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Obligations & Cédules faites pour choses mobiliaires, sont réputées meubles ; comme en pareil les obligations qui sont faites pour choses immeubles, sont reputées immeubles.

La Coûtume commence ce sujet par les obligations, dont le discernement est plus difficile & plus important, parce qu’étant incorporelles, ce n’est point par le sentiment, c’est-à-dire, par le toucher ni par la vue, mais uniquement par la raison, qu’on en peut connoître la différence, iniellectu non sensit percipiuntur. La regle qui est proposée par cet Article pour faire ce jugement, est qu’il faut considerer si les obligations sont pour choses mobiliaires ou pour des immobiliaires : de sorte que les obligations qui sont pour meubles, doivent être réputées mobiliaires, & au contraire, celles qui sont pour immeubles, sont censées immobiliaires : mais pour juger si les obligations sont pour meubles ou pour immeubles, il faut regarder la fin à quoi tendent les actions qui naissent des obligations ; car si par les actions on demande une chose mobiliaire, les obligations sont pour un meuble, si on conclut à avoir un immeuble, les obliga-tions aussi-bien que les actions qui en dépendent, sont immobiliaires, de maniere que la qualité des obligations & des actions se distingue par le même principe.1


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Notre Coûtume ne s’exprime pas comme celle de Paris, Art. LXXXVIII, qui dit qu’il n’y a que deux sortes & espèces de biens seulement, les meubles & immeubles ; mais elle fait assez entendre par l’Article DIV, en distribuant les obligations dans l’une de ces deux classes, qu’elle ne connoit point de biens d’une troisieme nature, nihil est tertium.

Admirez la singularité du droit Coutumier, il se plait à faire perdre à nos biens leurs qualités primitives ; il immobilise les meubles, & il mobilise les héritages. Je n’entrerai point dans les regles de la mobilisation des fonds, ni dans le détail de ses effets ; elle est d’usage dans les Pays de communauté, & elle y cause bien des embarras. Voyer Renusson leBrun , Duplessis de la commun. Vuoyer aussi le Traité des Propres.

La fiction, qui d’un meuble constitue un immeuble, a aussi sa bizarrerie ; ce qu’une Coutume vous fait considérer comme immeuble l’autre vous le fera envisager comme un sim-ple mobilier : notre Coutume va quelquefois plus loin : car de simples deniers elle compose non-seulement un immeuble, mais un propre de disposition & de succession. Bérault part de l’idée que font naître ces métamorphoses, pour faire sentir avec sa précision ordinaire tout l’intérét des principes contenus en ce Chapitre. Si vous ne connoissez la qua-lité que la Coûtume imprime à nos biens vous ne parviendrez jamais à régler les droits des heritiers des meubles & acquêts, ni ceux des légataires universels ou particuliers, vous ne pourrez pas séparer les cas où le retrait est admis de ceux où il est rejetté ; & quand il faudra vendre les biens des mineurs, comment déciderez-vous que telle aliénation ne peut se faire qu’en vertu du décret du Juge & aprés les solemnités prescrites par les Réglemens Etudiez donc ce Chapitre, ditBérault , mais portez plus loin votre application ; consultez les Auteurs & la Jurisprudence des Arrêts.

Nous avons une maxime générale qu’il ne faut pas oublier, elle est écrite dans l’Article LXVI du Reglement de 1666 ; ne donnez pas aux choses une qualité qu’elles n’ont point, si la Coutume ou la Jurisprudence ne vous y autorise ; n’étendez pas la fiction au-dela de ses bornes, aussi-tôt que vous aurez satisfait à toute la Loi ; hatez-vous de rentrer dans le droit général.

La qualité des actions ne se discerne pas facilement ; on croit avoir dit quelque chose quand on a affirmé que les actions sont comme les obligations, cette théorie n’apprend rien. Du Moulin dit que les obligations sortissent la natute des objets qu’elles contiennent, tune nomina judicantur mobilia vel immobilia, inspecto co ad quod competunt, & prout alterutris magis aequiparantur. Bérault explique la pensée de duMoulin , suivant notre Droit municipal, si votre action tend principalement à vous procurer la délivrance d’un immeuble, l’obligation, dit ce Commentateur, sera immobiliaire ; mais si vous n’étes fondé qu’à reclamer des deniers ou des meubles d’une autre espece, votre obligation sera purement mobiliaire ; ainsi l’obligation qui appartient à l’acquereur pour se faire délivrer Phéritage vendu est immobiliaire ; & lorsqu’une fois il a formé la demande en délivrance, elle ne change pas de nature, quand même elle seroit dans la suite resolue en intéréts, ainsi, si vos héritiers fouffrent l’éviction d’un fonds que vous aviez acquis, les intérets d’éviction seront non-seulement immeubles, mais propres ; ainsi une action en remplacement des propres aliénés est immobiliaire & propre, quoiqu’au défaut d’acquêts l’effer de l’obligation de remplacer tombe sur les donataires ou légataires des meubles ; mais si j’ai vendu un fonds, & que le prix en soit du, ce prix, hors le seul cas du remplacement, n’est qu’un mobilier ; & l’action étant mobiliaire dans son principe, elle auroit cette qualité, quand en événement l’acquereur seroit obligé d’abandonner le fonds par le défaut de payement. Nos livres sont remplis de pareils exemples

Nos Auteurs traitent en cet endroit de la validite des obligations. Toute obligation contraire aux bonnes moeurs, consentie par force, par crainte, ou par ignorance de fait qui ne peut être imputée, n’est point valide en droit ; mais l’obligation d’un prisonnier de guerre pour sa rançon ou celle que la Justice forme, ne peut être attaquée, sous pré : exte du défaut de liberté. On a toujours rejetté dans la bonne police les billets faits pour jeu, quoique déguises pour valeur recue. Par Arrêt du 13 Juillet 16yy rapporté dans le Journal des Audiences, il fut juge que la preuve par témoins étoit recevable qu’une obligation, causée pour valeur recue, étoit pour jeu, quoique la somme excedit 1oy livres & on a, par Arrét du Parlement de Normandie du 23 Février 1vzs, condamné ce palliatif : on a encore, par Arrét du premier Juillet 1783, déchargé, sur le vù des preuves, un Avocat âgé de plus de quarante ans, de la demande formée par un Gentilhomme d’un billet de 20yy liv. fait pour jeu, quoique concu pour prét ; plusieurs de MVI. pensoient que l’on devoit ordonner la confiscation de cette somme, en tout ou partie, au profit de l’Hopital, parce que l’Avocat, homme de Loi, n’étoit pas exempt de faute. Des Joueurs ont été condamnés solidairement par autre Arrêt du 22 Juillet 1760, à rapporter ce qu’ils avoient gagné à un mineur, & en 3000 liv. d’intérêts envers le pere plaintif. Voyer le Recueil des Edits,Denizart , Guvres de M. d’Aguesseau . Les gageures, telles que nous les pratiquons, devroient être mises au rang des jeux de hazard, sice n’est qu’entre Commercans elles n’ayent du rapport avec le cautionnement ou la police d’assurance : raffinement assez éloigné de la simplicite du commerce. VoyezGillet , de la ire Edition, Plaidoyer ret.

L’obligation à payer quand on sera Prêtre, mort ou marié, est encore du nombre de ces obligations que la Loi réprouve, on a ordonné par Arrét qu’il seroit fait estimation d’un cheval vendu par un prix exorbitant, mais qui n’étoit exigible que par l’événe-ment d’un de ces trois cas ; & on a condamné par le même Arrét l’acheteur à payer le prix de l’estimation, & l’intérét du jour de la livraison du cheval : la plupart des marchés de cette forte, ou ceux qui en approchent, sont usuraires & illicites, on doit punir sévérement ceux qui les font & les provoquent. VoyezBérault ,Basnage , Traité des Obligations de M.Potier .

Le créancier n’est point obligé de justifier de la cause de l’obligation, & elle n’est point annullée par une fausse énonciation : Arrêts des 2S Février 1é4d, & la du même mois I7la ; mais on peut, selon les circonstances, obliger ce même créancier d’affirmer que la somme qu’il demande lui est légitimement due. Poyer le Journal du Palais.

Quand les obligations forment un engagement respectif, elles sont nulles, si l’une des parties peut indépendamment de l’autre en détruire l’effet. Sur ce principe, on a déclaré nuls au Parlement de Paris, par Arrêt du 30 Mai 1736, deux Ecrits produits au proces, faute d’y avoir exprimé qu’ils étoient faits doubles.