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DXCV.

Exécutoires de dépens en Normandie, prennent hypotheque du jour de l’introduction du Procès, & non du jour de la condamnation, pour les Jugemens donnés audit Pays de Normandie.

Par l’Ordonnance de Moulins, en l’Article LIII, les dépens n’ont hypotheque que du jour de la condamnation. La Coutume donne hypotheque pour les dépens jugés, du jour de l’introduction du proces ; en quoi elle fait préjuger que les dépens proviennent plutôt de la cause, c’est-à-dire, de l’action, que de la condamnation du Juge : néanmoins cet Article DXCV, a servi de prêtexte pour faire juger, que les dépens ne peuvent avoir d’hypotheque, sinon du jour de l’action intentée, quoiqu au Parlement de Paris, ou ledit Article LIII de l’Ordonnance de Moulins est pratiqué, on juge que l’hypotheque des dépens est acquise du jour du contrat, en vertu duquel la condamnation de dépens s’est ensuivie ; ce qui n’avoit été jugé par les anciens Arrêts rapportés parLouet , D. 42. & l. 12. que lorsque le contrat ou obligation portoient la clause, d peine de tous dépens, dommages & interéts. Mais par d’autres Arrêts donnés depuis, on a jugé la même chose, encore que cette clause ne fût point exprimée ; par la raison, que dans les contrats de bonne foi, les clauses ordi-naires y sont toujours présumées, comme l’atteste le Commentateur deLouet , sur ledit nombre 42. On a de plus, jugé la même chose à l’égard des intérêts, lorsqu’on les a adjugés, ou faute d’avoir payé les sommes dûes par cé-dules & obligations, conformément à l’Article LX de l’Ordonnance d’Orléans, ou pour n’avoir payé les dépens jugés & taxés, aprés le commandement fait de les payer, suivant qu’il est rapporté parLouet , I. 6 ; car en ces cas, les intérets, quoiqu’ils ne soient dûs que du jour de la demande ou dudit commandement, prennent hypotheque du jour des obligations ou des Jugemens por-tans condamnation desdits dépens : ce qui ne se pratique point en Normandie, où les dépens n’ont hypotheque que jour de l’introduction du Proces, comme il est artesté par l’Article CXLVIII du Réglement de 1686, quoique la Coutume en cet Article, n’ait pas déclaré par un terme négatif, que les depens ne doivent avoir hypotheque que du jour de l’action ; mais se soit servie d’un terme affirmatif, prennent hypoiheque : ce qui vraisemblablement ne comprend que le cas ordinaire, pour y attribuer une hypotheque antérieure à celle qui est établie par ledit Article LIII de ladite Ordonnance de Moulins ; mais ne devoit pas exclure le cas extraordinaire, qui est, quand l’hypotheque des dépens a été stipulée par un contrat, ou vient en conséquence d’un Jugement précédent.1

reur manqua à cet engagement ; le vendeur fut obligé d’essuyer des frais de la part des créanciers, & de plaider contre l’acquereur ; par l’Arrêt il fut ordonné que tous ces dépens seroient pris en privilége sur le fonds vendu, au préjudice & par préférence aux créanciers de l’acquereur. L’Arrêt est fondé sur ce que l’héritage vendu tient lieu de gage au vendeur pour l’exécution des clauses du contrat de vente & de tout ce qui en résulte.

C’est un abus presqu’universel dans toutes les Jurisdictions de la Province, de colloquer les dépens dans le même ordre que le principal de la demande, cela ne doit avoir lieu que dans les états de décret à l’égard des frais employés à parvenir à la collocation ; car par rapport aux autres dépens, on doit suivre la date des ajournemens, suivant cet Article, quand même la créance seroit privilégiée.

Basnage traite plusieurs questions sur la solidité de la condamnation aux dépens, elle doit avoir lieu, suivant les bonnes regles, entre plusieurs complices d’un même crime ; mais on l’observe rarement en matiere civile, & on ne la pratique que quand elle a été prononcée par l’Arrêt ; cependant quand des héritiers ont repris une Instance encommencée par celui auquel ils ont succédé, la condamnation des dépens emporte la solidité, même en matiere civile, à l’égard de ceux qui ont été faits avec leur Auteur, par le principe que les héritiers sont obligés solidairement & personnellement aux dettes du défunt.

Basnage examine encore les différens cas où les dépens transissent par corps dans les Intances civiles ou criminelles : il faut lire sur cela les Ordonnances de 1éb7 & 167o, & le Traité de la Just. Crim, de M. Jousse.


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Quand deux personnes domiciliées en Normandie plaident hors le Ressort, on fuit, pour l’hypotheque des dépens, la Jurisprudence du Tribunal où ils ont été obtenus : Arrêt du 7 Septembre 1683. VoyesBasnage , Traité des Hypotheques, Chap. 6.

Quoique les exécutoires de dépens prennent hypotheque en Normandie du jour de l’introduction du Proces, on a jugé en plus forts termes, par Arrêt du premier Juin 1691, rendu au Rapport de M. Bigot de Graveron, rapporté par Basnage : le vendeur avoit chargé l’acquereur, par le contrat de vente, d’acquitter des dettes en son lieu & place ; l’acque-