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DXCIV.
Les Décrets d’héritages & choses immobiliaires, ne pourront être poursuivis, faits ni passés par-devant aucuns Juges extraordinaires, ni même les Elus, ains seulement par-devant les Juges ordinaires, sur peine de nullité.
Par Juges ordinaires en cet Article, on doit entendre les Baillis, les Vicomtes & les Hauts-Justiciers, parce qu’anciennement ils étoient les premiers Ju-ges de toutes sortes de causes : mais leur Jurisdiction a été depuis diminuée, par l’établissement de plusieurs autres espèces de Justices, comme de l’Amirauté, des Eaux & Forêts & des Elections. Nonobstant cet Article, la Cour des Aides de Normandie s’est fait attribuer la compétence en première instance, des Décrets qui se font pour deniers dûs pour Aides, Tailles & Gabelles, & autres Droits Royaux : Ce qui cause une grande incertitude à l’égard des droits des créanciers, y ayant deux Tribunaux en dernier ressort dans la même Coutume, qui la peuvent interprêter diversement. Est remarquable l’Edit rappor-té parBérault , par lequel les Décrets des biens de Normandie, ne peuvent être faits que devant les Juges de la Province, & ne peuvent être évoqués hors d’icelle, encore qu’ils soient poursuivis en vertu de Jugemens rendus, ou de contrats faits hors de son ressort.1
Les Evocations ne tendent qu’à immortalifer les Proces, & à fatiguer les créanciers ; ce motif a toujours paru intéressant à la Province ; & des l’an 1314, ou, selon M.Froland , dés le mois de Juillet 131s, la Charte Normande, Article XIx, avoit défendu tout ajournement hors le Duché pour les causes qui y seroient nées : on a toujours suivi cette regle dans les décrets ; & M.Froland , dans son Mémoire concernant la prohibition d’évoquer les décrets des immeubles situés en Normandie, a recueilli les Chartes, Ordonnances, Edits, Dé-clarations, Lettres-Patentes, Réponses de nos Rois, Arrêts du Conseil, & Arrêts du Parlement de Paris, qui ont établi & confirmé le privilége de la Province : ce petit ouvrage est assez exact, & mérite d’être lu.
Il est d’une Jurisprudence certaine, fondée sur plusieurs Déclarations du Roi, qu’il ne se fait point de décrets à la Cour ni aux Requêtes du Palais ; mais l’Edit du mois d’Août 1689, attribue les décrets des biens immeubles des comptables à la Cour des Aydes, réunie en Normandie à la Cour des Comptes. Basnage a rapporté cet Edit dans son Fraité des hypothe-ques, Chap. 10 ; M. Froland dit que les decrets se solemnisent souvent devant ces Juges extraordinaires en vertu d’Arrêts du Conseil.
On suit, en matière d’évocation, la même Jurisprudence tant par rapport aux oppositions pour distraire, que par rapport aux décrets ; & le Conseil d’Etat privé du Roi, a décidé, par Arrêt du 28 Janvier ryôt, rendu sur un Mandement en Réglement de Juge, que les oppositions de cette nature ne peuvent être évoquées ; c’étoit un Huissier du Châtelet qui y donna lieu, il prétendoit traduire devant le Juge de son privilége, une demande en distraction, formée à un décret d’héritages, situés en Normandie.