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DXCII.

Et au cas que le Tuteur fût trouvé redevable, est tenu l’autre quinzaine après, représenter les deniers qu’il doit à son Mineur ; autre-ment, à faute de ce faire, & icelui temps passé, sans faire autre fommation, le Créditeur peut faire saisir les héritages appartenans audit Mineur, & iceux mettre en Criées ; & autant en peut-il faire, si le Tuteur par l’Etat qu’il aura baillé est trouvé ne devoir rien audit Mineur ; sauf le recours & récompense dudit Mineur contre son Tuteur, au cas qu’il eût celé l’argent par lui dû, ou qu’il ne l’eût payé dans ledit temps.

Il faut voir ce qui a été remarqué à la fin de la premiere Partie du Discours général. On peut rapporter sur ces deux Articles, ce qui a été dit des Tutelies sur l’Article V, au sujet des dations de tutelle & curatelle de mineurs à quoi il est à propos d’ajouter, que tout ce qui est fait avec un mineur, n’est pas nul ni restituable, parce que le mineur peut faire ce qui lui est utile & avantageux sans l’autorité de son tureur, apud Justinianum, De authoritate Tutorum, in initio : ce qui donne lieu de demander, si c’est au mineur ou à celui qui a contracté avec lui, à prouver que le contrat a été prositable au mineur.

Par les Arrêts rapportés parLouet , M. 19, c’est au créancier ou acquereur, à prouver l’emploi fait utilement, à moins que l’aliénation du bien du mineur, n’eût été faite avec toutes les solemnités qui y sont requises, car en ce cas, le mineur seroit tenu de prouver le mauvais emploi.1

Un mineur faisant marchandise, ou exerçant un métier, peut valablement s’obliger pour le fait de marchandise, ou pour ce qui est nécessaire pour l’exercice ou les ouvrages de son méticr : de la même maniere, qu’un Officier mi-neur n’est pas restituable contre les actes dépendans de la fonction de son Office. Anciennement les Officiers qui ne peuvent régulicrement exercer leurs Char-ges qu’aprés la pleine majorité, n’étoient point restituables contre les contrats qu’ils avoient faits depuis leur réception, pour cause de minorité,Louet , G. 9. Mais depuis qu’on s’est relaché de l’ancienne discipline, en accordant trop facilement, & souvent pour de l’argent, les dispenses d’âge pour les Provisions des Offices, comme il n’est pas nécessaire qu’un Officier soit majeur il ne s’ensuit pas, que parce qu’il a été admis à l’exercice d’un Office, par une dispense donnée contre les regles, il a été autorisé de passer toutes fortes de contrats, comme ayant assez d’expérience & de solidité de jugement pour se bien conduire dans toutes les affaires ; ce qui ne s’acquiert que par le temps. & un long usage. Ce qui a été jugé à l’égard d’un Procureur, par us Arrêt du 2 de Juillet 167r, & à l’égard d’un Commissaire du Châtelet de Paris, par un Arrêt du 22 de Juin 1673, rapportés dans la troisieme Partie du Journal du Palais : ces mineurs furent restitués pour cause de leur minorité, con-tre les contrats qu’ils avoient faits avant l’âge de vingt-cinq ans, qui est le temps. de la majorité en la plupart des Coutumes.

Quant aux mineurs, qui en contractant se disent majeurs, il faut que cette affirmation ait trompé : car si elle n’a été faite que pour servir de prêtexte, ou si le contractant avec le mineur a eu trop de facilité à s’en laisser persuader, elle n’empéchera pas la restitution contre le contrat ;Louet , M. 7 oû il est remarque par le Commentateur, que le Parlement de Paris ayant reconnu que les affirmations de majorité, & les représentations d’Extraits bap-tisteres faites par les mineurs, étoient des piéges ordinaires pour les surprendre, & couvrir les fraudes des usuriers contractans avec eux, a fait défenses aux Notaires d’insérer dans les contrats lesdites déclarations & lesdits extraits à peine d’en répondre en leur nom privé, par Arrét donné en forme de Réglement, le o de Mars 1620.

Il a été jugé, qu’un mineur, à qui on avoit envoyé de l’argent, pour en faire le payement à une recette, ayant abusé de cet argent, & l’ayant follement dépensé, non-seulement n’étoit pas condamnable par corps, comme un dépositaire de mauvaise foi ; mais même qu’il devoit être déchargé de la restitution, quoiqu’il parût du dol & de la malice de sa part : l’Arrêt fut donné à l’Audience de la Grand Chambre, le 28 de Janvier 1672, rapporté parBasnage .

On a de plus jugé, que quoique le mineur soit obligé de le relever des contrats faits avec lui pendant sa minorité, dans le trente-cinquieme an de son âge ; néanmoins qu’à l’egard de l’aliénation de ses héritages faite sans solemnité, on pouvoit prendre la voie de la Loi apparente, pour se faire envoyer en possesfion des héritages aliénés, comme contre un possesseur sans titre légitime, par un Arrêt donné au mois d’Août 1626, rapporté parBasnage . Ce qui semble avoir été jugé contre les regles, parce que les contrats faits avec un mineur, qui sont nuls dans leur principe, deviennent de justes titres, quand le mineur ne s’en releve point dans le temps que l’Ordonnance a prescrit.2


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Le mineur ne peut agir, il ignore l’état de sa fortune ; il est donc juste qu’on ait plus d’indulgence pour lui que pour le majeur, qui, maître de ses actions & de ses droits, a plus de facilité pour se libèrer ; la plupart des Coûtumes ont introduit, sans doute, dans cette vue la perquisition des meubles du mineur avant d’entreprendre le décret de ses immeubles, précaution assez inutile ; on tire beaucoup plus d’éclaircissement de l’état abrege, il met au jour l’inventaire de ses biens qui indiquent ses dettes actives, ses meubles & ses effets, c’est le véritable moyen, dit un Auteur moderne, d’écarter le flambeau de la Procedure par décret.

Cependant notre Coutume, en suivant l’esprit de ce principe de droit, sub pratez tu pupilli debitoris hereditarii creditorum actionem differri non posse nimis evidens, l. C. de Heredit. ad. permet au créancier de passer outre à la Saisie réelle des immeubles du mineur, quinze jours aprés la Sommation faite à son tuteur, de donner des meubles exploitables, & faute par lui d’avoir dans ce délai présenté un compte fommaire ; il en est de même si, aprés avoir fourni ce compte, il ne paye point dans la quinzaine les sommes dont il est redevable, ou s’il n’y a point de deniers pour acquitter la dette.

Notre usage le plus général est d’assigner le tuteur pour donner état abregé de ce qu’il doit à son mineur, si le tuteur fait défaut sur l’assignation, le Juge accorde pour le profit du défaut permission de saisir : si le tuteur comparoit, on lui accorde quinzaine pour apporter cet état que le poursuivant criées n’est pas tenu de contredire. Lorsqu’il est justifié par l’état que le tuteur ne doit rien, ou quand il differe de payer dans la quinzaine les deniers dont il est reliquataire, le Juge permet également de procéder à la saisie réelle des biens du mineur. On cassa, par Arrét du 23 Avril 1602, un décret, parce que le décrétant avoit quelques jours aprés la sommation faite au tuteur, & sans attendre la quinzaine, procédé à la saisie des héritages du mineur, quoique peu de temps auparavant la sommation. le tuteur eût fourni un compte abregé, dont il tésultoit que ce tuteur étoit redevable à son mineur de 500 livres :Bérault . Par autre Arrét du & Septembre 16y, confirmatif. d’une Sentence des Requêtes du Palais, on a condamné le tuteur à rendre un compte abregé, quoique les mineurs fussent alors devenus majeurs, & que le tuteur offrit de rendre un compte définitif.Bérault .

Le compte abregé ou bref état n’est point présenté au Juge de la tutelle ; mais à celui devant lequel la saisie réelle est poursuivie : on l’a ainsi jugé par Arrét du Parlement de Paris. du 8 Mars 1619, rapporté parBrodeau .

On a jugé au même Parlement, par Arrét du 3 Mai 1856, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Talon, & rapporté par Soëfve, Tome 2, Liv. 6, Chap. 42, que la saisie réelle n’est pas nulle, quand le mineur appellant ne prouve pas qu’il ait eu, au temps. de Padjudication, des deniers pour acquitter les dettes qui avoient donné lieu à la saisie : cet Arrét paroit d’abord contraire à l’Arrét du 23 Avril 16oz, rapporté par Bérault ; mais il paroit équitable, en ce que le compte abregé que la Coûtume exige du tuteur, n’a d’autre but que d’épargner les frais d’un décret à un mineur qui a des deniers suffisans pour payer la dette qui lui est demandée, & que le tuteur retient injustement.

Quand le décret est régulier dans la forme & au fonds, le mineur ne peut aprés sa majorité inquiêter l’adjudicataire ; mais s’il justifie que le décret n’a été entrepris que par la faute ou Pinfidélité du tuteur, ce tuteur doit être condamné envers le minear en des dommages & intéréts proportionnés à la perte qu’il a soufferte à cause du décret.

Le recours qu’elle accorde au mineur contre son tuteur, qui n’a point satisfait à l’esprit ni au titre de ses engagemens l’invite, par un motif d’intérét, à vendre les immeubles du mineur les moins commodes & les moins agréables ; mais comme ces sortes de ventes, quoique faites judiciairement, sont souvent accompagnées de fraude, c’est une regle que le décret, en t repris sur l’acquereur des biens du mineur, ne purge point les défauts de la premiere vente, & bené, dit duMoulin , quiu potuit fieri in fraudem.


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L’aliénation des biens des mineurs étoit autrefois assujettie à beaucoup de formalitée qui ne sont plus maintenant d’usage ; le tuteur devoit d’abord présenter un compte qui étoit eraminé, il falloit discuter préalablement les meubles du mineur, on entroit en connoisfance des dettes, on vouloit qu’elles fussent pressantes, & qu’il y eût des saisies dirigées par les créanciers, on avoit même prescrit la nécessité des estimations. La vente des biens des mineurs est aujourd’hui valable des qu’elle est conforme aux Articles arrétés par la Cour le 7 Mars 1673 lesquels retranchent plusieurs des antiques formalités : on doit cependant en conserver l’esprit autant qu’il est possible, en se souvenant que le bien du mineur ne doit être vendu que pour urgente nécessité ou évidente utilité, belle lecon pour les Juges qui homologuent l’avis des parens délibérans de la tutelle Lorsque la vente des biens des mineurs n’a pas été faite dans les formes prescrites par le Réglement, elle est nulle ; mais un principe d’équité naturelle, qui défend de s’approprier ce qui ne nous appartient pas oblige le mineur de restituer les deniers dont il a cté fait en sa faveur un emploi utile ; c’est ce qui a fait quelquefois confirmer de pareilles ventes, bien qu’irrégulieres, quand le prix étoit comme la valeur du fonds, & que le mineur refusoit de le rendre à l’acquereur : car on accorde à l’acquereur un droit de rétention jusqu’au remboursement.

Bérault rapporte un Arret qui a confirmé la vente d’un bien de mineur, quoiqu’il ne parût ancun emploi du prix ; mais deux faits particuliers déterminerent l’Arrêt, le peu de valeur du fonds, la longue possession de l’acquereur ; on réserva cependant au mineur une action en dommages & intérêts contre son tuteur.

Quand un mineur, devenu majeur, agit en rescision contre un engagement qu’il a formé dans sa minorité, la Jurisprudence charge le créancier de prouver que cet engagement a été utile & avantageux au mineur & le mineur n’est point obligé a justifier de sa dissipation & du fol emploi qu’il aura fait de deniers empruntés s’il est question d’un prét.

VoyesDomat , sur les ouvertures de rescision en faveur des mineurs,Basnage , sur cet Article & dans le Traité des hypotheques, & le Traité des obligations de M.Potier .