Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.
DLII.
Le tiers Acquisiteur ayant joui par an & jour, ne doit être dépossédé pendant le Décret, en baillant caution de rendre les fruits, depuis la Saisie jusqu’au jour de l’Etat.
Les fermiers ou locataires & les acquereurs, doivent continuer leurs jouissances, nonobstant la saisie en Décret ; ce qui est décidé par la Loi in venditio-mem, S. 2. ff. De rebus authoritate Judicis possidendis, en ces termes : Nam si jam à debitore, vel locatum erai, vel venieral L Predium ) servabit Proetor locationem à debitore factam, etiam si minoris locatum, vel distradtum sit nisi si in fraudem creditorum hoc fiat. La raison de cette décision, qui est suivie en ces deux Articles, est pour épargner les frais, & exempter le saisi, autant qu’il est possible, des intérêts d’éviction que pourroient prétendre contre lui l’acquereur & les fermiers, au cas de leur dépossession : Mais ces fermiers ou loca-taires sont tenus de payer leurs fermages, comme dépositaires de deniers de Justice ; c’est-à-dire, qu’ils y sont condamnables par corps ; par l’Article DII parce qu’ils ne jouissent plus comme fermiers de leur bailleur, mais comme fermiers judiciaires : Ce qu’il faut entendre pendant le temps du Bail ; car apres, le fermier peut refuser de le continuer, auquel cas le décrétant sera tenu de faire établir un Commissaire. D’autre part, les acquereurs, qui sont maintenus en leur jouissance pendant le Décret, doivent bailler caution de rendre les fruits : c’est-à-dire, la valeur d’iceux, depuis la saisie jusqu’au jour de l’etat, par l’Article DLII qui requiert que l’acquereur ait joui par an & jour avant la saisie, parce que ce temps de possession combat la présomption de fraude, c’est-à-dire, empèche qu’on ne lui puisse objecter vrai-semblablement, que son acquisition n’a été faite que pour frustrer les créanciers de son auteur. Or les fermiers ne peuvent refuser d’exécuter leur bail, qui a son effet pendant le Décret, la Coûtume leur imposant cette obligation : ce qui se pratique soit que le bail soit par un prix d’argent, ou de partie des fruits, comme il a été jugé parun Arrêt du 2é6 d’Octobre 1598, rapporté parBérault . Mais aprés que le Décret est parfait, l’adjudicataire n’est pas obligé siare locationi à debitore fade, il peut déposséder le fermier, sauf le recours du fermier contre son bailleur.1
Sed quid ; L’acheteur, par une vente volontaire, peut-il déposséder le fermier ou le locataire ; Il semble qu’il ne le peut, parce qu’il n’a que le même droit qu’avoit son vendeur, en la place duquel il est entré en vertu du contrat d’achat. Néanmoins le contraire a été jugé par plusieurs Arrêts rapportés sur cet Article, à moins qu’il n’y ait une clause dans ledit contrat, par laquelle il se soit obligé d’exécuter le bail fait par le vendeur. Le propriétaire d’une maison de la Ville, peut déposséder le locataire, pour y venir demeurer lui-même, en dédommageant. Ce dédommagement s’estime diversement a Paris, on condamne le bailleur à payer le prix d’un, de deux ou de trois termes, ce qu’on estime, suivant la qualité du locataire, & le temps qui reste du bail ; mais en Normandie, c’est de trois années une de laquelle le prix est baillé au locataire. Cela n’a pas lieu à l’égard des baux des fermes de la campagne ; on ne peut déposséder les fermiers, pour faire valoir par ses mains.
VoyezLouet , L. 4.
Bérault remarque qu’il est étonnant que le fermier du décreté soit obligé par corps à l’entretien de son bail & au prix du fermage, & qu’il puisse être expulsé par l’adjudicataire.
Bruneau dit qu’il a été jugé par Arrét du Parlement de Paris que l’on ne pouvoit contraindre les fermiers à convertir leurs baux conventionnels en judiciaires ; maisBardet , Tome 2, Liv. 8, Chap. 29, rapporte un Arrêt du même Parlement contraire à celui cité par Bruneau ; & Brillon observe que la derniere Jurisprudence est conforme à l’Arrêt deBardet .
Forget excepte deux cas : si le bail est fait à vil prix & en fraude des créanciers, ou si le fermier ne cultive pas en temps & saison, ou commet des dégradations.
Cette question est terminée par l’Article Xl du Réglement que j’ai cité sous les Articles précédens, aprés qu’il a résulté de l’Article X, que les fermiers & locataires des fonds saisis qui voudront faire convertir leurs baux conventionnels en baux judiciaires, feront, dans un délai marqué, leurs soumissions de payer entre les mains du Commissaire aux Saisies réelles. Il est dit dans l’Article XI : les baux des fermiers & locataires qui feront leur n foumission dans ledit temps, seront convertis en baux judiciaires & sera de suite procén dé, au jour qui sera indiqué par la publication, à l’adjudication des autres biens saisis, dont les fermiers & locataires n’auroient passé leur soumission dans le délai prescrit ; ainsi les fermiers n’ont plus à craindre que l’on convertisse malgré eux leurs baux conventionnels en baux judiciaires.
Le tiers-acquereur d’un fonds compris dans la saisie qu’il a possedé par an & jour, doit continuer d’en jouir pendant l’Instance du décret : mais cette possession ne lui acquiert irrévocablement les fruits que quand il en obtient la distraction définitive ; on lui en laisse la per ception provisoire, à charge de rendre compte ; cette Jurisprudence obvie aux frais des baux judiciaires, est favorable au saisi, & est encore fondée sur la présomption qu’un fermier veilleroit avec moins d’attention au soin & à la conservation des fonds que l’acquereur, qui a toujours une derniere ressource dans le retrait à droit de Lettre-lue.
La Jurisprudence autorise l’acquereur par Contrat volontaire à déposséder le fermier, quand même son bail seroit authentique, s’il n’y a point de clause précautionnée dans le Contrat de vente. Forget rapporte un Arrét contraire du 28 Avril 1526. On pourroit ajouter en faveur de cet Arrêt, que l’intention du vendeur, en se dessaisissant de son fonds, n’a pas probablement été de faire naître contre lui une action en dommage & intérets : on ne fuit ce-pendant pas l’Arrêt rapporté parForget .
La réconduction tacite dure a la campagne suivant les sols du Pays, le Grand sur Troyes, Article Br, Gl. 4, n. 11 ; elle est ordinairement de trois ans en Normandie ; mais s’il s’agit d’un herbage qui n’exige aucun soin du fermier le propriétaire peut lui notifier son conge, quoique l’année, depuis la révolution du bail, soit commencée, pourvu que ce soit dans un temps où il n’a pas pu commencer de jouir. Il en est de même si le propriétaire a reclamé avant l’expiration du bail d’une terre labourable ; car sa reclamation étant constante, on peut forcer le fermier de quitter la terre, quoiqu’ensemencée, en remboursant les frais de labours & semences : Arrêt du 1a Juillet 1747.