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DLIX.

Aux prochains Pleds ensuivans la certification, sera procédé tant au passement & interposition du Décret, au préjudice du décreté, & de tous autres absens & non contredisans qui pourroient prétendre droit, qu’à la réception des encheres & rencheres, & jour assi-gné aux prochains Pleds, pour être procédé à l’Adjudication d’icelles ; & seront tenus les Opposans dans la quinzaine aprés l’Adjudication, mettre leurs oppositions au Greffe, afin d’être communiquées aux Opposans, & colloquées par le Greffier, selon l’ordre de priorité & postériorité, sur peine d’éviction.

Cet Article ne s’observe pas à la lettre, ni quant à sa premiere partie, ni quant à sa fin. Car il est d’un usage constant, que le décrété peut en quelque temps que ce soit avant l’adjudication finale, faire cesser le Décret, ou en payant, ou en justifiant que la dette pour laquelle le Décret a été entrepris, n’est pas dûe. Il est de plus certain que les opposans qui n’ont pas mis leurs oppositions au Greffe, quinze jours aprés l’adjudication, ou plutôt avant Touverture de l’état, ne sont pas évincés de leurs demandes : mais qu’au contraire, ils sont recus à s’opposer jusqu’à la clôture de l’état ; mais iis peuvent être condamnés aux dépens, quand leur negligence a causé quelque retardement, & de plus, ils ne peuvent empecher l’exécution des Jugemens donnés avant qu’ils se soient présentés, sur les oppositions des autres créanciers : quoique posterieurs en liypotheque, comme il est attesté par l’Article OXXLI dudit Réglement de 16bd, outre que cet Article se doit entendre, avec la limitation portée par l’Article DLXXVIII, qui dispofe que le Décret ne peut être fait au préjudice des rentes seigneuriales, foncieres & anciennes, comme il sera plus amplement expliqué.1


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L’interposition du décret a d’i rapport avec le congé d’adjuger des autres Coutumes, ou plutôt avec la disposition de l’Edit de 1551. On appelle congé d’adjuger le jugement qui porte que le bien faisi sera vendu & adjugé au quarantieme jour, au plus offrant & dernier enchérisse ir, en la manière accoutumée, & qu’à cet effet, les affiches seront apposées aux lieux où on a coutume d’en mettre. L’interposition du décret est, en Normandie, un act : par lequel le Juge expose les héritages en vente, reçoit les encheres & ren-cheres, & procede à l’adjudication dans le cas de la saisie d’un Fief noble, ou renvoie l’adjudication aux prochains Plaids, quand il s’agit de la saifie de fonds roturiers ; au lieu que par le jugement, portant congé d’adjuger, on ne recoit aucune enchere : on fixe seulement le délai de l’adjudication.

Les Auteurs qui ont écrit sur la Vente forcée des immeubles, divisent en cinq espèces différentes les oppositions au décret ; la premiere, asin d’annuller par la partie saisie qui propose des moyens de nullité, soit par rapport au fond soit par rapport à la forme du décret ; la seconde, à fin de distraire, quand un tiers prétend qu’on a compris quelque partie de son bien dins la saisie réelle ; la troisieme, à fin de charge quand un tiers soutient que le bien décrété est chargé envers lui d’une rente, d’une servitude ou de quelqu’autre droit ; la quatrieme, à fin de conserver, qui se forme par le créancier de la partie saisie, pour être payé de ce qui lui est du sur le prix qui proviendra de l’adjudication des biens décrétés, & pour être conservé dans tous ses droits, priviléges & hypotheques ; la cinquie-me, en sous-ordre, qui est formée par le créancier d’un créancier opposant au décret, qui demande à être payé de ce qui lui est dû, sur ce qui reviendra à son créancier de sa collocation utile : ceci est extrait de M. deHéricourt , Tome ;, chap. 13, Sed. 4. Voyes cepen-dant le Maître,Gouget , &Bruneau .

Notre Coûtume prescrit aux opposans de mettre dans la quinzaine de l’adjudication, leurs oppositions au Greffe, afin d’être communiquées aux opposans, & colloquées par le Greffier, selon l’ordre de priorité & de postériorité, à peine d’éviction. La sagesse de cette dis-position fe laisse appercevoir presque sans examen, elle tend a simplifier l’état & la distribution de ; deniers ; état dont les frais sont tres-considérables dans la plupart des Jurisdie-tions de la Province, maluré la vigilance de la Cour à contenir dans les bornes de la modération les Officiers de son ressort : il semble que cette disposition étoit faite pour être observée à la lettre ; mais les abus prévalent.

Le Réulement pour l’administration de la Justice, ci-devant cité, distingue, Tit. 42 Article XIV, les oppositions à fin de distraire, d’annuller & de conserver des oppositione sur les deniers ; & il entend par l’opposition pour conserver celle qu’on appelle à Paris opposition a fin de charges Suivant ce Réglement les oppositions des trois premieres especes doivent être formées par Requête, & avant l’interposition, ou quinzaine au moins avant l’adjudication finale, & il charge par l’Article XVI les Juges d’ordonner que les autres opposans mettront ler opposition au Greffe dans la huitaine de l’ouverture de l’état, il y est dit, Art. XIV, que ces oppositions seront formées par un simple acte, signé de la partie opposante ou de son Procureur, lequel acte doit être déposé au Greffe, sans que le Procureur soit pour ce tenu de mettre de Présentation.

Nous avons une Jurisprudence particulière sur les oppositions à fin de deniers, attestée par l’Article CXII du Réglement de 16b6, auquel il n’est pas dérogé par le nouveau Réglement ; il porte que les créanciers sont recus à s’opposer sur le prix de la terre adjugée par décret, même aprés l’ouverture de l’état, en payant les dépens du retardement, pour n’avoir pas mis leurs oppositions dans le temps prescrit par la Coûtume. le ne sçai si cela est bien conforme à l’esprit de notre Loi municipale ; mais on décide autrement dans le Ressort du Parlement de Paris. Si le créancier ne forme point d’opposition pendant le cours du décret, aprés que le décret est délivré, signé & scellé, sans que le créancier se soit opposé, quoique l’ordre ne soit pas fait, il ne peut prétendre aucun droit sur les deniers étant aux mains du Receveur des Consignations ; d’où le Commentateur manuscrit du Réglement de 1688 dit, qu’en Normandie ce n’est pas l’adjudication par décret qui purge l’hypotheque du créancier, mais la clôture de l’état, puisqu’il fe peut opposer apres l’ouverture de l’état qui fuit toujours l’adjudication par décret.

Nous avons du moins donné des limites aux oppositions : le même Article du Réglement de 1666, que je viens de citer, ajoute que le créancier opposant, apres l’ouverture de l’état, ne peut empécher l’effet des Sentences ou Jugemens donnés au profit des autres opposans mis en ordre avant son opposition ; la raison est que, quand un créancier a négligé de former son opposition dans le délai marqué par l’Article DLIX de la Coutume, il ne peut empécher l’effet des exécutoires qui ont été délivrés aux créanciers utilement colloqués, parce que le droit étant acquis au créancier colloqué, il est censé avoir été payé suum recepit ce qui ne peut lui être ôté par une opposition possérieure ; & s’il a néglige de recevoir les deniers du Receveur des Consignations, qui n’en est que le dépositaire, cette circonstance ne donne aucun droit de les saisir à un créancier non opposant. On avoit jugé la même chose par Arrét du 13 ou 15 Avril 1657, rapporté à la suite de Bérault : Robert, Procureur en la Cour, avoit été mis en ordre, & aprés la clôture de l’état il avoit levé son exécutoire, mais il avoit négligé pendant trois semaines à se faire payer du Receveur des Consignations ; Grosmoulu, créancier antérieur du saisi, fait arrêt entre les mains de ce Receveur sur les deniers, le Bailli lui en adjuge la délivrance ; sur l’appel de Robert, & nonobstant le soutien fait par Grosmoulu que trouvant lors de son arrêt les deniers en essence, il pouvoit les emporter au préjudice d’un créancier postérieur en hypotheque : la Cour en réformant accorda main-levée à Robert.