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DLXXIII.

Si avec le Fief, sont saisies Terres Roturieres appartenantes à l’Obligé, pour être passées par Décret, elles pourront être décretées en la même forme que le Fief sans que pour ce, on puisse allé-guer nullité ou défectuosité audit Décret, en mettant néanmoins prix sur chacune piece en particulier desdites Rotures.

Ces treize Articles expliquent les solemnites qu’il faut observer dans les Dégarets des biens Nobles, & font connoître les convenances & les différences. qu’il y a entre ces folemnités, & celles qui se pratiquent à l’égard des biens. non Nobles ; ce qui a été assez distingué dans la seconde partie du Discours général : Mais ce qui requiert une explication plus ample, est la déclaration. que le décrétant doit mettre au Greffe, des appartenances ou dépendances du Fief, afin de suppléer en quelque-maniere au défaut d’avoir assez designé dans la saisie, les choses qui doivent être décrétées. Cette déclaration qu’on doit mettre au Greffe peu de temps aprés la saisie ( la Coutume, auparavant la réformation, portoit lors de la saisie ) doit contenir les terres, batimens, bois, rentes, & enfin toutes les autres appartenances & dépendances du Fief, & le nom des Paroisses dans lesquelles il s’etend : Ce qu’il est à propos de spécifier autant qu’il est possible, par la nature, qualité, quantité & situation des héritages ou des redevances. Le saisi doit être assigné devant le Juge du Decret, & sommé de prendre communication par le ministere du Greffier, de cette déclaration, afin de venir dire en Jugement, s’il y a quelqu’omission ou erreut dans ladite déclaration, pour y ajouter ce qui y manque, diminuer ce qui y est de plus, & changer ce qui n’a pas été bien expliqué. Que si quarante jours aprés cette fommation & assignation le saisi ne réforme pas cette déclaration, elle est réputée valable, sans que puis apres il la puisse impugner, debattre ou contredire, ni appeller du Décret par défectuosité d’icelle : ce sont les termes de l’Article DLXVI.

Mais pouvant arriver que cette déclaration soit dans l’effet mal faite, parce qu’il s’y rencontre de l’exces ou du défaut, on a remédié à ces incon-véniens par deux moyens différens : car à l’égard de l’exces, qui est, quand on a compris dans la déclaration quelques fonds ou quelques droits, qui ne sont point des dépendances ou appartenances du Fief, adjugé néanmoins conformément à la déclaration, on accorde à l’adjudicataire une défalcation ou diminu-tion du prix, soit à prendre lors de l’état sur les deniers consignés, soit apres l’état, à recouvrer sur les derniers emportans deniers, qui sont condamnés, même par corps, de rapporter pour l’indemnité de l’adjudieataire, la somme à laquelle la défalcation a eté évaluée ; & c’est pourquoi on les peut obliger à bailler caution de restituer en cas de besoin, les deniers qui leur sont payés. Et quant au défaut ou omission faite dans ladite déclaration, la Coûtume y a pourvûpar les Articles DLXVII & DLXVIII : car s’il se trouve apres l’adjudication faite, quelque partie du domaine non fieffé, ou quelque redevance ou appartenance du Fief omise en ladite déclaration, ce qui aura été omis n’est pas réputé décrété ou adjugé, mais demeure, comme non compris dans le décret ni dans l’adjudication, en la propriété du décrété ou autre possesseur, tenu néanmoins, comme auparavant, du Fief décrété, à moins que l’adjudicataire n’opte de le mettre en ses mains, en payant aux opposans, ou au décrété, au cas qu’il n’ait plus de créanciers, le prix au denier vingt du revenu de la chose omise ; laquelle, au cas de cette option, sera remise & incorporée au Fief, comme elle étoit auparavant l’adjudication : Ce qui a été ordonné en haine du decrété, qui n’a pas révélé cette omission, & de plus, pour conserver le Fief dans son intégrité.

Cette dernière raison est cause, que si cette chose omise est depuis venduë. ou décrétée, l’adjudicataire du Fief la pourra retirer au préjudice de l’acquereur, & des parens & lignagers ; mais il ne pourra prendre de creitieme pour la premiere vente qui en sera faite, lorsqu’il ne veut point la mettre en ses mains, comme il est statué par l’Article DLXVIII. Cette même raison de l’intégrité du Fief, laquelle on doit conserver, est encore caufe que lors de la failie., il ne faut mettre qu’un seul prix sur le Fief, & sur toutes ses appartenances & dépendances, tout devant être adjugé par un seul prix : ce qui ne se fait pas aux héritages non nobles, dont chaque piece doit être appréciée séparément dans la saisie, d’autant qu’elle peut être adjugée séparément : de forte qu’encore bien que des rotures puissent être décrétées conjointement avec un Fiet & en la même forme comme il est dit expressément en l’Article DLXXIII, néanmoins ce même Article requiert, qu’on mette un prix distinct sur chaque piece desdites rotures.

Ce qui a été dit, que l’adjudicataire pouvoit réunir ladite chose omise dans ladite déclaration, en payant le denier vingt du revenu que cette même chose peut produire, suivant l’Article DLXVII, semble devoir être limité, d’au-tant que si cotte chose omise ne consistoit point en revenu ordinaire, mais en ornement & décoration, comme seroit un grand batiment ou un bois de hautefûtaie, il paroit qu’il répugneroit à l’équité de donner à l’adjudicataire le facul-té de pouvoir réunir autrement, qu’en en payant un prix proportionné à la vraye valeur.1

On a rapporté sur l’Article DLXXi deux Arrêts qui doivent servir de Reglemens. Par le premier, qui est du ré de Décembre 1662, il est fait défen-les d’admettre pour Juges, au cas ausquels la Coûtume en requiert un certain nombre, comme aux certifications du Décret, le pere & le fils, le beau-pere & le gendre, deux frères, l’oncle & le neveu ; parce que les opinions de ces parens ou alliés si proches, ne doivent être comptées que pour une voix, quand elles sont conformes : ce qui avoit été jugé par un Arrêt du 23 de Décembre 1660, rapporté sur l’Article DLVIII. Par le second Arrêt, qui est du 28 de Janvier 1675, les Juges doivent être Avocats ou licenciés ; & il est fait défenses d’en appeller d’autres, comme seroient des Praticiens, Procureurs ou Greffiers.

Il faut ajouter une remarque, qui est à faire sur l’Article DLXXII, qu’un héritage étant saisi pour les dettes de l’acquereur, le vendenr & ses créanciers en peuvent demander la distraction, quand le prix n’en a pas été payé, ou faire condamner le décrétant à bailler caution, qu’ils seront colloqués utilement à l’état, nonobstant les frais du Décret & les droits seigneuriaux : mais ils doivent s’opposer avant l’adjudication, car ne s’opposant qu’apres, les frais & droits seigneuriaux leurs seroient préféres : ce qui a été jugé par un Arrêt du 13 de Janvier 1655, rapporté parBasnage .


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On doit observer dans la saisie réelle du Fief les mêmes formalités que dans le décret des rotures, à moins que la Coutume n’en prescrive d’autres qu’il faut garder ; ainsi pour saisir réellement un Fief, on a besoin d’un titre exécutoire soit obligation authentique, Sentence ou Arret, & d’une dette valablement exigible : la saisie doit être faite à l’issuc de la Messe paroissiale, & quelquefois dans plusieurs Paroisses, l’Huissier ou Sergent doit y appeller trois témoins, en outre ses records ordinaires ; mais il suffit qu’il déclare saisir le Fief par sa dénomination & sa qualité, consistant en domaine fieffé ou non fiessé, & qu’il designe la Paroisse où le chef-mois, c’est-à dire, la principale maison, est assis, &c. on ne met qu’un seul prix ou une rente racquittable sur le tout. Mais quand on comprend dans un décret plusieurs Fiefs, il faut mettre un prix separé sur chaque Fief non réuni, d’autant que chaque Fief forme un corps subsistant de lui-même & in dépendant des autres. Diailleurs, si la saisie ne contenoit qu’un seul prix, les enchérisseurs seroient trompés, si ce défaut n’étoit pas au moins rectifie lors des criées ; car on auroit lieu de penser qu’il ne seroit question que d’un seul Fief beaucoup plus précieux que differens Fiefs qui exposent le possesseur à des devoirs plus étendus & plus incommodes. On cite cependant un Arrêt contraire, rendu le 2 Mai 1755 en l’Audience de Grand’Chambre ; par cet Artét la saisie réelle de trois Fiefs séparés fut confirmée, quoiqu’on n’eûr mis qu’un seul prix pour le tout. Cet Arrêt a été rendu sur le fait particulier, ainsi il ne faut pas s’y attacher dans la pratique.

Quand l’obligé a vendu une partie de son domaine non fieffe depuis la création de la dette, qui est le fondement du décret, le décrétant est obligé de mettre un prix separé sur chaque piece du domaine aliéné, parce que par l’aliénation les terres détachées du Fief sont devenues terres roturières : Arrêts des 9 Mars 1539 & 14 Décembre 1602.Bérault .

La formalité de l’estimation, pour parvenir au décret, a subsisté plus long-temps par rapport aux Fiefs, qu’à l’égard des Rotures : l’Arrét de 1492 prescrivoit de choisir douze Estimateurs, qui faisoient en Justice le rapport de l’appréciation du Fief & de ses dépendances en détaii aprés la prestation du serment ; cette estimation étoit proclamée, & ensuite recordée par le Sergent, La déclaration a remplace l’estimation : cette déclaration doit contenir la quantité des héritages étant en la main du saisi, l’état des édifices, jardins, colombier, garennes, étangs, avec l’expression de la clôture S’il y en a, les bois, leur qualité, s’ils sont en coupe ordinaire, ou en réserve d’ancienneté, pour la décoration du principal manoir, les droits de patronage qui peuvent être annexées au Fief saisi, l’etenduë du Domaine fieffe le nom des Paroisses qui en relevent, les mouvances d’extension, les arrieres-Fiefs, les rentes, corvées & autres redevances féodales, soit casuelles ou ordinaires. Il faut aussi exprimer la Jurisdiction qui y est artachée, si elle est Haute, Moyenne ou Basse ; car par le défaut de dénomination, la Jurisdiction seigneuriale désigne une Basse-Justice, si la Jurisdiction est commune, on doit encore déclarer entre quels Seigneurs elle est telle, & com-ment elle s’exerce.

Mais il s’étoit introduit du temps de Bérault une mauvaise Jurisprudence, qui faisoit dépendre la validité du décret de la régularité de la déclaration ; le ientiment deForget , Au-teur presque contemporain, est beaucoup plus raisonnable ; il pensoit qu’une déclaration exacte de tout point, des rentes & autres droits incorporels du Fief, étoit une chose impossible, parce que, comme l’a trés-bien remarqué M. leMaître , Chap. S, le saisi fait ses efforts pour soustraire à la connoissance du décrétant, les anciens aveux & dénombremens qui contiennent le détail des droits de sa terre. Basnage a rapporté des Arrêts qui sont conformes à l’opinion de Forget : & on a encore jugé, par Arrêt du 23 Août 1755, qu’un défaut d’exactitude dans la déclaration mise au Greffe, n’opere point une nullité dans le décret, dés que le saisi a été assigné pour en prendre communication ; il n’a dépendu eneffet que de lui, dans cette circonstance, de réparer les défectuosités qui s’y sont ren-contrées.

Quelques Auteurs pensent que le saisissant doit delivrer au Greffe une grosse de la déclaration, & en faire signifier copie au saisi ; notre Coûtume ne prescrit pas cette formalité, il suffit donc d’assigner le saisi pour en prendre communication au Greffe ; le faisi doit s’expliquer en Justice sur cette déclaration : car tout ce qu’il pourroit arguer devant Notaire seroit nul & insuffisant. Voyez Forget & le Traité des Décrets d’immeubles, suivant la Coutume & la Jurisprudence de Normandie, imprimé en 1760.

Quand le saisi auroit vendu & aliéné le Fief avant la saisie, le décrété doit être également assigné pour prendre communication de la déclaration, puisque les dil igences, pour parvenir à l’adjudication finale, sont dirigées contre lui. le crois encore qu’il est à propos d’assi-gner l’acquereur, d’autant qu’il est saisi des Titres concernant le Fier, & qu’il est en état d’en donner de justes enseignemens.

Comme les criées doivent être faites par trois Dimanches consécutifs, & que cette disposition seroit fouvent impossible, lorsqu’il faut faire les criées en diverses Paroisses, la Coûtume permet au Sergent qui les fait, hors la Paroisse du Manoir principal, de faire la lecture sur des copies des contrats, obligations & Sentences dument approuvées & collationnées par un Notaire, Tabellion ou Greffier. Dela il s’étoit introduit un abus dans plu-sieurs Siéges de la Province ; les Procureurs présentoient des Requêtes pour se faire autoriser à délivrer les Vidimus ; cet abus est retranché par l’Article I, du Titre a du Régle-ment de 1789, il y est dit : n Sera l’Article DLyx de la Coutume de notre Province de n Normandie exécuté, en conséquence seront les Pidimus en cas de saisies en différentes n Paroisses collationnés par les Notaires ou Greffiers de la Jurisdiction où se fera le décret : n défenses faites aux Procureurs de présenter aucune Requête aux Juges pour se faire auton riser à délivrer lesdits Pidimus. n Pesnelle a suivi l’opinion de Basnage qui avoit adopté celle de Godefroy : ces Auteurs sont frappés de l’idée d’un batiment, d’un bois de décoration omis dans la déclaration du Fief saisi, & ils voudroient assujettir l’adjudicataire à en rembourser la valeur intrinseque.

Bérault a embrassé un sentiment contraire, son avis est que la Coûtume s’étant exprimée indéfiniment, il n’est point permis d’y apporter des restrictions. On ne présumera point que le cas de la limitation, à sa disposition marqué par Basnage &Godefroy , ne se soit pasprésenté à l’esprit des Réformateurs : leur silence autorise donc à penser qu’ils n’y ont ou-aucun égard. En effet, pourquoi le décrété n’a-t-il pas pris soin de réformer la déclaration. mise sous ses yeux 1 Pourquoi autoriser une réticence préjudiciable ; La raison de cette disposition est d’ailleurs que l’objet omis est devenu roturier dans la main du décreté.

Mais s’il se trouve dans la déclaration du Fief de l’exagération, comme si on y a attaché des prérogatives, des droits qui ne s’y rencontrent pas, comment pourvoir aux intéréts de l’adjudicataire I La prérogative qui manque aura peut-être feule déterminé Padjudicataire à acquerir le Fief à un haut prix. D’un autre côté, la bonne-soi dans lequel étoit le décrétant, son impossibilité de donner un détail exact & fidele, l’exemptent, en these générale, d’une condamnation d’interêts : on pense donc qu’il suffit alors d’accorder à l’adjudicataire une défalcation sur le prix, & ensuite son recours en proportion sur les derniers créanciere colloqués utilement ; au surplus, c’est aux Juges à se décider dans des espèces délicates, par des vues d’équité, qui puissent concilier, autant qu’il est possible, les différens intérets.

Forget dit qu’à l’au dience de l’interposition on fait l’adjudication première des terres nobles, à cause peut-être de l’intervalle de trois mois qu’il y a entre la saisie & la premiere riée, ce qui donne aux enchérisseurs la faculté de se préparer.

Basnage , sous l’Article DLXXII, rapporte un Arrét du y Juillet 167s, par lequel la Cour ordonna qu’il seroit procédé à une nouvelle adjudication sur les encheres mises par les créanciers, parce que le délai de six semaines depuis l’interposition du décret, & la réception des encheres à l’adjudication définitive, n’étoit pas complet.