Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


DXXVI.

Le Seigneur féodal ne peut prescrire le Fief de son Vassal saisi en sa main par faute d’Homme ; comme le Vassal ne prescrit point la Foi & Hommage qu’il doit à son seigneur, par quelque laps de temps qu’il ait tenu la chose féodale, sans en faire Hommage.

C’est une répétition des Articles CXVI & CXVII : voyez ce qui y a été remarqué. Les rentes seigneuriales sont prescriptibles ; mais quoique le Vass-l en puisse prescrire non-seulement la quotité, mais toute la rente, il a néanmoins été jugé, que le Vassal ayant payé en argent par un trés-long-temps la rente, suivant l’estimation dont il étoit convenu avec le Seigneur ne pouvoit prescrire le droit qu’avoit le Seigneur de demander le payement de sa rente en grains & autres espèces : les Arrets en sont rapportés sur l’Article DXXI. Deplus, si le Seigneur a été payé de sa rente par un des Vassaux, qui y sont obligés par indivis, cette possession sur l’un, empèche la prescription de tous les autres tenans par indivis. On a jugé la même chose à l’égard de la rente foncière, due en vertu d’un Bail à fieffe, par un Arrêt donné entre les Célestins de Rouen & le nommé Grandmarc, au Rapport de M. Blouer, Sieur de Camilly.1


1

Le créancier d’une rente fonciere, qui a conservé la possession de l’intégrité de sa rente sur les héritiers du Fieffataire, détenteurs de portion des fonds fieffes, peut attaquer l’acquereur de l’autre partie, quoiqu’il ait possedé sans trouble pendant plus de quarante ans Arrêt du 22 Mars 1754 ; cet Arrêt a été rendu à l’Audience de Grand Chambre. Dans le fait, l’acquereur d’une portion des fonds fieffés n’avoit été chargé d’aucune partie de la rente par son contrat, & il avoit possédé sans trouble pendant plus de quarante ans. Berault & Basnage rapportent des Arrêts semblables. Il faut pour prescrire que l’acquereur ait joui de la totalité de l’héritage fieffé pendant l’espace de quarante années.

Mais quand de plusieurs coobligés à une charge fonciere, l’un d’eux a acquitté seul la charge pendant plus de quarante ans, les autres coobligés ont-ils un recours contre lui, en cas qu’ils viennent à être dans la suite inquiétés par celui en faveur de qui la charge est établie : Bérault rapporte un Arrêt du 23 Août 1S13 dans cette espèce : Un Seigneur avoit exercé sur l’ainé seul, pendant plus de quarante ans, un droit de corvée dû par tous les tenans de l’ainesse ; il inquiete les puinés ils opposent la prescription, & ajoutent qu’ils n’ont point signé l’aveu ; le Seigneur obtient par l’Arrét une condamnation contre lainé, avec pouvoir de la mettre à exécution contre les puinés, sauf le recours des puinés contre l’ainé. Basnage n’approuve point cette action en recours, l’ainé est, selon lui, assez puni de sa négligence, en ce que si le Seigneur lui demande le tout, il fera obligé d’y satisfaire sans pouvoir rien exiger de ses puinés, qui ont prescrit contre lui ; mais quand le Seigneur s’adresse directement à eux, ils ne payent que ce qu’ils doivent ; il ne faut donc pas leur accorder de récompense contre l’ainé. Ne seroit-il pas à craindre que l’ainé de concert avec le Seigneur, ne rendit inutile l’effet de la prescription acquise aux puinés, si on suivoit l’opinion de Basnage Le créancier d’une rente constituée n’a pas le même avantage que le créancier d’une rente foncière ; car si le créancier de la rente constituée n’assigne pas dans les quarante ans l’acquereur de partie des biens du débiteur, en déclaration d’hypotheque, il n’aura plus d’action. contre lui. Voyer les Commentateurs sur les Articles CxiV & exy de Paris.

Cependant, dans le cas de plusieurs coobligés solidaires à une rente constituée, l’interruption contre l’un d’eux perpétue la rente sur tous les autres : on a même jugé par Arrét du S Juillet 1ob8, que l’un des coobligés solidaires ayant cédé des héritages au créancier pour le rachat de la rente, avec cette stipulation, qu’en cas d’éviction le contrat demeuroit en sa force & vertu sur tous les autres coobligés ; & le créancier ayant été depossédé il pouvoit agir contr’eux, quoiqu’ils n’eussent point été présens au contrat fait par leur coobligé.

La reconnoissance du débiteur d’une rente, aprés la prescription du Titre consommée, ne peut être attaquée par voie de restitution quand ce Titre primitif est en bonne forme Arrêt du 18 de Juin 1613, rapporté parBérault . On présume en effet que le débiteur, qui n’a point ignoré la prescription du Titre, a eu des motifs legitimes de continuer la rente, & cette présomption fait juger valable la renonciation à la prescription que renferme la reconnoissance.