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DXLIV.

Et où la Femme seroit poursuivie pour méfait ou médit, ou autre crime, son Mari en sera tenu civilement, s’il la défend ; & s’il la défavoue, & elle est condamnée, la condamnation sera portée sur tous les biens à elle appartenans, de quelque qualité qu’ils soient, si les fruits n’y peuvent suffire.

Quoique la femme mariée ne puisse pas régulierement se présenter en Jugement, soit pour demander, soit pour défendre, qu’authore & consentiente ma-rito, elle peut se faire autoriser par Justice pour cet effet, quand son mari refuse sans cause son consentement ou son autorisation. On fait différence pour cet égard, entre les matieres civiles & les criminelles : dans les civiles, si la femme autorisée par le Juge pour la poursuite ou défense de ses droits, perd fa cause, le mari peut être exécuté pour le payement des condamnations jugées contr’elle ; parce que la jouissance que le mari a des biens de sa femme l’engage à en payer toutes les charges & dettes, suivant l’opinion deLoyseau , qu’il prouve au second Livre du Déguernissement, chap. 4. n. 16, 17 & 18, laquelle opinion est suivie en Normandie : mais en matiere criminelle, si le mari défavoue fa femme, il n’est pas tenu personnellement des condamnations. jugées contr’elle, sinon jusqu’à la concurrence des fruits du bien de sa femme, quasi actione de peculio : & si ces fruits ne sont suffisans, les condamnations. pourront être exécutées même sur les biens dotaux, quand elles ont été jugées pour crime de la femme, ou sur les autres biens que la dot, si la femme succombe en l’accusation qu’elle a faite conformément à la distinction faite dans ces deux Articles. Par un Arrêt du 8 d’Août 16o9. rapporté parBérault , il a été jugé, qu’un mari ne pouvoit être poursuivi pour le payement des condamnations jugées contre sa femme, pour cause de crime précédente le ma-riage, sinon en tant qu’il étoit saisi de biens à elle appartenans : Quoique régulierement, qui épouse la femme, épouse les dettes ; c’est-à-dire, s’engage à les payer.1


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Ces deux Articles supposent que le mari défavoue sa femme qui poursuit la réparation des outrages qui lui ont été faits, ou qui, pour de pareils objets, est elle-même tra-duite en Justice ; dans ces circonstances les biens des femmes, de facrés en quelque sorte qu’ils étoient rentrent dans le commèrce ; la dot même, dans le cas de l’Article DXIIV. n’est pes à l’abri de Paliénation ; mais notre Coûtume paroit contraire au droit généralement établi par les autres Coûtumes, qui ne permettent pas que les amendes & les réparations civiles prononcées contre la femme se prennent sur ses immeubles au préjudice de la jouissance du mari, tandis que la communauté subsiste. Poyer lePrêtre , Cent. 2, Chap. O8 ; leBrun , de la Commun., Liv. 2, Chap. 2, Sect. 3, & Liv. 3, Chap. 2, Sect. 1, distinct. 11 ;Dupont , sur Blois, Article CLXXVIII, la Lande sur Orléans, Article CC ; note Il, surDuplessis , de la Commun. ;Ferriere , Article CCXXIII, Gl. 2, n. 68, & Article CoxxIV, Gl. 1, in fine.

La Coûtume de Bretagne, Article DCLVII, dispofe que le mari est tenu de réparer civilement le forfait que sa femme feroit sur les biens de leur communauté. On a jugé en conséquence, par Arrét du Parlement de Rennes rendu le 7 Octobre 1682, à l’Audience de Tournelle, que le mari est tenu de tous les événemens d’une plainte injurieuse, mise par sa femme & aux dépens de l’Instance. Le motif de ce Jugement disent les Auteurs de cette Province, est que si le mari est tenu de réparer une injure verbalement proférée par sa femme, il est dans une obligation plus étroite de le faire, lorsque l’injure aura été rédigée par écrit dans une accusation calomnieuse ; Cout. gén. du Duché de Bret. Tome 3, Tit. 25, Article DeLVII. Ces décisions ont du rapport avec notre Coûtume : mais elles sont également contraires au droit commun. Voyer les Coutumes du Maine & d’Anjon.

La femme quoiqu’en puissance de mari peut être contrainte par corps au paiement des dommages & intérêts contr’elle adjugés, pour raison d’exces qu’elle auroit commis. On ne sçauroit croire combien, dans cette circonstance les Loix Romaines montrent de petitesse : on en est convaineu aprés la lecture de la Loi premiere, au Code Théodosien de offic.

Judic. 0. 1. & de la Novelle 134 deJustinien . La raison de décider contre la femme se présente aisement ; les délits sont personnels, les avantages de la société sont préférables à ceux d’un particulier ; les dommages & intérêts tiennent lieu de réparation & de satiefaction. de l’offense qu’on a reçue, ils doivent donc s’exécuter par corps comme toutes autres réparations en matiere criminelle : ainsi jugé par Arrét du Parlement de Paris du s Juin 1671.

On a jugé, par Arrét du Parlement de Rouen du 23 Juin 1679 en la Chambre de Tournelle, qu’une femme peut être contrainte par corps pour les dépens résultans de crime mais la Cour accorda une surséance d’un mois de la condamnation par corps, quia cum debeantur propter litem, censentur deberi propter crimen.

Le mari ne peut pas touiours défavouer sa femme dans l’espèce de l’Artiele DXIIV ; car si le mari est participe du délit de sa femme si étant présent, il ne l’a point réprimée, il est juste qu’il siste en jugement avec elle & qu’il soit tenu des condamnations,Bérault . il en doit, ce semble, être de même quand le mari a préposé sa femme à une fonction publique, & qu’on se plaint contr’elle d’injures réelles ou verbales à l’occasion de cette même fonction : Arrêt du 7 Mai 1757.

La maxime si connue, qui épouse la femme épouse les dettes n’est pas sans exception, comme l’annonce M. Pesuelle. L. eBrun , de la Communauté, Liv. 2, Chap. 1, n. 17 & 18, Sect. 5, soutient que le mari n’est point obligé d’acquitter une obligation contractée par la femme sous signature privée avant le mariage ; car il n’étoit pas impossible au créancier de prévoir que sa débitrice pourroit se marier, & par cette raison de se procurer une livpotheque & une date certaine ; au lieu qu’il seroit impossible au mari d’empécher la femme d’antid-ter des billets, & elle seroit la maîtresse de sa fortune. Par Arrêt du 2 Mars 1629, rapporté parBasnage , P’héritier du mari a été déchargé d’une obligation sous le seing privé de sa femme, quoiqu’accompagnée d’une date antérieure au mariage.