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DXVIII.
Les Chaudieres & Cuves des Teinturiers & Brasseurs, étant bâties aux Maisons des Propriétaires, & à eux appartenans, sont censées immeubles, pour demeurer à celui qui aura pour son partage la Maison où sont lesdites Cuves & Chaudieres.
On joint ces trois Articles, à cause de la connexité qu’ils ont ensemble, par la convenance qui est entre les sujets dont ils traitent, & par les maximes par lesquelles ils sont réglés ; car ce sont utensiles qui par leur nature sont véritablement meubles, & sont néanmoins réputés quelquefois immeubles, & par la destination du propriétaire, & par la manière avec laquelle ils sont appliqués aux batimens où ils sont placés. Il ne faut pas prendre ces circonstances separément ; car pour réputer ces utensiles immeubles, il ne suffit pas qu’ils soient atrachés avec du fer ou platre, ou qu’ils ne puissent être enlevés sans fraction ou desassemblement ; il est requis de plus, qu’ils ayent été mis pour une perpétuelle demeure, suivant l’expression de l’Article DVI ; c’est-à-dire, que l’intention de celui qui les a fait placer ait été, qu’ils demeurent toujours au même lieu : c’est pourquoi comme cette intention n’est pas vraisemblable à l’égard de ceux qui n’ont qu’une demeure passagere dans les bâtimens, comme sont les fermiers & les locataires ; les utensiles qu’ils ont mis dans les lieux de leur habitation & aménagement, quoiqu’attachés avec du fer ou du platre, ne doivent pas être réputés immeubles, & faire partie du batiment à l’usage duquel ils ont servi : mais sont censés, meubles, de sorte qu’ils appartiennent ausdits fermiers & locataires, qui ont droit de les enlever, encore que desassemblés & rompus, comme ils enlevent leurs autres meubles, aprés que le temps de leur jouissance est fini. C’est ce que l’Article DXVIII a fort bien distinqué, en déclarant que les cuves & chaudières des Teinturiers & Brasseurs, qui ordinairement ne peuvent être enlevées sans desassembler, ne sont néanmoins réputées immeubles, que quand elles ont été mises par les propriétaires des maisons ; auquel cas seulement, elles doivent appartenir à ceux qui ont les maisons pour leur partage. Ce qu’il faut dire par une raison semblable, des utensiles, tant des pressoirs & des moulins, que des maisons à de-meurer que la Coutume a désignés par le nom d’hôtels audit Article DVI. Il faut voir sur ces Articles la Lo1 17. De actionibus empti, & la Loi dolia, ffDe insiructo vel insirumento legato, qui en établissent les maximes.
On a jugé que les fumiers & les pailles appartenoient à l’adjudicataire par décret, conformément à la Loi 17. 8. fundo, par un Arrêt du 17 de Juin 1649, rapporté parBasnage . On a de plus jugé par un Arrêt du 17 de Janvier 163, rape porté parBerault , que les matériaux préparés pour l’achevement d’un bâtiment, appartenoient à l’héritier, comme une dépendance de l’héritage. Il faudroit juger autrement à l’égard de l’acheteur, lequel ne peut pas prétendre que les matériaux destinés pour achever un bâtiment, lui appartiennent, s’ils ne sont appliqués ou qu’ils ne soient provenus de la démolition d’un ancien bâtiment qu’on fasse réédifier, suivant ce qui est décidé par la Loi 18. S. Tegules, ff. De adtionibus empii.1
Il est assez difficile d’établir une regle générale sur cette matière, le motif qui porte à placer une chose au rang des meubles ou des immeubles, est tiré plutôt du fait que du droit, verbum mobilium non ad legum vel Legistatorunt ambiguuni, sed ad fadtun s communent loquendi usum refertur, ditDupont , sur Blois, Chap. 11. D’Argentré , sur l’Art. CCCCVIII de Bretagne, Gl. 2, n. 2, s’exprime d’une maniere précise, onine igitur mobile, dit-il, cum applicatione perpetuâ corporibus alterius nature, id est, imniobilibus adhibitum, insertum, offixum, infossum est, immobile fit quia alterius corporis diverse nature pars sit & per se censeri desinat.Brodeau , sur l’Article CXC de Paris, dit que le meuble de cette qualité, étant incorporé à l’immeuble, n’est plus possédé comme une chose mobiliaire, particulière, détachée & subsistante d’elle-même, mais comme une partie intégrale & indivise d’un corps. immobilier.
La perpétuité de la demeure & l’incorporation de la chose mobiliaire à un édifice, à un corps immobilier, ne se présume pas : lorsque la destination a été faite par le locataire ou fermier, elle n’est que passagere, puisqu’elle ne peut être que pour le temps de la durée du Bail ; ainsi, comme le locataire ou le fermier peut enlever ce qu’il a fait apres que le Bail est fini, cet ouvrage n’a aucun caractere d’immobilité. On peut envisager autrement l’usufruitier, tel que le Titulaire d’un Benéfice ou la Douairiere. On présume d’abord que l’usu-fruitier n’a voulu travailler que pour lui & pour le temps de son usufruit : & quand rien ne résiste à cette présomption, la regle la plus générale est de permettre aux héritiers de l’usufruitier d’ôter tout ce qui peut être enlévé sans fraction ni dététioration ; mais on décide que les ouvrages sont inséparables de la chose, lorsque les circontances annoncent une destination perpétuelle, & qu’il paroit que l’intention de l’usufruitier a été d’améliorer le bien dont il jouissoit.
Les glaces, dont on orne aujourd’hui les manteaux de cheminées, ou les entre-deux des fenêtres, sont réputées immeubles, si elles sont scellées en platre & mises par le propriétaire à perpétuelle demeure ; la distinction de droit, à l’égard des Statues, esti que si elles sont retenues avec quelques pattes ou crampons de fer qui soient scellés dans la muraille ou sur des piédestaux qui tiennent au rez-de-chaussée, elles font partie de la maison ; mais si elles ne sont point ainsi attachées, elles sont meubles. On a jugé au Parlement de Paris, par Arrét du 11 Juillet 1738, rapporté dans le Recueil de M. du Rousseaud de la Combe, Chap. 38, meubles, douze bustes, placés à la galerie du Château du Bouchet, par le propriétaire, quoique les piédestaux fussent scellés à chaux & à ciment sur le plancher, parce qu’ils étoient séparés du mur, auquel ils n’étoient ni incorporés ni attachés. MaisBardet , Tom., Liv. 3, Chap. 56, rapporte un Arrêt du 11 Juillet 1829, par lequel il a été jugé que des statues mises par un Chanoine de Mâcon, dans une galerie qu’il avoit faite à sa maison canoniale & à l’escalier de cette galerie, étoient immeubles, parce qu’elles étoient attachées au mur, qu’il avoit été fait des jambages qui avançoient d’environ un pied pour les foutenir, & que toute la galerie étoit peinte, excepté à l’endroit des statues, ce qui établissoit une destination perpétuelle.
On peut aujourd’hui compter sans danger les pièces d’artillerie parmi les meubles elles ne servent qu’à égayer les fêtes de la campagne : dans les temps reculés, l’artillerie des Châteaux, destinée pour leur défense en temps de guerre en étoit inséparable, parce que son objet étoit perpétuel.
Les ornemens d’une Chapelle, principalement lorsqu’il y a un Service fondé à perpétuité, suivent le sort de la Chapelle, & sont réputés immeubles, comme en étant une dé-pendance nécessaire.
D’Argentré ne voit qu’avec douleur démeubler les caisses d’orangers ou autres arbustes tares qui décorent un parterre : l’agrément, ce maître des François, auroit dû leur faire adopter l’opinion de M. d’ Argentré ; cependant elle n’a pas prévalu.
Les matériaux, préparés ou amenés sur le lieu pour batir, tiennent nature de meubles, quare fit ut quandiu corporis sui sunt ( mobilia ) dit d’Argentré , Article COCeXVIII, n. 7, talia judicanda sunt qualia natura esse ostendit, sine consideratione destinationis & attributionis praparate. Bainage rapporte, apresBérault , un Arrét qui ne semble pas d’abord conforme au sentiment de M. d’ Argentré : par cet Arrêt on déclara compris dans le préciput roturier de l’ainé, des matériaux destinés par le pere commun, à la construction d’un pressoit ; mais dans le fait, au temps de la mort du pere, le bariment étoit tres-avancé & on avoit déjâ commencé de le couvrir : on crut donc pouvoir, sans injustice, déférer à une destination aussi marquée. La regle proposée par M. d’Argentré , doit, hors ce cas, être régardée comme certaine : mais les matériaux d’une maison démolie pour la reconstruire, restés sur le lieu & destinés à la reconstruction, suivent la nature du batiment : Bérault ; Arrêtés de Lamoignon, de la qualité des Biens, Article XV.
Les bestiaux destinés au labourage d’une terre, ou donnés à chaptel, sont toujours meubles ; cela est conforme à la définition de M. d’Argentré . Corpora que apta sunt situm mutare S localiter transferuntur.
Les pailles & les engrais ont tantôt été jugés meubles, & tantût jugés immeubles, suivant la différence des espèces & des circonstances. On a jugé par Arret du 13 Août 1743, que l’usufruitier avoit pu léguer les pailles & les engrais qui se trouveroient sur le fonds au temps de son déces : cependant si ces pailles & engrais sont d’un u’age nécessaire à l’exploitation d’un corps de ferme, on les envisage comme des accessoires du fonds : Arrêt du y Juil-let 1628. Stramenta S sterquilinium stercorandi gratiâ comparatum jure res immobiles censeri :Dupont , sur le Titre 11 de Blois.
Les moulins, soit à eau ou à vent, sont immeubles des qu’ils ne se peuvent transporter & sont assis sur un fonds, hoc in genere mobilibus tribuuntur molae trusatiles & afinarie, dit d’Argentré, Article CCCCXVIII, n. 9, quandiu mobili strudurd sunt, nam immobili imposita emmobiles fiunt & per se censeri desinunt ; mais les moulins à bac ou sur bateaux, sont meubles, si ce n’est, dit du Moulin sur Bourbonnois, Article CCLXxxII, qu’ils soient banaux. Le même Auteur, sur l’Article CCLXXXVII, décrit ainsi le pressoir immobilier : Intellige prelum inedificatum in domo id est defussum aut alias incorporatum, alioquin prelum dudile mobile est ; il fait la même distinction à l’égard des Cuves ; & leBrun , en cet endroit, décide que la partie de la Cuve, qui est enfoncée en terre, rend toute la Cuve immobiliaire.
Nos Auteurs nous représentent les Cuves & Chaudieres des Teinturiers & Brasseurs comme des matériaux de considération, des ouvrages en cuivre qui ont une destinition évidente : c’est pourquoi entre cohéritiers elles sont réputées immeubles dans la succession de celui qui en a fait la dépense, & elles passent avec la maison pour faciliter le commerce.
Les Auteurs étrangers ne réputent immeubles les Cuves & Chaudieres, que quand elles sont enclavées dans la construction de la maison, de sorte qu’il soit nécessaire de démolir pour les enlever ; mais si l’ouvrage auquel elles sont atrachées peut être détruit sans aucune dégradation de la maison, ils pretendent qu’elles conservent leur nature de meubles. VoyesMaillard , sur Artois, Article CXlIV, in fine : nous n’avons point reçu cette distinction.
Les Presses d’Imprimerie ont été jugées meubles dans la succession du célèbre Robert Etienne. VoyesBrodeau , Article CXC de Paris, n. 8.