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DXXXVIII.

Quand le Mari du consentement de sa Femme, ou la Femme de l’autorité & consentement de son Mari, ont vendu & aliéné, les Contrats sont bons & valables, & n’y sont la Femme ni ses Héritiers re-cevables, cessant minorité, dol, fraude, déception d’outre moitié de juste prix, force, menaces, ou crainte telle qui peut tomber en l’homme constant ; car la seule révérence & crainte maritale n’est suffisante.

Pour juger si les contrats d’aliénation des biens de la femme mariée sont valables, il faut distinguer si elle est séparée d’avec son mari, ou si elle ne l’est pas : si elle n’est pas séparée, il est requis que ces contrats soient faits de l’autorité du mari, & de son consentement qui concurre avec celui de la fem-me. L’autorité est quelque chose de plus que le consentement ; car l’autorité suppose une puissance de ceux qui autorisent sur les personnes qui doivent être autorisées, & le consentement peut être commun entre les supérieurs & ceux qui leur sont soumis, dont il resulte, que l’autorisation doit paroître dans l’acte où elle est requise, mais le consentement peut être donné apres : c’est pourquoi il est dit dans le Titre De authoritaie Tutorum, aux Institutes ; Tutor stalin & in ipfo negotio author fieri debet, post tempus vero, uel per epistolam interposita auihoritas nihil agis. Or le consentement du mari attesté par le contrat, vaut d’autorisation, sa presence feule ne suffiroit pas ; non plus que la presence de la femme, sans son consentement expres, ne seroit pas suffisante : Namt aliene poressaii subjecti tacere ex reverentid judicantur, & eorum presentia in prejudicantibus nusquam pro consensu haberur.

Le mari donc ne peut valablement aliéner les immeubles de sa femme sans le consentement ou une procuration spéciale d’icelle, comme la femme ne le peut, sans l’autorité & le consentement de son mari, sinon, au cas que le mari refusant sans cause son autorisation, la femme se fût fait autoriser par Justice en connoissance de cause, le mari & les proches parens de la femme appelles & ouis, pour informer le Juge. Mais bien que le mari ne puisse aliener les biens de sa femme sans le consentement d’icelle, il ne s’enfuit pas qu’un créancier ne puisse faire décrêter les biens d’une femme pendant son mariage, faute par le mari de payer les arrérages de la rente due par sa femme ; parce que les biens de la femme étant obligés au payement, tant des arrérages que du principal, le créancier peut se servir de son droit, non tenetur mutare dehitorem ; & il peut mettre à exécution l’action qui nait de son obligation, sans être obligé de s’adresser aux biens du mari ; & partant la négligence du mari est dommageable à la femme, comme celle du tuteur le peut être au pupille : mais il faut que le créancier qui poursuit le décret, en fasse les diligences, non-seulement contre le mari, mais nommément contre la femme c’est pourquoi le Maître en son Traité des Criées, chap. 11, n. 2, dit que les criées faites sur le mari, des biens appartenans à fa femme, sont nulles, si la femme n’y est nommée. La raison est, que dans les causes où il s’agit des droits immobiliers & propriétaires de la femme, le mari n’est pas partie capable d’agir ou de défendre sans l’intervention d’icelle : C’est pourquoi l’an-cienne Coutume déclare, que le mari & la femme doivent être ouis ensemble de toutes choses qui appartiennent à la femme ; ce qui se doit entendre, dit Terrein, livre 2, chap. 1, du cas hérédital, auquel le mari ne peut agir ni défendre sans procuration de la femme : de sorte que s’il succombe en ces causes où la femme n’est point intervenue, les dépens ne poutront pas être pris sur les biens de la femme, mais seulement sur ceux du mari, comme il a été jugé par un Arrêt du 11 de Décembre, 16o8, rapporté parBérault , Mais comme le mari est le maître des meubles, il l’est de même des actions. mobiliaires & possessoires, & conséquemment, il les peut intenter & poursuivre Sans l’intervention de sa femme. Il peut donc faire les baux des biens de sa femme, pour le temps ordinaire, il peut bailler quittances, & arrêter le compte des fermages & des rentes dues à sa femme, de sorte que la femme ni ses héritiers ne peuvent pas contester ces actes faits par le mari, pourvû qu’il n’y ait point eu de fraude dans les baux à ferme, parce que le mari n’est pas un simple usufruitier, mais un administrateur légitime de tous les biens de sa femme.

Mais quoique la femme puisse vendre & aliéner ses immeubles de l’autorité & consentement de son mari, il ne s’ensuit pas que cette autorité la puisse rendre capable d’engager & hypothequer ces mêmes biens ; car les obligations de la femme mariée faites authore & consentiente marito, ne sont valables ; sinon, en tant que la femme en a profité : Nisi quaienus in rem ejus versum est. Ce qui est conforme au Droit Romain, par lequel alienationes que fiebant anvitû aui non consentiente mulière, érant prohibitos, hivposece autem etiam volente ed, comme il est dit au commencement du Titre Quibus alienure licet, vel non aux Institutes, dont la raison est, que la Loi a voulu préserver les femmes du plus grand péril de la perte de leurs biens, ayant été considéré quelles avoient beaucoup de répugnance à consentir à l’aliénation de leurs biens, de manière qu’il étoit vrai-semblable qu’elles ne donneroient ce confentement qu’aprés une longue & mûre délibération, mais qu’au contraire, elles se laisseroient facilement persuader, quand leurs maris ne leur demanderoient que leur obligation & un engagement de leurs biens. Cela n’a pas lieu en la Coûtume de Paris, ni en toutes les autres où il y a communauté de biens entre les mariés ; car les femmes s’y peuvent valablement obliger même avant que le Velléian ent été abrogé en France en l’année 16o8 par Edit de Henri IV, parce que les femmes marices au moyen de la communauté, obligantur in rem communem, & sie aguniur res earum ; fauf leur recours contre leurs maris ou leurs heritiers, quand apres la dissolution du mariage elles renoncent à la communauté,Louet , F. 17.1

Les Marchandes publiques ; c’est-à-dire, les femmes qui font marchandise autre que celle de leurs maris, font une exception à la maxime, par laquelle les femmes mariées ne se peuvent valablement obliger : car ces Marchan-des peuvent obliger pour le fait de leurs marchandises, non-seulement leurs biens, mais même leurs corps & de plus les biens de leurs maris. On a néanmoins mis en doute, si elles pouvoient hypothéquer leurs dots, parce qu’on objecte que la qualité de marchande publique ne peut avoir plus d’effet que la séparation, ou l’autorisation expresse du mari, par lesquelles les femmes ne sont pas renduës capables de pouvoir aliéner leurs biens dotaux irrévocablement : Mais on peut répondre, que la raison qui rend les dettes contractées par les marchandes publiques, excécutoires sur tous leurs biens, même sur leur dot, est l’utilité publique du commerce, qui prévaut à toutes les autres considérations ; de maniere qu’il est indubitable, que les marchandes publiques ne sont pas exemptes de la rigueur de l’Ordonnance, qui déclarc que toutes cédules & promesses reconnues entre marchands, emportent garnissement & contrainte par corps.2

Quand il est dit dans cet Article, que les contrats sont bons & valables, cela ne se doit pas entendre absolument, mais avec restriction & conditionnel-lement : Ils sont valables, en tant que la propriété des choses aliénées est transféré aux acquereurs ; mais cette propriété ne peut être conservée qu’avec une de ces trois conditions ; sçavoir, ou que le prix de la chose aliénée ait été remplacé pour l’indemnité de la femme, ou que ce prix se puisse reprendre sur les biens du mari, ou enfin que les acquereurs offrent & soient prêts de restituer ce prix : car si aucune de ces conditions n’est accomplie, la femme peut reprendre la propriété qui lui appartenoit avant le contrat d’aliénation. La femme donc & ses héritiers, sont recus à empécher l’effet principal de ce contrat, encore qu’ils ne puissent alléguer ni minorité, ni fraude, ni crainte telle qui peut tomber en l’homme constant, suivant l’expression de la Coutume ; c’est-à-dire, encore que toutes les causes qui donnent ouverture à la récision des contrats, ne puissent être objectées contre le contrat de l’exécution duquel il s’agit : ce qui fait connoître que la Coutume ne s’est pas expliquée clairement en cet endroit.3 Que si la femme mariée est séparée, elle ne peut aliéner sa dot, ni les autres immeubles qui lui appartenoient lors de la séparation, ou qui lui sont échus depuis par succession, sinon, par l’avis de ses parens & par Ordonnance de Justice, l’autorisation du mari étant de nul effet en cette rencontre : mais elle peut, sans être autorisée ni par son mari ni par le Juge, vendre & enga-ger tous ses meubles présens & à venir, de quelque valeur qu’ils puissent être, & les immeubles qu’elle a acquis depuis la séparation ; les contrats méme qu’elle a faits, de la vente des immeubles qu’elle ne peut aliéner, sont exécutoires sur les meubles & sur le revenu de tous ses immeubles, aprés que ce revenu est échu & ameubli : Ce qui est attesté par les Articles CXXVI & CXXVII dudit Réglement, comme il a été remarqué sur l’Article CCexeI

de la Coutume. L’usage de Paris est contraire à toutes ces décisions ; car la femme séparée ne peut faire aucune aliénation ni engagement de ses immeubles, qu’elle ne soit autorisée par son mari, ou au refus du mari, par Justi-ce : & on a rejette l’opinion de duMoulin , qui étoit, qu’une femme séparée. étoit suc juris, & ne dépendoit plus de son mari in contrahendo. On a même jugé au Parlement de Paris, que quoique la femme séparée pût s’oblibliger valablement sans être autorisée, à l’égard des actes qui concernent l’ad-ministration de son bien, tels que sont les baux à ferme, ou par lesquels elle auroit disposé de ses meubles ou du revenu de ses immeubles, néanmoins les contrats qu’elle avoit faits, pour la vente ou l’engagement de ses immeubles, étoient tellement nuls ex defedlu poiestatis, qu’ils ne pouvoient produire aucun effet ni être exécutés sur les meubles ou le revenu des immeubles ; Louet & son Commentateur, F. 30.4


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Les Capitulaires de Charlemagne de l’an 793, & les Loix des Lombards, Titre 1o Liv. 2, supposent, pour la validité des aliénations que la femme feroit de ses biens, la permission de son mari, per commeatum mariti fut, id est, suivant duCange , per licentian aut facultatem. VoyetBaluze , Tome 1 ;Lindembrolt .

Notre Coutume desire plusieurs conditions pour la validité de l’alienation des biens des femmes. 15. Quand la femme aliene, il faut que la vente soit faite de l’autorité & du consentement du mari ; & si le mari vend, il est nécessaire que le consentement de la femme intervienne dans le contrat de vente. 20. La femme doit être majeure au temps de l’alienation. 30. Le dol, la fraude, la déception d’outre moitié du juste prix, la force, menace ou crainte, telle qui peut tomber en l’homme constant, présentent des moyens d’annuller le contrat ; mais si la femme ou ses héritiers n’alléguent que la seule réverence & crainte maritale, ils ne doivent pas être écoutés.

Plusieurs Auteurs prétendent que le terme d’autorisation doit être exprimé nommément dans le contrat de vente, parce qu’il forme la capacité de la femme, & argumentent de ce Texte vulgaire de M. d’Argentré , Article CCCexxVII, autoritas personam habilitat ad contrahendum, consensus interesse mariti respicit, d’autres distinguent entre les Coûtumes qui désirent l’autorité du mari & celles qui ne requiérent que son consentement ; on peut cependant dire que la femme conservant la capacité naturelle de contracter & le consentement du mari devant être considéré comme une autorisation implicite le défaut d’une ex-pression formelle ne suffit pas pour annuller le Contrat, ainsi décide duMoulin , sur l’Artiele CVIII de Paris, uxor potest vendere dutem mariti consensu etiam in Neustriâ quia. 1 ya Arrêts de Roüen qui déclarent que profit de niariage encombre n’a lieu quand la femme vend avec son mari. Voyer leBrun , de la Communauté ; Duplessis &Auzanet . La ratification du mari a le même effet. que son autorisation, parce qu’il n’y a que le mari qui puisse être préjudicié, elle n’a cependant point d’effet rétroactif de quelques clauses qu’elle soit revétue.

L’autorisation générale que la femme stipule en se mariant pour vendre & disposer de l’universalité de ses biens, comme une fille usante de ses droits, est contraire à l’intérét public & aux précautions que la Coutume a prises pour conserver les immeubles des femmes, si ce relachement avoit lieu, le lien conjugal n’en auroit plus que le nom, aussi elle n’est point admise parmi nous.

On doit encore penser que le mari mineur ne peut autoriser les aliénations de la femme majeure, à cause du recours de la femme contre lon mari, & de la perte de l’usufruut qu’il souffre par la vente de ses biens. DuMoulin , S. IId, n. s, conclut de ce que le mineur ne peut vendre, qu’il ne peut autoriser : on excepte cependant les cas où le mari n’a point d’intérêt mais ils sont tres-rares en Normandie.

Si la femme peut aliéner ses biens, étant autorisée par son mari le mari peut les aliéner du consentement de sa femme ; mais ce censentement doit-il être insere formellement dans le contrat ; Sur cette question bien des Auter, disent qu’il ne s’induit ni de la présence, ni de la signature dans le contrat ; on peut répondre, avec M. d’Argentré , que la souseription, aprés la lecture d’un acte authentique, emporte un consentement au contrat, étant inutile autrement.

Quand le mari aliene en vertu de la procuration de sa femme, elle doit rester annexée à la minute du contrat de vente, pour être réprésentée en cas de contestation sur la validité du contrat :Bérault , le Brun De la faculté qu’a le mari de vendre les biens de sa femme, nous n’induisons point celle de les engager ou hypothéquer ; nous observons non-seulement le Velléien à l’égard de toute personne du sexe, & même plus rigoureusement que dans le droit Romain puisque la ratification géminée est inutile, nous suivons encore la disposition de la Loi lulia de fundo do-tali. Dotale prediun,, :, : neve consentiente eû obligato, ; & la Novelle, si qua mulier, qui annulle le cautionnement de la femme en faveur de son mari. Poyer, sur le Velléien, M.

Froland ; & une Dissertation de M.Hévin , surFrain .


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La femme n’est pas réputée marchande publique pour débiter la marchandise dont son mari se méle ; mais elle est réputée marchande publique, quand elle fait marchandise separée & antre que celle de son mari. Paris, Article CCxxxV ; Orléans, CXCVII. Le stat, sur l’Article CexXVIi de la Coutume de Poitou, définit ainsi la marchande publique, mercatrix publica dicitur que talis notorié & communiter in tota viciniâ reputatur, vel in album mercatorum adscripta La femme marchande publique se peut obliger sans son mari touchant le fait & dépendance de la marchandise dont elle trafique : Article CexxxVI de Paris. De-là les Au-teurs ont pris occasion de dire que la femme marchande publique est censée autorisée pour son commèrce ; c’est le sentiment de d’Argentré , ratio est quia ex eo quod maritus hoe permettit mulieri, videtur tacité consentire contractui, sed à contrario sensu, si hoc non permetteret, non valeret, & in hoc casu qui contraheret cum mulière sine autoritate mariti, pusset d. farto necufari. V. Leg. si liberan cod. quod cum eo, quequident luquitur in servo disirahente peculium sine consensu domini.

La femme exerçant marchandise publique, peut donc ester en jugement, tant en demandant qu’en défendant, sans l’autorité de son mari, pour raison des choses concernant le fait de marchandise :Auroux , sur Bourhonnois, Article CLXVIII. D’Argentré avoit dit la même chose sur l’Article CCCCxxV de Bretagne, introdudâ contrah. ndi facultate, consequens est de eo dari actionem adive, & passive quod ex eâ causâ esset contractum-La femme pour son négoce oblige non-seulement ses biens & ceux de son mari, elle oblige encore la personne de son mari de la mêre manière qu’elle est elle-même obligée, c’est que la femme ne peut acquerir à son profit particulier, & que le mari, comme meître meubles, profite de tout le gain & de tout l’avantage du commerce, ainsi le mari est obligé, par corps, si l’obligation contractée par la femnie est de nature à être exigée par cette voie.

Comme l’autorisation tacite ne doit pas régulierement avoir plus de force & d’étendue que l’autorisation expresse, il semble que la femme marchande publique, ne peut en-gager sa dot sans retour, & irrévocablement que dans les circentances qui caractérisent le dol & la fraude si contraires à la facilité & au bien du commerce. On a jugé, par Arré : du 10 Juillet aobo, confirmé sur Requête civile, par autre Arrét du 1s Août 1o8z, rapportés parBasnage , que la femme, marchande publique ne peut aliéner sa dot pour fait de commèrce. Dans cette espèce, la qualité de la femme étoit constante, elle avoir une boutique de lingere, & l’obligatien étoit causée pour vente de toile. On opposoit à la femme, qu’elle peut obliger son corps pour fait de marchandise : mais il ne s’ensuivoit pas dela qu’elle pût engager sa dot : car le mineur peut bien s’obliger par corps pour fait de mar-chandise, & il ne peut cependant aliéner ses biens.

Les engagemens que comportent avec elle la qualité de marchande publique, ont donné lieu à divers artifices employés en différens temps par les semmes pour parvenir à les éluder. Nous avons un exemple de pareille manoeuvre dans l’espèce d’un Arrêt, rendu en la Grand Chambre le 8 Juin 1753. Le Canu étoit maître menuisier à Rouen, & sa femme étoit courtière de toile ; le Canu se fit recevoir maître mercier, sans cesier cependant de faire la profession de menuisier à boutique ouverte, sa femme faisoit le commerce de toile, quand elle achetoit à crédit, elle faisoit des obligations comme porteresse de procuration de son mari ; mais quand elle vendoit, elle se faisoit faire des billets en son nom : c étoit en son nom qu’elle poursuivoit ses débiteurs & obtenoit des Sentences : elle fut assignée aux Consuls, conjointement avec son mari, il fut déposé un état au Greffe, sous le noi de mari, Il niy avoit pas pour un sou de dettes concernant sa profession de menuisier : toutes les marchandises mentionnées dans cet état, & montant à une somme assez considérable, étoient uniquement pour le commerce de toile qui avoit toujours été fait par la femme. Par Sentence Consulaire, cette femme fut condamnée, & par corps, au paiement de la somme demandée ; sur l’appel, la Sentence fut confirmée par l’Arrét susdaté, confornérrent aux Conclusions de M. l’Avocat-Général de Belbeuf. Le mari avant une profession distincte de celle de sa femme, il n’étoit pas possible de ne pas considérer la femme comme faisant un commerce séparé. Si la qualité de porteresse de procuration avoit pu détruire ce fait, il n’y auroit jamais de marchande publique ; la maîtrife que le mari avoit obtenue ne pouvoit sormer qu’une foible difficulté ; c’étoit un priviléne du niati dont jouissoit la femme, mais qui n’empéchoit pas qu’elle ne fit un commerce totalement étranger à celui de son mari.


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Les moyens de rescision que la Coûtume présente contre les aliénations du bien de la femme, paroissent conformes au droit commun ; j’excepte cette crainte qui doit être telle qu’elle puisse tomber dans un homme constant : ces termes ne doivent pas être pris litteralement, c’est à Juge qu’il appartient d’apprécier le degré de crainte, il doit faire entrer dans son Jugenient l’idée de la foiblesse du sexe ; il suffit qu’il soit prouvé que le mari a mis sa femme dans un péril imminent de la perte de son honneur, ou d’une portion consi dérable de sa fortune, pour faire prononcer la nullité du contrat : j’en dis autant de la violence ; il faut avant que de se décider peser la qualité des personnes & les autres circonstances. Ceux qui voudront avoir une plus ample instruction sur les moyens de rescision en génétal, doivent lire les Loix civiles de M. Domat & le Traité des obligations de M.

Potier .

La prescription de l’action en rescision, ne peut commencer à courir contre la femme dans tous les cas où le mari est garant de l’exécution des contrats, & que les événemens de la rescision doivent retomber sur lui, tant que le mariage subsiste ; le motif est que le pouvoir du mari est un obstacle à l’action que la femme formeroit, & que cette action pourtroit troubler l’union du mariage.

On ; demandé si cette prescription court pendant le-mariage contre la femme civilement separce, quelques-uns ont distingué le cas de séparation contractuelle de celle qui a été ordonnée en justice : ils ont pense que la separation contractuelle ne faisoit point cesser les motifs de crainte & de la puissance maritale, & qu’ainsi on ne pouvoit opposer la Loi de la prescription à la femme separée, en vertu de son contrat de mariage ; mais que le cas de la séparation judiciaire est bien différent la femme alors a procédé directement contre son mari sans craindre son ressentiment, elle l’a fait dépouiller des droits d’administration qu’il tenoit de la Loi ; pourquoi la supposeroit-on apres cela dans l’impuissance de reclamer contre les aliénations faites de son bien 1 pourquoi ne feroit-on pas au contraire com-mencer à courir contr elle la prescription du jour de l’entérinement des Lettres de séparation ; Cependant quelle que puisse être l’espèce de séparation civile, quand la femme habite avec son mari, ne peut-elle pas alléguer pour motif de son inaction, qu’elle craignoit d’altérer la tranquillité qui doit régner entre deux époux, déja aigris par le jugement de séparation. Basnage a raisonné cette question sur l’Article DXxl de notre Coutume, il a rapporté divers Arrêts qui paroissant rendus sur des faits particuliers ne peuvent former une décision générale. L’opinion la plus commune est que la prescription court contre la femme civilement séparée par Justice en faveur de tous ceux qui y sont intéresses, à l’exaeption néanmoins de son mari.


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Comme le Réglement de 16b8, Article CXXVil, en défendant à la femme separée de vendre & hypothéquer les immeubles qui lui appartenoient lors de sa séparation, ou qui lui sont depuis échus par succession, sans permission de Justice & avis de parens, declare que les contrats qu’elle en aura faits sans ladite permistion, pourront être exécutés sur ses meubles & sur le revenu de ses immeubles, apres qu’il sera échu & amobilié, on a mis en question si la femme pouvoit ainsi engaper & aliéner les revenus de sa dot, & Paffirmative a été décidée contre la femme separée, par Artét de l’an 1686. Il semble que quelques favorables que soient les créanciers, il est une Loi premiere & plus ancienne qui veut que la dot des femmes soit considérée comme un bien facré & inalienable : la dot est destinée pour servir à la femme de nourriture d’entretien & d’aliment, & je serois porté à croire que la femme ne peut pas plus aliéner les revenus de sa dot que sa dot même : car la Loi prohibitive d’aliéner, portée contre la femme en état de separation, n’a été faite que pour la précautionner contre sa propre foiblesse, & non pas en faveur de ses héritiers présomptifs.

Si la femme séparée avoit, contre la prohibition littérale du Réglement, aliéné les immeubles, dont il fait mention, du consentement de son mari, & que le prix de l’aliéna-tion eût été employé à payer des dettes urgentes ou colloqué utilement pour elle, on soutient que la femme ne pourroit pas demander la résolution du contrat, ainsi si la femme conjointement avec son mari, constitue sur elle une rente dont le capital ait été converti à la réédification de ses batimens, des que l’emploi est constant, comme il n’a pour objet que la conservation de la chose, le créancier de la rente peut agir directement contre la femme qui n’a, en ce cas, aucun moyen de restitution contre son engagement ; ainsi jugé par Arrêt du a2o Juillet 16yo, rapporté par Basnage sur cet Article. Bérault est d’une opinion contraire, il estime que quand même le prix de l’alienation du bien de la femme lui auroit été utile, la femme peut toujours revendiquer la propriété de son héritage, moins que dûment aliéné, en restituant néanmoins à l’acquereur la somme qu’il a déboursée. On ne doute pas, au surplus que Pacquereur ne soit obligé de justifier de l’emploi au profit de la femme ; on n’ecouteroit pas la femme qui dutant le mariage attesteroit en justice avoir profité des deniers : Arret du 2S Juillet 1576.Bérault .

Bérault rapporte un Arrêt du 18 Juin 16o3, qui condamna une femme séparée à la folle enchere d’un décret, quoiqu’elle alléguât que cette condamnation entraineroit la perte de ses propres, Basnage convient qu’il y a eu un pareil Arrét de son temps ; mais il rapporten Arret du 13 Août 167i, par lequel il fut jugé qu’une femme séparée n’avoit pu engager à une folle enchere sa dot ni sa personne, la folle enchere étoit de s3000 livres ; & on reprochoit aux créanciers qu’ils n’auroient pas du souffrir qu’une femme, dont ils connoissoient la qualité, enchérit une terre d’un si grand prix, si cette question fe décide toujours par ces principes, les créanciers doivent s’opposer à son enchère.

Bérault rapporte des Arrêts des 12 Décembre 1572 & Mars 1626, dont il résulte que la veuve est susceptible des dépens des proces que le mari a soutenu pour l’intérét de sa femme quoiqu’elle n’ait pas été mise en cause, pourvu qu’il ait eu un juste sujet de plaider, & fauf le recours de la femme contre la succession du mari ; mais le même Auteur rapporte un autre Arrêt du 11 Décembre 1608, qui déchargea la veuve de la demande des depens formée par celui qui les avoit dans cette espèce obtenus contre le mari, parce que la femme n’avoit point été partie dans le proces : aussi Basnage conseille d’assigner la femme con-jointement avec le mari.

On a jugé par un Arrét du 21 Mai 1688, que l’on ne peut saisir les immeubles d’une femme séparée pour les dépens d’un Proces ; cet Arrêt a pu intervenir sur un fait particulier ; autrement il faudroit une délibération de parens homologuée en Justice, pour autori-ser une femme séparée de plaider, ou l’assujettir à donner caution du jugé dans les proces de conséquence.