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DLXXXII.

Aprés l’Adjudication faite au plus offrant & dernier enchérisseur, les Créanciers ayant dettes créées auparavant la saisie, pourront, s’ils voyent que bien soit, aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise pour tous délais, enchérir à leur profit particulier ; & à cette fin, coucher leurs encheres au Greffe, sans que pour ce faire il soit besoin d’obtenir Lettres en la Chancellerie, desquelles encheres sera fait lecture publiquement ausdits Pleds ou Assises.

Cet Article & les trois suivans, sont de la continuation des diligences qui se font aprés la première adjudication, Claquelle, comme il a été remarqué n’est qu’un Acte que le Juge accorde des encheres qui ont été faites ) pour parvenir à la véritable & finale adjudication : ce qui avoit été intetrompu depuis l’Article DLx, aprés lequel la Coûtume avoit fait une digression pour faire observer que les biens nobles doivent être décrétés avec quelques formalités différentes de celles qu’on pratique au Décret des biens non nobles.

Elle reprend donc la suite des actes qui sont communs aux Décrets de ces deux sortes de biens, depuis ladite premiere adjudication. On a de plus remarqué au même lieu, qui est la troisieme Partie du Discours général, les inconvé-niens qui peuvent arriver, de ce que le Juge ne peut point recevoir de nouvelles encheres, mais doit nécessairement adjuger sur celle dont il a accordé acte aux Assises ou Pleds précédens, lorsqu’il n’y a point d’enchere mise au Greffe pour le profit particulier. Mais le Parlement, pour remédier aux surprises qui pouvoient être faites au préjudice du décrété & de ses créanciers, a favorablement interprête l’Article DLI & & celui-ci, en jugeant premierement, par un Arrêt donné à l’Audience de la Grand Chambre, le 14 de Juin 1657, qu’il n’étoit pas nécessaire que l’enchere au profit particulier eût été couchée au Greffe, auparavant la séance des Pleds & de l’Assise, ( comme il semble que cet Article le prescrit ) mais qu’il suffisoit de déclarer & de faire enrégistrer cette enchere lors de ladite séance. On a jugé en second lieu, que senchere, quoiqu’adaptée sur une partie des héritages décrétés, devoit avoir son effet pour tous les autres héritages ; c’est-à-dire, qu’elle donnoit ouverture à toutes les encheres au profit commun, sur les héritages mêmes sur lesquels cette enchere au particulier n’avoit point été départie : l’Arrêt est du premier de Juin 1669. On a de plus jugé, qu’une enchere faite au particulier en vertu d’une dette reconnuë depuis la saisie, de quelques héritages compris au Décret, mais antérieure de la saisie des autres héritages compris dans le même Décret, avoit l’effet de proroger l’adjudication finale à l’égard de tous les héritages décrétés, par un Arrêt donné en la Grand Chambre le 7y de Juillet 1678. Ainsi on peut inférer de ces Arrêts, rapportés parBasnage , & de la raison qui y sert de fondement, ( qui est l’utilité du décrété, & des créanciers qu’on doit préserver de fraude & de surprise ) qu’il suffit qu’il y ait une enchere au profit particulier telle qu’elle puisse être, pour empécher que l’acte que le Juge a donné des premieres encheres n’ait l’effet d’une adjudication finale & définitive, sauf, en cas que l’enchere mise au profit particulier, ne soit pas pour une dette légitime ou anterieure de la sailie, à condamner l’adjudicataire à payer son enchere au profit particulier en argent, comme l’enchere au profit commun.1


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Terrien , Liv. 10, Chap. 10, nous apprend que de son temps il n’y avoit pas quarante ans que les encheres, au profit particulier, étoient en usage ; il étoit permis aupara-vant à un chacun d’enchérir par tiercement en obtenant des Lettres royaux ; on ne sçauroit exprimer quelle confusion causa d’abord parmi les créanciers l’enchere au profit parti-eulier. La Cour ordonna en 1555 une Enquête par Turbes dans les Siéges de la Province, pour délibérer s’il ne seroit point à propos d’en rétrancher entièrement la pratique : on a taché, dans les réformations du Titre du Décret, de la rendre utile sans être captieuse : on peut cependant proposer le même probleme qu’en 1555, il sembleroit plus avantageux u saisi & a ses créanciers de n’admettre que les encheres au profit commun, en prescrivant un délai compétent pour les recevoir ; l’enchere au prosit particulier est propre à détourner les enchérisseurs, & sert de prétexte aux fraudes.

Les encheres, au profit particulier, ont lieu pour une dette véritable, mais perdue, c’est-à-dire, qui ne vient point en ordre sur les biens du débiteur ; de sorte que le créancier met toute son espérance, ou sur la vilité du prix qui se rencontre ordinairement dans les adjudications par décret, ou sur la commodité des fonds, ou sur l’attente d’un retrait lignager ou féodal : car un parent ou le Seigneur retirant l’héritage vendu par décret, est obligé de rembourser, non-seulement tout ce qui a été consigné par l’adjudicataire, pour le prix de son adjudication au profit commun, mais encore l’enchère à son profit particulier, pour laquelle il n’a consigné que son contrat ou son titre, suivant l’Article DLXXVII de la Coutume : c’est donc la toute la ressource de l’enchere au profit particulier, dont le quart doit être consigné au profit commun, suivant l’Article DlXXXIV.

Il faut que la créance soit non-seulement établie sur un titre authentique ; le titre doit encore être antérieur à la saisie réelle, parce que le débiteur dépossedé par une saisie réclie, ne peut pas constituer une hypotheque sur un héritage qui fait le gage de la Justice.

Si la saisie réelle est faite sur un tiers-détenteur, pour une dette antérieure à son acquisisition, il faut que le contrat ou obligation du créancier perdant qui veut enchérir à son profit particulier soit antérieur à la vente qui a été faite au tiers-détenteur : car si son titre étoit posterieur à la vente, il ne pourroit avoir aucune hypotheque sur l’héritaige, puisque celui qui a vendu son fonds ne peut plus l’hypothéquer aux dettes contractées depuis la vente qu’il en a faite, car il n’y a plus rien : Article DLXXXV de la Coûtume.

Le principal effet des encheres au profit particulier, est de donner ouverture dans les prochains Plaids ou les prochaines Assises, de faire des encheres au profir commun de tous les créanciers. Aussi, quoique la premiere adjudication ne soit, selonBérault , considérée que comme un acte que le Juge accorde à l’enchérisseur du prix de son enchere cependant, quand aucun éréancier du saisi n’a couché son enchere au profit particulier dans l’intervalle des Plaids ou Assises prochaines, ou du moins lors de la séance de la Jurisdietion, on ne recoit point les encheres nouvelles qui seroient faites au profit commun & la premiere adjudication devient une adjudication définitive : ainsi jugé par l’Arrét de Guillebert & par autre rendu en la Chambre de lEdit du ar Novembre 161t. Quel tort dans cette circonstance n’éprouve pas le faisi l l’Arrét de Tô1t présente un exemple frappant ;. le Nud, Huissier au Havre, avoit enchéri par rao livres l’acre les héritages de Grisel, saisis réellement à sa Requête, & il avoit le bénéfice de la première adjudication ; aucun créancier n’avoit enchéri au profit particulier : mais Etienne Masure se présenta aux Plaids. suivans il enchérit chacune acre à 17o livres au profit commun, clétoit une surenchere tres-considérable ; cependant, par l’Arrêt, il fut ordonné que la première adjudication seroit exécutée. VoyerBérault .

De là derive cette Jurisprudence qui paroit contraire au texte de la Coutume, attestée néanmoins parBasnage , & fondée sur les Arrêts de Cauverville & de Hébert, qu’il suffitqu’il y ait une enchère, telle qu’elle puisse être, pour empécher que les premieres enche-res ne soient converties en encheres définitives. Quand on a une mauvaise Loi on fait biende ne la pas suivre à la lettre, il seroit encore bien plus utile de la réformer ; mais on avoit corrigé un abus : on a cru pouvoir s’arrêter au milieu de la carriere.

Je ne décrirai point toutes les difficultés qu’ont fait naître successivement les impartitions des encheres au profit particulier, nos livres sont pleins d’Arrêts & de Réglemens sur cette matiere qui devorent d’ennui ceux qui ne sont pas mitiés dans nos maximes bizarres, & je doute encore si elle est bien éclaircie.