMoulin , S. 22, n. 6, dit que le retrayant doit rembourser l’acquereur du treizieme, quand même il en auroit été gratifié, quia non debetur ei tanquam emptori, sed tanquam cuilibet extraneu hubenti jus cessum à patrono : ce qui a fait dire à Basnage que le retrayant ne peut pas demander sar le paiement du treizieme l’affirmation de l’acquereur ; mais Pocquet excepte la remise faite par le Receveur du Domaine : elle profite au retrayant, parce qu’elle n’est pas censée faite par le motif d’une consideration personnelle. Vassin, sur l’Article XXXV de la Rochelle, dit encore que lacquereur ne doit pas profiter de la remise, S’il a payé & obrenu la remise depuis la demande en retrait. On ne met pas en loyaux coûts les sommes que l’acquereur auroit payées aux lignagers du vendeur por renoncer au retrait ; car ces fommes étant hors prix, elles ne doivent pas être remboursées. Viennent enfin les impenses sur la chose ou les détériorations. C’est une regle certaine & qui ne souffre aucune ex-ception, nonobstant toutes les clauses du Contrat, que l’acquereur ne peut exiger le remboursement des impenses, qui quoiqu’utiles n’étoient pas nécessaires ; car il n’est point permis à l’acquereur de rendre la condition du retrait plus onéreuse, & d’empécher indirectement le lignager d’exercer un droit que la Coûtume lui donne : ainsi jugé par Arrêt de ce Parlement du 11 Fevrier 1757. Dans le fait, l’acquereur avoit été autorise par son Contrat à fumer & engraisser l’héritage acquis, & il étoit constant qu’il avoit augmenté le revenu du fonds d’une somme de deux cens cinquante-huit livres ; cependant par l’Arrét il fut dit que lacquereur seroit remboursé des impenses nécessaires seulement. Voyer les Commentateurs sur l’Article CXLVI de Paris, & la Lande sur l’Article CCClXXIil d’Orléans. Quelques Coutumes permettent à l’acquereur d’enlever ce qui peut être enlevé, en remettant les choses en leur premier état. Voyes Laon, CCLIII ; Châteauneuf, LXxxix.

C’est encore une autre regle que l’acquereur est tenu des dégradatious survenues par sa faute, d’autant qu’il a contracté en acquérant l’obligation de rendre le fonde à ceux qui ont droit de le retirer, & par consequent celle de le leur conserver ; il suffit cependant que l’acquereur apporte à cet égard le même soin que dans l’administration du bien qu’il possede irrévocablement.


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Cet Article est tiré du Chapitre 12s de l’ancienne Coûtume.Terrien , Liv. 8, Chap. 28, nous apprend que le délai de 2d heures, ou de l’espace d’un jour, n’avoit lieu que dans certaines Villes de Normandie ; l’intention des Réformateurs n’a point été, ditBérault , de faire un droit nouveau.

Ce dernier Auteur dit que la plus commune opinion est que le jour de la lecture est compris dans le terme des do jours dont il est fait mention dans le Texte, mais le lignager doit avoir le quarantieme jour entier.


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Il n’y a pas un mot d’inutile ou d’indifférent dans cet Article, & on doit lui appliquer la maxime de duMoulin , sur Paris, S. 1, n. 9. Particulare est in consuetudinibus b slatutis, quod corum verbis tenaciter est inharendum, nec licet eis detrahere, nec alias interpretari quam loquuntur. Ainsi la Coutume veut que la lecture soit faite à jeur de Di-manche, si elle étoit faite à un jour de Fête, elle seroit nulle, Basnage : il faut que la lecture soit faite à l’issuc de la Messe paroissiale, si elle avoit été faite au Prone de la Messe paroissiale, ou à l’issuc des Vépres, elle seroit inutile : Arrêts des 12 levrier 1été, 11 Décembre 161y, dernier Février 1Sro : Arrét de Réglement du 20 Mars 1020, rapportés par nos Commentateurs. Quatre témoins à ce appellés doivent signer l’acte de lecture, sur ce principe, une lecture lignée de plus de quatre témoins a été déclarce défectueuse, par Arrêts de l’an 16t4, & du 19 Décembre 164s, parce que dans le corps de l’acte on s’étoit contenté de nommer trois témoins, en ajoutant, & autres. Auparavant l’Edit du mois d’Avril 169a, confirmé par la Déclaration du là Septembre 172o, le Curé, le Vicaire, le Sergent ou Tabellion du lieu étoient les ministres de la lecture, & cette diposition a fait naître bien des difficultés, décidées par les Arrêts rapportés parBasnage . Les lectures, suivant l’Edit & la Déclaration, doivent maintenant être faites par les Notaires-Gar-des-Notes de la Province de Normandie chacun dans leur district, a peine de nullité. Les témoins doivent signer l’acte de lecture sur le dos du Contrat, une lecture sur une feuille volante n’exclut donc point le retrait. Le Notaire qui fait la lecture doit signer aprés le le nombre des témoins prescrits, pour obvier à la facilité des signatures frauduleuses : Arrêts des 1s Janvier 1613 & 22 Août 175y ; quand les Contrats étoient passés hors la Généralité de la situation des fonds, on a long temps tolété des lectures sur des copies collationnées du timbre de la Genéralité du lieu dont on gardoit minute : Arrêt du 28 Mars 1721. Mais par Arrêt du 20 Mars ; 760, on a jugé que nonobstant le changement de formule, les dispositions de l’Ordonnance de 1Gpo & les Certificats des Notaires du canton, un acte de lecture étoit nul pour n’avoir pas été mis sur le dos du Contrat : enfin nofficier qui instrumente la lecture, est tenu par la Coutume, de tenir Registre ; ces termes étant impératifs, la disposition paroit de necessité, & la Cour a prescrit une forme à ces Registres, par un Réglement du ro Avril 1610, rapporté par Bérault ; mais la lecture ayant été faite solemnellement, elle ne peut, suivant le même Auteur, être attaquée que par la voie de l’inscription de faux.

Bérault fait une bonne dissertation sur ce qui peut résulter de la parenté de l’acquereur avec un des témoins qui ont signé l’acte de lecture ; il rejette le témoignage des héritiers présomptifs de l’acquereur ou de ses proches parens, qui ont intérét que l’hiéritage demeure dans la famille de celui qui l’a acquis. Basnage flotte sur cette question il ne voit point dans la Coutume qu’elle ait prescrit que les témoins appellés à la lecture seront idoines ; mais des que la Coûtume exige qu’un acte soit certifié de témoins, elle suppose des témoins dont la foi ne puisse être valablement récusée. Si l’Ordonnance, dans les matieres les plus légeres, reproche les parens des parties jusqu’à un certain degré, & dans des cas où le hazard fournit les témoins, pourquoi dans une matière aussi interessante que celles des Retraits, lorsqu’il dépend de l’acquereur de choisir ses témoins, adniettre des personnes que les noeuds de la parenté rendent au moins suspectes

C’est une question célèbre, si l’acquereur est recevable à prouver par témoins que le Contrat d’acquisition a été vu, tenu & lu, dossé de la lecture, signé du Notaire & des témoins requis par la Coûtume ; Bérault avoue que la preuve de ces faits n’est pas recevable, parce qu’elle ne suffit pas : il faudroit encore, selon cet Auteur, que les témoins décla-rassent connoître les faits & la signature des témoins pour prévenir la fraude.Basnage . rapporte un Arrét du 23 lanvier 1623, qui rejette absolument la preuve vocale, sur ce principe, que ce qui consiste en solemnité ne se peut prouver que par les moyens introduits par le droit ; pour moi j’estime que la question est assujettie aux circonstances. Si le retrait n’a été intenté qu’aprés quinze ou vingt ans de possession paisible de la part de l’acquereur, s’il est vraisemblable que le retrayant n’a agi que parce qu’il scavoir que l’acquereur avoit perdu son Contrat, si cet acquereur représente un extrait du Régistre du Notaire, quoique ce Registre ne soit pas signé par les témoins ou enfin un extrait du Contrôle de la lecture on peut alors recevoir la preuve par témoins ; & c’est à peu pres l’espece d’un autre Arrêt rapporté parBasnage . Il y en a qui pensent que le Registre du Notaire fait pleine foi : c’est une crreur : dés qu’il n’est point souscrit des témoins qui ont signé l’original, il ne peut pas avoir la même force.

Le style de procéder de cette Province fait connoître que dans la Vicomté de Roüen, la lecture solemnelle du Contrat de vente avoit l’effet de purger les hypothéques, si les charges sur le fonds vendu n’avoient point été publiées en même-temps que le Contrat, ou que les Créanciers n’eussent pas formé leur opposition dans l’an, & assigné le possesseur de l’héritage pour être payés : cette Jurisprudence qui étoit particulière à la Vicomté de Rouen, a fait penser à M. d’Argentré , qu’en Normandie la lecture du Contrat avoit la même force que l’appropriement de Bretagne, qui est une espèce de décret volontaire ; il est évident que ce grand homme s’est trompe.


8

Bérault dit qu’une lecture faite en la Jurisdiction doit être signée de quatre témoins.


9

DuMoulin , sur Angoumois, Article LXXVI, dit que la prescription en retrait est dedroit étroit, d’autant que la grace est attachée au terme.Laurière , sur l’Article CXxxI de Paris, à bien développé la pensée de du Moulin : ce n’est point, dit-il, parce que l’action en retrait se prescrit par an & jour, comme on tient en Pratique que le mineur ne peut l’exercer aprés ce temps ; c’est que cette action ayant un terme fatal n’existe plus aussi-tôt que le terme ost passé, ea que tempore ipso jure pereunt, hec pereunt minori.Grimaudet , Liv. 9, Chap. 7, ajoute que quand le Statut comprend dans sa disposition les mineurs ou les absens ils ne peuvent obtenir le bénéfice de restitution, aussi les aliénations, suivant la remarque deBérault , seroient toujours incertaines, s’ils pouvoient se pourvoir : car il n’y a gueres de familles où il n’y ait des mineurs dans tous les temps.

Mais c’est une question agitée par les Docteurs, si la prescription, pour exercer le retrait conventionnel, court contre les mineurs : l’opinion la mieux soutenue, quoique peut-être la moins générale, est qu’elle continue contre le mineur sans espoir de restitution ; il paroit contraire au bien du commerce qu’un acte, passé avec un majeur souffre atteinte par la minorité de son héritier : bérault. Commentateurs sur l’Article CCLXXXVI de Bretagne.


10

DuMoulin , S. 182, n. 3, croyoit que l’appel de l’adjudication suspendoit le temps. pour retirer, pourvu qu’il ne fut point frustratoire : Notre Coûtume prévient le mal dans sa fource. Terrien avoit observé qu’une opposition pour fonds, aprés l’adjudication finale, ne proroge point le temps du retrait prescrit par la Coutume, le retrayant doit agir dans l’an & jour, pour au lieu de l’adjudicataire débattre l’opposition : Terrien appuie cette doctrine d’un Arrêt du a2 Décembre 1515.

Basnage rapporte, sur cet Article, un Arrêt du 1é Ma1 163t, dont on conclut que le retrayant entrant dans la place de l’adjudicataire, demeure chargé de tous les risques, & sup-porte les pertes qui surviennent, sans pouvoir demander caution à l’adjudicataire. Cet Arrét sert à décider la question proposée par duMoulin , sous le S. 175, n. 3 & 4, sçavoir, qui de Tacquereur ou du retrayant porte la perte des deniers quand la vente est résoluc à cause de la minorité du vendeur ; il semble que, sans adopter la précaution de duMoulin , on doit, avecGrimaudet , Liv. 4. Chap. 34, prononcer contre le retrayant : car suivant les termes de du Moulin même Imo dici non potest quod est captus retrabentis, quia retrabens venit voluntariè & aufert ab initio, ergo cum omni fortund.


11

Les Fiefs étant indivisibles, il suffit que la lecture se fasse au Chef-lieu du Fief, c’est elle qui décide pour admettre ou exclure le Retrait ; il n’en est pas ainsi des rotures, la lecture est nécessaire pour chaque Paroisse où elles sont situées, quand même elles formeroient un corps de Ferme ; & il n’est pas surprenant de voir en Normandie des héritages roturiers vendus par un même Contrat, dont les uns soient sujets à Retrait, & les autres ne soient point clamables : Arrêt du 1a Décembre 1655, rapporté parBasnage , sous l’Article CCCCLV.


12

L’intention de la Coutume est de rejetter toutes les contre-lettres qui ne seroient pas publiées avec le Contrat de vente, afin de ne pas démouvoir le Lignager ou le Seigneur d’user du Retrait par la crainte des pactions clandestines ; mais ces pactions, ditBasnage , obligent les contractans & leurs héritiers.


13

D’Argentré sur l’Article CCCXCIX de Bretagne, Gl. 2, dit que si l’un des Copermutans promet à l’autre de faire acheter, par un prix convenu & dans un temps limité, le fonds qu’il cede en contr’échange, cet échange est une vente déguisée ;, nihil interest, ajoutetil, solvatipse an solventem producat ubi semel contradum est quid solvi debeat, nous tolerons, au préjudice du retrait, des Contrats dans cette espèce. Terrien dit que la clameut a été rejettée dans le même cas par Arrét du 24 Mai 1504 : on jugeroit autrement, dit cet Auteur, uil y avoit une présomption valable, que Pacquereur est une personne interposée pour remettre à l’échangiste son contr’échange. Basnage rapporte un Arrêt rendu en la Chambre de l’Edit, qui est en plus forts termes. M. de la Ferté, Maître des Requêtes, en faisant un échange avec le Seigneur, lui avoit promis par écrit de lui trouver un acheteur pour prendre la terre qu’il lui donnoit en contr’échange ; par cet Arrét il fut jugé que cette paction ne donnoit point ouverture au retrait.


14

Il résulte de cet Article que quand l’héritage est donné à rente irracquittable, le retrait n’a pas lieu. Bérault rapporte cependant un Arrét du Is Juillet 1o1y, par lequel il a été jugé que la moitié d’une maison en Ville ayant été fieffée par une rente irracquittable est sujette à la clameur. Dans le fait, il étoit échu à deux freres une maison, située a RSuen, chargée de vingt sous de rente foncière envers l’Hôtel-Dieu de cette Ville ; un des freres fieffe sa part par soixante livres & un chapon de rete fonciere & irracquittable ; l’autre frere clame l’effet du Contrat, il s’appuyoit sur l’Edit de François I. de l’un 1515 qui permet de racqu’tter les rentes dues sur les maisons des Villes & sur l’indivisibilité de la maison. La Cour, par l’Arrét confirma la Sentence du Bailli qui avoit admis la clameur. On ne s’arrêta pas à l’indivisibilité, ditBérault , puisqu’en supposant la maison indivisible, on en au-roit ordonné la licitation ; la Cour se détermina donc sur la nature de la rente qui étoit raequittable suivant l’Edit.

Il semble qu’il doit y avoir ouverture à la clameur, quand par le même Contrat on fieffe une portion considét able du fonds à vil prix, & que l’on vend l’autre portion à un prix excessif, car on présume alors que l’intention des contractans a été d’empécher l’effet du retrait. Aussi, par Arrêt du 1o Juilier 172s, on a ordonné une estimation pour sçavoir Sil y avoit entre ces deix manieres de contracter une disproportion dans le prix : il faut cependant que cette disproportion soit notable, car on ne doit pas, en faveur du rétrait, trop gener les contractans qui en réglant leurs conventions ont pu s’occuper de toutes autres vues que de celle de frauder les retrayans, Quoique la Declaration du 1à Janvier 169y & celle du ro du même mois 1725, portent que les Baux à fieffe ou à rente, dont le rachat aura été fait avant trente années du jour & date des Contrats, donne lieu à l’action en retrait ou clameur ; cependant, quand le créancier de la rente la cede, vend & transporte à un tiers avant ce temps, il semble que le débiteur originaire peut s’en affranchir dans l’an & jour de la vente, conformément à l’Article DI de la Coutume, & que le lignager ou le Seigneur qui avoient droit de clamer la rente à son préju dice, n’ont pas celui de clamer le fonds ; mais il est permis d’articuler, en ce cas, des faits de fraude, & de prouver que ce circuit n’a été ainsi pratiqué que pour se soustraire aux dispositions contenuës dans les Déclarations de 1658 & de 1725.

Il suffit au clamant d’articuler que dans un Contrat de fieffe il y a soute de deniers, sans expremer ni la somme ni la date du naiement : Arrêt du 10 Juillet 1725 ; mais l’argent donné à l’entremetteur du Contrat de fieffe ne donne pas lieu au retrait : Arrêt du 27 Juillet 1723, au rapport de M d’Auxouville c’est que ce prix ne tourne pas au bénéfice du fieffant.

Quand la rente de fieffe a été venduë par le fieffant au fieffataire dans les trente ans, cette vente rend bien le fonds clamable, mais la rente n’est pas assujettie au retrait : Arrêt du 21 Août 1716, au rapport de M. de Combon ; cet Arrêt est encore fondé sur l’Article XXVIII du Réglement de 1686.

La remise de la fieffe faite au Créancier, au moyen d’une somme, donne ouverture au retrait en faveur des lignagers du fieffataire : Arrêts des 17 Janvier 17c2, 7 Septembre I72 ;, Juillet 1731. On a aussi déclaré clamable, par Arrêt du ax Avril 1782, une tétrocession de fieffe faite par le fieffataire sans foute, mais avec rétention d’usufruit pendant sa vi :, il étoit constant que la valeur des fonds fieffés excédoit de beaucoup la rente de fieffeUne charge prise par le Fieffataire, d’acquitter une rente jusqu’à ce que le Fieffant en fasse l’amortissement, ne change point la nature de la Fieffe stipulée irracquittable ; on ne remarque qu’une delégation d’arrérages qui conserve au propriétaire direct la faculté d’en faire ceser le cours : Arrét du ; Lein 1657Basnage .

Le lignager qui clame un fonds donné à rente irracquittable, avec une foute en deniers ou en rente constituée, doit continuer la rente irraquittable : car la clameur n’altere pas les conventions employées dans l’acte qui y donne lieu ; mais si le retrayant justifie d’une contre : let-tre, partant une faculté illimitée de tout amortir, il remhoursera les capitaux.

Uay Quoique l’usufruit d’un immeuble soit réputé immeuble par la Coutume, il ne paroit pas pouvoir tenir lieu de subrogation à un héritage ; celui qui l’accepte en contr’échange d’un héritage, ne transmet rien de permanent dans la famille, aussi le fonds échangé contre un usufruit a été jugé clamable, par Arrét du S Avril 1G18, rapporté parBérault .


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Le bois de haute-futaie vendu à charge d’être coupé, n’est point de droit commun fujet au retrait, quand même le bois seroit encore sur le pied lors de la signification du retrait, & on en rend cette raison, c’est que l’acheteur ne pouvant par cette vente devenir propriétaire de ces bois que quand ils seront separés du fonds, cette vente ne fait passer. hors de la famille que des meubles. Potier du Retrait, Part. 1, Chap. 3, n. 4d ; Coûtumes de Par, CLXII, Bassignyi, CXX ; Sens, LXVI & LXVII : on a cependant jugé au Parle-ment de Bretagne, que le vendeur pouvoit exercer au nom de son fils le retrait des bois vendus à charge de les abattre : l’oyerSauvageau , Liv. 3, Chap. 205. On vcroit encore que l’héritier du vendeur a la même liberté, Cout. génér. de Bret. Tom. 2, Tit. 16, Article CCXCVIII. L’Hôte, sur Montargis, a une opinion singuliere, il pense que l’héritier présomptif du vendeur doit être admis au retrait d’une vente de fûtaie sur pied, à la charge de ne la pas abattre : on sent que le vendeur étant maître de son bien, a droit d’exiger que la futaie soit exploitée ; d’ailleurs que serviroit ce retrait, si dans la suite le vendeur disposoit du fonds

Je ne justifie point notre usage : j’observe cependant que l’on n’a pas toujours jugé dans cette Province la vente du bois de haute futaie retrayable, quoique sur pied au temps de la clameur signifiée.Terrien , Liv. 8, rapporte un Arrêt du 29 Janvier 1516 qui a décidé. le contraire. Ln particulier avoit vendu sur son fief un bois de cette espèce, a charge de l’abattre ; son neveu intente une action en rétrait, & les arbres n’étoient pas encore abattus : l’oncle, aprés l’action en retrait, avoit même céde la propriété du fonds, sur lequel les arbres étoient plantes, au retrayant : par l’Arrét la clameur fut rejettée comme impertinente, & le retrayant condamné aux dépens, dommages & intérêts de l’acheteur. Mais l’Auteur des additions surTerrien , rapporte, en faveur du retrait, un Arrêt du 13 Mai 15S9 ; & la Coutume réformée ne permet pas d’en douter.

Le lignager du premier acquereur ne peut clamer la seconde vente, quoique le bois soit encore sur pied au temps de la signification de la clameur : Arrêts des 7 Juin 1612, & 7 Mars 1622.Bérault ,Basnage .

Basnage rapporte des Arrêts qui prouvent qu’en Normandie le bois, tandis qu’il est debout, se reégle comme le fonds ; mais que la voie de saisie simple a lieu quand il est abattu jusqu’à ce qu’il soit enlevé.


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Grimaudet , du Retrait Liv. 5, Chap. 11, dit qu’il est souvent difficile de disringuer le Contrat d’échange du Contrat de vente : il estime qu’il faut d’abord consulter l’intention des Contractans, ensuite l’énonciation de l’acte ; & au défaut d’éclaircissemons, se déterminer par sa substance même : de sorte que si la soute excede la valeur de l’héritage, ce sera un Contrat de vente ; mais si la soute est de moindre valeur, le Contrat doit être présumé un Contrat d’échange.

Les Coutumes du Royaume conviennent dans un point, c’est que dans le cas d’un échange, fait but à but & sans foute, il n’y a point lieu au Retrait. Le plus grand nombre des Coutumes admettent le Retrait en échange, s’il y a soute excédante la valeur de la moitié de l’héritage ; d’autres désirent seulement que la soute revienne à la juste valeur de la moitié du fonds. La Coûtume de Bretagne, Art. CCCXVI, dit que si les deniers excedent le tiers de la valeur, il y aura lieu au Retrait : mais il s’éleve ensuite dans cette di-versité du droit municipal un autre conflit. La plupart des Coûtumes ne recoivent le Re trait que jusqu’à la concurrence de la portion de la soute ; mais Pérone, Berry, Perche la Marche, Poitou, Xaintonge, Bordeaux, Acs, disent que le Retrait a lieu pour le tout, en remboursant les deniers de la soute, & en payant la valeur & estimation de la chose donnée en contr’échange. Il est clair que de ces Coûtumes les unes considerent le Contrat d’échange avec soute, comme participant à la nature du Contrat de vente & d’échange, les autres le considerent comme un pur Contrat de vente-

La Coutume de Normandie n’exige que la plus petite foute de deniers pour rendre clamable l’héritage contre qui la foute a été donnée, mais elle n’assujettit pas à la clameur Phéritage donné avec soute, d’autant qu’il est réputé le prix de l’autre héritage ; & l’Article CeCLXXXIV d’Orléans nous paroit bien singulier, lorsqu’il décide que tous les héritages donnés de part & d’autre sont sujets à Retrait.

Nous observons au surplus tres-littéralement la disposition de notre Coûtume ; & Bérault dit que si un particulier qui cede à titre d’échange un fonds de moindre valeur que celui qu’il recoit à contr’échange, donne en retour une rente fonciere dont il étoit créancier sur l’autre échangiste, avec les arrérages échus, cet abandon des arrérages donne lieu à la clameur il ajoute qu’il a été jugé par Arrét qu’il y avoit clameur dans un échange, parce que l’un des Contractans avoit eu contemplation du marché, promis à l’autre un septier de froment & deux journées de harnois. Quoique cette clause n’eut point été employée dans le Contrat, elle fût prouvée par le Tabellion & les Témoins instrumentaires.


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La Constitution de Frédéric que j’ai déjà citée, dispose que si les contractans ont déguisé la vente sous l’apparence d’un Contrat non clamable, & que cela soit avéré par leur serment, ils perdront, au profit du Fifc, le prix & la chose rem & pretium perdent ; mais le Fisc la rendra au retrayant, si le retrayant découvre feul la fraude sans le serment des contractans premiere vente sera nulle, & le vendeur sera tenu de lui en passer un nouveau Contrat. L’Article CLIX des Etablissemens de S. Louis, prive de la restitution du prix l’acquereur qui n’ose en affirmer la vérité par serment, notre Article, qui a du rapport avec ces deux Loix, est tiré du Chapitre 116 de l’ancienne Coutume.

Berault rapporte deux Arrêts des 5 Mars & 8 Juillet 1551, qui adjugent dans le cas de cette fraude l’effer du retrait au clamant lignager, le treizieme au Seigneur, & les deniers au Roi. Il seroit à souhaiter qu’on punit d’une amende sérieuse les Auteurs de ces Contrats, qui sous l’apparence d’une fieffe ou d’un échange déguisent une vente, par l’interposition de personnes ou par quelqu’autre artifice semblable. La Coutume de Châteauneuf punit toutes les fraudes de la confiscation du prix, au profit du Seigneur, en la Justice duquel la fraude est avérée.

L’exagération du prix du Contrat de vente est encore une fraude, dont nos Commentateurs traitent sur cet Article : notre Coutume ne nous dit point quelle est la peine de ce genre de fourberie ; il est certain que quand l’acquereur recoit du clamant plus qu’il n’a payé, c’est une exaction qui dégénere en larcin. Aussi la Coutume de Lodunois, des retraits, Article XVI, punit par la restitution du double des deniers indûment perçus, la fraude de l’acquereur qui a fait paroître un prix plus fort que celui qui a été convenu. LaCoûtume de Tours, Article CLXXIV, joint à la restitution du double de ce que l’acque-reur a recu au-dela du véritable prix, la peine d’une amende : parmi nous la peine est arbitraire, puisqu’elle n’est point définie par la Loi.

Quoique le clamant prétende que le prix est exagéré il doit garnir dans les délais prescrits par la Coûtume, toute la somme portée par le Contrat : on ne doit pas faire dé-pendre le garnissement de l’évenement incertain d’une preuve, le clamant auroit à son tour la liberté de vexer un acquereur de bonne foi : & quand la mauvaise foi est découverte, la Justice est toujours en temps de subvenir au clamant, par des condamnations proportionnées au tort qu’il a souffert : ainsi jugé par Arrêt rendu en Grand Chambre le premier Juil-let 1751.

Le témoignage du vendeur paroit tres-suspect à d’Argentré , num & conjunctio sanguinis & obliqua revocatio in familium valde suspecta esse debet adversus extraneum testificantis ; on a encore à craindre que le vendeur ne soit d’intelligence avec l’acquereur pour partager le bénéfice ; maisGrimaudet , Liv. 5, Chap. 9, dit, commeBasnage , que sa déclaration, jointe, à ce qui résulte d’ailleurs ne laisse pas d’avoir du poids, & il donne aussi du crédit à la preuve des confessions extrajudiciaires des Contractans. Bérault rapporte un Arrêt du 17 Mai 1510, par lequel il a été jugé, aprés l’affirmation du vendeur, que le prix employé dans le Contrat excédoit d’une certaine somme celui qu’il avoit recu, que le clamant prouveroit que l’affirmation du vendeur étoit véritable ; mais l’acquereur fut condamné sur sa déclaration de ne pas vouloir attendre la preuve.


18

Le Contrat d’engagement, comme l’a observé d’Argentré , a été d’un usage tres-étendu, tandis que les constitutions de rente n’étoient pas ordinaires. Il y en a encore des exemples dans le Maine & l’Anjou : voyesLaurière , du Ténement de cinq ans. Quand on est embarrasié sur la nature de l’engagement, & que le créancier n’a point joui on peut convertir la somme empruntée en une constitution de rente : voyerGrimaudet , des Contrats pignoratifs, Liv. 2, Chap. 9 ; le Vest, Arrêt 121. Voici les caracteres de l’engagement illicite : vilitas pretii, facultas redemptionis ad breve tempus, locatio durante redemiptione, & consuetudo fenérandi.

Bérault rapporte un Arrét du 16 Juin 1570, dans l’espèce suivante. Un particulier avoit prété 8o livres à une veuve, il s’étoit fait, par l’acte de prét, céder la jouissance de trois neres de terre, alors chargées de fruits, & il étoit stipuié dans l’acte que le préteur ne feroit aucune déduction sur la somme, à cause de la perception des fruits. Par l’Arrêt le Contrat fut déclaré illicite & usuraire, & le préteur condamné à rendre à b veuve la somme de 60 livres qu’il avoit exigé d’elle, en pareille somme envers le Roi, au profit duquel on prononça, par le même Arrêt, la confiscation des fruits.

Terrien , Liv. 12, Chap. 22, aprés avoir cité l’Ordonnance de Louis XII de 1510, qui défend à tous Notaires & Tabellions de recevoir aucuns Contrats usuraires, sous peine d’être privés de leurs états & d’amende arbitraire rapporte un Arrét du 1a Fevrier 1529, contre deux Tabellions qui avoient pasié de pareils actes au profit d’un Prêtre, par lequel l’un fut condamné à faire l’amende honorable, & l’autre à y assister ; & tous les deux en outre à une amende pécuniaire considérable, & déclarés inhabiles à posséder aucun Office royal.


19

L’acquereur, inquiété dans son acquisition, doit gager, à charge du proces : nisi, dit du Moulin sur Maine, Article CCCXCV probaretur collusio, sed non aque si emptor ipse litem inst tuit, car il pourroit faire naître plusieurs proces pour détourner les retrayans.

Le Contrat de transaction, dit un Auteur moderne n’est point un Titre constitutif de la propriété des choses : aussi quelques Coutumes ne l’assujettissent point au Retrait, quand méme il y auroit eu en conséquence mutation de possession : car si le nouveau possesseur a dé-boursé quelques deniers, on peut presumer qu’il n’a point eu en cela intention d’acheter, mais de se délivrer d’un proces. Cette opinion est conforme à la Coutume du Maine, Art. CCCLXX, & à celle de Clermont, Article XXIX. Ces Coutumes décident indistinctement que la transaction ne donne pas lieu au retrait, s’il n’y a fraude.Potier , des Retraits, Part. 1 Chap. 4, n. 100, approuve la disposition de ces Coûtumes : car il est, dit il, incertain, si la Partie, qui par transaction délaisse l’héritage à l’autre moyennant une somme d’argent qu’elle a recue, en étoit propriétaire plutôt que la Partie à qui elle l’a délaisse ; & par conséquent il est incertain si cette transaction renferme une aliénation qui puisse donner lieu au retrait. Voyez duMoulin , §. 3, Gl. 1, n. 64 & 67.

Notre Coutume a fait une distinction, à laquelle il faut s’arrêter ; cependant, quand même le possesseur seroit maintenu en la possession, en vertu de la transaction, le fonds peut quelquefois être clamable ; ainsi, si pour couvrir une aliénation véritable, on a supposé un Proces, si celui qui étoit en possession au temps de la transaction, & qui y est maintenu n’étoit mis en possession par voie de fait ; s’il ne jouissoit qu’à titre de Bail, constitut ou précaire, les lignagers du cédant auroient droit de retrait : Traité des Fiefs par Pocquet de Livonnière.


20

C’est un principe général en Droit coutumier que pour intenter le Retrait lignager, il faut être habile, selon la Loi, à succéder ; mais ici on préfere le parent le plus diligent ; la le plus proche doit venir entre la bourse & le denier, c’est-à-dire, avant l’adjudication du Retrait ; ailleurs une proclamation du Retrait, à la Paroisse de la situation de l’héritage, suivie d’un Jugement, exelut tout autre retrayant. Voyer Paris, Anjou, Bretagne sur ce Titre.

Dans bien des Coutumes, comme je l’ai remarqué, le retrayant une fois déchu de son action n’en peut intenter une nouvelle ; il est réduit à mandier le secours d’un autre lignager ; si elles rejertent presqu’universellement & avec raison le retrait des acquêts, elles interpretent quelquefois dans le retrait les maximes des propres tout différemment que dans l’ordre de succeder, & un propre acquis de son parent du côté & ligne, soit par deniers ou à titre gratuit en collatérale étant vendu, est sujet à retrait. Parmi nous le retrait est déféré aux parens, suivant le droit habituel que la Coutume leur donne dans sa succession du vendeur un Contrat de remise échoue contre la proximité du degré, & une nullité dans les diligences peut être réparée dans l’an & jour, soit par une nouvelle action ou par un retrait judiciaire, & les acquêts comme les propres sont retrayables.

Les héritiers présomptifs du vendeur ceux qui ont recueilli sa succession, les enfans deshérités, les cautions du Contrat de vente, le Notaire qui a recu l’acte de vente, les témoins qui l’ont souscrit, les créanciers qui ont provooué la vente judiciaire, le Juge qui a prononcé l’adjudication, le tuteur en son nom, s’il est question des biens de son pupille, ou au nom de son pupille, s’il s’agit des siens propres, le mari au nom de sa femme même civilement séparée, l’enfant né ou concu depuis la vente, les filles au défaut des mâles, le vendeur même sur une seconde vente faite par l’acquereur lignager, sont recevables à user du retrait. Hoc est justum, dit du Moulin sur Vermandois, Article CCLIV, quia hoc jus non datur cert & persone, sed toti cognationi in genere.

Quand le Contrat de vente est frauduleux, ou si la lecture en est défectueuse, comme il y a alors ouverture au retrait pendant trente ans on demande si le lignager le plus proche & le plus habile à succéder, ayant clamé P’héritage vendu, soit dans l’an de la vente ou aprée l’an, un parent plus proche, concu dans les trente ans, peut user du retrait nonobstant la première clameur à Il est certain que l’acquereur ne peut pas contester son droit ; mais le premier clamant peut-il foutenir le retrait inadmissible ; Loyes sur la question, dansBérault , deux Arrêts contraires, des 13 Août 1S1s & 22 Mars 1616.Basnage . a essayé de la traiter, mais on remarque toute son incertitude, il finit par dire que le delai de trente ans pour clamer est accordé pour punir la fraude ou la négligence de l’acquereur, mais non pas contre le lignager qui a usé de son droit. l’estime que le second clamant a pour lui la rigueur des principes ; mais que la faveur est due à celui qui le premier a intenté le retrait.

Si plusieurs ont vendu solidairement ou par indivis, aucun d’eux ne peut user du retrait, ni pour partie, ni pour le teut : quia unusquisque fit venditor S auctor venditionis o quilibee diceret se retrahere partem socii sui quod est absurdum : duMoulin .

L’acquereur doit faire délai au lignager clamant sans examen de la proximité de sa parenté avec le vendeur, il suffit qu’il lui justifie qu’il est parent du côté & ligne dans le septiene dégré : mais il perd les frais de la remise, s’il est évincé par un lignager plus proche.

Le lignager plus éloigné peut opposer au plus proche les nullites qui se rencontrent dans ses diligences : Arrêt du 23 Août 1754.


21

Terrien avoit écrit avec beaucoup d’énergie & de simplicité, que l’acquereur ayant jous par an & jour à titre de lettre lue, étant évincé de son opposition, à cause de la priorité des dettes de son vendeur, est préféré à tout autre, soit lignager ou Seigneur, à retiren l’héritage qu’il avoit acquis, & dit on communément, pour parler le langage deTerrien , que cet acquereur est le plus prochain du fonde.

Le remboursement sur le retrait, à droit de lettre lue, se liquide sur le total pris de l’adjudication, en ayant égard à la bon : é de chaque fonds.

Quoique l’impartition du prix de l’adjudication soit évidemment injuste, l’acquereur doit dans le temps fatal offrir à l’adjudicataire la totalité du prix réparti sur le fonds qu’il retire, les loyaux coûts, ou caution dans le cas de difficulté de les liquider, & sur ce refus consigner dans le même délai, sous la réserve de faire faire la ventilation du fonds clamé, eu égard aux autres fonds adjugés & au prix total de l’adjudication, & pour cet effet assigner l’adjudicataire : Arrêt du 1oFévrier 16yo.

Basnage a adopté une opinion contraire à celle de Pesnelle : il décide qu’il suffit à l’acquereur perdant, qui retire à droit de lettre lue, d’offrir le remboursement à l’adjudicataire dans l’an & jour & il cite pour s’étayer un Atrét du 16 Juillet 163o ; mais un Arrét solitaire ne fait pas Loi. Et si par l’Article CCCCLXXII de la Coutume, l’acquereur perdent a la liberté de morceler le retrait, on ne doit pas faire concourir deux praces dans une nême personne pour le même objet. Enfin l’Article CCCCLxxI impose à l’acquereur perdant lobligation de rembourser dans lan & jour ; ainsi je crois qu’il faut suivre l’opinion de Pesnelle.


22

On ne connoit bien l’individuité du retrait, qu’aprés avoir distingué le retrait séodal du retrait lignager. On convient que le retrait féodal étant une prérogative dépendante du Fief, il ne peut pas s’étendre au-dela des héritages vendus dans mouvance du Fief.Auroux , sur Bourbonnois Article CCCexLIz, &la Lande , sur Orléans, Article XLIN, n. 22, décident que si les biens sont mouvans d’un même Seigneur, mais à cause de deux Fiefs differens le Seigneur peut borner son rettait à ce qui releve d’un de ses Fiefs : Voye l’Article ExIV de notre Réglement de 16686. Mais duMoulin , sur Paris, S. 20, Gl. 1, n. 54 & 55, prétend que si plusieurs Fiefs relevans d’une même Seigneurie sont vendus, le Seigneur n’est pas obligé de clamer le total. Quia ex quo sunt diversa feuda, necessario sunt diverse fidelitates, diversa jura feudalia, & diverse distincte S separata actiones, tant ad jura quinti pretii, quam ad jura retradus ; cette opinion n’est pas adoptée par les Commentateurs sur Paris ils pensent que le Seigneur doit retirer le tout. Voyer Camus & Auzanet sur l’Article CXX de cette Coûtume, & nous ne la suivrions pas en Normandie.

Le droit commun coutumier se réunit à statuer que le retrait lignager doit être exécuté pour la totalité de la vente, car l’intention de l’acquereur a été de posseder tous les objets vendus : & si vous ne lui enlevez qu’une partie de son acquisition, vous l’exposez aux incommodités d’un partage ou au désagrément encore plus sensible de la Communauté. le ne connois que la Coutume de Bretagne, Article CCCVIII, qui permette de morceler le retrait lignager, en accordant aux parens la faculté de retirer par portion, suivant l’état de leur fortune seulement. D’Argentré , sur l’Article CexCIV de l’ancienne Coûtume Gl. 1, désapprouve cette disposition, hoc vero contra jus, imo cotra rationem ( regulas, de multaruni provinciurum mores.

Mais les Coûtumes exceptent deux cas, l’un lorsqu’il y a plusieurs biens vendus par un même Contrat, par differens prix distincts & séparés ; car alors elles permettent de diviser le retrait : cette exception convient au retrait féodal, comme au retrait lignager. Elles exceptent en second lieu le cas où l’on aura vendu par le même acte des biens de differentes lignes : car les parens de la ligne paternelle n’ont pas le droit de clamer les héritages renans du côté maternel.

Lorsqu’on a d’abord assigné à chaque héritage un prix separé, quoiqu’à la fin de l’acte tous ces prix ayent été assemblés dans une somme, il ne laisie pas, dit M.Potier , du Retrait, Part. 1, Chap. 6, n. 20s, d’y avoir autant de Contrats de vente que d’héritages ; & en conséquence le retrayant doit être admis à retirer l’un d’eux sans les autres. il adopte enfuite une autre opinion de M.Tiraqueau , qui dit que quand on a assigné d’abord un seul prix pour tous les héritages compris au marché, qui a été ensuite réparti par le même acte, en différentes sommes, pour le prix de chaque héritage, il y a pareillement, en ce cas, autant de ventes que d’héritages. le m’arrête à la solution deGrimau -det ; il faut, selon lui, moins consulter la lettre de l’acte, que l’intention des contractans : car si l’acquereur n’eût point acquis un fonds sans l’autre, ce n’est qu’un seul marché, de quelque manière qu’il ait été rédigé : aussi l’Article CXIII du Réglement de 16b8, porte que quand plusieurs héritages sont vendus par un même Contrat, le lignager clamant doit retirer tous ceux auxquels il a droit de clamer.

Il n’y a que la Coûtume de Luxembourg qui recoive au retrait ceux même qui ne sont pas de la ligne d’où procede l’héritage, & où la seule qualité de parent du vendeur suffit ; mais plusieurs Coutumes, comme Melun, Article CL ; Mantes, LXxxl ; Pérone, CoXEVI ; Touraine, CLXXVIII, disposent que quoique le lignager n’ait droit de retiret que P’héritage de sa ligne, l’acquereur pour son indemnité peut obliger le retrayant à retirer le tout ou rien.

Notre Coutume est muette sur ce point, elle regle bien l’ordre qui doit être observé entre les parens du vendeur, soit pour concourir au retrait ou pour s’exclure respectivement : elle dit bien que les parens paternels peuvent seulement retirer ce qui est du côté paternel ; & les parens maternels, ce qui est du côté maternel, mais elle ne va pas plus loinAussi les acquereurs ont-ils prétendu plusieurs fois, en cette Province, forcer le rétrayant, parent du vendeur d’un seul côté, de retirer les biens de l’un & l’autre côté : la question a été décidée contre l’acquereur en faveur du lignager, par Arrét de ce Parlement du 20 Juillet 16ba.

On peut rapporter ici une question à peu pres semblable, & qui a partagé tout le Barrean. Dans le fait, le Fief de Fontaine est saisi réellement sur le propriétaire : on com-prend dans le décret des rotures qui avoient fait originairement partie du Fief, & dont les tiers-acquereurs avoient la propriété incommutable Un parent du décreté clame à droit lignager le Fief de Fontaine, l’adjudicataire foutient qu’il doit aussi clamer les rotures il répond que le retrait des rotures ne lui appartient pas, qu’il en ost exclu par l’Article CCCCLxxIII de la Coutume, que le silence même des acquereurs ne peut lui conférer un droit dont il a été dépouillé par leur possession & qu’enfin le décret des rotures éclipsées du Fief n’est point un moyen de réunion au Fief. Par Arrêt rendu sur partage du premier Août 1787y le lignager a été dispensé de clamer les rotures.

Mais régulierement le lignager doit clamer tous les biens auxquels il en habile à succéder ; ainsi quand par le même Contrat le vendeur a aliéné des propres & des acquets, le lignager qui clame les propres doit aussi clamer les acquets, pourvu qu’il ne se présente pas au retrait des biens de cette nature des parens plus proches & plus habiles à succéder ; & par Arrêt du 8 Février 1731, on débouta du retrait le sieur d’Herbouville qui clamoit un propre maternel, pour n’avoir pas aussi clamé les acquets, quoiqu’il eût pû être préféré par des parens plus proches dans le retrait des acquêts ; mais ils avoient gardé le silence.

Cependant, quand le temps du retrait est passé pour quelques-uns des héritages compris dans le Contrat de vente, & qu’il dure encore à l’égard des autres, le retrayant ne peut être forcé de clamer que ceux par rapport auxquels le retrait est encore ouvert. Potier Part. 1 Chap. 6, n. 2o1, est d’avis contraire, & il s’appuie sur l’Article CCexcV d’Orléans. le sçai que depuis que le Notaire est le seul ministre de la lecture, il y a de la dif-ficulté : car comment cet Officier se transportera-t-il le même jour pour faire la lecture à l’issue des Messes paroissiales, des lieux où les héritages sont assis, quand ces lieux sont dans une distance considérable les uns des autres

Dans le cas de plusieurs Contrats frauduleux, le clamant n’est pas tenu de retirer le tout Arrêt du 8 Août 1637 rapporté parBasnage .

Celui qui clame un Fief n’est pas obligé de clamer les terres que l’acquereur aura retirées dans l’an & jour, à drolt féodal ; le remhoursement du prix que l’acquereur y auroit mis rendroit souvent le retrait du Fief impossible.


23

Quand lacquereur, peu de temps aprés le Contrat de vente parfait, remet volontairement l’héritage au vendeur, c’est une seconde vente, qui nonobstant l’opinion contrai-re de duMoulin , donne lieu au retrait en faveur des parens de l’acquereur. Il en est de même, si dans l’an du Contrat de vente l’acquereur proroge la faculté de retrait : car si ce retrait est exécuté en vertu de la prorogation, soit qu’elle eût été accordée au Seigneur ou à un lignager, les parens de l’acquereur pourront clamer. L’ajoute qu’il se trouve quelquefois des Notaires officieux, qui pour favoriser le retour de l’héritage aux mains du vendeur, prétextent le cas d’une clameur révocatoire. Godefroy dit que le lignager de l’acquereur est recevable à prouver qu’il n’y avoit pas dans le Contrat de vente de létion d’outre moitié.

L’intention de la Coûtume, en admettant une échelle de retrayans, dans le cas de plusieurs ventes du même héritage, faites à diverses personnes dans l’an & jour, n’est pas de charger le premier acquereur onvers le second de dommages & intérets, dans le cas où le retrait du premier marché est exercé, comme l’avoit pense duMoulin , S. 72, n. 6 d’autant que le second acquereur n’a pu ignorer, au temps de son Contrat, qu’il y avoit lieu au retrait, tant à cause de la premiere que de la seconde vente, à moins que le premier acquereur ne lui est celé son titre de propriété, & ne lui eût pas donné connoissance de son Contrat : car cette fraude le rendroit susceptible envers le second acquereur des intérets d’une éviction dont il auroit ignoré la cause.

Le second acquereur est tenu de faire délai au lignager de son vendeur, quoique l’an & jour de la premiere vente ne soit pas encore expiré : Arrêt du 12 Février 15. 8.Bérault .


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Nous avons un principe général, en matière de fraude, dans les Contrats dont fortent nécessairement plusieurs décisions particulières : la fraude ne se commet point par la seule intention des Contractans, elle est ainsi concue, mais elle n’est pas encore consommée ; elle a un être complet par l’evénement, fraus ex consilio & erventis estimatur.

Mais quand l’un de ces points est avéré, il suffit, dit Bérault d’aprésGrimaudet , que l’autre point qui reste à prouver soit justifié par des présomptions & des confitures probables.

On peut supposer ici deux fraudes de differentes espèces : la première se commet dans le Contrat pour éluder le Retrait : la seconde, dans le Retrait pour déposséder l’acquereur en faveur d’un étranger, ou pour maintenir l’acquereur au préjudice de ceux du lignage.

Lauriere observe, sur l’Article CIIX des Etablissemens de S. Louis, que des que le retrait n eu en France des regles fixes, on a toujours commis des fraudes pour en exclure les lignagers. La fraude qui se commet dans les Contrats consiste dans le déguisement d’un Contrat clamable, sous la forme d’un Contrat qui ne l’est point ; comme d’une Fieffe, d’un échange, d’une donation, & dans l’exagération du prix. Voye ; mes Notes sur les Articles CCCCLII & CCCCLXV. Observez qu’il y a fraude dans les Fieffes des qu’il y a convention d’amortir encore que la convention ait été lacérée avant le retrait, & que la preuve qu’une contre-lettre sous signature privée, portant faculté d’amortir, a été vuc, lue & tenue, est recevable : Arrêts des 22 Décembre 17ai, & 3 Février 174d. Nen expectatâ redemptione, dit duMoulin , sur l’Article CXX de Chartres, etiamsi nunquam redimat. La raison qui est le fondement de ces Arrêts est bien simple ; la contre lettre portant la faculté d’amortir change la nature du Contrat : ce n’est plus qu’un fonds fieffé, à rente racquittable qui est sujet au Retrait suivant les Articles CCCCLII & CCCCi XII de la Coutume ; il est donc inutile de différer la clameur jusqu’apres l’amortissement de la rente.

La vente que le lignager fait immédiatement aprés le retrait ne forme point seule une présomption de fraude qui annulle le retrait, notre Jurisprudence est conforme à un ancien Arrét rapporté par Duluc, Liv. 9, Tit. 3, par lequel il fut jugé que de la vente faite le lendemain du fonds retiré, mais à un plus haut prix, on ne pouvoit pas conclure la fraude du retrait.

Voici les présomptions queBrodeau , surLouet , L’ett. R, Som. 51, administre en faveur de l’acquereur, si le lignager n’a point fait le remboursement de ses deniers, s’il a revendu incontinent au préteur par le même prix, s’il n’a point payé les lors & ventes, affermé le fonde ni donné les quittances ; cependant l’acquereur n’est point recevable à prouver par témoins la collusion & l’accommodation de nom avant le gagé de clameur, & que le lignager ait mis lhéritage hors de sa main, en conséquence des pactions qui ont précédé le rettait ; mais le lignager est tenu de jurer & affirmer avant la clameur gagée qu’il clame pour lui, qu’il ne prête son nom directement ni indirectement à personne, & qu’il est dans la volonté actuelle de garder l’héritage : Arrét. de Réglement du 8 Août 1735 ; Arrêt du 3 Avril 1505, rapporté dansTerrien , Liv. 8 : Arrét du Parlement de Paris du dernier Avril 16os, dansLoüet , ibid ; Ce dernier Arrét mérite toute l’attention du Lecteur.

Des Arrêts du Parlement de Bretagne ont jugé que le serment du lignager se peut faire par procureur : Arrêts des 30 Mars 1626 & 15 Mars 1832. Cout. gen. de Bretag. Tom. 2, Tit. 16, Art. CCCY. Le lignager doit en Normandie prêter serment en personne & en justice, c’est ce qui a été jugé par l’Arrét de 150s, qui n’est bien rapporté que parTerrien .

Le sieur de Craon, acquereur de la Baronnie de Vassy, avoit été clamé par le Maréchal de Gié, & il lui avoit demandé son serment, le Maréchal s’en étoit excusé sur sa résidence à la Cour : le sieur de Craon, sur cette exception, avoit accepté, pour recevoir son ferment, un Officier de justice résidant pres la personne du Roi, tel que M. le Chancelier, un Maitre des Requêtes, ou autre ; ce que le Maréchal avoit refusé, & clos ses pieces ; il fut par l’Arrét évincé de sa clameur.

Il y a présomption de fraude contre le parent plus proche intervenant dans une clameur, quand la terre qu’il veut enlever par rettait lignager, au retrayant plus éloigné, n’est point a sa bienseance ; qu’il est indubitablement constant qu’il n’a point les moyens d’en rembourser le prix ; que l’acquereur donne les mains à ce second retrait, & accepte une constitution de rente au lieu du prix ; la chose seroit encore plus fensible si la constitotion étoit à un intéret moindre que celui de l’Ordonnance, & que le second retrayant ne vint qu’aprés des démarches de l’acquereur qui auroient trait à la fraude ; mais Basnage décide qu’il n’y a que les parens qui ont agi dans le temps de droit, qui puissent opposer la collusion du lignager le plus proche, parce que les autres sont sans intétét.

Bien des Coûtumes punissent d’une amende les fraudes en cette matière ; & par Artét du 3 Mai 1512, rapporté parTerrien , Liv. 8, la Cour condamna en une amende des lignagers qui avoient clamé en fraude, & leur Avocat qui y avoit participé.

Dans le concours de deux lignagers, dont l’un est préferable à l’autre, suivant l’ordre des retraits, il est d’une sage précaution au parent plus éloigné de n’abandonner la suite de sa clameur qu’avec sa réserve du droit de regard : il est beaucoup plus à propos pour lui quiil reste à l’état du proces ; il observe toutes lesd’émarches du lignager qui le préfere, en cas de négligence il en profite ou il en prévient les effets, dans le cas de fraude il l’a découvre, & il est bien plus avantageux d’obvier à des manoeeuvres que d’y chercher un remede que les circonstances peuvent rendre inefficace. VoyerGodefroy .


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Il résulte de cet Article que si l’acquereur dépossédé par le retrait a gagné les fruits, & que les fruits égalent la valeur de l’intérêt, le vendeur, nonobstant la stipulation de faire ceser la clameur, ne doit aucun desintéressement à l’acquereur ; au surplus la Coûtume a justement borné l’action de liacquereur à de simples intérets, d’autant qu’il n’est pas au pouvoir du vendeur d’accomplir sa promesse, l’événement dépendant absolument de la vo-lonté d’un tiers.

Remarquez que l’acquereur ne peut demander que l’intérét des sommes qu’il aura réellement payées au vendeur, ou déboursées à sa décharge, ou consignées ; aussi Bérault rapporte un Arrêt du 1à Décembre 1641, qui déboute de la demande en intéret l’acquereur qui alléguoit n’avoir pu se dessaisir de ses deniers à cause d’un Arrét fait entre ses mains.


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Pesnelle censure cet Article avec raison ; nous le devons peut-être à un ancien usage, qui admettoit les mineurs devenus majeurs à intenter les actions annales dans la vingt-unieme année de leur âge ; la décision de du Moulin est bien plus sage, aprés avoir dit que le temps du retrait court contre les mineurs, limito, ajoute-til, S. 20, Gl. 5, n. 20, si emptor collusisset cum tutore vel quid aliud dolose commisisset ad frustrandum Patronum hoc jure retractus. Pourquoi borner à un an l’action en dommages & intérêts ; Le même Auteur, S. 174, n. 4. la fixe à 30 ans, ad summum semper durat actio ad interesse usque ad 30 annos.

Quoiqu’il en soit, voici le sens de cet Article : toutes les fois que le mineur devenu majeur peut intenter le retrait contre l’acquereur, soit à cause de la fraude commise dans le Contrat, ou par le défaut ou la nullité de la lecture, ou parce que le tuteur a laisse la suite à un parent plus proche d’intelligence avec l’acquereur ; il conserve toujours le droit de clamer ou d’agir, en répétition du retrait, pendant les trente ans de la Coutume ; mais si le tuteur, ayant des deniers, a négligé de retirer un héritage commode au mineur, vendu à un prix raisonnable, si par son défaut de vigilance l’instance est tombée en péremption, le mineur, disent Godefroy &Basnage , peut poursuivre son tuteur en dommages & intérêts dans l’an de la reddition du compre.

Mais le tuteur qui a lui-même acquis des fonds du côté & ligne du mineur ne peut lui opposer la prescription quand il est encore détenteur des fonds au temps de sa majorité, & la restitution des fonds au profit du mineur, en remboursant, est la véritable mésure des dommages & intérêts qu’il peut prétendre contre son tuteur : Arrêt du 7 Mai 1515, rapporté parBérault .

Le tuteur ne doit pas cependant intenter indifféremment & sans l’avis des parens de la tutelle un retrait au nom de son pupille : Bérault me fournit une preuve de ce que j’avance. Un tuteur avoit été évincé, en première instance, d’une clameur intentée sous le nom de son mineur ; il interjette appel, forme inscription de faux, & fait beaucoup de procédures, le tout de son propre mouvement. Par Arrét du a8 Avril 16ro, rapporté par cet Auteur, le tuteur fut condamné, en son propre & privé nom, aux dépens de la Partie, & en l’amende envers le Roi-


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D’Argentré , sur l’Article CexCIx de Bretagne, Gl. 2, s’étonne de ce que les Modernes n’ayent pas appercu la fraude impliquée dans cet Article, ut recentiores non viderent contradus factus à parentibus, filiorum puberum, S impuberum mutato nomine, eludi, id est ob his ipfis qui contrax issent, reperto qui per invidiam plus aliquid adjiceret mercedi, id vere est favere fruudibus in re apertâ. Ce qui rend plus sensible le reprocne que d’Argentré fait à sa Coûtume, c’est qu’en Bretagne le pere peut disposer des héritages qu’il a retirés au nom de ses enfans, avec cette liberté qu’il a de disposer de son bien propre. M. de Lamoignon, dans ses Conférences du Retrait lignager, n’omet aucun des moyens propres à étayer le sentiment de M. d’ Argentré ; il fait sentir que l’acquereur se sert du nom des enfans du vendeur pour éluder le retrait lignager & que le pere, aprés une vente simulée, en use pour avantager le fils de la prédilection. Notre Jurisprudence a remédié, autant qu’il a été possible, à ces inconvéniens, en interdisant au pere l’aliénation des héritages qu’il a ainsi retirés, en donnant aux lignagers une inspection de trente années, & en forcant celui de ses enfans pour lequel il a clamé, de rapporter aprés son déces le prix ou la chose même, suivant les circonstances désignées par cet Article.

Le retrait intenté par le pere au nom de son fis mineur, est valablement consommé depuis sa majorité sans son intervention, Arrêt du Is Juin 1743, quoiqu’il ne puisse clamer au nom de son fils majeur sans un pouvoir spécial.

Pajoute deux observations qui ont pour objet l’interprétation de cet Article. Si le pere qui a contracté un second maniage, intente au nom de son fils du premier lit, le retrait d’un héritage de la ligne de sa mere, cet héritage lui appartient sans doute à l’exclusion des enfans du second mariage ; mais il doit tenir compte à la succession du pere commun du prix effectif de la clameur dont il confond, s’il est héritier de son pere, une partie dans sa personne : car un pere ne peut avantager de ses meubles un de ses enfans, au préjudice des autres.

Quand aprés la mort de sa femme, un pere a rétiré au nom de ses enfans un héritage en Caux, qui étoit du propre de leur oncle maternel, l’ainé peut reclamer P’héritage en totalité : car s’il étoit venu par succession, il auroit, suivant la Coutume locale appartenu à l’ainé seul : mais il doit rapporter le prix à la masse de la succession : Consultation de MMNéel & Billouer du mois de Novembre 1724.

L’aieul maternel, de même que le paternel, peut intenter le retrait au nom de son petitfils mineur pendant la vie de son pere, ou quand même il auroit un autre tuteur : Arrét en forme de Réglement du S Août 1749. On présente plusieurs moyens pour justifier cette Jurisprudence : les mineurs sont sous la protection de la Loi, il y auroit de l’injustice à refuser à l’aieul la liberté de réparer le tort que la négligence, la disette & la dissipation d’un pere peut causer à ses enfans : cette Jurisprudence prouve combien nous nous éloignons de l’opinion des Auteurs que je viens de citer ; mais la mere est non-recevable à clameru nom de ses enfans, si elle n’est leur tutrice : Arrêt du 23 Juin 1744.


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La question proposée par Pesnelle, & discutée avant lui par nos Commentateurs, est fort serieuse : il s’agit de balancer les droits des créanciers du pere & ceux de ses enfans ; il est une maxime certaine, c’est que les créanciers postérieurs à l’acquisition faite par le pere au nom de ses enfans, n’y peuvent reclamer aucune prétention ; des l’instant de l’acquisition la propriété en a passé sur la tête des enfans, & suivant la Jurisprudence le pere n’en a plus que la simple jouissance : il n’a donc pu l’hypothéquer. On oppose des raisonnemens tres-forts aux créanciers antérieurs ; le pere est maître de ses meubles ; les meu-bles n’ont point de suite par hypotheque. Le pere peut, au préjudice de ses créanciers en gratifier ses enfans, pourvu qu’il garde l’égalité entr’eux : les meubles ne sont point sujets a rapport au profit des créanciers ; & le pere en acquérant au nom de ses enfans, ne leur donne que des biens de cette espèce : cependint les circonstances peuvent quelquefois déterminer en faveur des créanciers ; il faut voir dans Basnage l’Arrêt du 25 Mai 1674, & peser les raisonnemens de ce Commentateur


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L’héritage rétiré par clameur à droit lignager est réputé un propre de succession quand même Phéritage vendu auroit été un acquet dans la personne du vendeur ; il me paroit aussi devoir être un propre de disposition, & je crois qu’il ne seroit pas permis d’en disposer par testament, dans le cas où la Coutume permet de tester du tiers de ses acquets.

Quoique ces principes paroissent certains, si le lignager qui a clamé vient à vendre dans la suite le fonds qu’il possedoit à titre de retrait, ce fonds ne participe pomt à la Loi du remplacement ; il reprend alors sa qualité intrinseque qui est d’être un acquet, & il dépouille la qualité fictive de propre que la Coutume lui avoit imprimée. Aussi, par Arret du 16 Février 1730, renda au rapport de M. l’Abbé de Gravigny, une femme légataire universelle de son mari, en consequence obligée au remplacement des propres aliénés par le testateur, a été déchargé du remploi d’un héritage rétiré à droit lignager & vendu par le défunt. Il a été encore rendu un pareil Arrêt, au rapport de M. de Ranville le 5 Avril 1753.

L Coutume de Paris est differente de la nôtre, elle porte bien Article exxxix, que l’héritage rétiré par retrait lignager est tellement affecté à la famille, que si le rerriyant meurt délaissant un héritier des acquets & un heritier des propres, tel héritage doit appartenir à l’héritier des propres de la ligne dont est venu & issu ledit héritage, & non à l’hé-ritier des acquêts : mais elle impose à l’héritier des propres la condition de rembourser dans l’an & jour du déces du retrayant, aux héritiers des acquets, le prix de l’héritage ; desorte qu’au défaut de remboursement, l’héritage rétiré demeure à l’héritier des acquets ce qui a fait dire à M.Potier , des Retraits, Part. 1, Chap. 11, n. 457, que la succession de cet héritage est en suspens, jusqu’à ce que l’héritier au propre fatisfasse au rembourfement ordonné par la Coûtume. En Normandie le fonds clame par le lignager appartient a l’héritier des propres, sans qu’il soit assujetti envers l’heritier aux acquers à aucune espèce de restitution de denienr


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La Coûtume de Paris, Article CXxx, exige que le jour de l’assignation tombe dans l’an & jour accordé pour le retrait : plusieurs Coutumes portent, comme la nôtre, qu’il suffit que l’Exploit d’ajournement soit donné dans l’an & jour. Voyer Angoumois, Articie LVI ; Sens, Article XXXII ; Auxerre, Article CLVII ; Vitry, Article CxxyI ; Chalons, Article CXXXIV, Reims, Article CXCVII ; Vermandois Article CexxxIl.

Mais lorsque l’assignation doit échoir aprés l’an & jour, il faut en Normandie qu’elle soit donnée aux prochains Plaids ou aux prochaines Assises ; & une assignation au délai de l’Ordonnance ne suffit pas. Aussi les Coûtumes qui ont au fonds la même disposition que la nôtre, prescrivent un terme à l’assignation plus ou moins long ; les unes veulent qu’elle soit donnée à huitaine, d’autres au mois, quelques-unes au quarantieme jour. Dans le temps que Bérault écrivoit lorsque le clamant, dont la signification tomboit aprés le temps fatal, ne comparoissoit pas aux Plaids ou Assises prochaines, il étoit déclare déchu du retrait, & cette Jurisprudence paroit conforme à la Coutume.

Quoique la Coûtume semble en cet Article donner le choix de commettre l’assignation en retrait aux prochains Plaids ou aux prochaines Assises, on doit entendre ce Texte selon le partage de Jurisdiction, entre le Bailli & le Vicomte ; ainsi en refrait d’une terre roturiere, ce seroit une nullité d’assigner aux prochaines Assises, d’autant que l’on prolongeroit par cette voie les delais prescrits par la Coutume, & qui sont de l’essence de l’action : Arret du 23 Août 1754.

Les Huissiers & Sergens doivent enregistrer les matieres réelles, suivant les Réglemens rapportés par Bérault : cependant il a été jugé par Arrêt du ro Décembre 17os, qu’une clameur n’éroit point nulle pour n’avoir point été employée sur le Régistre d’héredité du Ser-gent ; mais la copie de l’Exploit étoit signée du retrayant. L’Officier qui instrumente la claeneur doit se faire assister de deux témoins idoines âgés de vingt ans ; à peine de nullité & de répondre des intérêts des Parties : Réglement du 17 Janvier 1731. Ce Réglement termine une grande difficulté : la Coutume ne prescrit point que le Sergent soit obligé d’ap-peller témoins a l’Exploit de retrait : on auroit opposé à la Jurisprudence ancienne la Déelaration de 1671, qui ne désire le concours des témoins que dans les Exploits de saisie féodale ou réelle.

Le Parlement de Paris a déclaré par un Arrêt du 6 Septembre 1721 rendu en forme de Réglement, & publié dans les Siéges de son ressort, un Exploit de demande en rétrait lignager nul, pour avoir été fait par un Huissier parent au troisieme degré du clamant : cet Arrêt est conforme aux Ordonnances & aux autres Arrêts rendus dans la même Cour.

Le dernier Réglement de cette Province du 18 Iuin 1789, sur le fait des Procédures, muni de Lettres patentes enrégistrées, a des dispositions précieuses sur la capacité que doit avoir l’Officier ministériel du retrait, il faut le consulter.

On a jugé au Parlement de Rouen, par Arrêt en Grand Chambre, du 14 Décembre 1756 que quand le pere intente le retrait au nom de son fils, on ne considère à l’égard du temoin la parenté, que par rapport à celui au nom duquel la clameur a été faite ; & sur ce principe on a déclaré valable un Exploit de clameur, signé d’un témoin, parent du pere, du troisieme ou quatrieme degré, & du fils du quatrieme au cinquieme, d’où il fuit que si le pere eût été le clamant, on n’auroit point approuvé la clameur : cet Arrêt est dans le même efprit que celui du Parlement de Paris.

Quand on tolère les Exploits de clameur faits de nuit ou à des jours de Fêtes solemnelles, ce n’est que dans le cas de nécessité indispensable & qu’on ne puisse remettre au lendemainHeriato die cum res tempore peritura est, aut actionis dies exitutus est. M. Jousse, sur l’Or-donnance de 1687, Tit. 2, Art. X, cite un Arrêt du Parlement de Paris du 4 Février 1719, qui a déclaré nul un Exploit de demande en retrait lignager, donné un jour de Fête dans un cas où il restoit encore un mois de temps pour le donner.

Ce n’est pas une nullité dans l’Exploit de retrait, que de n’avoir pas exprimé l’heure quand il est énoncé dans l’Exploit qu’il a été donné apres midi.Basnage . Il n’est pas aussi nécessaire que le clamant date le Contrat de vente dans la sianification, on a proposé cette question, & elle a été jugée en faveur du clamant, par Arrêt du 29 Mars 1754, rendu en l’Audience de Grand’Chambre. L’omission du degré de parenté du retrayant avec le vendeur, ne rend pas non plus l’Exploit nul : Arrêt du 2S Juillet 16yaâ, rapporté dans le Journal du Palais.

Le retrayant doit dans l’Exploit de retrait marquer son véritable domicile, & il ne suffit pas qu’il constitue domicile chez son Procureur : Arrêt du o Ianvier toë8 rapporté parAugeard , quoiqu’il soit obligé de constituer procureur, il suffit qu’aprés avoir designé son domicile, il ait ajouté chez un tel son Procureur : Arrét de ce Parlement du 24 Août 1782. La Coutume d’Orléans exige que le demandeur en retrait fasse élection de domicile dans le territoire de la Justice où la clameur doit être portée lorsqu’il réside ailleurs. Cette disposition est tres-juste.

Il n’est pas nécessaire que l’Exploit en retrait contienne des offres de rembourser actuellement l’acquereur, comme à Paris & dans plusieurs autres Coûtumes, il suffit que l’acque-reur soit assigné pour voir venir compter deniers & représenter le Contrat.

Bérault observe qu’en clameur on ajourne valablement le premier acquereur dans le cas d’une seconde vente ; c’est aussi la décision de du Moulin sur l’Article Cex de Blois, certum est quod citatio fada primo emptori interrumpit, sed si non sit suspicio fraudis, susficit nominare novum proprietarium si non sit difficilioris nec longioris conventionis ; c’est ainsi qu’il faut entendre Bérault ; Basnage rapporte un Arret du 1o Mars 1658, par lequel une assignation en retrait commise au second acquereur fut déclarée valable, quoique le premier acquereur fût resséant dans la Vicomté, le pénultieme Article de la Chartre Normande est concu dans les mêmes termes : Itent, qu’en aucuns cas de marché de bourse le querelle ne soit tenu àrepondre, s’il ne possede le marché.

L’action en clameur pour autrui doit être appuyée d’une procuration spéciale, & la ratification, apres le temps prescrit pour retirer est inutile : Arrét du 3 Avril 16c6. Et sic non potest valere actus tanquam ratificatus, quia etiam non potest valere tanquam noya adio, cum tempus sit lapsun, & nune post annum non est tempus, duMoulin , ibid, S. 173, n. 7. On a jugé par Arrêt du 17 Juillet 1731 que le dé aut d’avoir donné copie de la procuration dans l’Exploit de clameur avoit opéré la nullité de l’Exploit. MaisTerrien , Liv. 8 rapporte un ancien Arrét qui condamna le clamé à faire délai sur une assignation en retrait faite apres l’an & jour, parce qu’il étoit prouvé que le clamé avoit corrompu le Sergent chargé dans le temps de droit de signifier le retrait.

La comparution du clamé sur l’Exploit, dont l’échéance tombe dans l’an & jour, en couvrela nullité, & le retrayant peut clamer de nouveau judiciairement ; ainsi un acquereur prudent ne se présente point sur un Exploit nul donné dans le déclin du temps du retrait.


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Notre Jurisprudence paroit dissérente sur cet Article de celle du Parlement de Paris. M.

Boucher d’Argis , dans ses Observations sur les Questions deBretonnier , rapporte Arrêt du Parlement de Paris du mois de Mars 17dr, qui a accorde à l’acquereur assigné en rétrait Iignager, devant le Juge de la situation de l’héritage, son renvoi devant le Juge de son domicile, par le principe que l’action en retrait lignager est mixte, & que le personnel attire le réel dans les Coûtumes qui n’ont point de dispositions contraires. Il a été jugé, au contraire, au Parlement de cette Province le 12 Mars 1726, que l’on peut ajourner le clamé acquereur devant le Juge du fonds, quoique son domicile soit hors les bornes de la Jurisdiction. Nos Commentateurs établissent sur des autorités, également anciennes & respectables, que l’action en retrait lignager est réelle plus que personnelle, puisqu’elle tend à réincorporer dans une famille un bien qui vient d’en être distrait ; cependant pour faciliter ce retrait, & surtout quand les fonds sont situés sous differentes Jurisdictions, l’usage s’est introduit de don-ner le choix au clamant d’intenter l’action personnelle ou l’action réelle. On a jugé ainsi par Arrêt du 20 Mai 1721, & par un autre Arrét rendu en l’Audience de Grand’Chambre du 7 Mai 1762.

Mais quand le clamant a pris la voie personnelle & que l’assignation ayant été donnée à l’expiration du temps fatal doit tomber aprés l’an & jour, le clamant est obligé de comparoître à la prochaine Audience, comme il le seroit en clameur réelle aux prochains Plaids ou aux prochaines Assises, quand même le clamé n’auroit point présenté sur l’assignation en retrait : Arrêt rendu en Grand’Chambre, au rapport de M. d’fatanville, au mois de Juillet 1781.

En explication de cet Article, il a été décidé par Arrêt du 13. Juin 1755, que l’acquereurn’est point réputé domicilié hors la Vicomté, quand il reside dans une Haute-Justice qui y est enclavée Il est d’une grande importance d’assigner en retrait devant un Juge compétent ; car il a été jugé en 1670 qu’une assignation donnée devant un Juge incompétent ne prorogepas l’an & jour accordé par la Coutume pour clamer.Basnage , qui rapporte cet Arrêt, veut que l’on distingue de l’ajournement la demande libellée qui y est contenuc ; il prétend que quand même l’ajpurnement tomberoit, la demande libellée subsisteroit toujours, & qu’il suffit que cette demande ait été formée dans le delai de la Loi : il est facheux pour le clamant d’être forcé de faire usage de cette distinction dont le succés est fort incertain.


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Plusieurs Coutumes disposent que le retrayant est non seulement tenu d’offrir, mais de consigner s’il veut faire les fruite siens. Voyer Maux, Art. LXXXV ; Troyes, ArtCIXVI ; Amiens, Art. CIXIx ; Ponthieu, Art. CXXXVII ; Pérone, Art. Cexxxix ; Artois, exxxl ; Nivernois, Chap. 31, Art. VIII ; Clermont, XXXIII ; Perche, CXCIV, &c. Mais plusieurs autres Coutumes disent que les fruits sont dus du jour de l’ajournement & offres ; Paris, CXXXIV, Melun, Ctz : Estampes, ClXXV ; Reims, CCl ; Poitou, CcexXXVIII ; Orléans, CeCLXXIV ; Chilons, CexXXVIII ; Sédan, CoXLix ; Angoumois, LXV ; Montargis, Chap. 16 & 21, &c.

Le retrayant ne gagne en Normandie les fruits que du jour du garnissement qu’il aura fait di prix principal & loyaux coûts ; mais si l’acquereur refuse ou differe d’obéir à la clameur, le retrayant gagne les fruits du jour de l’offre : au surplus, il ue faut pas séparer ces deux Articlas des Articles CCCexCI & CeCexCII qui en facilitent l’interprétation.


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Il paroit dur, malgré les précautions de notre Coûtume, de priver, sur un ajournement donné, si vous voulez le 1s de Juin, un acquereur des fruits d’une terre, qui semble inviter le propriétaire à jouir du terme de ses espérances ; il y auroit bien plus de justice à diviser, comme ditGrimaudet , les fruits entre l’acquereur & le retrayant, suivant la durée de leur jouissance, en se faisant raison au prorata du temps, des airures & semences, puisque la date du Contrat d’acquet & celle de l’action en retrait sont les bornes de leur propriété respective.

Quand l’acquereur n’a pas les fruits du fonds le clamant doit en outre le remboursement des frais d’airure & semence, lui payer le prix du terrage en proportion de ce que cet acquereur a possédé, ainsi, supposez un fonds de six cens livres de revenu, & qui auroit pu être affermé à ce prix, mais que l’acquereur faisoit lui-même valoir, si cet acquereur a possédé sept mois, le retrayant lui remboursera pour le terrage sept parts des six cens livres, douze parts faisant le tout.

L’option que l’Article CCCexe donne au retrayant de payer l’intétét du prix du Contrat prorata du temps de la jouissance de l’acquereur, paroit supposer le retrait d’un fonds qui ne porte que des fruits naturels ; car il semble difficile de présumer que les Réformateurs ayent eu l’intention de déférer cette alternative au retrayant, dans le cas où l’acquereur a percu la principale récolte de l’héritage retiré. Aussi Bérault dit que l’émolument des fruits industriels, recueillis par l’acquereur, doit être déduit sur l’interet du prix de la rente.


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La Coutume ne connoit que deux délais pour faire le garnissement : celui de vingtquatre heures, si la clameur est gagée ; mais quand le clamé a fait d’abord refus & depuis obéissance, le garnissement doit être fait aux prochains plaids, lorsqu’il est question du retrait, d’une terre roturière ; & en cas de retrait d’une terre noble dans la prochaine assise. On ne sçauroit croire combien de difficultés a fait naître l’explication de ces deux dispositions. On auroit du consulter l’ancien Coutumier, la Glose, & le style de procéder de la Province. L’ancien Coutumier, Chap. 116, porte n’Oil qui le retrait ( l’héritage ) ps doit avoir terme de payer jusqu’à la premiere assise, pourtant qu’il y ait quarante jours n & dedans ce, sera le marché en la main du Prince : la Justice doit enjoindre au retrayeur n que s’il ne paye le prix au terme qui lui est mis, le marché remaindra à l’acheteur ; & n ainsi à la première assise, sera le retrait affermé en la défaulte au retrayeur qui depuis ne n devra être oui, se il défault à payer le prix au terme n. La Glose marque le changement intervenu depuis dans la Jurisprudence. n Par ce texte apert ; y ess-il dit, que le cuamant n aprés que le tenant lui aura connu son lignage, & obëi à sa clameur, & demandé ses n deniers aux pleds ordinaires, il aura terme de garnir main de justice du prix du marché y dedans les autres prochains plaids. Combien que de présent il est usé que si du premier n jour des plaids, le tenant obëit & demande ses deniers, le clamant est tenu de garnir n dedans le jour naturel n. Le style de procéder est encore plus clair. n Item, & se le n tenant de l’héritage vendu, ou defendeur de la clameur se compare au prochain siége, enn saivant la clameur & assignation, confesse le marché & lignage, & demande ses deniers ; n il doit mettre ses Lettres d’acquisition devers la Cour, afin que le clamant les voie. n Et doit le clamant faire garnissement de ce que le marché a coûté, & la facon des Letn tres & loyaux coûts dedans un jour qui est de vingt-quatre heures, à compter de l’heurs n qu’il sera lors jugé par les assistans ; & s’il ne fait son garnissement dedans ledit temps, n il doit décheoir de sadite clameur, & le Juge le doit condamner & confermer le marché à y son préjudice. Item, S’il y a delai que le tenant ne soit comparu au prochain siége en nsuivant la clameur & l’assignation, ou s’il est comparu au prochain siege, & qu’il n’ait n pas demandé ses deniers, mais en aucune autre manière délayé, si aprés ce à l’autre siége n il demande lesdits deniers, le clamant pourra avoir temps de garnir jusqu’au prochain n siége de la Jurisdiction où la matière sera pendante.

On voit dans ce tableau de notre ancienne Jurisprudence quel a été notre usage sur le temps du garnissement jusqu’à la réformation de nôtre Coûtume. Le gagé ne se faisoit que judiciairement, on ne pratiquoit point le gagé extrajudiciaire, où il étoit sans effet. Le clamant avoit quarante jours pour garnir suivant l’ancien Coutumier, mais cet usage éprouva dans la suite une révolution. La Glose atteste que quand le clamé avoir gagé clameur dans les prochains plaids ou assises, le clamant étoit tenu de garnir dans le jour natu-rel ; & le style de procéder nous apprend que ce jour étoit composé de vingt quatre heures, & qu’il couroit du moment que le Juge avoit accordé acte du gagé de clameur & sans aucune signification de la Sentence. Mais le clamé avoit-il refusé de comparoître aux prochains plaids ou assises, ou contesté la clameur, toutes les obéissances qu’il vouloit passer dans la suite, il devoit les passer aux plaids ou assises ; & alors le clamant n’étoit obligé de garnir, selon notre style de procéder, qu’aux plaids ou assises qui suivoient les assiles ou plaids dans lesquels le clamé avoit fait son obéissance.

La Coûtume réformée n’a rien changé dans ces dispositions ; & pour s’en convaincre, il suffit d’en conférer le texte avec les autorités que je viens de citer. D’où vient donc cette multitude de décisions si difficiles à concilier, & qui surcharge la matière sans l’éclaircir : L’Arrét solitaire de Mainfant, rapporté parBasnage , & qui déboute le clamant du retrait pour n’avoir pas garni dans les vingt-quatre heures du gagé de clameur fait au pied de l’Exploit de signification, est devenu célèbre de nos jours : la décision n’est cependant pas sans difficulté ; des que le retrayant n’est point tenu, à peine de nullité, d’offrir deniers à découvert par l’Exploit de clameur, des que la Coûtume marque un terme pour l’assignation, qui est celui des prochains plaids ou assises, le terme doit être commun au clainant comne u clamé ; & quand la Coutume fait mention du gagé de clameur, il est prouvé par l’Art.

CCCeLXXXIV, & plus encore par nos anciens usages qui ne sont point abrogés, qu’elle suppose un gané fait aux plaids ou assises. Quand on auroit suivi l’Arrêt unique de Mainfant, il ne falloit pas faire des efforts pour l’étendre, sterilis esto, nec alios generet casus : autre variation on a tantôt jugé que le délai de garnir, en conséquence d’un gagé fait aux prochains plaids, ne devoit courir que du jour de la signification de la Sentence & l’on a tantôt jugé le contraire. On ne parviendra cependant jamais à étouffer les dispositions de la Coûtume. Je vous ai clamé, vous avez gagé la clameur aux prochains plaide, terme de l’assignation : je dois garnir dans les vingt-quatre heures que j’ai obtenu la Sentence qui m’accorde acte du gage & ordonne la remise du fonds ; mais sur l’ajournement en retrait r vous n’avez point comparu aux prochains plaids ; vous gagez aux plaids suivans, je ne dois garnir qu’aux plaids qui suivent votre obéissance. Vous contestez : cette contestation dure pendant plusieurs plaids ; vous vous déterminez enfin a gager la clameur, j’aurai le même avantage que dans le cas de contumace, je garnirai dans les plaids qui suivront le gagé ; cela est si vrai que le clamant, pendant le délai marqué par la Loi, ne pourroit pas se préjudicier par un garnissement anticipé qui seroit défectueux, il a tous les momens du délai pour se rectifier : Arrêt du 11 Juin 1749. Loin de nous toutes ces procedures extrajudiciaires, ces sommations devant les Notaires & Tabellions inutiles au clamant & au clamé, ces exhibitions de deniers, soit lors de l’Exploit de retrait ou à l’Audience. N’accablons point la Loi sous le poids des formalités étrangeres ; n’oubliez pas que si l’on souftre l’évocation en matière de retrait lignager, le tribunal devant lequel on évoque doit littéralement observer les délais que la Coutume prescrit.

Ex Auteurs ont bien remarqué que le Juge ne peut proroger les délais du garnissement cela est vrai ; cependant il est des cas où il seroit impossible d’exécuter la Loi. Le garnissement doit être fait au domicile du clamé Supposez que le clamant ait pris la voie réelle, que le fonds qui fait l’objet de la clameur soit situé dans une distance considérable du domicile du clamé ; supposez que le clamé, résidant à l’extrémité de la Province, ait évoqué l’action en retrait, que le clamé gage la clameur, soit sur les lieux aux prochains plaids, soit au tribunal où il a évoqué à la prochaine Audience, il ne sera pas alors possible au clamant de garnir dans vingt-quatre heures ; cependant l’intention de la Coûtume n’est pas de rendre illusoire ses dispositions sur le retrait. Il est donc réservé au Parlement de prévoit cette difficulté, & de fixer, sans donner atteinte, aux dispositions de la Coutume, par un Réglement, le délai de garnir, eu égard à la saison & à la distance des lieux, Quand le clamé refuse d’accepter le remboursement de ses deniers, il faut alors les consigner en présence du clamé ou lui dument appellé, & dans le concours de deux lignagers étant en pareil degré, & ayant été recus à la clameur, l’un doit au défaut de l’autre rembourser l’acquereur, & ipsi in solidum debent pretium refundere, alioquin singuli excluduntur. D’Argentré , sur l’Art. CCLXXXVI de l’anc. Cout. de Bretag. Gl. 2. Je ne suis pas de l’avis de M.Potier , qui pense que le coretrayant peut même, apres le temps fatal pour consigner, rembourser le coretrayant des deniers qu’il a payés au clamé, car chaque clamant ne peut profiter du retrait qu’en satisfaisant aux conditions que la Coutume impose ; & si vous suivez le sentiment de M.Potier , vous établirez une seconde espèce de retrait en faveur du lignager en contumace. Voyej cet Auteur, Part. 1, Chap. 9, n. 382.

Le retrayant plus éloinné qui a été obligé de céder la suite à un lignager plus proche, & qui est cependant resté au proces, peut à son défaut consigner le prix du Contrat, & s’éjouir ainsi de l’effet du retrait.

Lorsqu’il y a contestation entre deux clamans, le Juge ne peut par provision adjuger la clameur à l’un d’eux ; & quand l’un a appellé de la Sentence, l’autre ne peut consigner, lors même que le clamé ne seroit point appellant de son chef : Arrét du 7 Juillet 1751.

Dans les cas où il faut garnir, il ne suffit pas, dans les regles, de justifier d’un Certificat de numération de deniers, il faut un acte de dépût & de consignation en bonne forme ; un garnissement où il se trouve des pièces fausses ou legeres, est nul, le plus Sûr est de garnir une somme plus forte que celle qui est portée par le Contrat de vente.

La consignation n’est parfaite qu’apres l’expédition totale de la quitrance, & un clamé qui obéiroit auparavant & dans le temps intermédiaire ne seroit pas susceptible des frais du garnissement : Arrét rendu en l’Audience de Grand Chambre le 5Mai 1752.

Si le retrayant retire du Bureau des Consignations le prix qu’il a consigné, il n’est pas douteux qu’il sera déchu du retrait ; car c’est de sa part y renoncer que de retirer sa consignation. M.Potier , n. 304.

Il résulte de l’esprit de notre Coûtume que l’établissement des Receveurs des Consignations ne doit pas préjudicier au retrait ; ce seroit un bon Réglement que celui qui autorise-roit le Notaire du domicile du clamé, à recevoir la consignation du clamant, quand la remise doit être faite dans une distance considérable du lieu du Bureau des Consignations.

On a ce semble préjugé ainsi la question, en accordant par Arrêt du 11 Juillet 1749, six deniers pour livres au Notaire qui avoit recu une consignation sur retrait.

Les Auteurs conviennent que le clamant peut avant la Sentence qui a ordonné à son profit la remise de P’héritage, se désister de sa demande en rétrait ; mais plusieurs pensent qu’apres la Sentence l’acquereur peut contraindre le retrayant à prendre le marché : c’est la distinction de duMoulin , sur l’Aricle VII de Bordeaux, aut reus jam accepravit, & non potest ( actor ) discedere invito reo, aut nondum acceptavit, & potest sive ante litem contestatam, sive post discedere refusis impensis, & ita practicari vidi.Grimaudet , Liv. 2, Chap. 33, pense autrement, il dit que le retrayant, aprés avoir obtenu Sentence, qui condamne l’acquereur a lui faire délai, peut abandonner le Jugé en payant les dépens du Proces, & il argumente des Articles CCCCVIl de la Coutume d’Anjou & CCCCXVIII de la Coutume du Maine : cette opinion paroit préférable. Voyer M.Potier , Part. 1, Chap. 9, n. 305.


35

La renonciation du lignager au retrait doit être expresse, on ne l’induit point de sa signature dans le Contrat de vente, & encore moins de sa présence simple à la co fection de l’acte, le refus même qu’il auroit précédemment fait d’acquerir ne l’écarte point de la clameur ; c’est la décision textuelle de notre ancienne Coutume ; parce que le lignager ne peut empécher P’aliénation, & que sur l’offre du vendeur, il n’est pas tenu d’acquerir ni de renoncer au retrait, quia non poterat talem actum impedire, nec tenetur emere nec retradui renun-ciare : duMoulin , 5. 20, Gl. 6.

L’Arrêt dont Pesnelle fait mention & qui est inséré dans le Journal du Palnis & dansBrodeau , surLouet , Lett. R, Som. 38, décide que le petit-fils de celui qui s’étoit desisté du retrait, au moyen d’une somme de deniers, n’avoit pu clanier de nouveau aprés son déces & étant devenu son héritier. Dans le fait, Pacquereur avoit joui quivze ans de I’l’éritage depuis la transaction ; les moyens de l’acquereur étoient frapans, le clamant est véritablement censé, disoit-il avoir renoncé au retrait, puisqu’il s’est porté héritier de son aieul, qui en vertu d’une transaction en bonne forme & moyennant une somme de deniers qu’il avoit recue s’étoit désisté de l’action en retrait par lui intentée, & avoit laissé l’acquereur dans la possession paisible du fonds : le clamant ayant accepté sa succession doit entretenir ses faits.

Il ne faut point séparer ici la qualité d’heritier de celle de parent, cela seroit bon si le clamant avoit agi du vivant de son aieul, ou si après sa mort il avoit répudié son hérédité ; mais aprés avoir laissé écouler un si long-temps sans exercer cette action, aprés avoir ratifié la renonciation faite par son aieul, en recueillant sa succession, cette qualité d’héritier survenante empèche celle de lignager, & rend sa prétention odieuse & insoute-nable.

On a imaginé que la renonciation au retrait, faite par le lignager le plus proche, écartoit de l’action le lignager plus cloigné, parce que si celui qui a renoncé eût intenté Pac-tion, il eût préféré l’autre : cette idée a été rejettée par Arrêt du 8 Mars 1728, & l’acquereur a été condamné à faire délai au clamant.


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DuMoulin , S. 20, Gl. 6, n. 20, rend ainsi raison de la disposition de cet Article, quia is Cretradus yfuit introductus favore consanguineorum, cui favori derogaretur, si posset cedi extraneo. D’Argentré , Article CCXCVI, s’exprime de même, cum retractus sit personalissinus ut qui sanguini tribuatur S genti.

Grimaudet , Liv. 1, Chap. 7, prétend que la cession du retrait faite par un lignager à l’acquereur lui est un obstacle au retrait, parce qu’il ne doit pas profiter de sa fraude, sur-tont si la cession n’a pas été gratuite, & que cette cession paroit un acte équipollent à une renonciation que le lignager auroit faite à son droit d’exercer le retrait.

Le vendeur, devenu héritier du clamant, peut suivre l’instance en retrait, parce qu’il la reprend comme héritier.


37

DuMoulin , sur Rheims Article CexxIil, dit que le mari pert intenter ce rétrait malgré sa femme, ergo etium illâ invitâ quia qualitas que adori non sufficit, non put-st per adorem revocari ; mais Berault pense que, par le refus du mari, la femme pourroit se faire habiliter en Justice pour clamer, si elle en avoit d’ailleurs les moyens. Voyer la note sur l’Article CCeCIIII.

La Coutume de Rheims, citée par du Moulin & Grimaudet Chap. 16, Liv 2, désire que le mari dans l’Exploit d’ajournement en retrait au nom de sa femme, exorime sa qualité de mari ; il suffit en Normandie que le mari clame à droit de sang & de proximité de lignrage : Arrêt du 21 Janvier 1734.

Le mari peut clamer au nom de sa femme séparée ; mais si on fuit la distinction de Basrage, elle doit tenir compte aux créanciers du mari de la totalité du prix du retrait ; & par rapport à ses héritiers, elle demeure dans le droit établi par cet Article.

Plusieurs Coutumes disposent que la femme ou ses héri iers doivent, dans l’an & jour de la dissolution du mariage, offrir le remboursement prescrit ; vuver Poitoi, Anjos, Maine.

Notre Goutume n’a fait aucune regle sur cet Article, parce qu’elle considere, sans doute, l’action qui appartient à la femme pour revendiquer les hérit-ges clamés en son nom comme ses autres actions immobiliaires ; mais le mari ou ses héritiers ont le droit de rétention des fonde clamés jusqu’au temps du remboursement de la Coûtume, dans lequel on fait entrer comme dit Pesnelle, la moitié des améliorations, suivant un Arrét du mois de Juin ou Juillet 16oy, cité parBérault .


38

Il semble que quand la femme ou ses héritiers ne veulent point accepter le retrait, l’acquereur devroit rentrer dans son héritage, en remboursant le mari du prix du retrait, d’au-tant que le principal motif de la Loi, qui y avoit autorisé le mari, cesse alors ; voyez l’Article CCIII


39

Il résulte de l’Arrêt du 26 Fevrier 1660, par argument à sens contraire, que si la femme renonce à la succession de son mari, elle n’est assujettie au remplacement du propre Sliéné par son mari, que quand il a été vendu ou hypothéqué pour retirer l’héritage à son droit ; ainsi dans ce cas, nulle obligation contre la femme de remplacer le propre venduauparavant le retrait, & dont le prix n’est point justifié avoir été employé au retrait.


40

Par Arrét du 11 Fevrier 1604, il a été jugé que le remplacement du propre paternel aliéné se feroit, tant sur les acquêts que sur les héritages retirés & réunis au Fief maternel.


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Cet Article contient deux dispositions différentes, la premiere veut que le clamant garnisse pour la décharge de l’acquereur le capital des rentes que l’acquereur s’est chargé d’acquitter envers les créanciers du vendeur ; l’autre suppose que l’acquereur n’est tenu qu’à la faisance & racquit des rentes dont le vendeur est redevable ; & dans ce cas elle n’oblige le retrayant qu’à en décharger l’acquereur, pourvu qu’il ait le consentement du vendeur & qu’il hypotheque à la continuation des rentes, non-seulement Phéritage qu’il retire mais encore la totalité de ses biens, à ce moyen la Coutume déclarc que l’acquereur demeure déchargé du tout.

On auroit pu douter, ditBérault , si l’acquereur ayant pris charge par le Contrat de vente d’acquitter le vendeur envers le créancier dans un terme, comme de deux ou trois ans, d’une rente qu’il devoit, le retrayant en transférant sur lui cette obligation, n’étoit pas recevable au retrait sans garnir le principal ; mais la Loi, en exigeant le remboursement actuel, envisage l’intéret du vendeur & celui de l’acquereur : l’intéret du vendeur pour le garantir de la négligence du retrayant qui pourroit occasionner contre lui la poursuite de ses créanciers ; l’interét de l’acquereur, qui n’ayant plus le marché, ne doit pas demeures obligé envers le vendeur ni être exposé à des actions en recours envers le retrayant, Ainsi par le garnissement l’acquereur sera déchargé envers le vendeur & le vendeur envers ses créanciers par le paiement du capital des rentes dont il est débiteur.

Quand au contraire le débiteur n’est assujetti par le Contrat de vente qu’à la faisance, continuation & racquit des rentes, vous ne pouvez contraindre le retrayant de garnir le capital, sans lui imposer une condition plus dure que ce le de l’acquereur ; il faut cependant pourvoir à l’indemnité de cet acquereur : Dela cette Loi portée contre le rétrayant d’engager tous ses biens à la Sureté du paiement & du racquit des rentes, & de se faire ngréer du vendeur.

La différence du motif de ces deux dispositions est sensible, dans le premier cas, le vendeur veut affranchir ses biens dans un temps préfix de l’hypotheque de ses créanciers ; dans l’autre cas, il remet à la volenté de l’acquereur le moment de leur libération, & il consent d’être sa caution, C’est, au reste, une regle assez générale qu’à l’égard des charges, qui demandent un délai pour y fatisfaire, le clamant n’est point obligé de rembourser sur le champ ; il peut offrir au clamé l’alternative de recevoir ou de donner caution : cependant si l’on ne doit pas géner le clamant, on ne peut pas, sans de grandes rai ons, embrasser un parti qui expose l’acquereur à essuyer des procés contre le vendeur, le clamant & sa caution.

Le clamant n’est pas obligé d’apporter incontinent au clamé une décharge des faisances qu’il n’a pu connoître que par la repré sention du Contrat, de quo aliter constate non potest, dit d’Argentré , Article CexeIV, Gl. 1, quam exhibito & ledto contradu ; il n’est point tenu de donner caution des rentes foncieres, irracquittables & représentatives du fonds ; mais si l’héritage a été vondu à rente viagere, le retrayant doit se faire agréer par le vendeur pour la continuation de la rente, ou donner une caution qu’il accepte : Arrêt du 28 Février 1752.

On a demandé dans quel temps le retrayant devoit donner caution de faite & continuer la rente vi-gere : il ne doit pas y avoir de difficulté quand on a bien voulu lire le principe de d’ Argentré : il ne faut pas partir de la connoissance que le retrayant a pu avoir du Contrat de vente, la Coûtume elie-mête n’y fait aucune attention, puisqu’elle suppose par l’Article CCCCLXXXIV que l’assignation est faite pour exhiber le Contrat. Clest donc du moment de l’exhibition que le retray int est censé instruit des clauses qu’il contient, il lui suffit donc de se soumettre alors de donner caution ; & dans la vérité cette foumission est la seule chose qui soit actuellement dans son pouvoir.

Il n’est pas dimeile maintenant de décider cette fameufe question, tant discutée par Tiraqueau : si le retrayant peut profiter du terme de payer accordé à l’acquereur par le Contrat de vente, nous saivons la disposition des Coutumes de Troyes, Article CLXI & de Reims, Article CexxV, qui oblixent le retrayant à garnir le prix ou à représenter une décharge du vendeur, quoique le terme du paiement ne soit pas encore échu. Le retrait se passe entre l’acheteur & le retravant : l’acheteur n’a donc aucune action contre le vendeur pour l’obliger à le décharger de son obligation. Aussi du Moulin décide, S. 20, Gl. 8, n. 8, que le vendeur ne peut être contraint, quelque caution qu’on lui offre, d’accepter le retrayant pour débiteur, à la place de l’acheteur : voyet Bérault &Basnage . Observez cependant que le retrayant a souvent un grand intérét de payer le prix au vendeur ; car l’héritage qu’il clame demeure toujours privilégiément affecté à la Sureté du paiement du prix, & le retrayant payant entre les mains de l’acquereur court risque de payer deux fois.

Le créancier qui a prété des deniers pour l’acquisition d’un héritage, & dont l’emploi est eonstant par le Contrat de vente, paroit conserver son hypotheque sur le fonds, s’il n’a point été appellé au remboursement : Arrêt du 12 Juin 1672.Basnage .

C’est une maxime que, par le retrait, les hypotheques que l’acquereur avoit sur le fonde clamé, revivent, unde non revocatur hypotheca, dit duMoulin , 5. 20, Gl. 5, n. 38, in casum quo revocetur Dominium ex causa revocabilitatis, inexistente temport acquisitionis habentis implicitum resolutionis slatum in hunc eventum.


42

Les meilleurs Auteurs pensent que le retrait n’a lieu dans les donations rémunératoires que lorsque les services sont mércenaires vils & appréciables ; mais quand il s’agit de services distingués par leur importance, & souvent au-dessus de toute évaluation, on ne peut pas disent-ils, admettre le retrait sans mettre des entraves à la bienfaisance & à la gratitude, sans s’opposer aux doux épanchemens des coeurs sensibles. Souvent le donateur ne cause ainsi sa donation que pour mieux en assurer Pirrévocabilité, & se justifier, pour ainsi dire, aux yeux de ses héritiers sur la légitimite du motifs : ainsi raisonnent du Moulin &Coquille .Potier , dans son Traité du Retrait, a suivi leur opinion : n la donation n d’un héritage qui est faite pour récompense de services, dit cet Auteur lorsque ces sern vices sont appreciables à une somme d’argent pour laquelle celui à qui la donation est n faite auroit eu action en justice, estl un acte équipollent à vente & qui donne lieu au n retrait ; car une telle donation est plutôt dation en paiement que donation : il seroit à n souhaiter que notre Coûtume eut fait cette distinction.

Cet Artiele s’étend au legs rémunératoire du tiers des acquêts, & duMoulin , sur l’Article CeCoxxxI du Maine, & sur Orléans, Article Cxxy, l’etend encore aux donations pour services à rendre des qu’on peut les apprécier.

Terrien , Liv. 8, Chap. 28, rapporte un Arrét de l’an 1512, par lequel on a admis le retrait d’une fieffe d’héritage faite pour récompense de services : & par Arrêt du 17 Juillet 17a7, on a jugé clamable une donation faite avec rétention d’une rente viagere.


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DuMoulin , S. 173, n. 11, pensoit que la contestation perpétuoit cette action ; mais qu’un simple Exploit non contesté étoit périmé par le laps d’un an, Hoc jus si non est contestatum, lapsu anni discontinuatun prorsus perimitur ; Idem, n. 13. L’opinion de duMou -lin est suivie au Parlement de Paris & dans plusieurs Tribunaux du Royaume ; on y pense que l’Ordonnance de Roussillon & le célèbre Arrété de 1Soz, qui déclarent que toutes les instances, quoique non contestées, se périment par trois ans, ne doivent s’entendre que des actions ordinaires & non des annales ; mais que lorsque les actions annales ont été contestées, elles ne se périment que par trois ans. loyes Duplessis & ses Annotateurs.

Il faut s’attacher au Texte de notre Coûtume, puisque nous lui sommes redevables du droit de rétrait.

L’Instance en rettait, ditGrimaudet , Liv. 10, Chap. 8, est perpétuée par le compromis ; mais l’Instance, pendante devant les arbitres seroit périe, par la discontinuation, pendant le temps marqué par la Coûtume ; la prescription est aussi interrompue par le déces d’une des Parties dans l’an : Arrêt du 17 Mars 1659.

Notr : Jurisprudence défend d’appeller apres l’an de la Senrence qui évince du retrait ; il a été ainsi judé par Arrét duIS Avril 1618, & c’est le sentiment deBasnage .Brodeau , sur l’Article Cxxx de Paris, décide de la même manière ; mais M.Potier , Part. 1.

Chap. 7, n. 259, soutient que l’Ordonnance de 1Sfiy qui a réglé le temps dans lequel on pourroit appeller des Sentences, est une Loi générale qui embrasse toutes les Sentences sur quelque matière que ce soit ; il ajoute qu’il faudroit une disposition précise pour excepter de la Loi générale les Jugemens de déboute du retrait. Je ne suis pas de son avis, & je me sers contre lui du raisonnement qu’il met en objection : il ne me paroit pas équitable que le retrayant ayant été débouté du retrait, ait plus de temps, par la voie de l’appel du Jugement, qu’il n’en avoit auparavant.

Basnage dit que l’on a appointé la question de sçavoir, si, en matière d’un retrait intenté pour fraude, il faut appeller dans l’an ; il ne laisse pas d’y avoir de la difficulté : car, comme on peut clamer pendant trente ans dans le cas de fraude, il semble qu’on doit avoir le même délai pour appeller.

L’Instince d’appel ne se perime que par trois ans ; mais si l’acquereur est appellant, l’effet de la peremption est de confirmer le retrait au profit du clamant : car l’action en rétrait subsiste toujours, l’appel avoit seulement suspendu son exécution.Basnage .


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Par Arrét duzs Mai 162z, un droit de tiers & danger, appartenant au Roi, engagé & revendu ensuite par l’Engagiste à un tiers, a été jugé clamable, au profit du propriétaire du bois, sans préjudice des Droits du Rois la Cause ayant été évoquée au Conseil l’Arrét fut confirmé. Voyez, sur le Tiers & Danger, le Traité de M.Gréard , avec les Notes de M.

Froland . Quand des rentes foncieres ont été venduës à faculté de remere, ou que le cessionnaire n’a point fait lire son Contrat, le débiteur ne peut s’affranchir au préjudice du retrait conventionnel, ou du retrait lignager & féodal, tandis que le cessionnaire n’est pas propriétaire incom-mutable.

Les débiteurs des rentes foncieres & irracquittables sont tenus d’observer dans les retraits qu’ils en font, en cas de vente à un tiers, toutes les formalités prescrites, tant pour les retraits lignagers que féodaux : Réglement du 13 Février 1732.


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Les Coutumes varient sur le retrait des Baux à ferme à longues années. L’ancienne Coutume de Bretagne admettoit le retrait, quand le Bail excédoit quatre années, in veteri, dit d’Argentré , Aith. quadriennium duntaxat fuit. Sed cum id perspicué specturet ad eludenda commercia, & fidem contractuum, ut hoc modo conductures excluderentur instititimus ut jus injurium abrogaretur nec enim hunc usum esse retractus, nec enim fuerat ad conductiones inventum, sed ad rerum paternarum alienationes extrû familins. La nouvelle Cou-tume de Bretagne, Article CCCXIII, n’admet le retrait que quand les Baux excedent neuf ans, quia contradtus decennales, etiam si dominiiotranslativi non sint formaliter tamen quia diuturni temporis sunt alienationem quodam modo important. La Coutume de Nivernois, Chap. 4, Article XLII, ne déclare le Bail clamable que quand il excede trente ans. La Coûtume de Paris, Article CXLIz, veut que les Baux à quatre-vingt-dix-neuf ans ou à longues années, soient sujets à retrait : notre Coutume dit que les Baux à ferme à longues années, faits pour plus de neuf ans, sont retrayables.

Mais on jugeoit autrefois, en Normandie, que le Bail à la vie du preneur, ne pouvoit être clamé. Nous ne suivons plus cette Jurisprudence ; & il a été rendu Arrêt en GrandChambre en 1732, qui décide qu’un Bail à vie est sujet à clameur : car on ne peut pas considérer un Bail, dont l’époque de l’expiration est certaine, quoique le moment soit incertain, comme une fieffe à perpétuité.

Cependant, si quatre ans avant l’expiration d’un Bail, que je suppose avoir été fait pour neuf années, le propriétaire en consent un autre au preneur pour le même temps, & à commencer aprés le terme du premier, on ne joint pas la durée des deux Baux pour donner lieu à la clameur.

Les Gentilshommes, comme les Roturiers nonobstant la distinction de M. d’Argentré , sont admis au retrait des Baux à longues années ; car la Coutume les considère comme des aliénations d’immeubles.

La disposition de notre Coûtume a quelque chose de dur, car personne n’est obligé de changer de débiteur ; il faudroit du moins, comme dans la vente à rente viagere, assujettir le retrayant à se faire agréer du propriétaire, ou a lui donner une caution.


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Notre Coutume suppose, en cet endroit, que l’usufruitier a vendu son droit d’usufruit, & elle décide que cette vente est clamable, quand elle a été faite à tout autre qu’au propriétaire qu’elle préfere à la clameur. M.Potier , Part. 1, Chap. 3, n. 30, estime, au contraire, que quoique le droit d’usufruit qu’une personne a dans l’héritage d’autrui soit un droit foncier, jus in re, un droit dans cet héritage ; le retrait n’a cependant pas lieu quand l’usufruitier en dispose à titre de vente au profit d’un tiers, même dans les Coûtumes qui admettent le retrait des acquets. M. Potier fonde son opinion sur le Droit Ro-main : le droit d’usufruit, dit-il, est un droit de servitude personnelle, un droit attaché à la personne de l’usufruitier, & qui n’en peut être détaché : quand un usufruitier me vend son droit d’usufruit, c’est plutôt l’émolument de ce droit que le droit même qu’il me vend il m’accorde le droit de recueillir en sa place les fruits qu’il a droit de percevoir par lui cu par un autre, en vertu de son droit d’usufruit ; mais ce droit d’usufruit qui ne peut être détaché de sa personne, demeure par-devers lui, & par conséquent ne sort pas hors de sa famille. Il est certain que ce raisonnement est exact ; mais notre Coutume considere moins le droit d’usufruit en soi, que les revenus qui y sont attachés : elle ne se bore pas à y voir une simple servitude personnelle sur le fonds d’autrui, elle communique à l’usufruit des choses immeubles la qualité immobiliaire : voila ce qui assujettit au retrait la vente de l’usufruit.

Le retrait appartient aux lignagers de l’usufruitier & il est étonnant que Basnage ait cru que le propriétaire du fonds les excluoit, quand même la vente ne lui en auroit pas été faite. Notre Goutume a repris sur la fin de cette disposition les maximes du Droit Romain qu’elle avoit abandonnée, & elle a voulu dire que quand l’usufruitier a vendu au propriétaire son droit d’usufruit, les lignagers de l’usufruitier ne sont pas recevables à le clamer. Quia tune ususfructus, ditBérault , apres la Loi, non est jam in rerum naturâ, sed suspensus, atque extinctus per consolidationem.

La Goutume de Paris, Article CXl. VII, décide un autre cas ; si aucun vend l’usufruit de son propre héritage à personne étrange, elle déclare que cet usufruit n’est sujet à retrait.

M.Potier , qui dit, n. 33, que cette disposition forme le droit commun, en rend cette raison, que les Coutumes n’accordent le retrait aux parens du vendeur que lorsqu’il met son héritage hors de la famille par la vente qu’il en fait ; mais on ne peut pas dire que par la vente & constitution qu’il fait d’un droit d’usufruit, il mette son héritage hors de sa famille, puisqu’il en demeure le vrai propriétaire : il excepte avec les Coutumes de Melun, Article CXXXXII, & Bourbonnois, Article CCCCLXIII, le cas où le propriétaire vendroit dans la suite la propriété, à l’acquereur de l’usufruit : c’étoit aussi l’opinion de duMoulin , &. 181. Si eodem contradtu vel verisimiliter precipitato vendit usumfrudtum & proprietatem.

Ces deux marchés n’en forment alors qu’un, & tout est clamable.

Mais, en Normandie, quand la vente de l’usufruit seroit sincere & sans fraide, quand la propriété ne seroit point dans la suite venduë à l’acquereur de l’usufruit, la vente de l’usufruit ne donneroit pas moins lieu au retrait. Nous estimons l’usufruit à la moitié de la valeur du fonds : privera-t’on la famille du vendeur d’une portion aussi considérable de Phéritage, en lui fermant la voie de la clameur ; Si nous adirettons le retrait de la vente de l’usufruit, faite par l’usufruitier, c’est à dire, lorsqu’il ne peut y avoir aucun soupcon de fraude pourquoi le rejetterions-nous dans un Contrat qui paroit toujours fort suspect ; Au surplus, cette manière de contracter est peu commune en cette Province Voyez Reinbench, de Retract. quest. 3 ; Gauvein, de l’usufruit, Chap. 26.


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Les Auteurs ont souvent discuté les effets de la prorogation de la faculté de rachat, du Moulin distingue si la prorogation est accordée avant où depuis la faculté stipulée par le Contrat de vente, si c’est avant l’expiration, on ne peut, dit-il, assimiler la prorogatioi, une nouvelle vente, & elle ne donne ouverture ni au retrait lignager ni au retrait féodal, quand le vendeur vient à en profiter d’autant que lors de la prorogation le vendeur avoit encore droit à la chose, & ce droit a été seulement prolonge & conservé ; mais si la faculté de rachat étoit expirée au temps de la concession de la prorogation, comme tout le droit du vendeur étoit alors éteint, c’est un droit absolument nouveau accordé à un étranger qui n’avoit plus aucunes prétentions sur l’héritage ; c’est, suivant duMoulin , verum & spontaneunt padlum quod nullo modo impedit, sed proeparat viam ad omnia jura feudalia, ainli le retrait lignager sera ouvert en faveur des lignagers de l’acquereur, & du Seigneur dont l’héritage. est mouvant, si le vendeur rentre dans cet héritage en vertu de la prorogation :Bérault , sur cet Article, rapporte un Arrêt rendu le Parlement seant à Caen, par lequel il a éte jugé, en faveur de la prorogation accordée avant l’expiration de la clause de remété, conformément à l’opinion de duMoulin . Terrien décide indistinctenent que la faculté de remere ne peut être prorogée au préjudice des lignagers de l’acquereur : Basnage est de l’avis deTerrien , & il s’autorise de du Moulin même pour prouver que la prorogation de la faculté est toujours un acte libre de la part de l’acquereur, soit qu’il proroge avant ou depuis l’expiration de la faculté. Il me semble que Basnage a raison, puisque le vendeur n’a aucune action contre l’acquereur pour le forcer de proroger la faculté dans le temps même qu’elle n’est pas encore éteinte.

Quand un des héritiers du vendeur vent agir en retrait conventionnel, il doit l’exercer pour tout le marché, si enim unus ex haredibus renditoris qui vendidit sub pacto de retrovendendo, dit duMoulin , S. 27, n. 50 & 51, ageret ad retrovendendum pro parte suè haereditarid, non esset audiendus, n’si offerret totum redimere S totum pretium refundere, quo casu recte ageret. quia non valet tantum pars fundi respecta partis, quantum toiun respedu totius.

L’acquereur ne peut gréver le vendeur à facuité de rachat ; s’il retire à droit de proprieté une rente foncière due sur le fonds ainsi vendu, il suffit au vendeur qui l’exerce de continuer la rente ; il n’est point obligé de rembourser l’acquereur du capital : c’est le sentiment de M. lePrêtre , Cent. 2, Chap. 3. C’est une précaution tres. sage que de limiter dans le Contrat de vente le prix que l’acquereur pourra employer dans les édifices ou améliorations à faire sur le fonds.

On peut demander si le vendeur, qui exerce la faculté de remere d’un Fief vendu sous cette condition, peut contraindre l’acquereur de lui remettre, en le remboursant, un arrièreFief que cet acquereur a clamé à droit féodal pendant la durée de sa jouissance. Basnage a traité légerement cette question sous l’Art. CCII. Je conviens que le vendeur a aliéné le Fief avec le droit inséparable d’exercer le retrait seigneurial le cas échéant ; mais il ne s’enfuit pas de là que Pacquereur soit obligé de remettre l’arriere-Fief, il semble qu’il suffit à Pacquereur de remettre au vendeur le Fief tel qu’il l’a recu, c’est-à-dire, avec le même droit de retirer dont le vendeur pourra s’éjouir à l’avenir ; car il y a une différence sensible entre l’usufruitier & l’acquereur à faculté de remere, cet acquereur a tous les droits de la propriété, tant que la faculté n’est point exercée. Cependant quand on réflechit que le retrait séodal n’a été introduit en Normandie que pour réunir, la cause du vendeur paroit fondée.

Voyer la Note sur l’Article CCIII.

Liacquereur, sous cette condition, doit conserver le fonds comme un bon père de famille, & il réoond des détériorations ; il peut cependant employer les choses à leur usage & suivant leur destination, quand même elles seroient dépréciées au temps du tachat.

Le retrait conventionnel a ses regles indépendantes de celles des autres retraits ; il n’est point nécessaire, pour en user, d’assigner l’acquereur aux prochains Plaids ou Assises, pourve