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DXI.

Et où la Femme ne pourroit avoir sa récompense sur les biens de son Mari, elle peut subsidiairement s’adresser contre les Détenteurs dudit Dot, lesquels ont option de lui laisser, ou lui payer le juste prix, à l’estimation de ce qu’il pouvoit valoir lors du décès de son Mari.

Ce recours de la femme contre les acquereurs, est avec raison appellé subsidiaire, puisqu’il ne lui est donné qu’aprés qu’elle a fait ou offert de faire la discussion des biens de son mari ; ce qu’il faut entendre des biens qui sont en Normandie, & non de ceux qui sont fitués ailleurs. Au reste, ce recours est donné aux femmes, quand les rentes qui leur appartenoient, ont été racquittées à leurs maris ; car ce racquit est une espèce d’alienation : si donc la femme n’y a pas consenti, elle peut s’adresser directement aux débiteurs qui l’ont fait, pour leur demander la continuation de la rente, comme n’ayant pas été valablement acquittée : Mais si elle a donné son consentement au racquit, elle n’a que la récompense sur les biens de son mari, & le recours subsidiaire de cet Article. Dont il s’ensuit, que les débiteurs des rentes dües à une femme mariée, pour en faire le racquit avec sureté, peuvent & doivent deman-der caution au mari, ou un remplacement suffisant du capital des rentes, & cependant ils peuvent obtenir permission du Juge de garnir les deniers entre les mains d’une personne solvable, ou du dépositaire public. Il a néanmoins été jugé, par un Arrêt du a de Mai 18t4, rapporté parBérault , qu’une veuve ne pouvoit répêter sur les débiteurs une rente par eux racquittée à son mari, à qui elle l’avoit donnée pour don mobil, par son contrat de Mariage, signifié aux débiteurs, bien que cette veuve fit voir évidemment, que sa donation étoit excessive & contre la Coûtume.1


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Justinien , dans la Novelle ôt, régarde comme des cautionnemens & intercessions les aliénations que les femmes font de leurs biens quand les maris sont insolvables ; & suivant ce principe, elles sont nulles malgré l’intervention de leur consentement. Quoique notre Coûtume les qualifie valables en cette espèce, elles ont toujours une condition tacite & subordonnée à la solvabilité du mari.

Le Statut contenu dans cet Article est purement réel, de même que celui des successions des partages, des donations, & des formalités prescrites aux aliénations des biens des femmes séparées ou des mineurs : Car s’il falloit, pour l’aliénation des biens de la femme, se conformer à la Loi du domicile, on renverseroit les dispositions textuelles & précises des Coutumes de la situation. DuMoulin , C. de Summa Trinit verb. Conclusiones de Statutis, est d’un sentiment contraire ; aprés avoir tracé un portrait des Normands, qu’il auroit pu y’épargner, il décide que le Statut est personnel, & qu’une femme domiciliee à Paris ou dans les autres endroits où les femmes sont traitées plus doucement qu’en Normandie, peut aliéner irrévocablement ses fonds situés en Normandie, quand même le Contrat y seroit fait. Si la capacité de contracter suit la Loi du domicile, les restrictions que notre Coûtume apporte à la vente des biens des femmes, telles que l’obligation du remplacement & l’action subsidiaire, sont des dispositions purement réelles & indépendantes du domicile des conjoints. Aussi Bérault rapporte un Arrét de ce Parlement du 2o Décembre 160y, par lequel il fut dit qu’un créancier n’avoit pu, en vertu de l’obligation de la femme mariée & domiciliée à Paris, & d’une condamnation du Parlement de Paris, donnée contre elle & son mari, décreter ses biens dotaux, situés sous le district de la Cou-tume de Normandie, & la saisie fut cassée par le même Arrét. Nous avons dans le Journal des Audiences, Tome S, Liv. 7, Chap. 47, un Arrêt rendu le 12 Juin 1717, en la seconde Chambre des Enquêtes du Parlement de Paris, au Rapport de M. de la Guillaumie, qui est conforme à celui de 1607. Il a été jugé, par ce dernier Arrêt, qu’une fem-me originaire de Paris, mariée suivant la Coutume de Paris, avec dérogation à tout autre, & domiciliée à Paris, ne peut hypothéquer pandant son mariage les fonds qu’elle possede en Normandie, & que les enfans, ses héritiers, soit bénéficiaires ou purs & simples, peuvent exciper des mêmes moyens dont elle auroit pu se défendre, & qu’on ne leur oppose pas valablement le défaut de Lettres de rescision : c’est l’Arrêt rendu en faveur des héritiers de la Dame Maillet, contre MM. le Pelletier, l’un Ministre d’Etat, & l’autre Conseiller d’Etat ordinaire, Directeur général des Fortifications de France, & contre les sieurs le Texier, le Vacher & le Vasseur.

L’estimation doit être faite par rapport aux fonds dotaux, eu égard au temps de la dissolotion du mariage, parce que c’est de ce temps que l’action de la femme, en répétition de dot, est ouverte ; & que si l’on s’arrétoit au prix de l’aliénation, le mari pourroit le déguiser dans le Contrat, & n’en employer qu’une partie ; c’est le raisonnement de M. l’Avocat-Général Chauvelin, dans une cause sur ce Titre, suivi d’un Arrét conforme du 20 Mai 1710, rapporté dans le second volume d’Augeard , édition de 1756.

La Goutume, en disposant que l’estimation des biens dotaux se fera, eu égard à leur valeur, au temps du déces du mari, a supposé le cas le plus ordinaire : car Bérault rapporte un Arrêt du 27 Juin 1G1y, qui décide que l’estimation se feroit, eu égard au temps de la séparation civile.

Au reste cette estimation a lieu, soit que la femme agisse contre les détenteurs de son bien ou contre les héritiers de son mari ; mais quand il est question du remplacement d’une rente, il n’est pas besoin d’estimation, c’est le capital qu’il faut remplacer. Aussi, par Arrét du Parlement de Paris du à Septembre 176o, à la pluralité des deux tiers de voix, il a été jugé que le mari qui avoit vendu une rente de 45o livres, due a sa femme par les Etats de Bretagne, au denier 50, devoit rembourser à ses héritiers 2250o livres, quoiqu’il fût constant, suivant le cours de la place, au temps de l’alienation, que le mari n’en avoit recu que 8ooo livres, & qu’il en offrit o000 : on citoit, en faveur des héritiers de la femme un pareil Arrêt, au Rapport de M. l’Abbé Macé, du premier Septembre 1152 Les acquereurs des biens de la femme étant inquiêtes ont l’exception de la discussion la nécessité de la discussion est fondée sur la validité de l’aliénation, des que les acquereurs ont acquis la propriété des biens de la femme en vertu d’un Contrat que la Coutume autorise, il est juste que la femme dirige d’ebord son action sur les biens du principal obligé qui est le mari, auparavant de déposséder les acquereurs ; mais ile doivent indiquer à la femme des meubles du mari exploitables, & ses fonds par bours & côtés pour être décretés à leurs perils & risques ; & parce qu’en cas qu’elle ne soit pas entièrement payée, les acquereurs lui rembourseront ce qui restera dû apres la perfection du décret ou lui abandonneront les immeubles qui lui apparteroient ; la femme n’est obligée de difeuter que les biens de son mari, situés en Normandie : Arrêts des 23 lanvier 16ob & 20 Mars 1618.Bérault .

Quand la succession du mari est notoirement insolvable, la femme doit être déchargée de la discussion : Arrét du 2o Juillet 1595. ihid. Cependant Basnage rapporte un Arrét du Is Mars 16ûr, qui condamne la femme à discuter, quoique la femme eût fait plaider que les frais absorberoient la valeur des fonds du mari : il faut penser que le fait f-t hagardé, sans preuve ; quoiqu’il en soit, il seroit à propos, dans de pareilles circonstances, & sur-tout si la femme est pauvre de contraindre des acquereurs entétés de garir des deniers pour les frais des diligences, puisqu’ils forment cette exception.