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DXXXIV.
Drapiers, Merciers, Epiciers, Orfevres & autres Marchands grossiers, Maçons, Charpentiers, Couvreurs, Barbiers, Laboureurs & autres Mercenaires, ne peuvent faire action de demande de leurs Marchandises & Salaires après un an passé, à compter du jour de la délivrance de leurs Marchandises ou Vacation, s’il n’y a cédule, obligation, arrêt de compte par écrit, ou interpellation judiciaire.
Quoiqu’il soit dit dans ces deux Articles, que les Marchands, les Artisans & les Mercénaires qui y sont nommés, n’ayent point d’action aprés le temps. défini par la Coutume, ils peuvent néanmoins déférer le serment à ceux qu’ils prétendent être leurs débiteurs ex hujusmodi causis : Ce que les défendeurs ne peuvent refuser, suivant la Coûtume d’Orléans en l’Article CCLXV, & la doctrine de duMoulin , De usuris, nui. 128.Louet , S. 4. De sorte que ces débiteurs sont condamnables en conséquence des reconnoissances qu’ils ont faites, ou du refus qu’ils ont fait de jurer.
Ces Articles n’ont lieu que pour les denrées qui sont fournies pour l’usage. d’une maison, & non quand elles sont baillées à un Marchand pour en faire la revente. Les Médecins, Chirurgiens & Apothicaires, sont compris dans la disposition de l’Article DXXXIV, & ne peuvent aprés l’an, demander leurs salaires, suivant l’Article CCXXV de la Coutume de Paris, de laquelle les Articles CCXXVI & CeXXVII sont semblables à ces deux Art. DXXXIII & DXXXIV.1
Il est à propos d’ajouter une remarque faite parBérault , pour discerner clairement & par une regle certaine, les cas ausquels ces deux prescriptions, lune de six mois & l’autre d’un an, doivent être admises. Il dit qu’il faut se fouvenir, que par l’Ordonnance de Loüis XII, de l’année 1512, en l’Article XLVIII, la prescription de six mois a été autorisée généralement, tant contre tous les gens de métier ; c’est-à-dire, qui mutaiâ formâ rem vendunt, ou qui gagent leur vie, soit par l’exercice de quelque art, soit par travail de leur corps, que contre tous les Marchands en détail ; c’est-à-dire, qui revendent par menues parties, ce qu’ils ont acheté en gros : mais que quelques Coutumes, comme celles de Paris & de Normandie, ont proposé deux genres de preseriptions, l’un de six mois & l’autre d’un an, desquelles les cas n’ont pas été assez clairement distingués par ces mêmes Coûtumes, faute de les avoir discernés par des maximes générales. Il ajoute, qu’on peut dire vraisemblablement, que l’Article DXXXIII, renferme une regle générale, par laquelle suivant les termes de ladite Ordonnance de 1512, la preseription contre tous les Marchands en détail, les gens de métier & les mercénaires, est limitée à fix mois ; & qu’à l’opposite, l’Article DXXXIV renferme une seconde regle, & ensuite quelques exceptions de la regle contenue en l’Article précédent DXXXIII, que cette seconde regle est, que les Marchands grossiers c’estA-dire, qui vendent beaucoup de marchandises à la fois, ou plutôt qui ven-dent des choses d’un prix considérable, & qui partant ont coutume d’enregistrer la livraison & le payement des marchandises qu’ils vendent, ont un an pour se faire payer, sans qu’on leur puisse opposer la prescription ; & que quant à l’exception, elle comprend quelques Marchands en détail, & quelques gens de métier, spécifiés & dénommés audit Article DXXXXIV, qui sont mis au rang des Marchands grossiers, en tant qu’ils ne sont point sujets à la preseription de six mois, mais seulement à celle d’un an : de sorte que cette exception confirme la premiere regle générale contenue audit Article DXXXIII, à l’égard de tous les autres Marchands en détail ou gens de métier qui ne sont point nommés dans ladite exception, & qui par conséquent sont sujets à la prescription de fix mois, suivant la maxime, qu’exceptio confirmat regulam in cafibus non exceptis.
Le fonds de ces deux Articles est tiré de l’Ordonnance de Louis XII, que les uns daient de l’an 1510, & les autres de l’an 1512. Selon, sans doute, la diversite de la date de l’enregistremeit, dans les différentes Cours de Parlement : Nos Réformateurs ont suivi presqu’à la lettre les Articles exxVI & CxxVII de la Coûtume de Paris. L’Edit de 1673, Tit. 1, Art. VII, VIII, Ix & X, contient de semblables dispositions ; & il admet aussi deux sortes de prescription, l’une d’un an, & l’autre de six mois ; l’Article I & porte que la prescription aura lieu, encore qu’il y ait cu continuation de fourniture ou d’ouvrage, si ce n’est qu’avant l’année ou les six mois il y eût eu un compte arrété, sommation ou interpellation judiciaire, céduie, obligation ou contrat ; cependant l’Article & permet aux mar-chands & ouvriers de déférer le serment à ceux ausquels la fourniture aura été faite, les assigner & faire interroger ; & à l’égard des veuves, tuteurs de leurs enfans héritiers, & ayans-cause, de leur faire déclarer s’ils sçavent si la chose est dûe, encore que l’année ou les six mois soient expirés.
La raison de la diversité de cette prescription vient de ce qu’on est présumé payer presque toujours comptant les denrées, les menuës marchandises destinées au ménage, & les ouvrages de peu de conséquence, au lieu qu’il faut plus de temps pour payer les grosses mar-chandises & acquitter certains falaires qui sont d’un prix plus considérable. Il y a encore un fondement particulier de la prescription annale, c’est que le marchand a une espèce de titre par devers lui qui est son papier journal pour exiger le payement de sa marchandise ; le bourgeois n’a rien de son côté, le plus souvent il ne retire pas de quittance quand il paye, & il ne se met pas toujours en peine de faire décharger le livre ; dans cet état n’ayant rien à opposer au livre du marchand, quand il n’a point été déchargé, on a jugé qu’il n’étoit pas raisonnable que le marchand pût, aprés un an, faire valoir ce qu’il a écrit dans son régistre lorsque le bourgeois affirme qu’il a payé.
Mais la fin de non-recevoir doit être restreinte, puisque c’est une Loi pénale, & une dérogation au droit commun qui veut que toute action personnelle dure trente années.
Aussi elle n’a point lieu de marchand à marchand, chacun d’eux a ses livres journaux, ce sont des titres qui leur servent réciproquement de preuve dans les contestations qui peuvent naître de leur commerce, d’ailleurs ils se peuvent fournir mutuellement, leur condition. doit donc être égale ; & on ne doit pas admettre, au préjudice des uns une fin de nonrecevoir en faveur des autres, l’équité ne permet pas d’introduire toutes les rigueurs des Loix dans les contestations de commerce où la bonne foi qui en est l’ame doit être la principale regle ; il est même de l’intérét public de ne pas donner occasion, entre marchands, à une trop grande exactitude qui pourroit ruiner leur crédit, & qui les détourneroit sans doute de leur commerce par la vigilance incommode à laquelle la crainte de cette fin de non-recevoir les assujettiroit. Voves les Coutumes de Troyes, Art. COl ; Sédan, Art.
CCeXVII ; Bretagne, Ait Cexeit ; Vitry, Art. CXL. VIII ; Chaumont, exx.
Notre Coûtume ne fait ps mention nommément des gages des domestiques : celle de Paris, Article exxVIl, les ass-jettit à la prescription annale ; on doit penser que sous le terme de mercenaires, notre Coûtume a compris les serviteurs. Nous suivons l’Artiele LXVII de l’Ordonnance de Loüis XII, ci-devant citée, les domestiques doivent, suivant cet Article demander leurs gages dans l’an qu’ils ont quitté leurs maîtres apres l’an ils n’y sont plus recevables : ils ne peuvent demander dans l’an que les trois dernieres années qu’ils auront servi, à moins qu’il n’y ait convention ou obligation par écrit au sujet des années précédentes, interpellation ou autre interruption valables.
Cette disposition m’invite à dire un mot sur la police des domestiques. Il est défendu à tous serviteurs de laisser leurs maîtres pour aller servir chez d’autres, sans le gré ou consentement de leurs maîtres ou pour causes légitimes. Aucune personne ne peut recevoir un serviteur fortant d’une autre maison, qu’il ne se soit enquis de la cause de sa sortie, ou que ce serviteur ne lui présente un certificat par écrit. La peine de la contravention est une camende de 300 livres, dont le tiers appartient au dénonciateur : la même amende est prononcée contre tous ceux qui surborneroient serviteurs ou valets, étant en service, pour venir au leur ou à celui d’autres personnes. Quoique les serviteurs & valets fussent dans l’habitude de se louer à temps à un certain prix, on les oblige maintenant de servir l’année entière, a’il plait à leurs maîtres, à moins qu’ils n’eussent raison ou occasion légitime de se retirer plutôt : ceux qui servent en Ville sont affujettis aux mêmes reglemens que les domestiques & valers de laboureurs. Voyer l’Edit de François I, sous le Titre de Serviteurs aux beurgçois ; l’Edit de Charles I & de 1563, les Réglemens de la Cour des a2 Novembre 1603 & 2S Juin 1722.