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DV.

Les Fruits, Grains & Foins étant sur la terre aprés le jour de la Nativité de Saint Jean-Baptiste, encore qu’ils tiennent par les racines, & ne soient coupés ni sciés, sont néanmoins censés & réputés meubles, fors & réservé les Pommes & les Raisins, qui sont réputés immeubles jusqu’au premier jour de Septembre : & quant au Bois il n’est réputé meuble, s’il n’est coupé.

Cet Article est une répétition du CCCCLXXXVIII, mais a plus d’étendue, car il ne traite pas seulement des grains, mais de tous les autres fruits que la terre produit, comme foins, pommes, poires, raisins & bois taillis ; & partant il renferme plusieurs exemples de choses immeubles, qui sont réputées meubles aprés un certain temps de chaque année ; car les grains, les foins, les fruits des arbres & des vignes, tant qu’ils ne sont point séparés de la terre, qui est comme leur mère & leur nourrice, sont véritablement immeubles faisant partie du fonds : Fruclus pendentes antequam separentur à solo, non proprié frudtus sunt, sed pars fundi, l. 24. ff. De rei vindicatione. Mais la Coutume les répute meubles, ou aprés le vingt-quatrieme jour de Juin ; sçavoit, les grains & les foins ; ou aprés le premier de Septembre ; sçavoir, les pommes, poires & raisins ; parce qu’en ces temps les fruits étant parvenus ou prêts de parvenir à leur maturité, sont en état où de se corrompre, ou de se séparer d’eux-mêmes du fonds qui les a produits. Il n’en est pas ainsi du bois taillis, qui tant qu’il est adhérent à la terre, se nourrit & s’accroit : c’est pourquoi la Coûtume ne le déclare meuble qu’aprés qu’il est coupé.1

On a remarqué sur cet Article, que les Dixmes de toutes sortes de fruits, sont acquises aux Curés aprés la Fête de Paques, ou apres le Dimanche qu’on appelle Lelare : ce qui peut faire inférer, que ces Dixmes sont réputées meubles, même avant la Saint Jean ou le mois de Septembre, vu que si elles étoient censées immeubles avant ces temps, elles devroient appartenir au successeur du Bénéfice. C’est par cette raison qu’on a jugé par un Arrêt du 5 de Juin 1652, rapporté parBasnage , qu’un Curé avoit pû disposer de ses Dixmes par Testament, quoiqu’il fût décédé avant la Saint Iean ;, car on ne pourroit pas dire, que le legs qu’avoit fait ce Curé étant pour causes pieuses, il avoit pû disposer d’une année de son revenu, dont les Dixmes faisoient partie, vu que le droit de jouir du revenu des Benéfices, finit par la mort des Titulaires, & appartient au successeur.2


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La plupart des Coutumes ne réputent les grains meubles que quand ils sont coupés quia nondum collecii pars fundi videntur, nous avons cru devoir nous écatter de cette Loi pour avoir une regle certaine ; mais Bérault a bien remarqué que les fruits dont il est parlé. dans cet Article, sont immeubles jusqu’au jour de la Nativité de Saint Iean Baptiste, & tout ledit jour.

On fuit la Coutume du lieu où les fruits sont excrûs pour régler leur qualité au temps. de l’échéance de la succession, quoiqu’on les partage suivant la Coutume du domicile du défunt.

Des le temps deBérault , les débiteurs pratiquoient des fraudes pour priver leurs créanciers. des levées sur leurs héritages ; il conseille aux créanciers de faire arrét avant la Saint Iean, à charge de le réitérer quand elles seront amobiliées : un Réglement de la Cour du S Juin 1682, déclare les saisies faites par les créanciers des levées de leurs débiteurs, la veille de la Saint Jean, bonnes & valables, & déclare nulles les ventes que les débiteurs en auroient faites le lendemain du jour de Saint Iean.

Le sarrasin n’étant communément qu’en pampre ou feuille le lendemain de la Narivité de Saint Iean, & n’étant bon à récolter qu’environ à la moitié du mois de Septembre ; il semble qu’il y a de la précipitation à le déclarer meuble des la fin de Juin ; on doit penser qu’au temps de la réformation de la Coutume, ce grain n’étoit pas d’un aussi grand usage qu’aujourd’hui mais il faut un Réglement pour interprêter la décision générale.

Au reste, la disposition de la Coûtume ne doit pas géner les propriétaires, on a par ce principe condamné la prétention des Hauts-Justiciers & Seigneurs de Fiefs, qui sous le prétexte de conserver leur gibier s’ingéroient d’interdire aux propriétaires la liberté de couper, avant la Saint Iean, les trefses, luzernes & autres grains en verd, destinés pour la nourriture de leurs bestiaux, par un Réglement de la Cour du 23 Mars 1741, renouvelle le 13 Mai 1745 : ces Réglemens prononcent des peines séveres contre les Juges qui, au lieu d’en maintenir l’exécution, favoriseroient des vues contraires au bien public.

La Coutume de Paris dit que le bois coupé est meuble, Article XCII, notre Coûtume a une disposition négative qui est beaucoup plus forte, puisqu’elle porte que le bois n’est réputé meuble, s’il n’est coupé.Ferriere , Article Cexx de Paris, Gl. 2, n. 16 & Gl. 3.

S. d4, n. 4, prétend que quand la coupe du bois-taillis est prête à faire lors du mariage, elle tombe dans la communauté, sans déduire le prorata du temps antérieur au mariage : c’est bien réputer le bois-taillis meuble, dans le temps ordinaire de la coupe, encore qu’elle n’ait pas été faite. Nous ne suivrions point cette idée en Normandie ; & quand le proprietaire auroit laissé passer le temps de la coupe, le bois taillis ne seroit pas moins immeu-ble jusqu’au temps où il seroit coupé. Le bois-taillis est bien considéré comme un fruit, mais suivant le droit commun aprés qu’il est percu, c’est-à-dire, séparé de la terre.


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Routier, dans sa Pratique Bénéficiale, Part. 1, Chap. 5, Quest. 2, prouve bien que quand les Curés décedent dans le Diocese d’Evreux, aprés les premieres Vépres, & dans les autres Dioceses de la Province, le Samedi-Saint aprés l’eau-benite, que l’on appelle ordinairement l’eau-benite de Paques, les Curés ont acquis les fruits de leur Benéfice. Il rapporte cependant un Arrêt du 12 Mars 1717 rendu en la première des Enquêtes, au Rapport de M. de Gravoron, sur l’appel d’une Sentence du Bailliage d’Avranches, entre le sieur Bagot, nouvellement pourvu de la Cure de Landelle & les héritiers du dernier Titulaire, qui paroit contraire à sa décision : l’Arrét fut rendu contre les héritiers ; mais Rou-tier observe que le motif de l’Arret étoit fondé sur ce que le fait du déces du dernier Titulaire, aprés l’eau-bénite de Paques, n’étoit pas suffisamment établi ni prouvé.