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DXXXIX.

Si le Dot de la Femme a été aliéné en tout ou partie, & que les deniers ne soient convertis à son profit, elle aura récompense du juste prix sur les biens de son Mari, du jour du Contrat de Mariage & célébration d’icelui.

Pour entendre cet Article, il faut distinguer la dot d’avec les autres biens de la femme, & expliquer ensuite l’hypotheque qu’ont les femmes sur les biens de leurs maris, pour la répétition de leurs biens dotaux aliénés par eux. Par la dot, on signifie les biens que la femme apporte en se mariant, pour lui demeurer propres & tenir son côté, & de plus les biens qui lui sont échus par succession en ligne directe, & même le remplacement que le mari a fait des meubles venus à sa femme par succession en ladite ligne, suivant qu’il lui est ordonné par l’Article CCCXC. Tous les autres immeubles qui appartiennent à la femme soit à droit de succession, de donation, d’acquisition ou autrement, suivant l’expression de l’Article DXIII, sont les biens non dotaux, & ausquels il faut appliquer ce qui est statué par ledit Article DXLII.

Quant à l’hypotheque, il est nécessaire de remarquer, qu’avant l’année mil six cens, les contrats de Mariage, quoique sous signatures privées & non reconnus, avoient hypotheque du jour de leur date : Mais s’étant commis plusieurs abus par la représentation de faux contrats de Mariage, le Parlement fit un Réglement en ladite année, par lequel les contrats de Mariage faits sous signatures privées n’ont hypotheque que du jour de leur reconnoissance. Depuis ce temps on ne peut pas dire absolument, que les femmes ayent pour la répétition de leur dot, non remplacée & aliénée par leurs maris, hypotheque du jour de leur contrat de Mariage, & du jour de la célebration d’icelui, comme il est déclaré précisément à la fin de cet Article : car on distingue entre les biens dotaux qui appartiennent aux femmes indubitablement, & par un autre titre que de leurs contrats de Mariage, & entre ceux dont la cause & l’existence confistent dans les promesses faites dans leursdits contrats, soit par les pères, meres ou freres, soit par un étranger, qui se sont obligés de payer une somme de deniers, ou constitués à une rente pour tenir lieu de dot : Gar à l’égard des premiers, hypotheque est acquise du jour du contrat de Mariage, quand il y en a un reconnu ; ou du jour de la célébration, quand il n’y a point de contrat, ou qu’il n’a point été reconnu : Mais à l’égard de la dot, qui n’appartient à la femme qu’en vertu des promesses & des dons qui lui ont été faits par son contrat de Mariage, elle n’en peut prétendre hypotheque sur les biens de son mari, que du jour de la reconnoissance de sondit contrat ou du jour de l’aliénation faite par son mari par un Con-trat authentique, & non pas du jour du contrat de Mariage, ou de la célébration d’icelui.

Basnage a remarqué fort à propos, que de cette hypotheque accordée aux femmes du jour de leurs contrats de Mariage, il en arrive un grand inconvénient, qui est, qu’un mari, aprés avoir vendu ou engagé depuis son Mariage. tous ses biens, peut vendre les biens de sa femme du consentement d’icelle & par cette vente, il ruine le droit de ceux qui ont contracté avec lui, ou comme créanciers, où comme acquereurs auparavant la vente faite des biens de sa femme : car cette femme se faisant séparer, ou aprés la dissolution du Mariage, dépossédera ceux qui avoient acquis les biens de son mari, ou elle sera colloquée au décret qu’elle aura fait de ces biens, ou de ceux qui étoient encore en la main du mari, auparavant tous les créanciers d’icelui posterieurs de son Mariage ; ce qui est une fraude incontestable, & qu’on pourroit néanmoins empécher, en ne donnant aux femmes qu’une hypotheque du jour des contrats d’aliénation faite de leurs biens, en quoi elles ne seroient pas préjudiciées, puisque cette hypotheque n’ayant point l’effet de leur donner une pré-férence, il se feroit ouverture au recours subsidiaire que la Coûtume leur a préparé, pour reprendre la possession de leurs biens aliénés, quand les maris sont insolvables. On a voulu remédier à cet inconvénient, en subrogeant les acquereurs des biens des maris, ou les créanciers des maris antérieurs des acquereurs des biens des femmes, au recours sublidiaire que les femmes ont au cas de l’insolvabilité de leurs maris, pour reprendre la possession des biens des femmes aliénés, ou pour en demander le prix aux acquereurs. Il y en a un Arrêt du 30 Iuillet 168y, rapporté par ledit Commentateur sur cet Article.

Or afin que les deniers qui sont provenus de la vente des biens d’une femme, soient réputés convertis à son profit, aux termes de cet Article, il ne suffit pas que le mari ait déclaré en faisant une acquisition, qu’il la faisoit pour remplacer les biens qu’il avoit aliénés, & que le prix de son acquisition provenoit de la vente des immeubles ayant appartenu à sa femme : Il faut en ou-tre, que la femme accepte ce remplacement, & que de plus il soit suffisant pour l’indemniser ; autrement, elle ne pourroit être obligée de s’en contenter, & elle pourroit demander le juste prix, suivant cet Article : mais d’ail-leurs, si ce remplacement a été parfait, les héritiers du mari ni les créanciers ne le peuvent pas contester, sous prétexte que cette acquisition est de bien plus grande valeur que le prix qu’elle a coûté, & que celui qui étoit provenu de la vente des biens de la femme : car le mari peut faire l’avantage de sa femme, pourvu que cet avantage se fasse sans diminution de ses propres biens Il faut enfin remarquer, que la femme pour faire valoir ce recours qui lui est donné sur les biens de son mari, n’est pas obligée de les décrêter ; elle peut demander, & ses héritiers pareillement, que les héritages qui sont encore en la possession de son mari, lui soient baillés à due estimation, comme il est déclaré par l’Article CXXI dudit Réglement, lequel est limité par deux exceptions. Par la première, les créanciers ou héritiers du mari, peuvent em-pecher cette délivrance demandée par la femme, en lui payant le prix de ses héritages aliénés : Et par l’autre, les créanciers antérieurs peuvent empécher cette même délivrance ou distraction, à moins que la femme n’offre & ne soit prête de leur bailler caution, qu’ils seront payés sur les autres biens appartenans ou ayant appartenu à son mari : Mais d’ailleurs, la femme ne peut être forcée à se servir de la faculté qui lui est donnée par ce Réglement, & de plus, si les acquereurs de ses biens ne voulant pas l’obliger à faire ja discussion des biens de son mari, consentent d’être dépossédés par elle, ils peuvent demander d’être subrogés au droit de la femme, pour se faire donner des biens de son mari, non aliénés, conformément audit Réglement, comme il a été jugé par un Arrêt donné à l’Audience de la Grand Chambre, le s’de Mars 167y, rapporté parBasnage .1


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L’ancien droit François, qui avoit permis l’aliénation des biens des femmes autorisées de leurs maris, n’avoit point pourvu au remplacement du prix de la vente ; une femme victime de la dissipation d’un mari, n’étoit alors que trop souvent réduite à un état de misere & d’opprobre ; la Loi du remplacement est devenue un droit commun dans le Pays coutumier.

La femme peut exiger le remplacement des immeubles de toute espèce, aliénés par son mari durant le mariage, soit héritages, soit rentes foncieres ou constituées, soit qu’il ait reçu volontairement & du consentement de sa femme les capitaux des rentes, soit que ces capitaux ayent été colloqués au profit de la femme, dans le cas du décret des biens du débiteur ; de la dérivent deux maximes importantes.

Tout débiteur ayant à chaque moment la liberté d’affranchir les capitaux des rentes constituées il ne la perd pas par le mariage de la femme à qui de pareilles rentes appartien-nent ; mais l’espèce d’interdiction dans laquelle la Loi met la femme mariée, autorise le débiteur à prendre des précautions pour s’acquitter furement ; aussi, suivant la Jurisprudence des Arrêts, il peut exiger du mari un bon & valable remplacement ou une caution, & en cas de refus du mari, consigner les capitaux. Bérault dit que telle a été l’intention de la Cour, lors du célèbre Arrét du 5 Mai 1541, rendu les Chambres assemblées, sur la modification de l’Edit de François I de 1539, portant faculté de racheter les rentes constituéer sur les Maisons des bonnes Villes. On a jugé la même chose le 12 Mal 1756, en la seconde des Enquêtes, au Rapport de M. de Neuvillette. Poyez cependant nos Commentateurs sur les Articles CCl. & CCLI.

Le Réglement du 15 Juin 1724, a pourvu à la sureté du remploi des capitaux des rentes dans le cas de décret ; il y est ordonne qu’à l’avenir, lors des distributions des deniers provenans des adjudications par décret, où il y aura des oppositions pour rentes hypothe-ques, appartenantes à des femmes mariées ou civilement separées. Les Substituts de M. le Procureur-siénéral seront tenus de requerir & les Juges d’ordonner que les maris ou les femmes civilement séparées, seront obligés pour recevoir, de fournir bon & valable remplacement ou au défaut, bonne & suffisante caution des capitaux des rentes, dont il y aura collocation, lesquelles cautions seront recues par le Juge, en la présence du Substitut de M. le Procureur : Général & des Parties intéressées, ou elles dûment appellées.

On a même jugé, par Arrêts des o Mars 1670 & 18 Juin 1682, rapportés parBasnage , que les débiteurs des rentes constituées, dues & affectées sur des biens de Normandie, étoient en droit d’exiger caution ou remplacement, quoique la femme residât à Paris ou sous une Coûtume étrangere ; c’est une suite de la singularité de notre Jurisprudence, qui ve it que les rentes constituées suivent la condition & la nature des biens qui y sont affectés, sans considération de la personne du créancier.

La femme qui se réserve en se mariant le pouvoir de disposer librement du tiers de ses biens, peut l’aliéner sans espoir de remplacement, & elle n’a pas besoin pour cet acte de l’autorisation du mari : Arrét du 15 Juillet 1666.

Quand le mari a fait une aliénation sujette à remplacement, du prix de laquelle il a amorti une rente fonciere assise sur les biens de sa femme, l’amortissement lui tient lieu de remplacement, lorsqu’il n’y a ni létion ni fraude.

L’hypotheque de la femme sur les biens du mari, pour son remplacement, a fait naître des questions qui ont été solidement discutées par nos Commentateurs. Les Arrêts du Parlement de Paris ont donné l’hypotheque à la femme du jour de son contrat de mariage, tant pour le remplacement des alienations, que pour les indemnités qui lui sont dues : le motif de ces Arrêts est que la personne de la femme & ses biens sont sous la tutelle du mari ; & que comme le mineur a non-seulement hypothéqué sur les biens de son tuteur, du jour de sa mauvaise administration, mais de l’institution de la tutelle ; ainsi la femme a hypotheque du jour de son contrat de mariage, qui l’a constituée sous la puissance de son mari : c’est le raisonnement de leBrun , en parlant de l’in demnité, il dit que la femme, pour sa libération des obligations qu’elle a contractées avec son mari pendant le mariage, a one hypotheque légale qui remonte au jour du contrat de mariage, comme celle du pupille, du jour de la tutelle. On trouve un raisonnement contraire dans le Journal du Palais, Tome 1 : n Cette Jurisprudence, y est-il dit, a néanmoins de grands inconvéniens, il peut arriver qu’un mari ayant depuis son mariage contracté seul beaucoup de dettes, auquel ses biens sont hypothéqués, si postérieurement il vient à vendre les propres de sa femme & en 2 n consumer le prix, cette femme rendra inutiles les hypotheques des créanciers quoiqu’ann térieurs. En un mot, le mari pourra mettre à couvert le prix des propres de sa fem-n me, & sa femme, d’un autre côté, garantira les biens de son mari de l’hypotheque des n créanciers particuliers. n Quel trouble dans le commerce de la société, qui ne subsiste que par la bonne-foi & la facilité de l’engagement On suivoit en Bretagne la Jurisprudence de Paris, d’Argentré la fit changer ; & par l’Article OCocxxxix de la Coutume réformée, l’hypotheque ne court sur les biens du mari que du jour de l’alienation de ceux de la femme. Hie articulus novi juris est monente me additus, cum graves supe controversias motas de co meminissem, & diversa judicatu pariint prond Themide & has dubitationes fusé in commentariis exegi, quia ex eo tempore quo muLier alienationi rei suc consensisset, obligatio recompensationis legalis inter virum, S uxorent nexa videretur, &c.

Je ne puis me faire entendre clairement sur cette partie de notre droit, qu’en distinguant la dot constituée en deniers, que le mari a recus, de la dot qui consiste en immeu-bles que la femme possedoit au temps du mariage, ou qui lui sont depuis échus en ligne directe ; & j’observe préalablement que les traités de mariage, sous signature privée, n’ont hypotheque que du jour qu’ils ont été reconnus devant Notaires ou Tabellions, quand la dot est en argent : Réglement de la Cour du 16 Mars 1600. Lors donc que le contrat de mariage est authentique, la femme, pour le remplacement de la dot que son mari a recue a hypotheque du jour de son contrat sur les biens de son mari, & elle est préférée à toux ses créanciers postérieurs.

Nous avons donné à la femme la même hypotheque pour le remplacement de l’aliénation de ses fonds dotaux, & nous avons mis dans le même ordre les immeubles échus à la femme, en ligne directe, suivant l’Arrêt du 1o Mars 1690, quand même le Contrat seroit sous signature privée ; c’est ce qui facheBasnage , & il ne paroit pas avoir tort : voici son raisonnement.

Puisque par l’Article DXL, les femmes ont droit de reprendre leurs biens des mains des acquereurs, lorsque leurs maris sont insolvables ; l’effet rétroactif que l’on donne à l’hypotheque qu’elles ont sur les biens des maris, ne profite qu’aux acquereurs des biens dotaux, en les préférant aux créanciers des maris postérieurs au mariage : or, les acquereurs des biens de la femme ne méritent pas plus de grace en acquérant d’une personne qui n’est pas maitresse de ses actions, & qui ne peut vendre que sous la condition indispensable de ne perdre rien, que des créanciers, des acquereurs qui contractent avec le mari, qui est le maître absolu de ce qu’il vend, & qui n’est assujetti à aucune récompense. l’avoue qu’on ne peut rien dire de plus pressant ; mais la Jurisprudence est contraire : nous avons cependant taché de remédier au vice de cette disposition, en accordant aux éréanciers & acquereurs du mari, une subrogation à l’hypotheque de la femme.

Mais dans les Coutumes qui n’admettent point comme la nôtre, le recours subsidiaires par exemple, dans la Coutume de Bretagne, les femmes ne courent-elles pas sans cesse le risque de perdre leur dot, si elles n’ont hypothequesur les biens du mari que du jour de l’aliénation de ceux qui leur appartiennent. Supposez un mari prodigue & qui ait commencé par dissiper tous ses immeubles il parviendra par l’ascendant que lui donne l’au-torité maritale, à contraindre sa femme de se dépouiller de son propre patrimoine ; quelle sera dans la suite sa ressource I ce qui pourrcit passer parmi nous pour un exces de précaution, n’ayant point été employé dans ces Coutumes, indique un défaut de prévoyance.

La femme ou ses héritiers, peuvent, en Normandie, demander que partie des héritages affectés à sa dot, non aliénés, leur soient donnés à due estimation pour le paiement de la dot, & ils ne sont pas obligés de les faire saisir & adjuger par décret ; mais les héritiers ou créanciers du mari ont la liberté de payer la dot pour faire cesser l’envoi en possession Article Cxxl du Reglement de 1686. Basnage ajoute que la femme est recevable, même apres l’interposition du décret des biens du mari, à s’opposer en distraction, parce que les créanciers y gagnent les frais de Treizieme & de Consignation.

Mais ce même Commentateur soutient que la distraction n’a point lieu, quand il y a plusieurs créanciers antérieurs à la dot, & il cite l’Arrêt contre la Dame de Boursault : cette Dame avoit été subrogée à la saisie en décret des fonds de son mari, consistant dans les terres du Bois-Baril & d’Eraines ; elle demanda que du nombre des héritages saisis, il lui en fut délivré jusqu’à concurrence de ses deniers dotaux. Auparavant qu’on eût prononce sur cette Requête, outre la première enchere que la Dame Boursault avoit mise, lors de la première adjudication, elle enchérit encore, à son profit particulier, aux Assises suivantes : elle fut depuis déboutée de sa Requête, dont elle n’appella pas sur le champ ; mais au jour de la derniere adjudication, elle déclara qu’ayant été refusée de sa Requête, sur l’allégation des créanciers, que l’estimation des terres se feroit difficilement, elle consentoit de prendre une terre sur le prix de l’adjudication, & qu’en cas que les créanciers antérieurs ne fussent pas colloqués sur le surplus, tout alors demeurât décreté. Les créanciers ayant contesté sa demande, la Dame Boursault eppella de la Sentence qui l’avoit déboutée de sa Requête en distraction, sur l’appel, par Arrêt en la Grand Chambre du 19 lanvier 167a, la Sentence fut confirmée ; & néanmoins ayant aucunement égard à ses offres, il fut dit qu’il lui seroit délivré des héritages jusqu’à concurrence de sa dot, en payant dans trois mois les créanciers antérieurs à la dot en deniers comptans, & que jusqu’à ce elle ne pourroit entrer en possession des héritages.

Cet Arrêt a fait naître une difficulté au Parlement de Paris ; la Dame de Mailloc a prétendu que la veuve qui a acquis sur la succession de son mari, dont les biens sont saisis réellement, des droits de créanciers antérieurs à sa dot, peut répêter en fonds de la succession de son mari le prix de sa doi & le prix des droits de créanciers qu’elle a acquis.

Trois Avocats célebres du Parlement de Normandie, MM. Pigache, le Gros & Thouars, étoient d’avis que la prétention de la Dame de Mailloc n’étoit pas juste, ils disoient qu’il resultoit deux choses de l’Arrét de 1674 ; la premiere, que la femme ne pouvoit avoir distraction de fonds au préjudice des créanciers antérieurs ; la seconde, qu’en payant elle au-roit du fonds jusqu’à concurrence de su dot, & non jusqu’à concurrence de cette dot ( des droits des créanciers antérieurs, ce que la Dame de Boursault ne demandoit pas ; ils ajoutoient que les priviléges particuliers attachés à la dot, ne peuvent passer a des droits de créanciers acquis par la femme, l’intéret de l’héritier du mari, de ses lignagers, des Seigneurs & des créanciers s’y oppose ; celui de P’héritier qui ne peut être déposséde par les créanciers hypothécaires, auxquels la femme est subrogée, que par une saisie réelle, suivie d’une adjudication finale ; les lignagers, parce qu’ils seroient privés du retrait lignager ; les Seigneurs, parce qu’ils eroient privés du Treizieme & du Retrait féodal ; les créanciers pos-térieurs, parce qu’ils seroient privés du droit d’encherir à leur profit particulier, suivant ce qui est prescrit par les Articles DLXXXIl, DlxxxIIl, Dixxxiv & DixxxV de la Coutume. La femme subrogée aux créanciers antérieurs a sa dot, aura bien les mêmes droits qu’eux, mais dispensée par un privilége particulier de décreter pour dot elle n’en peut être dispensée pour les créances non privilegiées qu’elle acquiert : cette consultation est sans doute réfléchie ; mais la Dame de Mailloc produisit un acte de notoriété du Parquet du Parlement de Roüen. MM. les Gens du Roi déclaroient qu’en conséquence de l’Article Cxxr du Réglement de 1686, que le Parlement de Normandie, à l’effet de procurer à la femme la conservation de sa dot a autorisé & autorise la veuve de demander & de se faire délivrer des fonds situés en Normandie, de la succession de son mari, a due estimation, pour le paiement des créances antérieures à son contrat de mariage, sans qu’il soit besoin de les faire saisir & adjuger par décret. Par Arrêt du Parlement de Paris du 23 Juillet 1736 il fut ordonné qu’il seroit distrait des fonds de la saisie réelle, lesquels seroient délivrés à la Dame de Mailloc jusqu’à concurrence des créances qu’elle avoit acquises ; mais il n’y a point d’Arrét qui décharge la femme du treizieme de l’estimation des fonds qui lui sont délivrés au droit des créanciers hypothécaires.

On a jugé en l’Audience de Grand’Chambre, par Arrét du 2 Juillet 1751 contre le sentiment deBasnage , sur une opposition formée par la femme au décret des biens de son mari, qu’ello auroit pour le paiement de sa dot distraction de fonds, à ses obéisiances de faire porter sur le restant des biens de son mari, le créancier saisissant, qui étoit anterieur à sa dot.

Comme le privilége de l’Article Cxxl du Réglement de 1688, est acquis à la femmeu moment de la dissolution du mariage, les héritiers du mari ne peuvent vendre les biens de sa succession au préjudice des droits de la femme, il suffit que ces biens ne soient pas aliénés au temps de son déces ; la femme peut alors conclure l’envoi en possession contre. les héritiers du mari, lequel sera exéeuté nonobstant l’opposition des acquereurs, par la regle qu’un tiers ne peut préjudicier par son fait à un droit qui nous appartient en vertu de la Loi, & sous la condition qu’elle suppose

Mais quoique la femme ait demandé la distraction, elle peut abandonner cette demande, en payant les dépens qu’elle a occasionnes, & ensuite decreter ou se présenter à l’état, si les biens du mari ont été décretés sur la poursuite d’un tiers.