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DXXVIII.
Néanmoins si le Contrat en a été passé, ou le Seing privé a été reconnu devant Tabellion, ou que les Registres ne s’en puissent recouvrer, celui qui l’a perdu, doit être reçu à faire preuve par témoins, que ledit Contrat avec la reconnoissance, ont été vus, tenus & lus, & le contenu en iceux, & qu’il y ait eu possession suivant le Contrat.
Il contient l’exception de l’Article précédent ; & il est équitable que celui qui allegue la perte de son Titre, arrivée par quelqu’accident fortuit, ou par la faute d’autrui, soit reçu à en faire la preuve par témoins, pourvû que cette allégation soit fondée sur quelque fait vraisemblable, & que d’ailleurs la preuve soit faite des circonstances déclarées par cet Article, dont les principales sont, que les registres ne se puissent recouvrer, & qu’il y ait eu possession en vertu du contrat perdu : car la possession étant un fait évident & permanent, est une présomption tres-puissante que le titre a précédé.1
On
On peut demander, si le créancier d’une rente qui a un contrat de constitution en bonne forme exécutoire, mais qui a négligé de prendre un titre nouveau dans les quarante ans, peut se défendre de la prescription contre le débiteur ou les éréanciers d’icelul, en offrant de prouver par témoins, qu’il a toujours été payé des arrérages de la rente à On lui objecte, qu’ayant eu une action pour demander un titre nouveau ; c’està-dire, une reconnoissance de sa créance, il n’a pas aù laisser passer le temps de quarante ans, par lequel l’obligation des contrats est déclarée prefcrite par la Coûtume. Mais on répond que la prescription ne s’acquiert point au préjudice de la possession qu’a cue celut à qui la prescription est opposée ; & qu’ayant en ses mains le contrat de constitution, qui est le titre, & un bon enseignement de la rente, il a une preuve par écrit, que la rente lui est légitimement dde : c’est pourquoi la possession en devant être présumée, la preuve par témoins ne doit point être rejettée, vu qu’aux termes de l’Ordonnance, il y a bien plus qu’un commencement de preuve par écrit : ce qu’on peut confirmer par l’exemple des servitudes réelles, dont l’affranchissement se peut prescrire par quarante ans de non usage, contre celui qui en a le titre, par l’Article DCVIII. Mais si ce titulaire veut prouver par témoins la possession & l’usage en vertu de son titre, il semble qu’il n’y auroit pas de raison de la rejetter : à quoi on peut ajouter l’autorité & la raison de la Loi Plures, C. De fide instrumentorum, dans laquel-le, aprés que Justinien a proposé deux moyens, par lesquels le créancier peut empeécher qu’on ne lui objecte la prescription de sa créance, qui sont de retenir une copie approuvée d’une de ses quittances baillées au debiteur ou de prendre une contre-quittance, Celle est appellée antapocha ) par laquelle ce débiteur reconnoit avoir payé l’intérêt, il conclut cette Loi par ces paroles : Ila lamen ut si hoc facere ( creditor ) neglezerit, aut non curaverit, nullum et prejudicium generetur, cûm hoc quod pro quibusdam introdudum est inferre cis jacturam minimé rationi conventat cquilauis. Car ne pouvant être contesté que cette action, pour demander un titre nouveau, est donnée en faveur du créancier, afin qu’il puisse conserver sa rente par une preuve facile de sa possesfion, ne répugne-t’il pas à la raison, & principalement à celle de l’équite, que ce qui a été introduit pour la conservation de son droit, soit par une rigourcuse & dure interprétation, tourné à son préjudice & à la perte de sa créance, pour se seruir de l’expression de la Loi 24. ff. De Legibus, de laquelle il semble que Justinien a pris les paroles de ladite Loi Plures, ci-dessus rapportée : On peut proposer sur cet Article ou le précédent, les questions touchant le pouvoir des Tabellions & Notaires, tant royaux que subalternes, pour l’éclaircissement desquelles voyezRebuffe , en son Traité De Litieris obligatoriis, arl. 20. gloss. 1.
Loyseau , liv. 1. des Offices, chap. 6.Bacquet , des Droits de Justice, chap. 25. &Louet , N. 10.2
Cet Article doit être observé dans toutes ses dispositions, on doit prouver l’existence de l’acte, son authenticité, la perte de la minute & la possession au desir du Titre : Arrét du 17 Janvier 16dy3 ; une seule de ces circonstances omise rend la preuve inadmissible.
Basnage rapporte un Arrét du 15 Janviet 167z, que la nécessité de maintenir les véritables principes dans l’exécution des contrats de mariage, rend digne d’observation. Le sieur Guerard de la Crique avoit fait assigner devant le premier Juge Marie le Blanc, pour lui faire délivrance du tiers de ses immeubles, dont il prétendoit que cette femme avoit fait don à son mari, par leur contrat de mariage sous signature privée : sur la dénégation de cette femme d’avoir fait aucune donation à son mari, le premier Juge avoit appointé le sieur de la Crique à prouver que le contrat qui contenoit la donation avoit éte vu, tenu & lu. Sur l’appel interietté par Marie le Blanc, la Sentence fut cassée par l’Arret & le sieur de la Crique fut déclaré non-recevable à sa preuve. Basnage qui plaidoit pour la femme le Blanc nous fait observer, en peu de mots le motif de l’Arrét ; c’est que la preuve vocale n’est point admise par rapport aux contrats sous signature privée, si ces contrats n’ont pas été reconnus devant Notaires ou Tabellions, & s’il n’y a pas en possession en vertu d’iceux. Cet Arrêt est dans la pureté des regles. Si vous recevez la preuve vocale d’un contrat sous signature privée, même d’un contrat de mariage, & des clauses qu’il renferme, vous assajettissez l’effet d’une donation immobiliaire, vous livrez la loi de la pro-priété au réfaltat toujours douteux & incertain de la déposition des témoins ; vous renversez les sages précautions stipulées par nos peres dans les Articles DXXVII & DXXVIII de la Coûtume, en faveur de la tranquillité des familles & de l’ordre publie. On a jugé, en plus forts termes, par Arrêt du Parlement de Paris du 17 Août 1725. rendu au Rapport de M. Goissard de Montsabert : Une femme avoit fait à son mari plusieurs donations par son contrat de mariage ; ce contrat étoit écrit de la main du mari, signé par deux Notaires : il avoit été fait double, l’un pour le mari & l’autre pour la femme ; mais il n’y en avoit point de minute. Aprés la mort de la femme, le mari voulut se mettre en possession des objets qui lui avoient été donnés par son contrat de mariage ; il rapportoit son double, mais celui de la femme ne put se trouver. Les héritiers de la femme prétendirent que l’acte qu’il rapportoit étoit nul, & qu’il ne devoit avoir aucune exécution. Les principaux moyens du mari consistoient à dire : toutes les conventions que les hommes peuvent legitimement faire entr’eux n’ont besoin, pour être parfaites, que du consentement réciproque des Parties : aprés le concours des volontés, elles deviennent des obliga-tions nécessaires, il suffit de rapporter la preuve du consentement mutuel, pour obtenir de celui qui refuse, l’exécution de ce qu’il a promis. Les preuves de toute espèce étoient autrefois admises pour établir l’existence des conventions ; le témoignage des hommes suppléoit les actes, lorsqu’il n’y en avoit point eu, ou quand ils avoient été perdus : mais on a jugé depuis que cette nature de preuve étoit incertaine & dangereuse, & qu’elle faisoit dépendre la fortune des hommes, & la preuve qu’il y avoit eu des actes, de la boune ou de la mauvaise foi des témoins de leur prévention ou de l’incertitude de leur mémoire. Mais on ne peut citer ni Loi ni Ordonnances, qui ayent prescrit que les actes seront passés devant Notaires, ou qui ayent défendu aux Parties contractantes de les écrire ellesmêmes. Quand les Ordonnances établiroient la peine de nullité contre les actes dont les deux doubles auroient été écrits par une des Parties, & dont il ne resteroit point de minutes ; comme le contrat de mariage avoit été fait dans le ressort de la Coutume d’Ar-tois, elles ne pourroient avoir lieu dans cette Province, elles y sont inconnues, & elles n’y ont jamais été publiées. Les héritiers de la femme répondoient, qu’on ne peut donner aux contrats de mariage une forme trop solemnelle, & que toutes celles qui donnent lieu au seupeon, à la fraude, & qui procurent la facilité aux Parties contractantes de changer les dispositions qui y sont contenues, doivent être réprouvées. Les conventions ordinaires de la vie civile & du commerce, peuvent être faites par des actes doubles & sans minutes ; mais les contrats de mariage qui intéressent des tiers ne peuvent être faits dens une forme qui les fassent dépendre de la volonté des Parties. On seait jusqu’où va l’empire dl’un mao sur le coeur de sa femme ; le seul moyen de prévenir les abus est de ne point faire de contrat de mariage sans minute, ceux qui ont été faits dans une autre forme sont nuls : ils n’ont point établi de loix, puisqu’ils ne pouvoient en établir de fixes & d’irré-ocables.
Quand même l’usage allégué de la Province d’Artois seroit justifié, ce seroit un abus qu’il faudroit réformer. On se détermina sur ces principes à rendre l’Arrét qui déclara le contrat de mariage nul : Recueil d’Arrêts de la quatrieme Chanibre des Enquêtes, imprimè en 1750.
Belle lecon pour nous, qui recherchons avec tant de zcle, les moyens de conserver les biens dans les familles
T’avois projetté de citer cet Arrét & celui du 15 lanvier 16-2, sur l’Art. CCCLXXXVI de nôtre Coûtume ; mais il m’a paru plus utile de suivre l’onlre de Basnage : on peut, au reste, conférer facilement l’Arrét du 7 Mai i65s, cité sous l’Article CeCLXXXVI, avec les deux Arrêts que je viens de rapporter.
Quelque crédit que l’on donne au commencement de preuve par écrit, on ne peut pas disconvenir qu’il seroit périlleux d’admettre indistinctement la preuve par témoins de la prestation d’une rente pour la perpétuer comme quand le contrat est d’une date tres-reculée, & que depuis il s’est ecoulé deux ou trois générations : car il n’a tenu qu’au créancier d’assurer son droit par une reconnoissance, & l’infidélité de deux témoins pourroit faire revivre une rente que l’intervalle des temps fait presumer amortie. La décision dépend de la variété des circonstances, & quelquefois de la qualité des personnes désintéressées.