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DLXXVI.

Saisie sur Saisie ne vaut rien ; & néanmoins, où il y auroit Oppositions ou Appellations, sera l’Opposant ou Appellant tenu les faire juger dans trois ans ; autrement, à faute de ce faire, & ledit temps. passé, sera tiré outre à ladite Exécution par Décret, comme si lesdites Oppositions ou Appellations n’avoient été interjettées.

Cette maxime, saisie sur saisie ne vaut rien, requiert de l’éclaircissement : car ce seroit une erreur de dire, que quand on a faisi quelques biens d’un debiteur, on ne puisse pas faire une nouvelle saisie de ses autres biens meubles ou immeubles, l’accumulation d’exécutions étant permise comme on le doit inférer de l’Article LXXIV de l’Ordonnance de 1539, & de l’Article XLVIII de l’Ordonnance de Moulins : voyez le Maître en son Traité des Criées, Chapitre 32, & partant quand la Coutume dit en cet Article, que suisie sur sai-sie ne vaut rien, il faut entendre qu’une chose ayant été saisie, ne peut être saisie de nouveau, tant que la première saisie subsiste : la raison est, qu’une saisie faite sous le nom d’un créancier, est réputée faite pour tous les autres éréanciers, suivant la Loi, cûm unus ff. De rebus authoritate Judicis possidendis. C’est pourquoi ils ne peuvent saisir de nouveau, mais ils peuvent & doi-vent s’opposer, comme enseigne de Maître audit Chapitre : & partant, quand ils reconnoissent de la collusion ou de la négligence du saisissant, ils peuvent demander d’être subrogés, pour poursuivre en son lieu & place la continua-tion du Décret, ne pouvant recommencer par une nouvelle saisie, à moins qu’ayant remarqué des nullités dans celle qui a été faite, ils n’y soient autorisés : car il a été jugé, que si le créancier même qui a saisi, reconnoissant la saisie défectueuse, s’en veut départir pour en faire une autre, il ne le peut faire valablement, qu’aprés avoir déclaré son désistement au débiteur, & qu’il obéit de payer les dépens & intérets, qui peuvent être dûs pour ce qui a été fait auparavant, par un Arrêt du s de Mai 16o8, rapporté parBérault .1 On peut remarquer sur cet Article, les oppositions qui se peuvent faire aux Décrets. L’Ordonnance des Criées en propose trois différentes, pour distraire, pour annueller, & pour conserver. Les oppositions pour distraire se font par ceux qui prétendent avoir quelque droit de propriété ou d’usufruit sur les choset saisies. Les oppositions pour annuller, sont proposées par le saisi, pour faire connoître qu’il y a nullité au Décret : & quant aux oppositions pour conserver, elles se subdivisent en celles qui se font, ou pour être maintenu en quelque droit réel qu’on prétend sur l’héritage, soit redevance, soit servitude, ou pour avoir l’effet & l’exécution des obligations qu’on a du débiteur, soit qu’elles soient hypothécaires, ou purement personnelles, comme enseigne le Maître au 24 Chapitre de son Traité.

Les oppositions pour distraire, sont fondées sur le S. si super rebus de la Loi à divo Pio, ff. De re judicaia, en ces termes : Si super rebus que pignoris jure caple sunt, controversia sit, constitutum est ab Imperatore nostro, ipsos qui rem judicatam exequuniur, cognoscere debere de proprietate, & si cognoverint ejus fuisse qui condemnaius est, rem judicatam exequantur. Par où il appert, que ces oppositions doivent être jugées avant l’adjudication, & par les Juges du Décret, conformément à l’Ordonnance des Criées, Articles V, XIV, XV. & XVI.

Les oppositions pour annuller, sont fondées sur ladite Ordonnance, qui autorise le saisi à proposer des moyens de nullité : ces moyens peuvent procéder de deux causes, ou pour la défectuosité des solemnités, où parce que la dette, pour le payement de laquelle on poursuit le Décret, n’est pas dde.

Quand la nullité est à raison de la forme, c’està. dire, pour les défauts de folemnités, elle doit être proposée avant la certification, car aprés on n’est pas recevable à impugner la validité des diligences : mais quant à la nullité, quiprocede de la matiere, pro non debito, on la peut proposer depuis la certification, mais il faut que ce soit avant l’adjudication : c’est pourquoi le saisi doit être ajourné pour voir adjuger le Décret, par l’Article V de ladite Ordonnance ; ce que le Maître explique en distinguant : car si le faisi s’est opposé avant la certification, pour faire annuller pour les défauts des formalités, il faut que par l’Exploit qui lui est fait, il soit ajourné à deux fins : l’une, pour bailler ses causes d’opposition & moyens de nullité ; l’autre pour voir adjuger le Décret : & en ce même cas, on ne peut procéder à l’adjudication, qu’il n’ait fourni ses moyens d’opposition, ou qu’il n’en ait été forclos : que s’il ne s’est pas opposé avant la certification, il doit être simplement ajourné, pour voir interposer le Décret ; parce qu’en ce cas il n’est plus recevable à proposer des moyens de nullité, à raison des formalités, comme il a été dit mais seulement à objecter & prouver, que le Décret est poursuivi pro non debiro.

Quant aux oppositions pour conserver, celles qui se font pour des droits réels, sont fondées sur les mêmes raisons que les oppositions pour distraire, afin que d’une part, ceux à qui ces droits appartiennent, n’en soient pas privés, & afin que d’autre part, les adjudicataires ne soient pas trompés, en ache-tant une chose chargée de redevances & de servitudes. Mais les oppositions pour obtenir l’effet des obligations, ont pour fondement la fin des Décrets, qui n’ont été inventés que pour faire payer les créanciers, par la vente des biens appartenans ou ayant appartenu à leurs débiteurs ; elles seules peuvent être jugées apres l’adjudication, par l’Article VI de ladite Ordonnance des Criées : de sorte que par cet Article, & le cinquieme qui le précede, toutes les autres oppositions pour distraire, pour annueller & pour conserver les charges foncieres, doivent être vidées auparavant le congé d’adjuger, dont il ré-lulte, que par cette Ordonnance l’adjudication se fait au préjudice de tous ceux qui pouvoient avoir intérét de l’empécher, quand ils ne s’y sont point oppolés. Il n’y a que les droits & devoirs Seigneuriaux qui soient exceptés, au préjudice desquels le Decret ne peut être fait : car pour les charges purement foncieres, comme sont les rentes créées par les contrats de bail d’héritages, ou les servitudes, on les perd faute de s’opposer, à moins que les servitudes ne soient apparentes & visibles, parce qu’en ce cas, l’adjudicataire ayant pû & dû les connoître, est réputé avoir bien voulu l’héritage avec ces charges. c’est pourquoi il a été jugé, qu’il n’étoit point nécessaire de s’opposer pour les conserver, par un Arrêt rapporté parLouet , S. 1. quem consule.

Mais la plupart de ces Réglemens ne se pratiquent point en Normandie, on n’y reconnoit point les oppositions pour annuller : c’est pourquoi le faisi n’est point assigné pour voir juger le congé d’adjuger, qu’on y appelle l’interposition du Décret, de sorte qu’il peut même trente ans aprés l’adjudication appel-ler du Décret, pour cause, ou de la nullité des diligences, ou de dette non due. Les oppositions pour distraire ou pour conserver les redevances ou les servitudes, y sont connues, mais n’y sont point nécessaires, d’autant que le Décret ne peut être passé au préjudice des droits de propriété & d’usufruit, ni des rentes foncieres, ni des fervitudes, & partant on peut s’opposer pour tous ces droits réels & fonciers aprés l’adjudication, non-seulement pour être colloqué dans l’ordre hypothécaire, c’est-à-dire, pour être payé du prix auquel tous ces droits peuvent être évalués ; ( comme on le peut être par la Coûtume de Paris, en l’Article CCCLVI, lequel modific lesdits Articles V & VI de ladire Ordonnance, qui disposent, qu’on ne peut s’opposer pour conserver les droits réels aprés le congé d’adjuger ) mais pour avoir distraction de la propriété ou de l’usufruit ou pour être maintenu dans la jouissance desdites rede-vances & servitudes, comme il sera expliqué sur l’Article DLXXVIII.2


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Cet Article a été introduit, ditForget , afin de ne pas accabler le débiteur par la multiplicité des frais, & éviter le trouble & la confusion qui naitroient entre les créanciers. Quand donc une fois il y a eu une première saisie réelle, les autres qui suivent doivent être converties en opposition.

Forget interprete sur les circonstances le délai de trois ans prescrit par la Coutume pour faire juger les oppositions ou appellations ; car si le décrétant ou les intimés élevent des incidens, dont la discussion exige un plus long-temps, comme s’ils forment une inscription de faux, il n’y auroit pas lieu, selon lui, d’insister sur la rigueur du délaiII observe encore que comme le débiteur peut susciter un créancier simulé, qui le premier saisit, afin d’exclure les créanciers légitimes, & tente par une négligence concertée d’éluder l’effet de leurs obligations ; ils sont en droit de faire limiter ses diligences à un temps déterminé, où l’un d’eux peut demander la subrogation ; mais le éréancier subrogé à la poursuite du dé cret, ne peut forcer le décrétant de demeurer garant des Procédures ; car quand elles sont coupées par une subrogation, le subrogé ne devant lui rembourser que les Procédures valables, c’est à lui de les examiner ; d’ailleurs en ne les supposant pas bonnes, le décrétant auroit pu les rectifier, S’il en étoit demeuré le maître, & qu’on ne lui eût pas ôté le moyen de se réformer.


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Pesnelle justifie que l’on ne fuit pas en cette Province l’Edit des criées, en ce qui concerne les oppositions cependant il faut avouer que le saisi a un moyen plus facile que la voie de l’appel, lorsqu’il prétend que le décret est nul ou entrepris indûment, & c’est ce qui est fort bien expliqué par le Réglement de 1760, qui limite un temps pendant lequel le saisi ou quiconque a intérêt, peut former devant le premier Juge l’opposition pour annuller : ce Réglement a encore cet avantage qu’il maintient les degrés de Jurisdiction & abrege les frais. On ne peut pas dire non-plus que les oppositions, pour distraire ou pour conserver, soient entierement inutiles, puisqu’elles ont pour but d’assurer aux oppofans les fruits de la chose dont ils reclament la propriété, & de perpétuer le cours de leurs redevances ; & c’est dans cette vue que ces oppositions ont encore été comprises dans le Réglement.

Il est de regle générale que toute opposition soit formée en vertu d’un Titre Exécutoire, & que les causes & moyens d’opposer soient spécifiées. On a jugé sur ce dernier chef, par Arrêt du 22 Novembre 1632, qu’une opposition formée par un Procureur-Piscal, en termes généraux, ne suffisoit pas pour assujettir l’adjudicatiare a payer les arrérages des rentes Seigneuriales, échues auparavant la demande qui lui en a éte faite. le ne puis omettre l’Article XV du Titre a du nouveau Réglement, il est lié au principe que j’avance : n Les oppositions seront, ainsi que les pieces justificatives, régistrées par le os Greffier sur une feuille particulière du Registre, destiné pour chaque état de décret, qui y sera coté & paraphié par le Juge, en la maniere ordinaire, & sur lequel Registre seront n portées toutes les oppositions au même décret.