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CHAPITRE VINGT-DEUXIEME. DES EXECUTIONS PAR DÉCRET.

C E Chapître fut réglé définitivement comme les autres, ( excepté celui de la Succession des biens de Caux ) en 1583 ; mais depuis, en l’année 16o0, il fut réformé pour les causes & par les Députés des Etats de la Province autorisés par Lettres Patentes du Roi, qui se voyent par le Procés-verbal : il est intitulé des Eaécutions par Décret. Ce mot de Decret est transféré de la Langue Latine, dans laquelle il étoit attribué aux Ordonnances des Magistrats, mais par la Coutume, il est approprié aux ventes des immeubles, qui sont faites sur les poursuites des créanciers, d’autant que ces ventes se font en la présence des Juges, & en exécution de plusieurs de leurs Ordonnances. Dans quelques Coûtumes, ce que celle de Normandie appelle Decret, est signifié par le mot de Criées ; parce que les proclamations qui se doivent faire, pour rendre notoires les diligences qui sont requises pour parvenir à l’adjudication des biens de l’obligé, sont les solemnités les plus nécessaires. On y a de plus prescrit quantité d’autres formalités, l’omission desquelles rend le Décret nul, sous le prêtexte que la vente des immeubles est de grande conséquence, tant pour la réputation du débiteur, que pour sa fortune. Mais il lemble qu’on devoit encore avoir plus d’égard au lien de la société civile & à la bonne-foi, qui ne peuvent être conservées, si on néglige de faire exécuter les choses promises ou jugées, & si on ne contraint les obligés par toutes sortes de moyens les plus rigoureux, à s’acquitter de ce qu’ils doivent : tant s’en faut que leur cause soit favorable, lorsque ne pouvant contester leurs obligations, ils alléguent des nullités, qui ne sont fondées que sur des defauts de formalités omi-ses ou mal faites par les Officiers, par le ministere desquels les actes nécessaires pour la perfection du Décret ont été faits. Il n’auroit pas été difficile de trouver des moyens faciles & de peu de frais, par lesquels les défenses & oppositions des saisies seroient bien & sommairement jugées : & par lesquels d’ailleurs, les créanciers & autres intéressés auroient é-é suffisamment avertis, afin de se présenter pour la conservation de leurs droits ou de leurs créances.

Mais le File, les Juges & les Ministres de Justice, ont considéré les Décrets comme une proie, & veulent avoir chacun leur part au débris qui arrive par le Décret ; & sans avoir égard ni à la misérable fortune des Décretés, ni à la perte que souffrent les légitimes créanciers, on a accumulé les droits fiscaux, les formalités, les actes judiciaires, les vacations & salaires des Juges, de telle manière, que dans les Décrets des biens de petite ou de médiocre valeur le prix n’est pas suffisant pour payer tous ces frais ; & que dans les autres Decrets, une partie trés-considérable du prix se trouve consumée, parce qu’à proportion de la valeur des biens décretés, les frais sont augmentés par l’avarice des Juges, qui taxent leurs épices par Rapport, non à leur travail & vacations, mais au prix de la vente & de l’adjudication.

Comme tous les Articles de ce Chapitre ne sont presque qu’une déclaration de toutes les folemnités requises pour un Décret, on le peut diviser en quatre parties, pour en faire l’explication avec quelque méthode. La premiere est, de ce qui est nécessaire avant la saisie : la seconde est, de ce qu’il convient faire lors de la saisie, & apres, jusqu’à l’adjudication : la troisieme est de l’adjudication : & la quatrieme est, de la Sentence d’Ordre, que l’on appelle l’Etat en cette Province. Pour donner donc une connnoissance claire de tous les actes nécessaires pour la perfection d’un Décret, il est à propos de reprendre ces quatre parties, & de représenter par un discours fommaire & général, l’ordre & la connexité qui est entr’elles.

PRE MIERE PARTIE.

Q Uant à la premiere, il est requis que le saisissant ait des pieces d’écriture, qui ayent une exécution, que les Auteurs sur le Droit coutumier appellent parée, parce qu’elle n’a plus de besoin d’aucune Ordonnance du Juge ; mais requiert seulement le ministere des Huissiers ou Sergens, qui sont des Officiers établis pour être exécuteurs. Or ces pieces sont des actes de Jurisdiction, qui est ou volontaire ou contentieuse. La Jurisdiction volontaire est celle des Tabellions ou Notaires, parce que les contractans qui comparoissent volontaire-ment devant les Tabellions ou Notaires, pour avoir une attestation valable. & probante des conventions, promesses ou reconnoissance qu’ils font devant ces personnes publiques, semblent se soumettre à un Juoement, d’autant que confessi pro iudicatis habentur, l. 2 & 3. ff. De confessis. La Jurisdiction contentieuse est celle des Juges, qui ont pouvoir de juger les différents qui arrivent entre les particuliers qui sont dépendans du Gouvernement d’un Etat politique.

Les actes de la volontaire, sont les contrats : ceux de la contentieuse, sont les Sentences & Arréts. Toutes ces pieces, pour être exécutoires, doivent avoir la marque de l’autorité publique, qui est le Sceau, lequel est ou Royal, ou des Seigneurs de Fief : ce dernier, que les Ordonnances appellent authentique, pour le distinguer du Royal, encore que l’un & l’autre, à proprement parler, soient authentiques, authoritatem ex se habens, derivatoez Juris fontibus nomine ( comme a ditBourdin , dans son Commentaire sur l’Ordonnance de 1539. ) n’est exécutoire, tant pour les Contrats que pour les Sentences, que dans l’etenduë des Justices Seigneuriales dont il dépend : c’est pourquoi hors ce district, il faut une permission du Juge du lieu dans lequel on fait l’exécution, ou des Lettres de Chancellerie qu’on appelle Artache. Mais le Sceau Royal apposé aux Contrats, est exécutoire dans tout le Royaume, par l’Article LXV de l’Ordonnance de 1539. Il est néanmoins de l’usage, que quand on veut excéeuter en vertu d’un Contrat hors des limites du Tabellionnage. où il a été passé, on prend un Visé ; c’est à-dire une permission du Juge du lieu où l’exécution se doit faire. Mais quant aux Sentences & Jugemens des Juges Royaux, lorsqu’on les met à exécution hors le district du Juge qui les a rendus, il faut prendre un Visit du Iuge du lieu où l’on veut exécuter, ou les Lettres de Chancellerie, qu’on appelle Artache ou Parealis : il faut voit l’Ordonnance de 1667, au Titre de l’Exécution des Jugemens, Article VI, à l’égard des Arrêts. VoyezLoyseau , Livre 2. des Offices, Chapitre, où il a fort bien expliqué l’origine, la cause & l’effet des Sceaux, & le Livre premier du même Traité, Chapitre VI, touchant le ministere & le pouvoir de Tabellions & Notaires, tant Royaux que subalternes.

Il faut remarquer deux Usages de la Province de Normandie, & qui sont attestes par les Articles CxxI & & Cxxx du Réglement de 1688, en ces termes : Le Jugement ou Contrat qui étoit exécutoire contre le défunt, l’est aussi contre T’héritier, tant sur les biens de la succession, que sur ceux dudit heritier, suns qu’il soit besoin d’agir contre lui, pour faire déclarer lesdits Contrais E Jugemens exécutoires. L’Article CXxx, qui devoit être mis avant le CXXIx, parce qu’il en est le principe, porte : Les héritiers sont obligés solidairement & per sonnellement aux destes du défunt, sauf leur recours contre leurs cohtritiers, pour la part qu’un chacun d’eux a en la succession.

Aprés ces remarques, il faut venir à l’explication du premier acte d’un Décret, & qui doit être fait en vertu des pieces exécutoires ; c’est le comman-dement de payer, qu’on doit faire à celui qu’on entreprend de décreter : ce commandement est ce qu’on appelle la Sommalion en décret. Trois clauses y sont nécessaires : la première est la demande d’une chose certaine & liquide, comme d’une somme d’argent, ou d’une quantité précise de grains, ou d’autres especes, dont l’appréciation se peut faire aussi-bien aprés la saisie qu’au-paravant, par l’Article LXXVI de ladite Ordonnance de 1539. La seconde est l’interpellation de bailler ou indiquer des biens-meubles exploitables, suffisans pour le payement de ce qui est demandé : cela a été retenu de l’ancien-ne pratique observée dans le Pays coutumier, par laquelle on suivoit l’ordre des exécutions, déclaré dans la Loi à divo Pio, S. in vendilione, ff. De re Judicala, qui est tel, qu’il faut discuter les meubles auparavant que de saisir les immeubles. Mais quoique par cette même Ordonnance, en l’Art. LXXIV. cet ordre ait été abrogé, & qu’on puisse directement saisir les immeubles, sans faire aucune perquisition des meubles, la Coutume ordonne qu’on somme l’obligé ou ses représentans, de bailler des meubles exploitables : cette sommation non-seulement n’engage pas à faire aucune saisie des meubles, mais non pas même à différer long-temps la saisie des immeubles. C’est ce qu’on signifie par la troisieme ciause, qui contient que faute de payement ou de bailler des meubles exploitables & suffisans l’intention du requérant est de faire procéder à la saisie des immeubles appartenans ou ayant appartenu au débiteur, ou à ceux qui le représentent. Il faut de plus observer dans cet exploit plusieurs formalités, qu’il soit fait à personne ou au domicile, que le véritable domicile du requérant non-seulement y soit exprimé mais qu’il soit de plus déclaré un domicile par lui élu dans le lieu où se doit faire le Décret, quand il n’y demeure pas ; que cet Exploit soit fait en présence de deux témoins, ce qui a été ordonné par deux Arrêts donnés en forme de Réglement rapportés parBasnage , l’un du premier de Juillet 16ys, & l’autre du zL6 de Juin 1678 ; ces témoins doivent souserire, ou au moins y appo-ser leurs marques ; ce qui suffit au cas qu’ils ne puissent écrire, suivant qu’il a été jugé par un Arrêt donné sur un partage de la Grand Chambre le 23 de Juillet 1é8y, rapporté par ce même Commentateur : & il faut enfin qu’il soit baillé copie des pieces obligatoires, en vertu desquelles le Décret doit être poursuivi.

Or il n’est pas nécessaire que cette fommation soit faite à tous les héritiers de l’obligé, parce qu’étant tous obligés personnellement & solidairement, suivant ledit Article CXxx du Réglement, sunt corret debendi, in quibus unius conventio & inierpellalio, est conventio C interpellatio omnium : il n’est pas de plus nécessaire, que cette sommation soit faite à l’acquereur ou tiers détenteur de l’héritage ayant appartenu à l’obligé, par l’Article DXLVI, que si cette sommation a été faite à un obligé, & qu’il décede dans l’an, avant que la saisie ait été faite, il n’est pas nécessaire d’en faire une autre à son héritier, comme il est attesté par l’Article CXXXIII dudit Réglement.

Il faut enfin ajouter, que quoique les mineurs n’ayent pas été compris dans la disposition dudit Artiele LXXIV de l’Ordonnance de 1539, & que partant il faille à leur égard suivre l’ordre ancien, & discuter leurs meubles auparavant que de pouvoir saisir leurs immeubles, comme Bourdin l’a remarqué dans son Commentaire sur cette Ordonnance ; néanmoins la Coûtume n’ordonne pas que les meubles des mineurs soient discutés auparavant qu’on saisisse leurs immeubles ; mais elle requiert seulement, que les Tuteurs soient sommés de bailler des meubles exploitables & soient assignés pour bailler un compte sommaire dans la quinzaine, & au cas qu’ils ne baillent point ce compte dans ledit délai, ou que l’ayant baillé, il paroisse qu’ils n’ont point de deniers en leurs mains, ou même si ayant des deniers, ils ne les payent pas dans un autre délai qui n’est que d’une quinzaine ; en tous ces cas, le créancier peut passer outre à la saisie en décret, sauf le recours des mineurs contre leurs Tuteurs, suivant qu’il est expliqué par les Articles DXCI & DXCII. Aux autres Coutumes où il faut discuter les meubles du mineur auparavant que de décreter leurs immeubles, les Tuteurs ne peuvent se dispenser de bailler devant le Juge compétent du Décret, un compte, ou plutot un bref état de leur administration, & il ne leur suffiroit pas de déclarer, qu’ils n’auroient ni deniers ni meubles appartenans à leurs pupilles,Louet , M. 15.

SECONDE PARTIE.

I.

a seconde partie de la division, qui comprend la saisie & tout ce qui se fait jusqu’à l’adjudication, est composée de la saisie, des criées, du record, de la certification, de l’interposition, qu’on appelle aux autres Coûtumes, le congé d’adjuger.

a l’égard de la saisie, il faut distinguer les biens nobles d’avec les non nobles, & commencer par les formalités qui sont communes à ces deux sortes de biens, auparavant que d’exposer celles qui leur sont particuliers. Premierement, il est nécessaire que la saisie soit faite dans l’an & jour de la somma-tion, par l’Article DXLVII. Secondement, il faut qu’elle soit faite à l’issuc de la Messe Paroissiale du lieu ou sont situés les héritages qu’on saisit, à moins que cette Eglise ne soit hors le ressort de Normandie, auquel cas il faut faire la saisie au jour ordinaire du plus prochain Marché étant dans ledit ressort, par les Articles DLIV & DLV. Troisiemement, il faut faire la lecture de toutes les piecees obligatoires, en vertu desquelles la saisie est faite, ensemble de la déclaration des choses saisies, & du prix que le saisissant est obligé d’en offrir, par les Articles DXLVIII, DLVI & DLXIII. Quatriemement, il faut mettre par placard aux portes de l’Eglise ou aux pôteaux du Marché, une copie de la saisie, qui contienne ladite declaration des choses saisies, par l’Article

DLVIII. Cinquiemement, la saisie doit être faite en présence de trois témoins pour le moins, autres que les Records ordinaires, de l’Huissier ou Sergent, par l’Article DLIV, le domicile desquels témoins doit être déclaré, & ces mêmes témoins doivent signer ; c’est-à-dire, souscrire l’original & la copie de la saisie. Sixiemement, le véritable domicile du saisissant doit être déclaré ; & en cas qu’il soit resséant hors la Vicomté, Bailliage, ou autre Justice où les héritages faifis sont situés, il faut de plus déclarer l’élection d’un domicile qu’il fait dans l’etenduë de la Jurisdiction où le Décret doit être poursuivi. Septiemement, il faut que le saisi soit actuellement dépossédé de la chose saisie, ce qui se fait par l’établissement des Commissaires, qui sont mis en possession pour la conservation de la chose, & pour l’aménagement des fruits, afin que l’héritage ne dépérisse point, & que les revenus puissent être utilement employés au payement des créanciers, & à l’acquit du débiteur. Cette dépossession est nécessaire afin que le véritable propriétaire ne puisse pas prétendre cause d’ignorance du Décret, comme l’enseigne le Maître en son Traité des Criées, Chapitre 17, elle se devoit faire par le Sergent ou Huissier en faisant la saisie, parce que la Coutume leur enjoint par l’Article DXLIX, d’établir lors des Commissaires bons & solvables : Mais depuis la création des Offices de Commissaires aux Saisies réelles, ce sont ces Officiers qui font cette dépossession, par les baux judiciaires qu’ils font faire devant le Juge du Décret.

Aprés avoir parcouru les formalités qui sont communes aux biens nobles & non nobles, il faut considérer celles qui leur sont particulières. Chaque piece des héritages non nobles, doit être distinouée & désignée dans l’exploit de saisie, par tenans & aboutissans ( ce sont les bouts & côtés, ) on doit mettre un prix certain & distinct sur chacune de ces pieces, & il est requis que la saisie en soit faite en toutes les Paroisses où il y a de ces héritages, par les Ar-ticles DXLVII, DXL. VIII & DLIV. Mais pour les terres nobles, il n’est pas nécessaire de faire une distinction de toutes les pieces d’héritages qui composent le Fief, il suffit de le saisir en général, en toutes ses circonstances & dé-pendances ; car on a suppléé à ce défaut d’instruction, par la déclaration que le saisissant est obligé de mettre au Greffe incontinent aprés la saisie : la forme, les suites, & les effets de cette déclaration, sont expliqués dans les Articles DLXIV, DLXV, DLXVI, DLXVII & DLXVIII. De plus, il suffit de mettre un prix par une feule somme, sur tout le Fief & toutes les parties d’icelui, suivant les termes de l’Article DLXIII. Enfin, il n’est pas nécessaire de faire la saisie en toutes les Paroisses où s’étend le Fief, mais il suffit de la faire en la Paroisse où le Manoir Seigneurial du Fief est placé, & dont il porte le nom ; car s’il est assis en une autre Paroisse que celle dont il porte le nomil faut faire la saisie en deux Paroisses ; sçavoir en celle où est le Manoir, & en l’autre dont le Fief porte le nom, par l’Article DLXIx, qui ne parle que des criées, & non de la saisie, à l’égard de laquelle l’Article DLXII semble requérir qu’elle soit faite seulement en la Paroisse où le Manoir est situé. Que si les deux Paroisses sont si éloignées l’une de l’autre, qu’un Sergent ne puisse pas en un même jour faire les saisies à l’issue des deux Messes Paroissiales, on pourra se servir de deux Sergens ; & celui qui fera la saisie en la Paroisse du principal Manoir, fera la lecture des pieces obligatoires sur les originaux d’icelles ; mais celui qui la fera en l’autre Paroisse dont le Fief porte le nom, fera ladite lecture sur des copies collationnées par un Notaire,

Tabellion ou Greffier, suivant l’Article DLXX. On appelle ces collations, des Vidimus.

Aprés la saisie faite, il faut faire les criées, non incontinent mais quarante jours apres, si les héritages saisis sont non nobles, ou trois mois aprés, si les héritages sont nobles. Ces criées doivent être continuées par trois Dimanches consécutifs, aux Paroisses ou aux jours de Marché où la saisie a été faite, & il y faut observer les mêmes solemnités ; car il faut faire la lecture de toutes les pieces obligatoires, de la déclaration des choses saisies, des prix que le saisissant y a mis, en présence de trois témoins, autres que les Records, qui doivent signer, il faut de plus afficher le Proces-verbal contenant toutes ces circonstances, à la porte des Eglises ou des pôteaux des Marchés. Ce qui aété dit que les criées devoient être faites quarante jours ou trois mois aprés la saisie, se doit entendre qu’elles ne doivent pas être faites plutôt, & non pas qu’elles ne se puissent faire plûtard, pourvû que ce soit dans l’an & jour de la saisie, qui ne dure que ce temps-là, à moins qu’il n’y ait des poursuites qui en prorogent l’effet ; car toute saisie est annale, comme il a été re-marqué sur l’Article CXI. Neanmoins si le saisissant néglige de faire faire les criées aprés le temps requis de nécessité par la Coutume, les autres créanciers pourront le poursuivre, & demander d’être subrogés en son licu & place, pour continuer les diligences du Décret : Ce qui est pratiqué pour remédier a la collusion d’un créancier avec le commun debiteur, & s’observe de plus, en cas que le saisissant ait transigé avec le saisi, ou soit payé, car les autres créanciers pourront se servir des diligences qui auront éte faites, & les continuer jusqu’à l’entiere perfection du Décret, suivant les paroles de la Loi Cûm unus, S. alier, ff. De rebus authoritate Iudicis possidendis : Si créditer, cui permissum est bona possidère, posseâ recepit debiium suum, coeteri poserunt peragere bonorum venditionem : Mais ils ne pourront pas recommencer par une nouvelle saisie des mêmes héritages, car saisie sur saisie ne vaut rien, comme eil sera expliqué sur l’Article DLXXVI.

Les criées ayant été faites, l’Officier qui les a faites, doit comparoître aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise ( en matière de Décret, les Pleds sont toujours pour les biens non nobles, comme les Assises sont pour les biens nobles ; ) & attester en l’Auditoire, non en la Chambre du Conseil, la vérité de ses Exploits de saisie & de criées : c’est ce qu’on appelle Record, & qui est demeuré de l’ancien usage, à cause de l’importance de ces Exploits, car anciennement les Sergens étoient tenus de venir aux Pleds & aux Assises, pour recorder les Exploits qu’ils avoient faits, par une Ordonnance de l’Echiquier, rapportée parTerrien , au Chapitre de l’uffice du Sergent : Or ces attestations. doivent être signées par lesdits Officiers, & les Greffiers qui sont obligés de delivrer les actes de record séparément, doivent y faire mention de ladite signature.

Aprés le record, le Juge peut procéder dans les mêmes Pleus ou dans la même Assise, à la certification, qui est un Jugement, par lequel les diligences sont déclarées bien faites : mais il faut que ce Jugement soit rendu par l’avis de sept, le Juge compris, lesquels doivent signer, sous peine de nullité, la Sentence de certification ; de laquelle signature sera fait mention dans la grosse qui sera délivrée au décrétant. Que si les héritages sont dependans d’une HauteJustice, où il n’y ait assistance suffisante ; c’est-à-dire, de sept Avocats ou Gra-dués, le Juge compris, le décrétant peut faire certifier les diligences aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise, en l’un des autres Siéges de la Haute-Justice, ou Siége Royal de la Vicomté ou du Bailliage, dans l’etenduë desquels la Haute-Justice est exercée, par les Articles DLVIII & DLXXI.

Sur quoi il ne sera pas inutile de remarquer, que cette Sentence de certification a été réputée être fort importante, puisqu’on y a requis tant de circonstances si onéreuses, & néanmoins si nécessaires à observer ; vû qu’il faut que cette Sentence soit renduë à l’Audience, par sepr Juges qui en signent la minute, comme s’il s’agissoit de la vie d’un homme. Ce qui a été ordonné, à peine de nullité, parce que cet Acte a été estimé être le fondement de l’interposition, qu’on appelle dans les autres Couûtumes, le congé d’adjuger : & que d’ailleurs il doit donner assurance au décrétant, aux autres créanciers & à l’adjudicataire, que les diligences ont été bien faites, de sorte qu’on ne pourra plus impugner le Décret pour raison de nullité. Mais on auroit dû se souvenir de la premiere cause pour laquelle la certification a été éta-blie, & des effets qu’elle produisoit, dans les temps de son ancienne institution, & on auroit reconnu qu’elle est présentement de peu ou même de nulle conséquence importante. Car la certification a été introduite dans le temps. que les formalites de la sommation, de saisie, des criées & du record, étoient incertaines & différentes, y ayant autant de divers Usages & Styles, à l’égard de chacun de ces actes, qu’il y avoit de Siéges de Jurisdiction. C’est pourquoiil étoit nécessaire, avant que de prononcer que ces diligences avoient été bien faites, qu’il y eût une attestation ( c’est à proprement parler un certificat ) faite par des Experts du Siége où l’on poursuivoit le Décret. Ces Experts étoient des Praticiens, c’est-à sçavoir, des Avocats, des Procureurs des Greffiers, des Notaires, des Sergens ; de sorte qu’on ne pouvoit contester la vérité de leurs attestations, que vraie semblablement ils étoient obligés de signer, pour rendre leur nombre & leur qualité, & ensemble la forme de leur témoignage, constantes & autthentiques, vû qu’elles étoient faites par plusieurs personnes bien expérimentées, publiquement & devant leur Juge.

Le Maître en son Traité des Criées, chap. 25, en décrivant la forme de la certification des Criées, enseigne, qu’il faut qu’elle porte, qu’à jours de Pleds, iceux tenans, lecture a été faite du Procés-verbal des Criées d’un tel héritage, en présence de tels G tels Avocais, Procureurs, Sergens, & autres gens de Pratique, qui ont tout dit & rapporté, qu’elles étoient bien & duement faites, sui-vant les Us o Coûtumes du lieu, Bailliage é Senéchaussée, & à cette cause ouis leurs avis, le Juge les certisie duement failes ( rapportées. Il ajoute ensuite, que le plus grand nombre des Praticiens est le meilleur, pour le moins jusquau nombre de six ou huit. Dont on peut conclure évidemment, que la certification n’est pas maintenant comparable à celle de l’antiquité, vû qu’elle n’est plus fondée sur une attestation d’Etperts, qu’on ne pouvoit contester ; mais est une Sentence de Juges qui déclarent que les formalités qui ont été exactement prescrites par la Coûtume, & qui partant ne dépendent point d’aucun usage particulier, mais d’un général & uniforme, ont été bien observées. Cette Sentence n’a pas plus d’autorité que les autres, puisqu’elle ne rend pas la chose jugée plus assurée, d’autant qu’on en peut appeller trente ans apres ; & que de plus, les Juges qui l’ont donnée, ne sont point obligés de la défendre ni de la garantir.

a quoi bon donc un si grand nombre de Juges, cette prononciation faite comme en plein théatre, & cette signature de ceux qui ont opiné : Ne paroit-il pas que toute cette folemnité n’est plus qu’une illusion, & n’a été maintenue que par l’artifice de ceux qui en profitoient, quoique non-seulement elle soit inutile aux véritables intéressés, mais qu’elle leur soit dommageable, tant par l’augmentation des frais qui en rendent les Décrets plus longs & plus difficiles, par le nombre & les salaires des Juges, qu’il faut convoquer, quand il ne s’en trouve pas assez dans la Jurisdiction où se poursuit le Décret : On peut ajouter, que la certification n’a pas été jugée nécessaire pour toutes les autres ventes qui se font en Jugement, quoique tres-importantes, & pour des biens qu’on reconnoit mériter une protection privilégiée, comme sont ceux appartenans à l’Eglise ou à des mineurs ; n’ayant été ordonné par aucune Loi, que les solemnités qui se doivent pratiquer dans la vente de ces sortes de biens, soient certifiées auparavant que d’en faire l’adjudication. l’Aux prochains Pleds, apres la certification, ou à la prochaine Assise, on procede au passement & interposition du Décret ; c’est-à-dire, qu’on ordonne que les choles faisies seront venduës : en la même Assise où cette interposition a été faite, on passe outre, tant à la réception des encheres, qu’au premier acte de l’adjudication, pour ce qui est des héritages nobles ; mais quant aux héritages non nobles, on ne fait ce premier acte d’adjudication qu’aux prochains Pleds ensuivans l’interposition, par les Articles DLIx & DLXXII.

TROISIEME PARTIE.

C Ette Sentence, qu’on appelle la premiere adjudication, n’est qu’un acte qu’accorde le Juge, des encheres qui ont été faites sans pouvoir adjuger définitivement. Pour mieux entendre cela, il est à propos de remarquer, qu’avant la réformation du Chapitre des Decrets, faite en 16o0, cette premiere adjudication étoit ordinairement la finale, d’autant que le décrétant ni les autres créanciers n’en pouvoient empécher l’exécution, sinon en obtenant des Lettres en la Chancellerie, par lesquelles il leur étoit permis de mettre de nouvelles encheres, tant au profit commun qu’au particulier : ce qu’ils pouvoient faire jusqu’à ce que l’ordre, que la Coutume appelle Etat, fut parfait & confommé. Mais cet usage a été aboli par le changement fait aux Art. DLXXXII, DLXXXIII & DLXXXIV, lors de ladite réformation, de sorte que depuis on ne peut plus prendre de Lettres pour avoir la permission d’enchérir aprés cette premiere adjudication ; mais les créanciers peuvent aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise, coucher, c’est-à-dire, faire enrégistrer au Greffe, des encheres à leur profit particulier ; ( on expliquera peu aprés ce que c’est que l’enchere au profit particulier ) au moyen de quoi ladite première adjudication ne subsiste point, & il doit être différé à en faire une autre absolue & finale, jusqu’aux seconds Pleds ou à la seconde Assise, qui se doivent tenit aprés ceux où s’étoit fait cette première adjudication. Mais comme par l’ancien usage, ladite première adjudication étoit finale & exécutoire, si les créan-ciers nobtenoient pas des Lettres pour être permis d’enchérir, nonobstant icelle, ainsi par la réformation faite à cet égard, cette première adjudication. subsiste, si le décrétant ou quelqu’autre creancier ne couche pas au Greffe Ic’est le terme dont se sert la Coûtume en l’Article DLXXXII, des encheres au profit particulier, dans les Pleds ou dans l’Assise, qui sont tenus immédiatement aprés cette premiere adjudication : car s’il n’y a point eu d’encheres enregistrées avant ou lors desdits Pleds ou de ladite Assise, le Juge doit necessairement & indispensablement prononcer la confirmation de ladite premie-re adjudication, & ordonner que l’état sera tenu sur le prix d’icelle, aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise, suns que le décreté ni les éréanciers puissent faire rétracter l’adjudication, à raison de la vilité du prix, quand il seroit de plus de la moitié de la juste valeur : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts rapportés sur ledit Article DLXXXII.

Ce qui peut être cause d’une grande surprise au dommage du décreté & des cré anciers, quand par négligence des créanciers ou par l’artifice d’un enchérisseur, on a omis d’enchérir au profit particulier : ce qu’on pourroit éviter & prévenir, en recevant de nouvelles encheres indistinctement, aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise, où se doit faire nécessairement la véritable & finale adjudication, lorsqu’il n’y a point eu d’enchere couchée au Greffe, pour le profit particulier.

L’enchere au profit particulier, est une invention particulière à la Coutume de Normandie, par laquelle on a voulu faire éviter ou diminuer la perte d’un créancier, qui a une dette créée & reconnue avant. la saifie, en lui donnant le privilége de payer une partie du prix de l’adjudication qui lui est faite des biens décretés, en consignant au lieu d’argent, le contrat qui renferme sa créance, quoique posterieure à toutes celles qui sont colloquées utilement à l’état : ce qui se doit inférer des Articles DLXXVII & DLXXXV. Le profit que le créancier peut recevoir de l’enchère à son profit particulier, est qu’en cas de retrait il en est payé en argent comptant, & partant il sauve sa créance, qu’il auroit perdue par l’insolvabilité de son débiteur. Cette renchere donc au profit particulier doit être couchée au Greffe, suivant l’expression de l’Article DLXXXII ; c’est-àdire, doit être enrégistrée à la diligence du créancier enchérisseur dans les prochains Pleds ou dans la prochaine Assise, aprés ledit premier acte d’adjudication ; ausquels prochains Plaids ou prochaine Assise, la lecture doit être faite de ladite encherc ; ce qui fait différer l’adjudication finale qusqu’aux autres Pleds ou Assises ensuivans : lors desquels, au cas qu’il ne se présente personne qui veuille augmenter l’enchere au profit commun, mise par le créancier qui a enchéri à lon profit particulier ( car afin que l’enchere u profit particulier ait effet, il est nécessaire que celui qui l’a couchée, enchérisse par le même moyen, de telle sorte au profit commun, que les autres créanciers puissent profiter de l’adjudication qui lui sera faite ) on fait derechef la lecture de ladite enchere au profit particulier ; & aprés avoir interpellé l’enchérisseur de déclarer s’il y persiste, ( parce qu’il peut s’en départir entiérement, l’augmenter, la diminuer & l’adapter ) on fait l’adjudication finale : aprés laquelle prononcée par le Juge, nul n’est recevable, pour quelque caufe que ce soit, à mettre une nouvelle enchere, à moins qu’à l’instant & avant que le Juge soit descendu de son siége ou suivant l’expression de la Coutume, en l’Article DLXXXIII, avant la levée de la Jurisdiction, il ne se pré-sente quelqu’un, qui déclare qu’il convertit l’enchere au profit particulier en profit commun ; c’est-à-dire, qu’il n’augmente Tenchere au profit commun, de toute la quantité & valeur de l’enchere au profit particulier ; car en ce cas feul, l’adjudication qui avoit été prononcée, peut être rétractée, pour en faire à l’instant une nouvelle à ce dernier enchérisseur.

QUATRIEME PARTIE.

R Este donc la quatrieme partie de la division proposée ; car l’adjudication. étant faite, l’état doit être tenu dans les prochains Pleds ou dans la prochaine Assise, sans aucune prorogation de delai, & nonobsiant quelques Lettres qu’on pourroit obtenir, dit l’Article DLXXXIII ; & partant, quand l’Article DLXXIV déclare, que l’adjudicataire doit tenir état dans la seconde Assise ou dans les seconds Pleds ensuivans l’adjudication, cela se doit entendre quand ce premier acte d’adjudication, qui se fait immédiatement apres l’interposition, a été suivi de l’adjudication finale faite en l’Assise ou aux Pleds ensuivans, parce qu’il n’y a point eu de rencheres au profit particulier ; mais ne se doit pas entendre de la véritable & finale adjudication, aprés laquelle il est manifeste qu’on doit procéder à tenir l’état, dans la prochaine Assise ou dans les prochains Pleds ensuivans.

La tenue de l’état est la distribution du prix des biens adjugés ; elle est appellée dans les autres Provinces la Sentence d’ordre, parce que le Juge ordon-ne, que les opposans seront payés suivant l’ordre légitime de leurs créances.

Pour faire cette distribution, il est nécessaire que le prix soit représenté par l’adjudicataire c’est pourquoi le premier acte de l’état, est de voir si les deniers dudit prix sont représentés : car quand ils ne le sont pas, le Juge doit condamner l’adjudicataire, & par corps, aux intérêts & dépens de tous les opposans, & à la folle enchere, pour la liquidation de laquelle, une nouvelle adjudication doit être faite aux Pleds ou à l’Assise, aprés une proclamation faite à l’issue des Messes Paroissiales, ou au plus prochain Marché, par laquelle proclamation on fait sçavoir, qu’on procédera à un certain jour prefix, à une nouvelle adjudication, qui se fera dans ledit jour préfix, sans qu’on la puisse différer ni recevoir aucun à enchérir au profit particulier : & partant l’ancien usage est abrogé, par lequel, quand l’adjudicataire étoit défaillant d’exhi-ber les deniers qu’il devoit pour son adjudication, on avoit recours sur celui qui avoit mis l’enchere, laquelle avoit été couverte immédiatement par l’enchere sur laquelle l’adjudication avoit été faite, & on le condamnoit à payer le prix de sadite enchère.

Donc la folle enchère à laquelle est condamné l’adjudicataire, est un supplément de ce qui manque au prix de l’adjudication devenue nulle faute de payement, en tant que le prix de cette même adjudication étoit plus grand que celui de l’autre adjudication, qui est faite pour réparer l’inexécution de la première.

Or tout le prix de l’adjudication n’est pas employé au payement des créanciers ; car il est diminué par les frais privilégies, & par les défalcations qu’il faut faire à l’adjudicataire. Les frais privilegiés sont tout ce qui a été dépense pour parvenir à la vente des biens du commun débiteur : Quidquid explicandarum venditionum causd impenditur, suivant les termes de la Loi Quantifas, ff. Ad legem faleidiam, & le S. in computatione, C. De Jure deliberandi.

C’est pourquoi toutes les diligences du Décret, les Sentences de record, de certification, d’interposition, de reception des encheres, & de tous les actes d’ad-judication, sont partie de ces frais, n’y ayant que la Sentence d’ordre ou le cahier de l’état, qui soit levé aux dépens de l’adjudicataire, parce qu’il lus tient lieu de titre & de quittance. Ces frais étant nécessaires, & faits pour une fin commune à tous les créanciers, eorum causa semper precedit, l. 8. ff. Depositt.

On met au nombre de ces frais, les poursuites faites par le décrétant pour faire juger les oppositions ou appellations qui sont formées, pour empécher & interrompre la continuation du Décret, & en outre les vacations & salaires des Juges qui tiennent l’état.

Quant aux défalcations, ce sont des diminutions du prix de l’adjudication qu’il faut accorder à l’adjudicataire, parce que les héritages qui lui ont été adjugés, se trouvent obligés à des redevances annuelles, soit seigneuriales, soit foncieres ; ou à des charges réelles, comme sont les servitudes, qui n’avoient point été déclarées par la saisie ni lors de l’adjudication : ces liquidations de frais & défaleations sont partie de la tenue de l’état ; mais la principale est la distribution qui se fait du reste du prix aux créanciers opposans.

La Coûtume avoit prudemment pourvû à ce que cette distribution se fît sommairement & sans frais, en ordonnant par les Articles DLIX, DLXXIV. & DLXXVII, que les créanciers & les adjudicataires, qui prétendroient se faire colloquer à l’état, pour être payés ou pour être tenus quittes du prix de l’adjudication, seroient tenus de mettre leurs oppositions au Greffe quinze jours avant l’ouverture de l’état, sur peine d’éviction, afin d’être communiquées aux opposans, & d’être colloquées par le Greffier, selon l’ordre de priorité & postériorité : elle avoit de plus ordonné, que les deniers du prix de l’adjudication fussent representés sur le Bureau, au jour de l’ouverture de l’état, pour être distribués aux opposans : le Juge non-seulement n’en pouvant pas dispenser l’adjudicataire, mais étant obligé à l’évincer de son adjudication, & de le condamner par corps aux dépens, dommages & intérêts, même à la folle enchère, tant envers le décreté que les opposans, par les Art. DLXXIV & DLXXXIV, comte il a été remarqué. Or ces deux regles étant exactement observées, la distribution fe pouvoit faire aisément, & s’il faut ainsi dire, sur le champ : car les opposans étant suffisamment instruits par la communication qu’ils auroient cue des pieces obligatoires produites au Greffe par les opposans, pour faire valoir leurs demandes, pouvoient convenir entr’eux de ceux qui devoient avoir part à la distribution des deniers : & d’ailleurs, le Greffier ayant rangé les oppositions suivant l’ordre des hypotheques, il paroitroit évidemment aux yeux du Juge & des intéressés, quels créanciers devroient être payés, & quels ne le pourroient être faute de deniers, ce qui poutroit être jugé & exécuté à l’instant : que s’il se rencontroit quelque difficulté touchant les hypotheques, qui requit quelqu’instruction plus ample, on pourroit régler les parties contendantes, ou en les renvoyant à l’Audience, ou à écnire & produire, en laissant néanmoins la somme débattue en surséance, de sorte que cela ne différeroit point le progrés de l’état, ni n’en augmenteroit point les frais au préjudice du décreté ni des autres créanciers, parce que les dépens seroient prenables uniquement sur ceux qui auroient contesté entr’eux : ce qui est un bon remede, autorisé par la Coutume de Paris, en l’Article CCCLXII.

Mais quant aux frais privilegiés, la déclaration en pouvant & cevant être faite avant l’état, la taxe en pourroit être faite en si peu de temps, que cela ne pourroit pas retarder l’affinement de l’état : & à l’égard des défalcations, il étoit aisé de prévenir, que la liquidation qui s’en doit faire, n’apportât aucun retardement, en ordonnant une somme en surséance, laquelle pourroit être augmentée ou diminuée, quand il paroitroit par l’événement qu’elle ne seroit pas suffisante ou qu’elle seroit excessive, pour lequel effet, ou les derniers emportans deniers seroient depuis colloqués pour une plus grande somme que celle qu’ils auroient recue, ou rapporteroient le tout ou partie du payement qui leur auroit été fait, en exécution de la caution qu’ils auroient été condamnés de bailler.

Mais tout ce bel ordre a été renversé, car au lieu de représenter les deniers sur le Bureau de Justice, on n’y représente plus que du papier, d’autant que depuis l’établissement des Receveurs des Consignations, on tient l’état sur la foi de leurs récépissés, qu’ils donnent facilement, mais qu’ils n’acquittent que lentement, & avec beaucoup de précautions. Plusieurs séances de l’état le passent en Actes préparatoires, à ordonner que le récépissé du Receveur sera représenté, à envoyer l’adjudicataire en possession, à appeller les opposans, à ordonner qu’ils se communiqueront les uns aux autres leurs pieces obligatoires : car on s’est dispensé de l’observation dudit Article DLIx, qui ordonne aux opposans, sous peine d’éviction, de mettre leurs oppositions au Greffe, quinze jours avant l’état, afin qu’ils en puissent prendre communication les uns les autres, de sorte qu’on peut s’opposer jusqu’à ce que l’état soit elos, c’est-à-dire, fini, & conséquemment, le Greffier ne prend plus le soin de ranger en aucun ordre les oppositions qui sont mises à son Greffe ; mais le Rapporteur de l’état fait lecture de toutes les oppositions, en présence des autres Juges & des opposans, sans y observer aucun ordre, parce qu’il fait donner Jugement sur toutes, aussi-bien sur celles qui ne peuvent être colloquées faute de deniers, que sur celles qui le sont utilement, d’autant que les Juges voulant avoir quelque prétexte de faire de grandes taxes pour leurs salaires, font plusieurs vacations en Actes préparatoires & en Jugemens inutiles, de manière que ce qui pourroit être terminé en deux ou trois séances, ne l’est pas en vingt.

Mais pour reprendre ce qui se doit faire à l’état, aprés que le prix a été distribué au payement des choses privilégiéas & des créanciers, le Juge doit prendre soin, que les pieces obligatoires qui ont été acquittées, soient dossées du payement ; c’est-àdire, que le payement qui a été fait de tout ou partie des obligations contenues aux contrats ou pieces obligatoires, y soit déclaré & certifié par la signature du Juge, & ordonner que les minutes en foient émargées. afin qu’elles n’ayent plus d’effet, & que par collusion on ne les puisse pas faire revivre pour en demander le payement une seconde fois. Auparavant l’établissement des Recettes des Consignations, ces obligations endossées ou émar-gées, étoient mises aux mains des adjudicataires, aussi-bien que les originaux des diligences du Décret, parce que toutes ces écritures confirment son titre qui est l’adjudication, en faisant connoître que le Decret a été bien fait, & que le prix en a été utilement & légitimement employé. Mais depuis cet établissement, ce sont les Receveurs des Consignations qui retiennent en leurs Greffes lesdites pieces obligatoires acquittées, pour faire voir qu’ils ont payé les deniers consignés en leurs mains bien que les quittances qu’ils prennent devant Notaires suffiroient pour leur décharge.1


DXLVI.

En vertu d’Obligation reconnue, Sentence de Justice portant exécution, Contrat passé devant Tabellions ou Notaires, ou autres Let-tres exécutoires, les héritages, rentes & choses immeubles appartenans ou ayant appartenu au débiteur, peuvent être saisis en la main de Justice, pour être décretés, après sommation faite à la personne ou domicile de l’obligé, ou de ses hoirs, ou l’un d’eux, de payer la somme demandée, & pour laquelle on prétend faire décreter l’héritage, sans qu’il soit besoin de faire sommer le tiers-possesseur : & ou l’obligé ou ses hoirs seroient demeurans hors de la Province de Normandie, suffira de faire ladite sommation à l’issue de la Messe paroissiale du lieu où l’héritage que l’on veut décreter est assis.

On a rapporté dans le Discours général, les Articles CxxIx & Cxxx du Réglement de 168d, qui attestent deux usages particuliers de la Coûtume, & qui servent à l’explication de cet Article, auxquels il faut ajouter les Articles CXXXI & CXXXVIII dudit Reglement, qui en confirmant la regle, que le créancier n’est point obligé de discuter les biens du débiteur, ni de ses cautions, auparavant que de pouvoir saisir les biens de l’acquereur ou tiers-pos-sesseur, font connoître néanmoins qu’on a eu quelqu’égard à l’équité des Authentiques, Hoc si debitor, De pignoribus & hypoilecis, & Sed hodie, De oblipationibus & actionibus, au Code, qui sont contraires à cette regle. Le Parlement ayant par ses anciens Arrêts, dont lesdits Articles CXXXI & CXXXVIIIont eté formés, donné deux moyens aux acquereurs de conserver la possession de leurs acquêts, nonobstant le droit d’indivis, que l’hypotheque attribue aux créanciers, sur tous les biens appartenans ou ayant appartenu à leurs obli-gés : car en baillant une déclaration par tenans & aboutissans, des héritages qui sont encore en la main de leur auteur, ou de ceux qui ont été aliénés par lui depuis leur acquisition, pour être décretés à leurs périls ; ils peuvent empécher la décrétation des biens par eux acquis, & obliger le créancier à faire le Decret des héritages dont ils auront baillé la déclaration : mais il faut qu’en même-temps. ils baillent une bonne caution, que le créancier, au moyen du Décret qu’il fera, sera pavé de sa dette, en exemption des frais du Déeret & du treizieme.

Voila quel est le moyen expliqué par ledit Article CXXXI. L’autre moyen est déclaré par ledit Article CXXXVIII, en ces termes : Celut qui a acquis les héritages avant qu’ils fussent saisis par Decret, peut demander le payement des dettes par lui acquittées, anterieures de celle pour laquelle la suisie est requise, ou obliger le saisissant de bailler caution de les faire porter en exemption de treivieme & frais du Décret.

Le Maître en son Traité des Criées, au commencement du Chapitre 32, rapporte un Arrêt donné au Parlement de Paris, par lequel il a été juge, qu’un créancier qui a une hypotheque spéciale, que ies autres créanciers soutiennent être suffisante pour le payement de sa dette, la doit diseuter auparavant que de pouvoir rien prétendre sur les autres biens appartenans au commun débiteur, quoiqu’ils lui fussent engagés par une générale hypotheque ; ce qui est conforme à la décision de la Loi Quamvis 2. C. De pignoribus. Mais ce même Auteur enseigne, que cette Loi se doit entendre entre des créanciers, & non à l’égard du débiteur, dont on peut sans aucune distinction, saisir & faire vendre tous les biens, & même arrêter la personne, quand l’obligation est par corps, le concours d’exécution ayant lieu en France, par l’Ordonnance de 1539, en l’Article LXXIV.

Il y a encore plusieurs remarques à faire, pour plus grand éclaircissement de cet Article DXI. VI. Premièrement, s’il ne se présente point d’héritiers de l’obligé qui est décédé, il faut faire une perquisition à son domicile, & faire les sommations & ajournemens aux héritiers en général, suivant la forme prescrite en l’Article DLXXXVII, c’est ce qu’on appelle contumacer les héritiers en général. On a expliqué sur l’Article LXXXVI, le lieu qui doit être réputé le domicile d’un défunt. Secondement, si on décrete les biens d’une femme mariée, il faut que la sommation, la saisie & les autres diligences, soient faitos contre le mari & la femme conjointement : parce que la femme mariée étant sous la puissance d’un mari, ne peut contracter ni se présenter en Jugement, sans être par lui autorisée : & d’ailleurs le mari, quand il s’agit de la propriété des biens de sa femme, ne peut pas faire de contrats, ni de demandes ou défenses en Justice, sans l’intervention de sa femme comme il a été remarqué sur l’Article DXXXVIII. Troisiemement, on ne peut pas décreter pour une petite somme, quand le revenu d’une année du fonds qu’on faisit, est plus que suffisant d’acquitter la dette : ce qui a été jugé par un Arrêt du 4 d’Août 1631. Quatriemement, on n’estimoit pas autrefois, qu’un Seigneur de Fief pût faire décreter pour ses rentes seigneuriales ni pour le treizieme, parce qu’il peut se faire payer sur les fruits, de sorte qu’il lemble qu’il ne prend la voie du Décret, que par un esprit de vengeance & de vexation : mais on a jugé le contraire en un cas où il étoit dû plusieurs années d’arrérages, par un Arrêt du 20 de Mai 16ys, & à l’égard du treizieme par un Arrêt du 23 de Janvier 1661. Cinquiemement, on a de plus jugé contre l’ancienne Jurisprudence, que la plus-pétition n’étoit point un vice suffisant, pour faire casser un Décret, quand la meilleure partie de la dette que l’on avoit demandée étoit due, par un Arrêt du 22 de Décembre 1670. Sixiemement, n’y ayant que le revenu assigné pour le Titre d’un Prêtre, qui soit déclaré inaliénable, par l’Article XII de l’Ordonnance d’Orléans ; on a jugé, que le fonds baillé à un Prêtre pour son Titre, pouvoit être décreté, à la charge que le Prêtre en auroit l’usufruit, ou que l’adjudicataire lui en payeroit un revenu annuel, de quartier en quartier par avance, par un Arrêt du 10 de Juillet 1676. De plus, le Titre d’un Prêtre n’est pas inaliénable, que quand il n’a point d’autres biens pour subsister : ce qui a fait juger, qu’un Prêtre qui avoit été titulaire & possesseur d’un Bénéfice qu’il avoit résigné, à la charge d’une pension modique de cent quarante livres, ne pouvoit empécher le Decret de l’héritage affecté à son Titre : on a en outre jugé que le Titre d’un Prêtre étoit une charge semblable à la rente foncière, de laquelle tout possesseur est tenu, de sorte qu’on n’est point obligé à décreter : car le Prêtre, comme le Rentier foncier, peut saisir les fruits & les meubles qui sont sur ledit héritage. Les Arrêts sont du 11 de Juin 1625 & du 21 de Février 1664. Septiemement, bien qu’un fonds ait été confacré pour l’édification & bénédiction d’un Temple, il peut être décreté, parce qu’on ne peut valablement dévouer au culte divin le bien d’autrui : ce qui a été jugé par un Arrêt de la Grand Chambre du Parlement de Paris, du 25 de Février 1630. Huitiemement, les créanciers peuvent faire condamner le saisissant, de comprendre dans le Décret les autres biens du débiteur, pour éviter la multiplicité de frais ; parce qu’un décrétant est comme Procureur de tous les autres créanciers, au benéfice desquels le Décret est censé devoir être fait, suivant la Loi Cûm unus, ff. De rebus authoritate Judicis. possidendis. Ce qu’il faut entendre, pourvu que les créanciers baillent une déclaration par tenans & aboutissans des héritaves qu’ils veulent être compris dans le Décret, dont ils sont garans ; & que d’ailleurs, ces héritages soient dans le ressort de la Province : car s’ils étoient ailleurs, le saisissant ne pourroit pas être tenu de les décreter, parce que ce seroit deux Décrets à cause de la diversité des formalités : ce qui a été jugé par un Arrêt du 17 Juillet 16yo, dont la décision doit être appliquée au cas dudit Article CXxxI dudit Réglement. Neuvie-mement, on a jugé par plusieurs anciens Arrêts, qu’un Décret ayant été cassé le décreté devoit rembourser dans un certain délai, les deniers qui avoient été payés à son acquit, du prix de l’adjudication : autrement, quand ces deniers égalent à peu pres la valeur de l’héritage, le Décret devoit être confirmé. Tous les Arrêts cidessus datés, sont référés parBasnage .2


DXLVII.

L’Exploit de la Saisie, doit être fait dans l’an & jour de la sommation de payer, & contenir les bouts & côtés des héritages sai-sis, s’ils sont Roturiers & non Nobles, & doivent iceux héritages être tenus en la main de Justice par quarante jours, à compter du jour de la Saisie.

La saisie étant annale, à moins qu’il n’y ait eu des diligences pour en pro-

Tonger la durée ; on a jugé que tous actes, quoiqu’ils ne servissent pas à l’avancement du Décret, étoient valables pour empécher cette prescription, par un Arrêt du 14 de Mars 16713 Tels sont les actes exercés entre le Fermier judiciaire & le Commissaire. On a de plus jugé, que les Jugemens définitifs, comme sont ceux qui confirment la cause du Décret, pouvoient être exécutés pendant trente ans ; mais que les interlocutoires, tels que sont ceux qui ont réglé des appellations incidentes, ou qui concernent la validité des diligences du Décret, pouvoient & devoient être exécutés dans trois ans : les Arrêts en sont rapportés par Basnage sur cet Article.

Sur lequel on remarque en outre, qu’un vendeur n’est point obligé de fournir la mesure énoncée dans le contrat, quand il a vendu des pièces de terre, distinguées par tenans & aboutissans, que la Coutume appelle bouls & côtes ; à moms qu’il ne s’y soit expressément obligé. Secus, quand il a vendu par une certaine quantité d’acres, d’arpens ou de vergées ; car en ce cas, il est tenu de fournir la mésure.


DXLVIII.

Lors de la Saisie, doit être mis prix d’argent pour une fois payer, ou rente racquittable, sur chacune Piece des Héritages saisis par celui qui requiert l’Exécution par Décret.

On voit par cet Article, que celui qui fait faire une exécution par Décret, s’oblige en quelque façon d’être acheteur de la chose saisie, puisqu’il est tenu d’y mettre un certain prix : c’est pourquoi il est à propos de remarquer qu’anciennement l’adjudicataire pouvoit se constituer en rente rachétable à sa volonté, au lieu d’argent comptant, en baillant caution du payement de la rente. C’est la raison pour laquelle cet Article permet au saisissant, de mettre sur chaque piece d’héritage qu’il faisit, une rente racquittable, aussi-bien qu’une somme d’argent. Cet ancien usage, qui étoit recu en d’autres Coutumes, y avoit été abrogé, en conséquence d’un Arrêt de vérification d’un Edit de François I, donné au Parlement de Paris le 24 de Mars 1548, par lequel il fut ordonné, que les adjudicataires par le prix d’une rente, seroient tenus de représenter le principal de la rente, pour être distribué aux créanciers.4


DXLIX.

L’Huissier ou Sergent faisant la Saisie, doit lors d’icelle, établir Commissaires bons & solvables, pour régir & gouverner les Héritages saisis, insérer leur réponse en son Procès-verbal, & la leur faire signer.


DL.

Les Commissaires établis par lesdits Huissier ou Sergent, doivent faire proclamer les fruits des Héritages, pour être adjugés au plus offrant & dernier enchérisseur, par-devant le Juge ordinaire des lieux, nonobstant Oppositions ou Appellations quelconques, & sans préjudice d’icelle : & par même moyen, faire liquider & arrêter sur le champ les frais de la Commission.

On a remarqué dans le Discours général la cause & la fin de l’établissement des Commissaires, & que toute leur fonction étoit transférée aux Offi-ciers établis en titre de Commissaires aux Saifies réelles. La raison pourquoila Coûtume requéroit que les Commissaires signassent l’Exploit par lequel ils étoient établis, ou qu’ils dissent la cause pourquoi ils ne vouloient ou ne pouvoient signer, est qu’un Huissier ou Sergent n’a pas plus de pouvoir qu’un No-taire, qui doit faire signer les contractans & les témoins, à peine de nullité, ou déclarer que les ayant interpelles de signer, ils ont répondu ne le vouloit ou ne le pouvoir pas faire, par l’Ordonnance d’Orléans, Article LXXXIV, de Blois, Article CLXV. L’Huissier ou Sergent ne seroit pas recu à faire preuve de ces interpellations & réponses par témoins : il faut que cette preuve soit établie par son Exploit, comme la preuve des solemnités d’un testament doit être faite par ce qui est énoncé dans le testament ;Louet , E. 3. T. 12. Voyez les Articles LXXVII, LXXVIII, LXXXII, LXXXIII & LXXXIV de l’Ordonnance de 1539, desquels il semble que la Coûtume ait pris ce qu’elle ordonne de l’établissement des Commissaires & de leur devoir. Voyez de plus, l’Article IV de l’Ordonnance des Criées qui y est conforme ; & ajoute en outre des peines plus rigoureuses contre ceux qui troublent les Commissaires & Fermiers dans la jouissance de leurs Commissions ou Fermes, qu’elle veut être punis comme rebelles & désobéissans au Roi & à Justice. Ioignez les Articles XVI & XVII de l’Ordonnance de 1667, au Titre des Sequesires C des Commissaires.5


DLI.

Et seront les Fermiers desdits Héritages, établis Commissaires, & tenus au payement du fermage, comme dépositaires de deniers de Justice.


DLII.

Le tiers Acquisiteur ayant joui par an & jour, ne doit être dépossédé pendant le Décret, en baillant caution de rendre les fruits, depuis la Saisie jusqu’au jour de l’Etat.

Les fermiers ou locataires & les acquereurs, doivent continuer leurs jouissances, nonobstant la saisie en Décret ; ce qui est décidé par la Loi in venditio-mem, S. 2. ff. De rebus authoritate Judicis possidendis, en ces termes : Nam si jam à debitore, vel locatum erai, vel venieral L Predium ) servabit Proetor locationem à debitore factam, etiam si minoris locatum, vel distradtum sit nisi si in fraudem creditorum hoc fiat. La raison de cette décision, qui est suivie en ces deux Articles, est pour épargner les frais, & exempter le saisi, autant qu’il est possible, des intérêts d’éviction que pourroient prétendre contre lui l’acquereur & les fermiers, au cas de leur dépossession : Mais ces fermiers ou loca-taires sont tenus de payer leurs fermages, comme dépositaires de deniers de Justice ; c’est-à-dire, qu’ils y sont condamnables par corps ; par l’Article DII parce qu’ils ne jouissent plus comme fermiers de leur bailleur, mais comme fermiers judiciaires : Ce qu’il faut entendre pendant le temps du Bail ; car apres, le fermier peut refuser de le continuer, auquel cas le décrétant sera tenu de faire établir un Commissaire. D’autre part, les acquereurs, qui sont maintenus en leur jouissance pendant le Décret, doivent bailler caution de rendre les fruits : c’est-à-dire, la valeur d’iceux, depuis la saisie jusqu’au jour de l’etat, par l’Article DLII qui requiert que l’acquereur ait joui par an & jour avant la saisie, parce que ce temps de possession combat la présomption de fraude, c’est-à-dire, empèche qu’on ne lui puisse objecter vrai-semblablement, que son acquisition n’a été faite que pour frustrer les créanciers de son auteur. Or les fermiers ne peuvent refuser d’exécuter leur bail, qui a son effet pendant le Décret, la Coûtume leur imposant cette obligation : ce qui se pratique soit que le bail soit par un prix d’argent, ou de partie des fruits, comme il a été jugé parun Arrêt du 2é6 d’Octobre 1598, rapporté parBérault . Mais aprés que le Décret est parfait, l’adjudicataire n’est pas obligé siare locationi à debitore fade, il peut déposséder le fermier, sauf le recours du fermier contre son bailleur.6

Sed quid ; L’acheteur, par une vente volontaire, peut-il déposséder le fermier ou le locataire ; Il semble qu’il ne le peut, parce qu’il n’a que le même droit qu’avoit son vendeur, en la place duquel il est entré en vertu du contrat d’achat. Néanmoins le contraire a été jugé par plusieurs Arrêts rapportés sur cet Article, à moins qu’il n’y ait une clause dans ledit contrat, par laquelle il se soit obligé d’exécuter le bail fait par le vendeur. Le propriétaire d’une maison de la Ville, peut déposséder le locataire, pour y venir demeurer lui-même, en dédommageant. Ce dédommagement s’estime diversement a Paris, on condamne le bailleur à payer le prix d’un, de deux ou de trois termes, ce qu’on estime, suivant la qualité du locataire, & le temps qui reste du bail ; mais en Normandie, c’est de trois années une de laquelle le prix est baillé au locataire. Cela n’a pas lieu à l’égard des baux des fermes de la campagne ; on ne peut déposséder les fermiers, pour faire valoir par ses mains.

VoyezLouet , L. 4.


DLIII.

Etat doit être tenu des fruits échus depuis la saisie, avant que des deniers du prix de l’Adjudication ; & neanmoins, où les Commisfaires ne représenteroient au jour de l’Etat leurs deniers, ne sera différé à tenir état du prix de l’Adjudication, & sera baillé Exécutoire aux derniers Créanciers entrans, sur lesdits Commissaires éta-blis au régime.

Les fruits de l’héritage appartenans au décrété jusqu’au jour que l’adjudicataire peut en prendre possession, comme le prouve le Maître au Chapitre 16 de son Traité des Crices, le prix de ces fruits doit être distribué aux créanciers, & à l’acquit des dettes ; c’est pourquoi cette distribution pouvant ac-quitrer tout, il est à propos qu’elle se fasse avant celle du prix de l’adjudication, parce qu’en ce cas le décret seroit arrété, & ne passeroit pas outre. C’est ce qui est ordonné par cet Article ; mais il est mal observé, les Juges ne contraignans pas les Commissaires ou Fermiers, à représenter les deniers de la régie avant na tenue de l’état.7


DLIV.

Aprés les quarante jours passés, seront faites trois Criées par trois jours de Dimanche continuels, à l’issue de la Grand’Messe paroissiale de l’Eglise où les biens saisis sont assis ; ausquelles Criées & chacune d’icelles, le Sergent appellera témoins jusqu’au nombre de trois, autres que ses Records ordinaires, qui seront tenus signer chacune desdites trois Criées, ensemble les Saisies.


DLV.

Et où le corps des Eglises paroissiales seroit hors le Ressort de Normandie, les Saisies & Criées seront faites à jour ordinaire du plus pro-chain Marché des choses saisies.


DLVI.

a la Saisie & chacune des trois Criées, le Sergent est tenu faire lecture des Lettres, Obligations & Déclarations par bouts & côtés desdites Terres saisies, & du prix mis sur chacune Piece.


DLVII.

Le Sergent doit afficher la déclaration des choses saisies, par placard, à la Porte de l’Eglise paroissiale, ou aux pôteaux principaux des Halles & Marchés, tant à la Saisie que Criées.

Ces quatre Articles ont été assez expliqués dans le Discours général : Il faut seulement ajouter, que ce n’est pas une formalité nécessaire d’afficher par placard la copie des pieces obligatoires en vertu desquelles le Décret est pour-suivi : ce qui a été jugé par un Arrêt du 27 d’Août 1629 sur un Consuluiur de la Chambre de l’Edit en Grand Chambre, nonobstant un ancien Arrêt donné en forme de Réglement le 8 Mars r608. Mais il faut mettre dans le placard, outre la déclaration par tenans & aboutissans, le prix mis sur chacune piece ; ce qu’on doit inférer de l’Article DLXIX.8


DLVIII.

Les Criées doivent être rapportées aux prochains Pleds, & recordées par le Sergent, pour la lecture faite de la Saisie, Criées, Let-tres, Obligations & déclarations, être procédé à la certification desdites Criées & diligences, par l’avis des Avocats assistans aux Pleds, jusqu’au nombre de sept pour le moins, le Juge compris ; de laquelle certification sera baillé Acte à part & séparé ausdites Parties : la Minute duquel sera signée, tant du Juge que desdits Avocats assistans ; de laquelle signature sera fait mention en l’Acte qui en sera délivré aux Parties ; & si l’héritage saisi est tenu d’une Haute-Justice, & qu’il n’y ait assistance suffisante, le Décretant pourra, si bon lui semble, faire certifier lesdites Criées aux prochains Pleds ensuivans, en l’un des autres Siéges dépendans de ladite Haute-Justice, ou Siége Royal de la Vicomté, au Ressort de laquelle la Haute-Justice est exercée.

Les Sergens doivent signer leurs records ; mais il n’est pas nécessaire qu’en particulier ils signent le record de chaque Exploit contenu dans leur Procés verbal : il suffit qu’ils signent au bas du cahier, qui comprend toutes les diligences ; ce qui a été jugé par un Arrêt du 27 d’Août 1684, par lequel on a dérogé à un Réglement de 1624, rapporté par Bérault Et quoiqu’il soit dit par cet Article, qu’il doit être fait mention dans l’Acte de certification qui est délivré aux parties, de la signature des sept Juges-Certificateurs, l’omission de cette circonstance n’est pas une nullité, pourvû que la minute ait été signée, comme il a été jugé par un Arrêt du 14 de Mai 1670. On ne s’at ache plus si rigoureusement aux formalités des Décrets, comme on faisoit anciennement, on considere principalement, si la dette pour laquelle on décrete, est bien établie, & si on a observé les principales diligences. Voyez le Maître au Chapitre 1s du Traité des Criées, où il propose & prouve une maxime ou théo-rie, ( c’est le terme dont ces Auteur se sert ) qui est, que quand la Loi ou la Coûtume requiert qu’un acte soit fait d’une certaine maniere ou avec une certaine formalité, l’acte qui est fait sans avoir observé cette maniere ou formalité n’est pas nul, si la Loi ou la Coûtume n’a passé outre & n’à ajouté la nullité pour peine. Secus, quand la Loi ou la Coûtume s’est expliquée par termes prohibitifs ; car alors, encore que non alirâ processerint annullando, l’acte fait contre la défense ou prohibition est nul par ces termes de la Loi Non dubium, C. De legibus : Ea que fieri prohibentur, si fue-rint facta, non solûm inutilia, sed pro infectis habentur ; licet Legislaior fieri prohibuerit tantùm, nec specialiier aixerit, & inutile esse debere quod factum ess. On a jugé par un Arrêt du 22 de Décembre 167o, rapporté parBasnage , que les Juges qui ont certifié les diligences, quoique mal faites, ne sont pas responsales des frais du Décret, mais que seulement ils doivent être prives de leurs salaires, taxés pour la Sentence de certification.9


DLIX.

Aux prochains Pleds ensuivans la certification, sera procédé tant au passement & interposition du Décret, au préjudice du décreté, & de tous autres absens & non contredisans qui pourroient prétendre droit, qu’à la réception des encheres & rencheres, & jour assi-gné aux prochains Pleds, pour être procédé à l’Adjudication d’icelles ; & seront tenus les Opposans dans la quinzaine aprés l’Adjudication, mettre leurs oppositions au Greffe, afin d’être communiquées aux Opposans, & colloquées par le Greffier, selon l’ordre de priorité & postériorité, sur peine d’éviction.

Cet Article ne s’observe pas à la lettre, ni quant à sa premiere partie, ni quant à sa fin. Car il est d’un usage constant, que le décrété peut en quelque temps que ce soit avant l’adjudication finale, faire cesser le Décret, ou en payant, ou en justifiant que la dette pour laquelle le Décret a été entrepris, n’est pas dûe. Il est de plus certain que les opposans qui n’ont pas mis leurs oppositions au Greffe, quinze jours aprés l’adjudication, ou plutôt avant Touverture de l’état, ne sont pas évincés de leurs demandes : mais qu’au contraire, ils sont recus à s’opposer jusqu’à la clôture de l’état ; mais iis peuvent être condamnés aux dépens, quand leur negligence a causé quelque retardement, & de plus, ils ne peuvent empecher l’exécution des Jugemens donnés avant qu’ils se soient présentés, sur les oppositions des autres créanciers : quoique posterieurs en liypotheque, comme il est attesté par l’Article OXXLI dudit Réglement de 16bd, outre que cet Article se doit entendre, avec la limitation portée par l’Article DLXXVIII, qui dispofe que le Décret ne peut être fait au préjudice des rentes seigneuriales, foncieres & anciennes, comme il sera plus amplement expliqué.10


DLX.

Les rencheres doivent être continuées de Pleds en Pleds ; autrement, s’il y a discontinuation de Pleds, celui qui aura requis l’exé-cution, est tenu de recommencer, & si ne lui sont pas comptés ni adjugés les dépens qu’il auroit faits au précédent ; & en ce cas, pourront toutes autres personnes procéder par Saisie nouvelle.

Encheres, en cet Article, signifient les actes solemnels qui se font ensuite de l’interposition, & qui sont nécessaires pour parvenir à l’adjudication finale, tels que sont la premiere adjudication, la lecture de l’enchere au pro-fit particulier, & enfin l’adjudication finale, parce que dans tout ces trois actes, qui se font en différens jours de Pleds ou d’Assises, on y reçoit les en-cheres : Mais il paroit fort rigoureux que la discontinuation de ces actes ruine entièrement tout ce qui a précédé, & même la saisie : Ce qui n’est pas ordonné, quand il y a du défaut aux autres diligences, comme aux criées, au record ou à la certification ; car on peut recommencer ces diligences mafaites, & la saisie qui est bien faite, subsiste.11


DLXI.

Et pour le regard des Fiefs Nobles, ils pourront être décretés en vertu d’Obligations, Sentences, Contrats authentiques, & autres Lettres exécutoires pour quelque somme que ce soit.


DLXII.

Aprés commandement fait à l’Obligé ou ses Hoirs ou l’un d’eux, de payer, ou bailler meubles exploitables, le Fief sera saisi en la main de Justice dans l’an & jour de la sommation, pour y être le temps & espace de trois mois, depuis la Saisie jusqu’à la premiere Criée, & y seront établis Commissaires les Receveurs ou Fermiers, comme dit est pour les Terres Roturieres, & suffira que la Saisie se fasse à l’issue de la Messe paroissiale où le chef-mois du Fief est assis.


DLXIII.

Celui qui fait saisir le Fief, est tenu lors de la Saisie, mettre prix sur le Fief & toutes les parties d’icelui, par une seule somme.


DLXIV.

La Saisie étant faite, le Décrétant est tenu mettre au Greffe déclaration du Fief, contenant les Terres, Bâtimens, Bois, Rentes ou autres appartenances & dépendances d’icelui, & les Paroisses esquelles il s’étend. DLXV.

Ladite déclaration doit être communiquée au Saisi, ou à l’Obligé, ou à leurs Tuteurs, s’ils sont Mineurs ; & à cette fin, doivent être assignés par-devant le Juge où le Décret se passe.


DLXVI.

Lesquels Obligé, Saisi ou leurs Tuteurs doivent en Jugement déclarer dans quarante jours, à compter du jour que ladite déclara-

tion sera baillée, si en icelle déclaration dudit Fief, appartenances & dépendances, ainsi à lui exhibée en Justice, il y a aucune obmission ou erreur, pour ôter ce qui est de plus, ou ajouter ce qui se défaut ; autrement, à faute de ce faire dans lesdits quarante jours, sans autre fommation ni interpellation, ladite déclaration demeure valable, & le Décret interposé sur icelle, sans que puis aprés le Décreté la puisse impugner, débattre ou contredire, ni appeller du Décret pour défectuosité d’icelle déclaration.


DLXVII.

Et où aprés l’Adjudication du Fief, il se trouveroit aucune partie de Rente Seigneuriale, ou quelque partie du Domaine, ou autre chose dépendant d’icelui, obmise en ladite déclaration & Décret elle demeure en la propriété du Décreté ou autre Possesseur, tenue néanmoins dudit Fief décreté à même sujettion qu’elle étoit : si mieux n’aime l’Adjudicataire la mettre entre ses mains, en payant aux derniers Opposans, non emportans deniers ; & où il n’y auroit Oppo-sans, au Décreté, le prix au denier vingt du revenu de la chose obmise, auquel cas sera remise & incorporée au Fief.


DLXVIII.

Et si puis aprés elle est décrétée ou vendue, le Seigneur du Fief décrété la peut remettre entre ses mains, en payant le prix audevant, & au préjudice de tous Héritiers & Lignagers, & sans pou-voir prendre treizieme pour la premiere fois.


DLXIX.

Après les trois mois passés, les Sergens ou Huissiers qui procederont audit Décret, feront trois Criées par trois Dimanches continuels, issue des grandes Messes Paroissiales de l’Eglise du lieu où ledit Fief est assis, & dont il porte le nom ; & où le Manoir Sieurial seroit assis. en autre Paroisse que celle dont il porte le nom, se feront lesdites Criées esdites deux Paroisses seulement, à chacune desquelles appelseront trois témoins pour le moins, autres que leurs Records ordi-naires, ausquels ils feront signer lesdites Saisies & Criées, comme dessus est dit, & par affiches leur Exploit, déclaration dudit Fief appartenances & dépendances, & le prix, aux portes des Eglises Paroissiales où lesdites Criées se feront, ou aux poteaux des plus prochains Marchés.


DLXX.

Et où lesdites Paroisses seroient si éloignées les unes des autres, qu’un Sergent seul ne pourroit faire lesdites Criées en un même jour, elles pourront être faites par divers Sergens en chacune desdites Paroisses, par trois Dimanches consécutifs, & Assignation donnée à venir à un même jour après la dernière desdites Criées ; & que les Sergens qui feront lesdites Criées ailleurs qu’en la Paroisse du Manoir princiPal, fassent lecture sur les Copies des Contrats, Obligations, & Sen-tences dûment approuvées & collationnées par un Notaire, Tabellion ou Greffier.


DLXXI.

Les Criées ainsi faites, seront rapportées par le Sergent à la prochaine Assise, pour être recordées par lesdits Sergens en Justice, où lecture faite desdites Saisies, Criées, Obligations, déclaration & prix, sera procédé à la certification d’icelles Criées, par l’avis des Avocats assistans à l’Assise jusqu’au nombre de sept pour le moins, com-pris le Juge, qui seront tenus signer en la Minute, de laquelle les Parties auront Acte séparément, comme dessus est dit pour les Terres Roturieres.


DLXXII.

a la prochaine Assise ensuivant la certification, il sera procédé à l’interposition du Décret, réception d’encheres & rencheres, vente & adjudication par Justice dudit Fief, au plus offrant & dernier enchérisseur, au préjudice de l’Obligé, Saisi, & tous autres absens & non contredisans ; & dans l’Assise ensuivant, les Opposans seront tenus comme dessus, mettre leurs oppositions au Greffe.


DLXXIII.

Si avec le Fief, sont saisies Terres Roturieres appartenantes à l’Obligé, pour être passées par Décret, elles pourront être décretées en la même forme que le Fief sans que pour ce, on puisse allé-guer nullité ou défectuosité audit Décret, en mettant néanmoins prix sur chacune piece en particulier desdites Rotures.

Ces treize Articles expliquent les solemnites qu’il faut observer dans les Dégarets des biens Nobles, & font connoître les convenances & les différences. qu’il y a entre ces folemnités, & celles qui se pratiquent à l’égard des biens. non Nobles ; ce qui a été assez distingué dans la seconde partie du Discours général : Mais ce qui requiert une explication plus ample, est la déclaration. que le décrétant doit mettre au Greffe, des appartenances ou dépendances du Fief, afin de suppléer en quelque-maniere au défaut d’avoir assez designé dans la saisie, les choses qui doivent être décrétées. Cette déclaration qu’on doit mettre au Greffe peu de temps aprés la saisie ( la Coutume, auparavant la réformation, portoit lors de la saisie ) doit contenir les terres, batimens, bois, rentes, & enfin toutes les autres appartenances & dépendances du Fief, & le nom des Paroisses dans lesquelles il s’etend : Ce qu’il est à propos de spécifier autant qu’il est possible, par la nature, qualité, quantité & situation des héritages ou des redevances. Le saisi doit être assigné devant le Juge du Decret, & sommé de prendre communication par le ministere du Greffier, de cette déclaration, afin de venir dire en Jugement, s’il y a quelqu’omission ou erreut dans ladite déclaration, pour y ajouter ce qui y manque, diminuer ce qui y est de plus, & changer ce qui n’a pas été bien expliqué. Que si quarante jours aprés cette fommation & assignation le saisi ne réforme pas cette déclaration, elle est réputée valable, sans que puis apres il la puisse impugner, debattre ou contredire, ni appeller du Décret par défectuosité d’icelle : ce sont les termes de l’Article DLXVI.

Mais pouvant arriver que cette déclaration soit dans l’effet mal faite, parce qu’il s’y rencontre de l’exces ou du défaut, on a remédié à ces incon-véniens par deux moyens différens : car à l’égard de l’exces, qui est, quand on a compris dans la déclaration quelques fonds ou quelques droits, qui ne sont point des dépendances ou appartenances du Fief, adjugé néanmoins conformément à la déclaration, on accorde à l’adjudicataire une défalcation ou diminu-tion du prix, soit à prendre lors de l’état sur les deniers consignés, soit apres l’état, à recouvrer sur les derniers emportans deniers, qui sont condamnés, même par corps, de rapporter pour l’indemnité de l’adjudieataire, la somme à laquelle la défalcation a eté évaluée ; & c’est pourquoi on les peut obliger à bailler caution de restituer en cas de besoin, les deniers qui leur sont payés. Et quant au défaut ou omission faite dans ladite déclaration, la Coûtume y a pourvûpar les Articles DLXVII & DLXVIII : car s’il se trouve apres l’adjudication faite, quelque partie du domaine non fieffé, ou quelque redevance ou appartenance du Fief omise en ladite déclaration, ce qui aura été omis n’est pas réputé décrété ou adjugé, mais demeure, comme non compris dans le décret ni dans l’adjudication, en la propriété du décrété ou autre possesseur, tenu néanmoins, comme auparavant, du Fief décrété, à moins que l’adjudicataire n’opte de le mettre en ses mains, en payant aux opposans, ou au décrété, au cas qu’il n’ait plus de créanciers, le prix au denier vingt du revenu de la chose omise ; laquelle, au cas de cette option, sera remise & incorporée au Fief, comme elle étoit auparavant l’adjudication : Ce qui a été ordonné en haine du decrété, qui n’a pas révélé cette omission, & de plus, pour conserver le Fief dans son intégrité.

Cette dernière raison est cause, que si cette chose omise est depuis venduë. ou décrétée, l’adjudicataire du Fief la pourra retirer au préjudice de l’acquereur, & des parens & lignagers ; mais il ne pourra prendre de creitieme pour la premiere vente qui en sera faite, lorsqu’il ne veut point la mettre en ses mains, comme il est statué par l’Article DLXVIII. Cette même raison de l’intégrité du Fief, laquelle on doit conserver, est encore caufe que lors de la failie., il ne faut mettre qu’un seul prix sur le Fief, & sur toutes ses appartenances & dépendances, tout devant être adjugé par un seul prix : ce qui ne se fait pas aux héritages non nobles, dont chaque piece doit être appréciée séparément dans la saisie, d’autant qu’elle peut être adjugée séparément : de forte qu’encore bien que des rotures puissent être décrétées conjointement avec un Fiet & en la même forme comme il est dit expressément en l’Article DLXXIII, néanmoins ce même Article requiert, qu’on mette un prix distinct sur chaque piece desdites rotures.

Ce qui a été dit, que l’adjudicataire pouvoit réunir ladite chose omise dans ladite déclaration, en payant le denier vingt du revenu que cette même chose peut produire, suivant l’Article DLXVII, semble devoir être limité, d’au-tant que si cotte chose omise ne consistoit point en revenu ordinaire, mais en ornement & décoration, comme seroit un grand batiment ou un bois de hautefûtaie, il paroit qu’il répugneroit à l’équité de donner à l’adjudicataire le facul-té de pouvoir réunir autrement, qu’en en payant un prix proportionné à la vraye valeur.12

On a rapporté sur l’Article DLXXi deux Arrêts qui doivent servir de Reglemens. Par le premier, qui est du ré de Décembre 1662, il est fait défen-les d’admettre pour Juges, au cas ausquels la Coûtume en requiert un certain nombre, comme aux certifications du Décret, le pere & le fils, le beau-pere & le gendre, deux frères, l’oncle & le neveu ; parce que les opinions de ces parens ou alliés si proches, ne doivent être comptées que pour une voix, quand elles sont conformes : ce qui avoit été jugé par un Arrêt du 23 de Décembre 1660, rapporté sur l’Article DLVIII. Par le second Arrêt, qui est du 28 de Janvier 1675, les Juges doivent être Avocats ou licenciés ; & il est fait défenses d’en appeller d’autres, comme seroient des Praticiens, Procureurs ou Greffiers.

Il faut ajouter une remarque, qui est à faire sur l’Article DLXXII, qu’un héritage étant saisi pour les dettes de l’acquereur, le vendenr & ses créanciers en peuvent demander la distraction, quand le prix n’en a pas été payé, ou faire condamner le décrétant à bailler caution, qu’ils seront colloqués utilement à l’état, nonobstant les frais du Décret & les droits seigneuriaux : mais ils doivent s’opposer avant l’adjudication, car ne s’opposant qu’apres, les frais & droits seigneuriaux leurs seroient préféres : ce qui a été jugé par un Arrêt du 13 de Janvier 1655, rapporté parBasnage .


DLXXIV.

L’Adjudicataire doit tenir état de son enchère à la seconde Assise ensuivant l’Adjudication, si c’est Fief Noble, & aux seconds Pleds, si c’est Terre Roturiere ; & lors dudit Etat, représenter les deniers sur le Bureau, pour être distribués aux Opposans, sans que le Juge l’en puisse dispenser, ores que les Opposans le consentissent sur peine à l’Adjudicataire de payer les arrérages des rentes, & intérêts des deniers au denier dix en son propre & privé nom, jusqu’à ce que les deniers des encheres ayent été actuellement garnis ; sauf, en cas de renchere au profit particulier à consigner l’Obligation, si elle n’est contredite, pour argent comptant ; & à ces fins, elle doit être mise au Greffe quinze jours avant l’Etat, pour être communiquée aux Opposans & autres Créanciers.

Il a été remarqué au commencement de la quatrieme Partie du Diseours général, comme les seconds Pleds & la seconde Assise se doivent entendre en cet Article. Les intérêts au denier dix, ausquels l’adjudicataire est condamnable par ce même Article, ne se sont pas jugés depuis la réduction des rentes faites en 1602 qu’à raison du denier quatorze, & présentement ils ne doivent être jugés qu’au denier dix-huit, comme on le doit inférer de l’Article C dudit Réglement de rébé, à moins qu’il n’y eût des créanciers opposans pour des rentes constituées au denier dix ou quatorze, auquel cas il seroit juste de condamner l’adjudicataire aux arrérages de ces rentes, qui auroient couru depuis l’adjudication, qui lui auroit été faite, & qui seroit devenue nulle, faute par lui d’en avoir payé le prix.13


DLXXV.

Les Rentes Seigneuriales & foncieres, les Treiziemes & frais du Décret, sont pris sur les prix dudit Décret, avant toutes choses.

Les Seigneurs féodaux ou fonciers pouvant être payés de leurs droits & de leurs rentes, en se faisant renvoyer en possession des héritages qui y sont obligés, sans se servir de la voie du Décret ; il étoit juste d’ordonner, comme cet Article paroit l’avoir fait, qu’ils seroient payés de ces redevances avant les frais du Décret, qui ne leur est point nécessaire.

On a jugé la même chose à l’égard de la rente due pour la léegitime d’une femme, quand les biens de la succession des ascendans sont décrétés pour les dettes de son frère ; parce que cette rente est une legitime, & partant un droit propriétaire & foncier, dont la seur doit être payée sans Décret, pouvant s’opposer en distraction, pour demander qu’une partie des choses laisies lui soit baillée pour sa legitime, on au moins que le saisissant lui baille caution, qu’elle sera payée en exemption du treizieme & des frais du Décret. Ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts, desquels a été formé l’Article DXXII dudit Réglement.

La femme a le même privilége pour la répétition de sa dot, quand les biens de son mari qui y étoient obligés, n’ont point été aliénés, comme il est attesté par l’Article précédent CXxl du même Réglement : Mais la seur & la femme doivent faire cette demande avant l’adjudication, autrement, les frais du Décret seroient payés préférablement : Ce qui a été jugé par un Arrêt rapporté parBasnage , du premier de Juin 167y, à l’égard de la seur.

Quand il est dit, que le treiztieme est payé en privilége, il le faut entendre du treizieme dû pour l’adjudication, car pour les treiziemes qui seroient dus pour d’autres ventes précédentes, ils ne sont mis qu’en l’ordre hypothécaire du pour que les Contrats de vente ont été passés, comme il est atteste par l’Article CXLIV du même Réglement.14


DLXXVI.

Saisie sur Saisie ne vaut rien ; & néanmoins, où il y auroit Oppositions ou Appellations, sera l’Opposant ou Appellant tenu les faire juger dans trois ans ; autrement, à faute de ce faire, & ledit temps. passé, sera tiré outre à ladite Exécution par Décret, comme si lesdites Oppositions ou Appellations n’avoient été interjettées.

Cette maxime, saisie sur saisie ne vaut rien, requiert de l’éclaircissement : car ce seroit une erreur de dire, que quand on a faisi quelques biens d’un debiteur, on ne puisse pas faire une nouvelle saisie de ses autres biens meubles ou immeubles, l’accumulation d’exécutions étant permise comme on le doit inférer de l’Article LXXIV de l’Ordonnance de 1539, & de l’Article XLVIII de l’Ordonnance de Moulins : voyez le Maître en son Traité des Criées, Chapitre 32, & partant quand la Coutume dit en cet Article, que suisie sur sai-sie ne vaut rien, il faut entendre qu’une chose ayant été saisie, ne peut être saisie de nouveau, tant que la première saisie subsiste : la raison est, qu’une saisie faite sous le nom d’un créancier, est réputée faite pour tous les autres éréanciers, suivant la Loi, cûm unus ff. De rebus authoritate Judicis possidendis. C’est pourquoi ils ne peuvent saisir de nouveau, mais ils peuvent & doi-vent s’opposer, comme enseigne de Maître audit Chapitre : & partant, quand ils reconnoissent de la collusion ou de la négligence du saisissant, ils peuvent demander d’être subrogés, pour poursuivre en son lieu & place la continua-tion du Décret, ne pouvant recommencer par une nouvelle saisie, à moins qu’ayant remarqué des nullités dans celle qui a été faite, ils n’y soient autorisés : car il a été jugé, que si le créancier même qui a saisi, reconnoissant la saisie défectueuse, s’en veut départir pour en faire une autre, il ne le peut faire valablement, qu’aprés avoir déclaré son désistement au débiteur, & qu’il obéit de payer les dépens & intérets, qui peuvent être dûs pour ce qui a été fait auparavant, par un Arrêt du s de Mai 16o8, rapporté parBérault .15 On peut remarquer sur cet Article, les oppositions qui se peuvent faire aux Décrets. L’Ordonnance des Criées en propose trois différentes, pour distraire, pour annueller, & pour conserver. Les oppositions pour distraire se font par ceux qui prétendent avoir quelque droit de propriété ou d’usufruit sur les choset saisies. Les oppositions pour annuller, sont proposées par le saisi, pour faire connoître qu’il y a nullité au Décret : & quant aux oppositions pour conserver, elles se subdivisent en celles qui se font, ou pour être maintenu en quelque droit réel qu’on prétend sur l’héritage, soit redevance, soit servitude, ou pour avoir l’effet & l’exécution des obligations qu’on a du débiteur, soit qu’elles soient hypothécaires, ou purement personnelles, comme enseigne le Maître au 24 Chapitre de son Traité.

Les oppositions pour distraire, sont fondées sur le S. si super rebus de la Loi à divo Pio, ff. De re judicaia, en ces termes : Si super rebus que pignoris jure caple sunt, controversia sit, constitutum est ab Imperatore nostro, ipsos qui rem judicatam exequuniur, cognoscere debere de proprietate, & si cognoverint ejus fuisse qui condemnaius est, rem judicatam exequantur. Par où il appert, que ces oppositions doivent être jugées avant l’adjudication, & par les Juges du Décret, conformément à l’Ordonnance des Criées, Articles V, XIV, XV. & XVI.

Les oppositions pour annuller, sont fondées sur ladite Ordonnance, qui autorise le saisi à proposer des moyens de nullité : ces moyens peuvent procéder de deux causes, ou pour la défectuosité des solemnités, où parce que la dette, pour le payement de laquelle on poursuit le Décret, n’est pas dde.

Quand la nullité est à raison de la forme, c’està. dire, pour les défauts de folemnités, elle doit être proposée avant la certification, car aprés on n’est pas recevable à impugner la validité des diligences : mais quant à la nullité, quiprocede de la matiere, pro non debito, on la peut proposer depuis la certification, mais il faut que ce soit avant l’adjudication : c’est pourquoi le saisi doit être ajourné pour voir adjuger le Décret, par l’Article V de ladite Ordonnance ; ce que le Maître explique en distinguant : car si le faisi s’est opposé avant la certification, pour faire annuller pour les défauts des formalités, il faut que par l’Exploit qui lui est fait, il soit ajourné à deux fins : l’une, pour bailler ses causes d’opposition & moyens de nullité ; l’autre pour voir adjuger le Décret : & en ce même cas, on ne peut procéder à l’adjudication, qu’il n’ait fourni ses moyens d’opposition, ou qu’il n’en ait été forclos : que s’il ne s’est pas opposé avant la certification, il doit être simplement ajourné, pour voir interposer le Décret ; parce qu’en ce cas il n’est plus recevable à proposer des moyens de nullité, à raison des formalités, comme il a été dit mais seulement à objecter & prouver, que le Décret est poursuivi pro non debiro.

Quant aux oppositions pour conserver, celles qui se font pour des droits réels, sont fondées sur les mêmes raisons que les oppositions pour distraire, afin que d’une part, ceux à qui ces droits appartiennent, n’en soient pas privés, & afin que d’autre part, les adjudicataires ne soient pas trompés, en ache-tant une chose chargée de redevances & de servitudes. Mais les oppositions pour obtenir l’effet des obligations, ont pour fondement la fin des Décrets, qui n’ont été inventés que pour faire payer les créanciers, par la vente des biens appartenans ou ayant appartenu à leurs débiteurs ; elles seules peuvent être jugées apres l’adjudication, par l’Article VI de ladite Ordonnance des Criées : de sorte que par cet Article, & le cinquieme qui le précede, toutes les autres oppositions pour distraire, pour annueller & pour conserver les charges foncieres, doivent être vidées auparavant le congé d’adjuger, dont il ré-lulte, que par cette Ordonnance l’adjudication se fait au préjudice de tous ceux qui pouvoient avoir intérét de l’empécher, quand ils ne s’y sont point oppolés. Il n’y a que les droits & devoirs Seigneuriaux qui soient exceptés, au préjudice desquels le Decret ne peut être fait : car pour les charges purement foncieres, comme sont les rentes créées par les contrats de bail d’héritages, ou les servitudes, on les perd faute de s’opposer, à moins que les servitudes ne soient apparentes & visibles, parce qu’en ce cas, l’adjudicataire ayant pû & dû les connoître, est réputé avoir bien voulu l’héritage avec ces charges. c’est pourquoi il a été jugé, qu’il n’étoit point nécessaire de s’opposer pour les conserver, par un Arrêt rapporté parLouet , S. 1. quem consule.

Mais la plupart de ces Réglemens ne se pratiquent point en Normandie, on n’y reconnoit point les oppositions pour annuller : c’est pourquoi le faisi n’est point assigné pour voir juger le congé d’adjuger, qu’on y appelle l’interposition du Décret, de sorte qu’il peut même trente ans aprés l’adjudication appel-ler du Décret, pour cause, ou de la nullité des diligences, ou de dette non due. Les oppositions pour distraire ou pour conserver les redevances ou les servitudes, y sont connues, mais n’y sont point nécessaires, d’autant que le Décret ne peut être passé au préjudice des droits de propriété & d’usufruit, ni des rentes foncieres, ni des fervitudes, & partant on peut s’opposer pour tous ces droits réels & fonciers aprés l’adjudication, non-seulement pour être colloqué dans l’ordre hypothécaire, c’est-à-dire, pour être payé du prix auquel tous ces droits peuvent être évalués ; ( comme on le peut être par la Coûtume de Paris, en l’Article CCCLVI, lequel modific lesdits Articles V & VI de ladire Ordonnance, qui disposent, qu’on ne peut s’opposer pour conserver les droits réels aprés le congé d’adjuger ) mais pour avoir distraction de la propriété ou de l’usufruit ou pour être maintenu dans la jouissance desdites rede-vances & servitudes, comme il sera expliqué sur l’Article DLXXVIII.16


DLXXVII.

Si l’Adjudicataire est aîné Opposant pour Obligation authentique & valable, il suffit qu’il consigne ses Obligations pour deniers comptans ; tout ainsi que l’Enchérisseur à son profit particulier, ne garnit que les Obligations jusqu’à la concurrence de sa renchère à son profit particulier, & doit à cette fin mettre la copie de ses Lettres au Greffe quinze jours avant l’Etat, pour être vues par le Décreté & Opposans, à la charge de représenter les originaux lors de l’Etat dudit Décret, sur peine d’éviction.

Par obligation authentique & valable, on doit entendre une obligation dont la préférence ne puisse être valablement contestée par les autres créanciers opposans au Décret. Cet Article, avant la réformation faite en r6o0, portoit une obligation non contredite ; mais les Réformateurs ont jugé, qu’il suffisoit d’énoncer que cette oblination devoit être authentique & valable ; ce qui signifie, qu’elle doit être telle qu’on ne la puisse contester avec une honne raison parce qu’étant nécessaire qu’une obligation de cette qualité soit colloquée utilement à l’état : c’est-à-dire, soit acquittée du prix de l’adjudication, il seroit inutile que l’adjudicataire, à qui elle appartient, exhibât des deniers qui lui devroient être infailliblement restitués. Mais si cette préférence est contestée par quelque raison probable, l’adjudicataire doit être provisoirement condamné à consigner en deniers : c’eit pourquoi cette ouligation doit être mise au Greffe, quinze jours avant l’ouvert-re de l’état, pour être vue par le décreté & les opposans, afin qu’ils puissent avoir une instruction suffil’inte, pour en nccorder ou débattre la validité & la préférence : ce qui est enjoint à l’adjudicataire, aussi-bien que de représenter l’original de ladite obligation, sous peine d’eviction, laquelle peine ne doit être réputée comminatoire, comme elle l’est devenue au cas de l’Article DLIX.17


DLXXVIII.

Décret ne peut être passé au préjudice des Rentes Seigneuriales ou foncieres & anciennes, pour faire perdre les Rentes à ceux à qui elles sont dûes, encore qu’ils ne soient opposans audit Décret ; mais perdent seulement les arrérages échus jusqu’au jour qu’ils les auront de-mandés, & sauf à l’Encherisseur à faire venir les derniers emportans deniers.

On voit par cet Article, que la Coutume donne le même privilége aux rentes foncieres qu’aux seigneuriales, en quoi elle differe de l’ulage de Paris, qui s’est conforme à l’Article XIII de l’Ordonnance des Criées, par lequel les propriétaires des rentes foncieres doivent s’opposer, autrement ils perdent leurs rentes ;Louet , C. 19. La raison de cette différence est, que les rentes foncieres ne sont dues que par un titre particulier, & qu’à l’opposite les rentes seigneuriales sont dues par un titre général & ordinaire, en vertu de la Goutume & de l’usage publie des Fiefs ; mais en Normandie, tous les droits fonciers, tant de propriété que d’usufruit, sont conservés sur l’héritage adjugé, encore qu’on ne se soit pas opposé au Décret, comme il a été remarqué sur l’Article DLXXVI. C’est pourquoi les rentes foncieres qui conservent au bailleur la Seigneurie directe, sont mises au même rang que les Seigneuriales. Les rentes même, qui ont été promises par les peres, meres ou freres, pour être la dot des filles ou des seurs, tenant lieu d’une légitime, sont réputées foncieres, & ne se perdent faute de s’être opposé au Décret, tant qu’elles sont en la main des filles ou seurs, ou de leurs descendans, & quoique même elles soient passées entre les mains d’étrangers, pourvu que la facuité de les racquitter eut été prescrite, comme elle le peut être par l’Article DXXIV, elles seront encore réputées foncieres, & c’est vraisemblablement ce que la Coûtume a voulu signifier par le mot d’anciennes.

On a remarqué sur l’Article DXLVI, qu’une rente assignée sur un fonds pour le titre d’un Prêtre, étoit réputée comme une charge foncière, de laquelle tout possesseur de cet héritage est tenu : c’est pourquoi il a été jugé, qu’elle ne se perdoit pas faute de s’être opposé au Décret. Il faut dire la même chose des servitudes & du tiers des enfans, qui ne sont point exclus par le Décret. Quant au douaire, il a été jugé par plusieurs Arrêts, que les femmes ne le perdent point faute de s’être présentées au Décret pour le demander & même aprés l’état tenu, elles ont été envoyées en possession avec restitution de fruits, depuis la demande qu’elles en avoient faite à l’adjudicataire, Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCCLXVIII, touchant la distraction du doüaire demandée par la femme au Décret des biens de son mari.

Quand la femme n’a point la distraction de son douaire, mais qu’il est estime en deniers, il est évalué à la raison du denier six, par rapport à ce que les biens sujets au douaire peuvent produire de revenu, les dettes ainées préalablement prises à proportion : & dans cette estimation le prix n’est considéré qu’en tant qu’il va au profit commun, & non en tant qu’il est adapté au profit partieulier de l’adjudicataire.

En tous ces cas, ausquels l’adjudicataire se trouve tenu de charges & de redevances, il n’est point condamnable pour les années échuës avant l’adjudication, parce que ceux à qui ces charges & redevances sont dues, perdent à l’égard de l’adjudicataire ce qui leur pouvoit être dû avant ce temps, faute de l’avoir demandé à l’état. Il a même été jugé, que l’adjudicataire ne devoit point être condamné au payement des arrérages des rentes ou redevances annuelles, pour lesquelles on ne s’étoit point opposé, échus depuis l’adjudica-tion, sinon du jour de l’action intentée contre lui pour l’y assujettir, par un Arrêt du 22 de Novembre 1634, cité parBasnage . Ce qui est conforme à ce qui est disposé par cet Article, que ceux à qui ces droits & rentes sont dus, perdent seulement les arrérages jusqu’au jour qu’ils les auront demandés & partant, quoique les Seigneurs de Fief ne soient point obligés de s’opposer pour la conservation de leurs droits Seigneuriaux, ni pour être payés du treizieme qui leur est dû de la vente faite par le Décret ; ils doivent néanmoins s’opposer pour tous les profits féodaux qui leur appartiennent, pour causes précédentes l’adjudication. Ce que leMaître , sur l’Article VII de l’Ordonnance des Criées explique en ces termes, au Chapitre 4r de sondit Traité : Le Seigneur feodal n’est tenu s’opposer pour son droit de tenue feodale, relief, rachar, quints & requinis, ou autres droits & devoirs feodaux qui pourroient lui cire dus par la vendition par Decret qui se fera ; car adjudicatons par Décret se doivent faire à cette charge : mais s’il prétend quelques arrérages desdits droits féodaux, ou quelques auires reliefs, rachais, quinis, requints, pourautres mutations précedentes, il faut qu’il s’oppose pour iceux. Ce qui aété suivi en la Cou-tume de Paris, aux Articles CCCLV & CCCILVIII ; mais cette Coûtume dispose audit Articles CCCLVIII, que lesdits Seigneurs, en s’opposant pour être payés de ces droits, qui leur sont dus pour les mutations précedentes le Décret sont préferes à tous créanciers : ce qui ne s’observe pas en Normandie à l’égard du treiieme, comme il est attesté par l’Article CLXIV du Réglement de 1666 & qu’il a été remarqué sur l’Article CLXXV.

On demande qui sont ceux qui ne peuvent appeller du Décret, & dans quel temps on en peut appeller 1 Pour la premiere question, on estimoit anciennement, que tous ceux qui avoient opposé pour être mis en ordre à l’état, étoient non-recevables à appeller du Decret : mais on a jugé depuis, par plusieurs Arrêts rapportés par Bérault sur l’Article DLIx, que ces opposans qui s’étoient présentés à l’état, n’étoient point exclus de la faculté d’appeller, à moins qu’ils n’eussent emporté des deniers. Les opposans aux fins de distraire, impugnent plutôt le Décret qu’ils ne le ratifient, c’est pourquoi ils ont toujours été jugés capables d’en appeller ; encore qu’ils eussent été presens à l’état.

Quant au temps dans lequel on peut appeller d’un Décret, il est de trente ans, aprés lesquels on n’y est plus recevable : de sorte que l’adjudicataire qui a joui trente ans de l’héritage décrété, ne peut plus en être dépossédé par la voie de la Loi apparente, nonobstant les Articles premiers des Titres de Loi apparente & des Prescriptions. Ce qui a lieu aussi-bien contre les mineurs que contre les majeurs, à moins que le Décret n’ait été fait des biens appartenans à un mineur indéfendu, parce qu’il n’y avoit point eu de tuteur établi car en ce cas, on a jugé que la prescription ne couroit que du jour de la majorité, par un Arrêt du ro d’Avril 1548, rapporté par Bérault sur ledit Article DI-lx.

Ce même Commentateur rapporte sur le même Article, un Arrét donné en forme de Reglement, le 21 de Janvier 1600, par lequel ceux qui par leurs oppositions ou appellations frivoles ont empèché le progrés d’un Décret, & ont par ces moyens fait faire des frais qui sont adjugés au décrétant en privilége comme les autres frais nécessaires des Décrets, doivent être condamnés & par corps, aux intérêts & dépens des créanciers, qui à cause desdits frais extraordinaires, n’ont pû être colloqués utilement à l’état sans que les condamnés puissent être admis au bénéfice de cession. Les femmes mariées ont été exceptées de la rigueur de cet Arrêt, à l’égard de la condamnation. par corps, par un autre du 6 Mai 1611, rapporté ensuite par le même Auteur : ce qui a été jugé par les mêmes raisons, pour lesquelles les femmes ma-riées ont été exemptes de la contrainte par corps, aprés les quatre mois, établie par l’Article XLVIII, de l’Ordonnance de Moulins, comme il se voit dans Louet & son Commentateur F. 11. Mais par l’Ordonnance de 166y, en l’Article VIII du Titre de la Décharge des Contraintes par corps, les filles ni les femmes ne peuvent être contraintes par corps, si elles ne sont Marchandes publiques, ou pour cause de stellionat procédant de leur fait.

Le remede que la Coutume donne à la fin de cet Article, de pouvoir faire condamner les derniers emportans deniers, de rapporter ce qu’ils ont re-çu jusqu’à la concurrence de ce qu’il faut pour indemniser les adjudicataires, qui se trouvent chargés de redevances & de droits qui n’avoient point été connus, ni lors de l’adjudication, ni lors de l’état, est tres-équitable : Les adju-dicataires qui ont contracté sous la foi publique des Jugemens, ne devant pas être trompes, & paroissant par l’événement, que le prix de la chose adjugée n’étoit pas suffisant pour payer les derniers créanciers, qui partant ayant recu ce qui ne leur étoit pas dù par l’adjudicataire, peuvent être poursuivis par-lui pour la répétition de ses deniers : Si falso exissimans debere, nummos solvero, qui pro parie alieni, pro parte mei fuerunt, ejus summe pariem dimidiam condicam, l. 19, 8. 2. ff. De condictione indehiti. Ainsi, sous ces termes de derniers emporsans denters, sont compris tous ceux qui n’auroient pas été payés, si le prix de l’adjudication avoit été réduit à la vraye valeur de l’héritage, les charges réclles déduites, ou qu’on eût payé les créanciers qui leur devoient être préférés, mais dont les droits n’étoient pas pas assez éelaircis.18

Quand il y a quelques protestations & réservations faites lors & de l’état par quelques opposans, qui ont des prétentions, ou sur la chose adjugée, ou sur le prix de l’adjudication ; l’on ordonne que les derniers emportans deniers bailleront caution de rapporter ce qui leur a été accordé : ces cautions doivent être reçues par ceux qui ont intérét de faire exécuter ce rapport, le cas échéant. C’est donc à l’adjudicataire à agréer les cautions, lorsque le rapport n’est ordonné que pour le rembourser d’une partie du prix de son adjudication, en conséquence de la défalcation ou diminution qui en est jugée : en quoi il a un double intérêt ; car non-seulement il doit veiller à établir la sureté de son remboursement, mais il doit contester cette défalcation, parce qu’en conséquence d’icelle, les héritages dont il devient propriétaire, demeurent char-gés de droits & de redevances, qui empirent beaucoup la valeur & la qualitéde ces mêmes héritages : Mais quand les cautions sont ordonnées pour assurer les deniers reçus à l’etat, soit qu’ils soient restituables à cause des protestations. faites par quelques opposans, soit qu’ils doivent être remplacés ( comme on l’ordonne à l’égard des deniers adjugés aux femmes mariées : ) alors l’adjudicataire peut se défendre d’agréer ces cautions, d’autant qu’il doit suffire qu’il ait garni le prix de son enchere, pour être possesseur à juste titre : ce prix, des le moment qu’il l’a consigné, n’étant plus à ses risques, mais des créanciers, qui partant ont seuls intérét de le faire payer avec sureté. Basnage rap-porte un Arrêt sans date, mais donné lui plaidant pour un adjudicataire, par icquel il a été jugé, que c’est aux derniers emportans deniers à recevoir ces cautions, à l’égard des remplacemens ordonnés pour les deniers adjugés aux femmes mariées, parce que ce seroient eux plutôt que les adjudicataires, qui pourroient être poursuivis au cas que le remplacement n’eût pas été valablement fait.


DLXXIX.

a la défalcation qui se fera pour Rentes Seigneuriales & foncieres irracquittables, estimation d’icelles se fera au denier vingt, si elles sont en argent ; & si elles sont en especes, l’estimation pour le principal sera faite sur le prix commun de cinq années dernieres réduites à une ; & pour le regard des arrérages, elle sera faite sur le prix arrêté en Justice pour chacune année des arrérages qui sont échus.

Quoique l’adjudication des héritages relevans d’un Fief, se fasse toujours à la charge de continuer le payement des rentes Seigneurales, néanmoins, parce que la qualité & la quantité de ces rentes ne sont pas semblables dans tous les Fiefs, & qu’elles ne sont pas déclarées dans la saisie, ni dans toutes les autres diligences, ni dans l’adjudication, il a été juste de pourvoir à l’indemni-té de l’adjudicataire, en lui accordant une diminution de son enchere. Par especes, on entend les grains & les autres fruits de la terre qui n’ont pas une estimation certaine, mais qui valent tantôt plus, tantôt moins. C’est pourquoi afin de les pouvoir estimer équitablement, à l’égard du principal qu’il convient défalquer, la Coutume propose dans cet Article, de faire un prix des cindernieres années réduites à une, ce qui se fait de cette manière : Par exemple, supposez que le boisseau d’avoine a valu communément dix sols en 1690, qu’il a valu douze sols en 1691, qu’il en a valu quatorze en 1692, qu’il en a valu quinze en 1693, & qu’enfin il en a valu dix-huit en 1694. Il faut assembler toutes ces sommes, & en compenser une, qui sera de trois livres ncuf sols, laquelle il convient ensuite diviser en cind parties égales, dont partant chacu-ne sera de treize sols neuf deniers : dont il résultera que chaque boisseau d’avoine devra être évalué à treize sols neuf deniers, & conséquemment qu’en fai-sant la défalcation à raison du denier vingt, ( comme il la faut faire, quoique la Coûtume ait omis de le déclarer, ) il faudra diminuer pour chaque boisseau treize livres quinze sols. Que s’il y avoit cu deux ou trois années d’une grande cherté, il semble qu’il ne seroit pas équitable de s’arrêter à cette regle pres-crite par cet Article ; mais qu’il seroit juste, ou de faire la supputation sur uu plus grand nombre d’années, comme de quinze ou vingt, ou de soustraire ces années de disette, & remonter aux précédentes.19


DLXXX.

Les Sergenteries Nobles ayant Domaine fiesfé ou non fieffé, doivent être décrétées en la forme & maniere que les autres Terres No-bles ; & s’il n’y a domaine, les diligences & criées seront faites en la Paroisse du principal exercice de la Sergenterie comme pour les autres Offices vénaux.

Les Sergenteries Nobles, sont des Fiefs qui attribuent le droit de commettre un Sergent, pour exercer la Sergenterie dans un certain district : Ces Fiefs peuvent être annexés à un fonds d’héritage, qui est, ou en la possession de propriétaire de la Sergenterie ( c’est ce qu’on appelle le Domaine non sieffe. ou en la possession de quelque Vassal, ( & c’est ce qu’on appelle Domaine siefFe. ) En ces deux cas, le Décret de la Sergenterie Noble doit être fait com-me celui des autres Fiefs ; c’est à-dire, que la saisie, les criées, la certification & les autres Actes judiciaires, doivent être faits aux lieux & devant les Juges où se doivent poursuivre & parfaire les Décrets des fiefs & Terres Nobles. Mais si la Sergenterie Noble n’est point annexée à aucun fonds ou ter-ritoire, alors le Décret s’en doit faire comme celui d’un Office vénal ; c’est-àdire, au lieu où se fait le principal exercice de l’Office de Sergent. On fai-soit autrefois une distinction des Offices, en vénaux & non vénaux ; ceux qui attribuent la qualité de Juge, étoient les non vénaux, parce qu’on ne pouvoit en acquérir le titre par un contrat d’achat : mais présentement, & tempora S mores I rien n’est plus venal que les Offices de Judicature, c’est pourquoi on les décrete comme ceux qui étoient véritablement venaux ; mais on use du terme de licitation, au lieu de celui du décret, & cette licitation se poursuit non devant les Juges où se fait l’exercice de l’Office, mais devant les Juges supérieurs qui ont recu l’Officier. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article DXIV.20


DLXXXI.

Les Bateaux ou Navires doivent être décrétés en Justice après les Criées & Proclamations faites par trois Dimanches subsécutifs, sur les Quais & Havres, & à l’issuc de la Messe Paroissiale de l’Eglise, proche du lieu où le Bateau ou Navire sera arrêté.

Quoique les Bateaux ou Navires soient de vétitables meubles, néanmoins parce qu’ils font une partie considérable des biens de ceux qui en sont propriétaires, la Coutume a disposé qu’ils ne peuvent être vendus en Justice qu’a-vec beaucoup de solemnités. Voyez l’Articie DXIX &Louet , M. 13. Bérault afort bien expliqué ce qui se doit observer en la saisie de ces sortes de biens & a de plus rapporté un Arrêt de Réglement, donné le 14 de Septembre 16cy, par lequel il est prescrit ce qu’il faut faire pour les autres diligences, en tant qu’elles sont différentes de celles qu’il faut pratiquer au Décret des véritables simmeubles.21

Il faut de plus remarquer que tous les deniers baillés pour radouber ou envitailler un Navire ad refectionem aut cibaria, ne sont pas toujours privilégiés, & qu’ils n’ont pas la préférence déclarée par les Loix 5 & 6. ff. Qus potio-res in pignoribus habeantur, que lorsque les obligations en vertu desquelles ils sont demandés, ont été reconnues avant le dernier voyage : car si elles ont été reconnuës depuis le retour, ou ont été renouvellées, ( ce qui arrive quand le créancier s’est fait seulement payer du profit ou intérét de ses deniers, & a laissé son principal, pour avoir même profit sur un autre voyage, elles ne seront pas privilegiées, mais viendront en l’ordre hypothécaire du jour de la reconnoissance. Le créancier qui aura fourni l’argent pour le dernier voyage & pour les causes susdites, aura privilége pour préferer tous les autres créanciers, Hujus enim pecunia salvam fecit toiius pignoris causum, comme il est énoncé en ladite Loi 6 ; c’est-à-dire, a conservé la chose engagée pour la sûreté de tous les autres créanciers, qui partant ne se peuvent plaindre de cette préference.22


DLXXXII.

Aprés l’Adjudication faite au plus offrant & dernier enchérisseur, les Créanciers ayant dettes créées auparavant la saisie, pourront, s’ils voyent que bien soit, aux prochains Pleds ou à la prochaine Assise pour tous délais, enchérir à leur profit particulier ; & à cette fin, coucher leurs encheres au Greffe, sans que pour ce faire il soit besoin d’obtenir Lettres en la Chancellerie, desquelles encheres sera fait lecture publiquement ausdits Pleds ou Assises.

Cet Article & les trois suivans, sont de la continuation des diligences qui se font aprés la première adjudication, Claquelle, comme il a été remarqué n’est qu’un Acte que le Juge accorde des encheres qui ont été faites ) pour parvenir à la véritable & finale adjudication : ce qui avoit été intetrompu depuis l’Article DLx, aprés lequel la Coûtume avoit fait une digression pour faire observer que les biens nobles doivent être décrétés avec quelques formalités différentes de celles qu’on pratique au Décret des biens non nobles.

Elle reprend donc la suite des actes qui sont communs aux Décrets de ces deux sortes de biens, depuis ladite premiere adjudication. On a de plus remarqué au même lieu, qui est la troisieme Partie du Discours général, les inconvé-niens qui peuvent arriver, de ce que le Juge ne peut point recevoir de nouvelles encheres, mais doit nécessairement adjuger sur celle dont il a accordé acte aux Assises ou Pleds précédens, lorsqu’il n’y a point d’enchere mise au Greffe pour le profit particulier. Mais le Parlement, pour remédier aux surprises qui pouvoient être faites au préjudice du décrété & de ses créanciers, a favorablement interprête l’Article DLI & & celui-ci, en jugeant premierement, par un Arrêt donné à l’Audience de la Grand Chambre, le 14 de Juin 1657, qu’il n’étoit pas nécessaire que l’enchere au profit particulier eût été couchée au Greffe, auparavant la séance des Pleds & de l’Assise, ( comme il semble que cet Article le prescrit ) mais qu’il suffisoit de déclarer & de faire enrégistrer cette enchere lors de ladite séance. On a jugé en second lieu, que senchere, quoiqu’adaptée sur une partie des héritages décrétés, devoit avoir son effet pour tous les autres héritages ; c’est-à-dire, qu’elle donnoit ouverture à toutes les encheres au profit commun, sur les héritages mêmes sur lesquels cette enchere au particulier n’avoit point été départie : l’Arrêt est du premier de Juin 1669. On a de plus jugé, qu’une enchere faite au particulier en vertu d’une dette reconnuë depuis la saisie, de quelques héritages compris au Décret, mais antérieure de la saisie des autres héritages compris dans le même Décret, avoit l’effet de proroger l’adjudication finale à l’égard de tous les héritages décrétés, par un Arrêt donné en la Grand Chambre le 7y de Juillet 1678. Ainsi on peut inférer de ces Arrêts, rapportés parBasnage , & de la raison qui y sert de fondement, ( qui est l’utilité du décrété, & des créanciers qu’on doit préserver de fraude & de surprise ) qu’il suffit qu’il y ait une enchere au profit particulier telle qu’elle puisse être, pour empécher que l’acte que le Juge a donné des premieres encheres n’ait l’effet d’une adjudication finale & définitive, sauf, en cas que l’enchere mise au profit particulier, ne soit pas pour une dette légitime ou anterieure de la sailie, à condamner l’adjudicataire à payer son enchere au profit particulier en argent, comme l’enchere au profit commun.23


DLXXXIII.

Et aux autres prochains Pleds ou Assises ensuivans, au cas qu’il n’y ait aucun qui veuille enchérir au profit commun, après lecture derechef faite desdites encheres au profit particulier, sera procédé à l’Adjudication d’icelles, sans qu’aucun, soit l’Adjudicataire ou autre, puisse après être reçu à enchérir, soit au profit commun ou particuier, s’il n’y a quelqu’un qui veuille à l’instant, & avant la levée de la Jurisdiction, renchérir & convertir l’enchere particuliere au profit commun : Et ladite Adjudication faite, sera tenu Etat dans les prochains Pleds, si c’est Terre Roturiere ; ou à la prochaine Assise, si c’est Fief Noble, sans prolongation aucune de délai, nonobstant quelques Lettres que l’on pourroit obtenir.

Il est à propos de répéter sur cet Article, ce qui a été remarqué au commencement de la troisième Partie du Discours général, que par l’ancien Titre des Decrels, rédigé en 1583, on pouvoit obtenir des Lettres de la Chancellerie, par lesquelles il étoit permis d’enchérir, tant au profit commun qu’au particulier, nonobstant qu’il y eût eu une adjudication faite : ce quion pouvoit faire jusqu’à ce que l’état fût clos. Cet usage a été abrogé par la réfor-mation faite en 1600 ; c’est ce que cet Article fignifie, en déclarant qu’on ne peut différer l’adjudication finale, nonobstant quelques Lettres qu’on puisse obtenir ; & c’est en conséquence, qu’il est attesté par l’Article CXLV du Régle-ment, que le Juge ne peut differer l’adjudication finale, pour quelque cause que ce soit, à moins qu’il n’y ait appel ou opposition ; autrement, il seroit condamnable aux dépens, dommages & intéréts.24 L’Article suivant CXLVI du même Réglement, sert à l’éolaircissement de cet Article de la Coûtume ; & atteste, que nul n’est recu à furenchérir apres l’adjudication finale, si elle n’a été faite par dol ou violence ; la vilité du’prix, quand bien il seroit au-dessous de la moitié de la juste valeur, ne pouvant donner lieu à la surenchere : ce qui est conforme à ce qu’enseigneLouet , D. 26. & 32 ; quoique plusieurs Auteurs ayent une opinion contraire, & soient d’avis que quand il y a une lesion énorme qu’il doit être permis au propriétaire & à ses créanciers, de reprendre la possession de l’héritage en rendant à l’adjudicataire ce qu’il lui a couté, pour faire procéder à une nouvelle adjudication, s’ils le jugent à propos. Du Moulin sur l’Article XXII de la Cou-tume de la Marche, atteste l’usage du Parlement de Paris, de ne recevoir point de pourvoi contre les adjudications par Décret, ob vilitatem pretii : mais il ajoute, sed quidquid dicant, est iniquum, & proprietario & creditoribus injuriosum, nec in bona politia celebrandum. Ce qui doit faire juger, que la dé-cision dudit Article CXLVI est à restreindre, & qu’elle ne doit avoir lieu aux Décrets volontaires, dans lesquels le plus souvent les choses se passent, sinon-

arue moins de solemnité, tout au moins avec plus de négligence de la part du débiteur & de ses créanciers, qui s’arrétent au contrat de vente, les formes du Décrét n’étant employées que pour la sûreté de l’acquereur, de sorte qu’il semble, que le vendeur ne doit pas être privé du bénéfice de restitution que la Loi donne, quand il y a une déception d’outre moitié de juste prix ; ce qui est enseigné par le Commentateur deLouet , au lieu susdit, D. 26.25

Lors de l’adjudication finale, on peut agmenter on diminuer l’enchere auprofit particulier : on peut même s’en départir entierement, pourvu que l’en-chere mise pour le profit commun, soit plus avantageuse aux créanciers. On peut aussi faire la répartition de l’enchere au particulier sur une partie des héritages adjugés ; mais il faut que cette répartition soit faite à l’instant de l’adju-dication, autrement, on n’y auroit pas d’égard, & la répartition seroit faite sur tous les héritages au sol la livre : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts, afin d’obvier aux subtilités que les adjudicataires pourroient pratiquer en fraude des droits de retrait, soit féodal, lignager ou de lettre lue.

Il a été ordonné par un Arrêt donné en forme de Réglement, le 24 de Mars r6y8, que pour éviter les surprises, lorsque la Cour renvoie devant le Juge du Décret, pour faire l’adjudication finale, aprés une proclamation qui sera faite d’abondant ; l’Arrét qui porte le renvoi, doit être enrégistré & publié au Siége, à la charge que par la proclamation d’abondant, on désignera un temps de quinzaine pour les Rotures, & d’un mois pour les Fiefs, auquel temps se fera l’adjudication définitive. Il ne faut pas oublier l’Article CXI. du Reglement de 1666, qui fait connoître, qu’il ne faut point certifier les criées d’abondant, ni celles qui ont été confirmées par un Arret du Parlement ; mais que le Sergent qui les a faites, les doit recorder aux prochains Pleds, qui seront tenus apres la criée d’abondant, ou à la prochaine Assise.


DLXXXIV.

Celui qui veut renchérir à son profit particulier, doit laisser la quatrieme partie au profit commun, & tenir Etat, comme dit est, ausdits Pleds ou Assises ; & à faute de ce faire, sera évincé, & condamné, & par corps, aux dépens, dommages & intérêts, même à la folle-enchere, tant envers le Décrété que les Opposans, pour la liquidation de laquelle sera procédé à nouvelle proclamation ausdits Pleds ou Assises.

On propose plusieurs questions sur cet Article. La première, si une femme séparée s’étant renduë adjudicataire en un Décret, peut être condamnée par corps à la folle-enchere, & même si elle a pû y obliger sa dot ; Videtur quod sic, parce que la femme mariée peut bien obliger son corps & sa dot pour le fait de marchandise publique, ut didtum est sur l’Article DXXXVIII ; & partant à plus forte raison, elle peut la même chose, en contractant en Jugement pour cause d’un Décret, dont l’utilité est publique. On dit au contraire, que la femme séparée ne peut obliger sa personne ni ses biens dotaux, que pour de certaines causes, entre lesquelles le Droit coutumier n’a point mis l’adjudication par Decret. Il y a eu des Arrêts pro & contra. Il semble que depuis l’Ordonnance de 1687, qui en l’Article VIII, du Titre des Contraintes par corps, à statué, que les femmes ni les filles ne peuvent s’obliger ni être contrainles par corps, sinon pour cause de marchandise publique, ou de siellionar procé-dant de leur fait, on ne pourroit condamner les femmes ni les filles par corps à la folle-enchere, & partant on ne les devroit pas recevoir à enchérir aux Décrets, à moins qu’elles ne baillassent caution, ou que cela ne fût agréée par les créanciers.26 Une seconde question est, si le Seigneur peut prétendre le treizieme de la folle-enchere ? Il a été jugé, que la folle-enchere ne faisant point partie du prix de l’adjudication, mais étant une peine de la témérité de l’enchérisseur, le treitieme n’en étoit pas dû, par un Arrêt du 27 de Juillet 1638, rapporté parBasnage .

Une troisieme question est, si le treizieme est dû de l’enchere au profit particulier ? Il a été jugé qu’il est dû, parce qu’il fait partie du prix de l’adjudi-cation ; mais qu’il ne se devoit payer que sur le quart qui alloit au profit commun : & que pour les autres trois quarts, qui étoient pour le profit particulier de l’adjudicataire, le treizieme en étoit du par l’adjudicataire, sauf son recours contre le décreté ou ses héritiers : l’Arrêt est du 9 de Juillet 167r.

Une quatrieme question, si les deniers consignés par l’adjudicataire étant perdus par un cas fortuit, ou par la banqueroute du Receveur des Consignations, c’est au décreté, ou si c’est à ses créanciers à porter cette perte ; On a jugé par plusieurs Arrêts, que c’étoit au créanciers ;Louet , C. 50. où l’on peut voir les raisons pro & contra. Il semble qu’on peut opposer contre la décision & les raisons de ces Arrêts, qu’on ne peut objecter aux créanciers aucune faute ayant fait tout ce qu’ils pouvoient & devoient faire pour la conservation de leurs droits ; & qu’au contraire, le décreté est toujours en faute, n’ayant pas payé ses créanciers, & les ayant réduits dans la nécessité de faire décreter ses héritages, & de faire faire par la Justice, la distribution du prix provenu de l’adjudication d’iceux. Ce même Auteur propose une autre question au nombre suivant, si cette perte ausdits cas, doit être portée par tous les créanciers au marc la livre, ou leulement par les anciens créanciers, qui eussent été payés des deniers consignés ; La question, aprés l’avoir traitée in utranique partem, est laissée indécile. Il a éte jugé contre un appellant, que son appel ayant empéché que les créanciers qui avoient été colloqués, n’eussent été payés par le Réceveur des Confignations, devoit porter la perte arrivée par la banqueroute de ce Receveur, par un Arrét de la Grand’Chambre, rapporté parBasnage , du 20 de Novembre 164t, dont on doit inférer, que si le décreté avoit empéché par son appel ou ses contestations à l’état, qu’un créancier ne fût utilement colloqué, la perte des deniers consignés par l’adjudicataire, seroit à son dommage.27


DLXXXV.

Et quand l’héritage est décrété pour dette ancienne dûe par autre que le Possesseur, les Créditeurs ne seront reçus à renchérir à leur profit particulier, si leur dette est postérieure de l’acquisition par lui faite.

Par cet Article, la Coutume a voulu conserver à l’acquereur dépossédé par le Décret son droit de retrait à titre de lettre lue, en ordonnant qu’il nesuffisoit pas au cas que le Décret fût fait pour dette dûe par autre que le pos-sesseur, que la créance pour laquelle on vouloit enchérir au profit particulier, fût antérieure de la saisie en décret, ( comme il semble qu’il est pres-crit par l’Article DLXXXII, & qu’il étoit expressément oréonné par l’Article DLXXXVIII, qui a été changé par la réformation faite en 1600 : ) mais qu’en outre, il étoit nécessaire audit cas, qu’elle fût antérieure de l’acquisition de ce possesseur ou de celui qu’il représente. La raison est, qu’un ven-deur étant dessaisi de la propriété de la chose qu’il a vendue, ne l’a pas pûhypothéquer depuis le contrat de vente, aux dettes qu’il a depuis contractées, c’est pourquoi l’acheteur n’est pas obligé de les payer ; & c’est par cette raison, que l’acheteur pour se maintenir en son acquisition, n’étoit pas obligé de faire controler son contrat d’achat, de sorte que s’il le faisoit controler c’étoit pour avoir hypotheque sur les autres biens de son vendeur en cas d’évietion : il faut voir l’Edit du Controle des Titres, de l’année 1606, vérifié en Parlement, avec quelques modifications, ce qui est rapporté par Bérault sur l’Article DXXVII, à quoi il faut ajouter les Articles CXXXIV & CXXXV. du Réglement de 1666.28


DLXXXVI.

Les Adjudicataires par Décret demeureront saisis des Originaux des diligences du Décret, s’ils veulent, en laissant au Greffe Copies approuvées d’icelles ; ne seront toutefois tenus dix ans aprés l’Adjudication, représenter lesdites diligences, lesquelles de meureront pour constantes, ainsi qu’elles seront énoncées dans le Décret.

La raison pour laquelle les adjudicataires par Décret doivent demeurer faifis. des originaux des diligences du Décret, est afin qu’ils puissent maintenir leur droit, en se défendant contre les nullités, par lesquelles on peut prétendre que le Décret doit être cassé : car encore que la Sentence d’adjudication contienne un recit sommaire de toutes ces diligences, néanmoins elle n’en fait pas une preuve complete, suivant la Regle. Non creditur referenti nisi consiet de relato. C’est pourquoi on a dit, que commemoratio solemnitatum non probat so-lemnitatem, nisi post longum tempus, quo casu propter diuturnitatem temporis prosumiiur solemnitas exirinseca precessisse. La Coutume en cet Article a suivi cette doctrine, en déclarant, qu’aprés les dix ans les diligences demeureront pour constantes, ainsi qu’elles seront enoncées dans le Décret, & que l’adjudicataire ne sera point tenu de les représenter aprés ce temps. Le temps de dix ans est réputé un long-temps par le Droit, qui en distinguant la prescription de l’usucapion, propose de deux sortes de preseriptions ; l’une de longi remporis, qui s’acquiert par dix ans entre présens, & vingt ans entre absens ( elle est pratiquée en la Coutume de Paris ; ) & l’autre de longissimi temporis, qui n’est acquise que par une possession de trente ou de quarante ans. Voyez le Maître en son Traité des Criées, chapitre 29. Il ne sera point inutile de remarquer, que la Coûtume ayant ordonné que les adjudicataires qui veulent être saisis des originaux des diligences, doivent en laisser au Greffe des copies approuvées, a donné un prétexte aux Officiers qui ont été créés avec le titre de Rapporteurs & Certificateurs des diligences des Décrets, de s’attribuer un droit pour collationner ou approuver les copies qui doivent être laissées au Greffe : de sorte que, soit que les adjudicataires requierent ou ne requierent pas d’être saisis des originaux, on les contraint de laisser des copies pour lesquelles ces Certificateurs se font payer le prix qu’ils ont arbitré : ce qui est un abus manifeste.29


DLXXXVII.

Et quand il ne se présente Héritier de l’Obligé, la forme est de faire les Adjournemens & Exploits aux Héritiers en général, à sçavoir, que l’Huissier ou Sergent sera tenu en premier lieu, se transporter en la maison & domicile où réfidoit le Défunt lors de son décès, & illec, ensemble au voisiné & à l’issue de la grand’Messe Paroissiale à jour de Dimanche, de la Paroisse où sera assis ledit domicile, faire perquisition fommaire, pour sçavoir & entendre s’il y

aura aucune personne, qui se veuille dire ou porter Héritier dudit Défunt ; & si aucun ou aucune est trouvé qui tel se veuille dire & porter lui sera fait assignation à comparoir par-devant le Juge à certain, bref & compétent jour, eu égard à la distance du lieu, & le-quel jour sera désigné en l’Exploit : Et s’il n’est trouvé aucune personne, qui Héritier se veuille dire & porter, adjournera ledit Huis-sier ou Sergent les Héritiers en général, en parlant aux personnes, si aucuns y a résidans audit domicile, sinon audit voisiné, & à l’issuc de la grand Messe Paroissiale, à jour de Dimanche, à comparoir au lendemain du quarantieme jour prochain ensuivant ledit Exploit, & autres jours ensuivans ordinaires ou extraordinaires : & du tout sera par ledit Huissier ou Sergent, fait Proces-verbal en forme due, auquel seront dénommés les Témoins qui auront été présens ausdites per-quisitions & adjournemens ; duquel Proces. verbal & du Mandement, ledit Huissier ou Sergent sera tenu afficher par Placards les Copies, l’une à l’huis ou porte dudit domicile, & l’autre à la porte de ladite Eglise Paroissiale, afin que lesdits Exploits soient notoires, & qu’aucune personne n’en puisse ignorer : Et pour emporter profit contre les Héritiers en général, il faut deux défauts, dont le second sera de trois semaines, & par intimation, le jour de l’Exploit non compris ; pour le profit desquels sera passé outre à la saisie des biens du décrété, & à l’interposition du Décret, Etat & affinement d’icelui.

Ce : Article déclare la nécessité & la forme de la contumace qu’on fait juger contre les héritiers en général d’un obligé, dont on veut faire saisir les biens pour les décreter ; il doit être observé nonobstant l’Ordonnance de 16Gy qui a abrogé l’usage des réajournemens, & qui veut qu’on juge le profit des défauts sur un seul exploit d’ajournement : car il a été jugé par Arrét du 12 de T’évrier 16y8, rapporté parBasnage , qu’il faut deux défauts, pour le profit desquels il soit permis de saisir & de decrêter, comme il est prescrit par cet Article.30


DLXXXVIII.

Quand celui que l’on veut faire convenir & adjourner est demeurant hors le Pays de Normandie, l’Adjournement doit être fait sur le lieu contentieux en action réelle, ou dépendant de réalité, lequel doit être rapporté à jour de Dimanche, & signifié par le Sergent à haute voix, issue de la Messe Paroissiale ; & en ce cas, doit y avoir quarante jours d’intervalle, depuis le jour de l’Exploit & publication faite, jusqu’au jour de l’assignation, le jour de l’Exploit non compris ; & lesdits quarante jours révolus & passés, & non plutôt, peut être donné défaut en Jugement contre celui qui n’auroit domicile au Pays de Normandie, & qui seroit absent.

Il est à propos de remarquer, que cet Article ne dispose que des actions. réelles ; car pour les personnelles, les ajournemens se doivent faire aux personnes ou aux dimiciles des ajournés demeurans hors de la Province, pourcu que ce ne soit pas hors du Royaume. Par l’Ordonnance de 1667, en l’Article VII du Titre des Ajournemens, les Etrangers doivent être ajournés à l’Ho-tel des ProcureursGénéraux des Cours de Parlement dans le ressort desquelles l’assignation doit être donnée : & par l’Article suivant, les condam-nés au bannissement ou aux galeres, & les absens pour faillite ou voyage de long cours, doivent être assignés à leur dernier domicile, sans qu’il soit besoin de Proces-verbal de perquisition : & quant à ceux qui n’ont ou qui n’ont eu aucun domicile connu, l’Article I du même Titre, ordonne qu’ils soient assignés par un seul cri public, au principal Marché du lieu de l’établissement du Siége ou l’assignation sera donnée, sans faire aucune perquisition.31


DLXXXIX.

Si la Partie principale est adjournée en l’introduction de la Cause & que son Avocat & Procureur s’est présenté en Cour, il suffit adjourner lesdits Avocat ou Procureur en tous les Actes & Procédu-res qui se font en ladite Cause, fors en faisant l’enquête & production des Témoins, qui se fait hors le lieu de la Jurisdiction, auquel la Partie doit être adjournée à personne ou domicile.


DXC.

Et si la partie n’a domicile audit Pays, il suffira d’adjourner l’Avocat ou Procureur qui aura occupé en la Cause, en lui baillant délai compétent pour le faire sçavoir à sa Partie.

Ces deux Articles sont pour faciliter & abréger les poursuites qui se font en Jugement : ils joignent le ministere des Avocats & des Procureurs ; mais cela se doit entendre à l’égard des Justices où il n’y a point de Procureurs en titre d’Office, & dans lesquelles une même personne fait les fonctions d’Avocat & de Procureur ; ce qui a été permis par l’Article LVIII de l’Ordonnance d’Orléans : mais quand il y a des Procureurs titulaires, les fonctions d’Avocats & de Procureurs sont distinctes, & il ne suffiroit pas d’ajourner l’Avocat, aux termes de ces deux Articles, mais il seroit nécessaire d’ajourner le Procureur.32


DXCI.

Et où l’Obligé seroit Mineur d’ans, il suffit sommer le Tuteur de bailler biens-meubles exploitables pour le payement de la somme, sans faire autre perquisition des biens dudit Mineur, sinon que le Tuteur est tenu quinze jours aprés la sommation, bailler Etat abrégé de ce qu’il doit à son Mineur, à peine de répondre de tous dommages & intérêts tant du Mineur que des Décrétans ; & à faute de le bailler dans ledit temps, le Créditeur pourra sans autre fommation passer à la saisie, & tirer outre audit Décret.


DXCII.

Et au cas que le Tuteur fût trouvé redevable, est tenu l’autre quinzaine après, représenter les deniers qu’il doit à son Mineur ; autre-ment, à faute de ce faire, & icelui temps passé, sans faire autre fommation, le Créditeur peut faire saisir les héritages appartenans audit Mineur, & iceux mettre en Criées ; & autant en peut-il faire, si le Tuteur par l’Etat qu’il aura baillé est trouvé ne devoir rien audit Mineur ; sauf le recours & récompense dudit Mineur contre son Tuteur, au cas qu’il eût celé l’argent par lui dû, ou qu’il ne l’eût payé dans ledit temps.

Il faut voir ce qui a été remarqué à la fin de la premiere Partie du Discours général. On peut rapporter sur ces deux Articles, ce qui a été dit des Tutelies sur l’Article V, au sujet des dations de tutelle & curatelle de mineurs à quoi il est à propos d’ajouter, que tout ce qui est fait avec un mineur, n’est pas nul ni restituable, parce que le mineur peut faire ce qui lui est utile & avantageux sans l’autorité de son tureur, apud Justinianum, De authoritate Tutorum, in initio : ce qui donne lieu de demander, si c’est au mineur ou à celui qui a contracté avec lui, à prouver que le contrat a été prositable au mineur.

Par les Arrêts rapportés parLouet , M. 19, c’est au créancier ou acquereur, à prouver l’emploi fait utilement, à moins que l’aliénation du bien du mineur, n’eût été faite avec toutes les solemnités qui y sont requises, car en ce cas, le mineur seroit tenu de prouver le mauvais emploi.33

Un mineur faisant marchandise, ou exerçant un métier, peut valablement s’obliger pour le fait de marchandise, ou pour ce qui est nécessaire pour l’exercice ou les ouvrages de son méticr : de la même maniere, qu’un Officier mi-neur n’est pas restituable contre les actes dépendans de la fonction de son Office. Anciennement les Officiers qui ne peuvent régulicrement exercer leurs Char-ges qu’aprés la pleine majorité, n’étoient point restituables contre les contrats qu’ils avoient faits depuis leur réception, pour cause de minorité,Louet , G. 9. Mais depuis qu’on s’est relaché de l’ancienne discipline, en accordant trop facilement, & souvent pour de l’argent, les dispenses d’âge pour les Provisions des Offices, comme il n’est pas nécessaire qu’un Officier soit majeur il ne s’ensuit pas, que parce qu’il a été admis à l’exercice d’un Office, par une dispense donnée contre les regles, il a été autorisé de passer toutes fortes de contrats, comme ayant assez d’expérience & de solidité de jugement pour se bien conduire dans toutes les affaires ; ce qui ne s’acquiert que par le temps. & un long usage. Ce qui a été jugé à l’égard d’un Procureur, par us Arrêt du 2 de Juillet 167r, & à l’égard d’un Commissaire du Châtelet de Paris, par un Arrêt du 22 de Juin 1673, rapportés dans la troisieme Partie du Journal du Palais : ces mineurs furent restitués pour cause de leur minorité, con-tre les contrats qu’ils avoient faits avant l’âge de vingt-cinq ans, qui est le temps. de la majorité en la plupart des Coutumes.

Quant aux mineurs, qui en contractant se disent majeurs, il faut que cette affirmation ait trompé : car si elle n’a été faite que pour servir de prêtexte, ou si le contractant avec le mineur a eu trop de facilité à s’en laisser persuader, elle n’empéchera pas la restitution contre le contrat ;Louet , M. 7 oû il est remarque par le Commentateur, que le Parlement de Paris ayant reconnu que les affirmations de majorité, & les représentations d’Extraits bap-tisteres faites par les mineurs, étoient des piéges ordinaires pour les surprendre, & couvrir les fraudes des usuriers contractans avec eux, a fait défenses aux Notaires d’insérer dans les contrats lesdites déclarations & lesdits extraits à peine d’en répondre en leur nom privé, par Arrét donné en forme de Réglement, le o de Mars 1620.

Il a été jugé, qu’un mineur, à qui on avoit envoyé de l’argent, pour en faire le payement à une recette, ayant abusé de cet argent, & l’ayant follement dépensé, non-seulement n’étoit pas condamnable par corps, comme un dépositaire de mauvaise foi ; mais même qu’il devoit être déchargé de la restitution, quoiqu’il parût du dol & de la malice de sa part : l’Arrêt fut donné à l’Audience de la Grand Chambre, le 28 de Janvier 1672, rapporté parBasnage .

On a de plus jugé, que quoique le mineur soit obligé de le relever des contrats faits avec lui pendant sa minorité, dans le trente-cinquieme an de son âge ; néanmoins qu’à l’egard de l’aliénation de ses héritages faite sans solemnité, on pouvoit prendre la voie de la Loi apparente, pour se faire envoyer en possesfion des héritages aliénés, comme contre un possesseur sans titre légitime, par un Arrêt donné au mois d’Août 1626, rapporté parBasnage . Ce qui semble avoir été jugé contre les regles, parce que les contrats faits avec un mineur, qui sont nuls dans leur principe, deviennent de justes titres, quand le mineur ne s’en releve point dans le temps que l’Ordonnance a prescrit.34


DXCIII.

En discussion de biens meubles, les deniers seront distribués aux Créanciers, selon l’ordre de priorité & postériorité, & le premier arrêtant aura les dépens de ses diligences, premier & au-devant des Créanciers.

Quoique les meu bles n’ayent point de suite par hypotheque : c’est-à-dire, que les créanciers ne les puissent failir, quand le débiteur à qui ils appartenoient les a mis hors de ses mains ; néanmoins quand ils sont vendus par Justice, les deniers du prix sont distribués aux créanciers suivant l’ordre hypothécaire, que la Coûtume appelle l’ordre de priorité & posteriorité : dont on peut inferer, que la priorité & la postériorité ne se doivent pas seulement entendre par rapport u temps auquel les obligations ont été contractées, mais aussi par rapport à sa cause d’icelles, d’autant que la priorité & postériorité peuvent être estimées par ces considérations.35

Pour mieux expliquer ce sujet, il est à propos de proposer sommairement la définition & la division de l’hypotheque. Pour commencer par la définition, l’hypotheque est un engagement des biens appartenans à un débiteur, fait sans transport ni tradition, pour la sûreté de l’obligation dont il est tenu. Il paroit par cette définition, que l’hypotheque est une obligation réelle, & qu’elle n’est qu’accessoire de la personnelle, qui est la premiere & principale dont elle dépend : elle differe du gage en ce que le gage se contracte par une tradition & livraison d’une chose, & que l’hypotheque s’établit par une simple paction, sans dessaisissement ni dépossession.

Quant à la division, la plus générale est en conventionnelle & en tacite. La conventionnelle est celle qui nait de la convention ou paction faite entre les contractans. La tacite est celle qui est établie par une loi, sans aucune stipulation ni promesse, comme est celle de la tutelle, celle du doüaire, celle de la legitime des enfans, & plusieurs autres. Il y en a un Titre aux Digestes & au Code : In quibus causis pignus & hypotheca tacité contrahitur. On peut mettre au nombre des hypotheques tacites, celles qui sont créées sur les biens des condamnés, par Sentence des Juges séculiers : ce qui a lieu en France depuis l’Ordonnance de Moulins, en l’Article LIII, qui porte, que la Sentence dont il n’y a point d’appel, ou qui en cas d’appel est confirmée emporte une hypotheque sur les biens du condamné, du jour qu’elle a été renduë. Auparavant cet-te Ordonnance, les Jugemens ne produisoient aucune hypotheque, sinon en tant qu’ils étoient exécutés par une saifie faite des biens du condamné : Id est ex causd judicari pignora capia érant, comme Bourdin l’a remarqué dans son Commentaire sur l’Ordonnance de 1539, Article XCII, & qu’il est montré parle Maître , en son Traité des Criées, Chapître 32, &Louet , H. 25.

Mais les hypotheques, tant conventionnelles que tacites, se subdivisent en privilégiées & en communes. Les privilégiées prennent leur force & leur vertu de la cause de l’obligation, parce que cette cause est favorable, & partant mérite une préférence aux autres créanciers, sans avoir égard au temps auquel les créances ont été contractées. Entre ces causes favorables, font les obligations pour le prix d’une chose vendue, le vendeur ayant un privilége sur la chose qu’il a venduë pour se faire payer du prix, par préférence à tous les créanciers de l’acheteur. Semblablement, celui qui a prété de l’argent, soit pour acquérir soit pour conserver, soit pour augmenter un héritage, a une obligation préférable sur cet héritage ; car par ces moyens, les autres créanciers ont acquis, ou confirmé, ou augmenté leur sûreté : hujus enim pecunia toiam causam pignoris constituit, aut sulvam aut meliorem fecit. C’est par une raison semblable, que les dettes d’un vendeur & celles d’un prédécesseur, quoique postérieures par le temps, sont payées préférablement aux dettes de l’acheteur sur l’héritage acquis, ou aux dettes de l’héritier à l’égard des biens de la succession : d’autant que les créanciers de l’acheteur & de P’héritier, n’auroient aucun droit sur Phéritage vendu, ni sur les biens de la succession, si cet héritage n’avoit pas été vendu, ou si cette succession n’étoit pas échue à leur dé-biteur.

Outre ces hypotheques, qui sont privilégiées sur les immeubles, il y en a qui le sont sur les meubles, parce que leur cause a été jugée favorable. Comme les loyers des héritages de la campagne & des maisons des villes, ont un privilége à l’égard des meubles apportés par les fermiers & par les locataires, dans les fermes & dans les maisons. Les frais funéraux, les falaires des Medecins, des Apothicaires & des Serviteurs, les frais des saisies & des inventai-res, les vacations de Justice, sont pris en privilége sur le prix des meubles laisses par un défunt. VoyezLouet , C. 29. F. 4.

Les hypotheques communes sont celles qui n’ont priorité ou préférence, qu’à cause du temps, qui fait que le plus ancien créancier préfere les autres, qui ont contracté depuis lui, de sorte que celui qui est le premier par l’ordre du temps, a droit de préférer les autres, qui proprior est tempore, potior est jure.

Ce qui s’entend non-seulement de la priorité de jour, mais de l’heure ; cunt de momento in momentum iempus specteiur, l. 3. S. minorem, ff. De minoribus : de sorte que ce qui est dit dans la Loi More Romano, ff. De feriis ; quid-quid in viginti quatuor horis adtum est, perinde est, quasi qualibet hora diei addum effet, ne s’étend pas au cas où le plus diligent est préférable : c’est pourquoi l’Ordonnance de Blois enjoint aux Notaires & aux Sergens de marquer dans les contrats & les exploits le temps de devant ou aprés midi, par les Articles CLXVII & CLXXIII. Que si dans deux contrats passés le même jour, l’heuré n’y est point exprimée, l’hypotheque sera concurrente, mais si dans l’un l’heurs est déclarée, & dans l’autre il n’en soit point fait mention, le contrat où l’heuré est marquée, emportera la préférence : ce qui se pratique dans toutes sortes d’actes où l plus diligent est préféré, comme aux Saisies, & aux Provisions des Be-néfices.

Mais quoiqu’on ne puisse pas stipuler valablement, que les hypotheques communes ayent une préférence avant le temps du contrat dont elles dépendent, on peut néanmoins utilement convenir de la subrogation à une hypotheque, soit commune, soit privilégiée d’un autre contrat. Par exemple, un débiteur remprunte de l’argent pour payer une dette ancienne ou privilégiée, il peut subroger son nouveau éréancier qui lui prête l’argent, à l’hypotheque du créancier qu’il veut acquitter. Mais afin que cette subrogation soit valable, il faut qu’il foit déclaré que l’argent est baislé pour acquitter une telle dette, aux fins de la subrogation à l’hypotheque d’icelle ; & que de plus, il soit énoncé dans la quittance qu’on prend du racquit de cette même dette, que les deniers sont provenus de l’emprunt qui a été fait du nouveau créancier : mais il n’est pas nécessaire que le créancier acquitté, donne aucun consentement exprés à la subrogation ; car ce consentement n’est requis, que quand le créancier, au droit duquel on veut succéder, reçoit directement le racquit de sa créance des mains de celui qui prétend entrer en sa place ; car en ce cas, il est nécessaire que ce créancier qui est acquitté, cede ses actions & subroge à son hypo-theque. Il y a un autre cas, auquel la subrogation est acquise sans stipulation, qui est, quand un créancier voyant qu’il est précédé par un autre privilégié ou plus ancien, le paye pour succéder en sa place ; car dés-lors qu’il paroit ez pecunia secundi creditoris, primun esse dimissum, posterior in primi locum suecedit ipfo jure. Mais dans tous ces trois cas, il est requis qu’il paroisse claire-ment, liquido consier, que c’est de l’argent de celui qui prétend être subrogé, que le premier créancier a été acquitté. Or cette preuve ne se peut faire autrement que par écrit ; c’est-à-dire, par la quittance du racquit, qui contienne une déclaration que les deniers ont été fournis par celui qui se dit subrogé. Que si quelqu’un achete un héritage, à la charge d’acquitter les dettes du vendeur, il entre en la place des créanciers qu’il acquitte en exécution de son contrat, sans aucune stipulation de subrogation, & il peut se maintenir vid ex ceptionis, dans son acquisition, contre les autres créanciers postérieurs de son vendeur, suivant la Loi 3. C. De his qui in priorum locum succedunt, à laquelle est conforme ce qui est attesté par l’Article CXXXVIII du Réglement de 1688, com-me il a été remarqué : VoyezLouet , C. 38, 39. Mais afin que cet acheteur soit subrogé à l’égard des autres biens de son vendeur, il est nécessaire qu’il stipule la subrogation, ou avec son vendeur, ou avec le créancier qu’il a racquitté, suivant ce qui a été dit ci-devant.

Il faut rapporter sur cette matière de subrogation, deux Articles dudit Réglement, dont l’un, qui est le CXXXII, porte que l’obligation du plege est éteunte quand la deîte est payée par le principal obligé, lequel peut subroger celui qui a baillé les deniers à lhypotheque, de la delte acquittée sur ses biens seulement, & non sur ceux du plege ; l’autre Article est le CLI, qui atteste, que les deniers pris en consiitution (’il faut ajouter, avoc la clause de subrogation, jayant été employés au rachal d’une renie, les arrétages de la nouvelle conslitution sont subroges à l’lypotheque de la rente rachetée, jusqu’à la concurrence des arrérages qui en étoient dus par chacun an, 6s le surplus a seulement hypotheque du jour du dernier contra1. Ce qui doit faire connoître que la subrogation n’est que pour faire entrer un créancier en la place d’un autre, sans que cela puisse aggraver ou empirer la condition des autres créanciers antérieurs.

Il ne faut pas omettre, que les arrérages des rentes ont la même hypotheque que le sort principal, suivant la Loi Lucius, ff. Qui potiores in pignoribus habeantur : mais néanmoins, pour conserver cette hypotheque des arrérages, il faut des diligences ou des poursuites faites & rapportées en Jugement de cind Sans en cinq ans, à moins que les biens du débiteur n’ayent été faifis en décret, suivant la remarque faite sur l’Article Dxxx. Donc la reconnoissance faite en Juistice ou devant Notaires, de devoir plus de cinq années d’arrérages, n’a hy pothcque que du jour que cette reconnoissance est faite, à l’égard de ce qui excede les cinq années, comme il a été remarqué sur ledit Article DXXx.

Semblablement, quoique les arrérages des fermages ayent régulierement l’hypotheque du bail, néanmoins si le propriétaire laisse écouler cinq ans aprés le bail fini, sans faire de poursuites contre le fermier, il n’a hypotheque pour ce qui lui est dû du bail, que du jour qu’il en aura fait la poursuite, suivant qu’il est attesté par l’Article CxxXVII dudit Réglement. Les Articles LXXVI, LXXVII & LXXVIII dudit Reglement touchant les Tutelles, font connoître que celui qui a été en tutelle, doit poursuivre dans les dix ans aprés sa majorité son Tuteur, pour lui payer ce qui lui est dû pour le compte de tutelle, autrement, il n’a ni hypotheque sur les biens du tuteur, que du jour de sa demande, ni a aucune action contre les Parens nominateurs ; & qu’à l’opposite, un Tuteur qui a négligé pendant ce même temps de dix ans, de demander ce qui peut lui être dû pour les avances faites pendant son administration, n’a hypotheque que du jour de la demande, & non du jour de l’institution de la tutelle. Toutes ces décisions sont fondées sur une précaution qu’on a voulu prendre contre les fraudes qui se peuvent concerter contre les créanciers, en faisant subsister des dettes, ou qui ne sont point dûes, ou qui ont été acquittées.

Ce qui a été dit, que les meubles n’ont point de suite par hypotheque, semble recevoir plusieurs exceptions : car les meubles apportés par un fermier ou locataire, qui sont hypothéqués pour le payement du loyer ou du fermage, peuvent être suivis par le propriétaire, quand ils ont été enlevés furtivement pour le frustrer, suivant ce qui est ordonné par l’Article CLXXI de la Coutume de Paris. Secondement, si un créancier a été saisi d’un gage qui lui ait été soustrait, il le peut poursuivre comme une chose furtive. En troisieme lieu, celui qui a vendu de la marchandise dont il n’a point été payé, la peut faire saisir & arrêter : en quoi on use de distinction ; car s’il l’a venduë. sans jour & sans terme, c’est à-dire, sans avoir donné aucun temps pour le payement, il la peut suivre en quelque main qu’elle soit passée, pour être payé du prix ou pour en être ressaisi : que s’il a accordé un temps pour le payement, si habuit fidem de pretio, il s’est confié à la promesse de l’acheteur ; & partant, il lui a donné pouvoir d’en disposer par quelque titre que ce soit ; c’est pourquoi il ne la peut plus poursuivre, lorsqu’elle est passée en tièrce main : mais s’il la retrouve entre les mains de celui à qui il l’a vendue, il pourra la revendiquer, ou demander d’être payé de son prix, par préférence à tous les autres créanciers : Ces décisions font les Articles CLXXVI & CLXXVII de la Coutume de Paris. Voyez Louet & son Commentaire, P. 19. En Normandie, le propriétaire d’une maison dans laquelle la marchandise seroit trouvée, seroit préféré pour ses loyers, au marchand qui auroit vendu la marchandise avec jour & terme de payement.

La Coutume de Paris donne au premier saisissant des meubles, la préférence pour être payé du prix provenant de la vente d’iceux, au préjudice de tous les créanciers, qui n’ont que des hypotheques communes ; sinon, lorsque les biens du débiteur, tant meubles qu’immeubles, paroissent n’être pas suffisans pour payer tous les créanciers : C’est le cas de déconfiture, auquel tous les créanciers, tant hypothécaires que chirographaires ( à moins qu’ils ne soient privilégiés ) sont payés sur le prix des meubles & des choses réputées meubles par la Coutume de Paris, comme sont les Offices & rentes hypotheques, par contribution au sol la livre, c’est-à-dire, pro raia debiti. De sorte qu’en ce cas le premier saisissant n’a que les frais de la saisie & des poursuites en dépendantes, en privilége. Voyez les Articles CLXXVIII, CLxxIx, CLxxx,

CLXXXI & CLXXVII de ladite Coûtume, & ce qui a été remarqué sur l’Artiele XCVII. La Coûtume de Normandie, en cet Article DXCIII, est plus con-forme au Droit Romain, par lequel l’action hypothécaire, quasi Serviana, avoit lieu aussi-bien pour les meubles que pour les immeubles, & en outre, est plus favorable aux débiteurs, qu’on ne s’empresse point de faire exécuter, parce que les créanciers ne se font aucun préjudice par le retardement.


DXCIV.

Les Décrets d’héritages & choses immobiliaires, ne pourront être poursuivis, faits ni passés par-devant aucuns Juges extraordinaires, ni même les Elus, ains seulement par-devant les Juges ordinaires, sur peine de nullité.

Par Juges ordinaires en cet Article, on doit entendre les Baillis, les Vicomtes & les Hauts-Justiciers, parce qu’anciennement ils étoient les premiers Ju-ges de toutes sortes de causes : mais leur Jurisdiction a été depuis diminuée, par l’établissement de plusieurs autres espèces de Justices, comme de l’Amirauté, des Eaux & Forêts & des Elections. Nonobstant cet Article, la Cour des Aides de Normandie s’est fait attribuer la compétence en première instance, des Décrets qui se font pour deniers dûs pour Aides, Tailles & Gabelles, & autres Droits Royaux : Ce qui cause une grande incertitude à l’égard des droits des créanciers, y ayant deux Tribunaux en dernier ressort dans la même Coutume, qui la peuvent interprêter diversement. Est remarquable l’Edit rappor-té parBérault , par lequel les Décrets des biens de Normandie, ne peuvent être faits que devant les Juges de la Province, & ne peuvent être évoqués hors d’icelle, encore qu’ils soient poursuivis en vertu de Jugemens rendus, ou de contrats faits hors de son ressort.36


DXCV.

Exécutoires de dépens en Normandie, prennent hypotheque du jour de l’introduction du Procès, & non du jour de la condamnation, pour les Jugemens donnés audit Pays de Normandie.

Par l’Ordonnance de Moulins, en l’Article LIII, les dépens n’ont hypotheque que du jour de la condamnation. La Coutume donne hypotheque pour les dépens jugés, du jour de l’introduction du proces ; en quoi elle fait préjuger que les dépens proviennent plutôt de la cause, c’est-à-dire, de l’action, que de la condamnation du Juge : néanmoins cet Article DXCV, a servi de prêtexte pour faire juger, que les dépens ne peuvent avoir d’hypotheque, sinon du jour de l’action intentée, quoiqu au Parlement de Paris, ou ledit Article LIII de l’Ordonnance de Moulins est pratiqué, on juge que l’hypotheque des dépens est acquise du jour du contrat, en vertu duquel la condamnation de dépens s’est ensuivie ; ce qui n’avoit été jugé par les anciens Arrêts rapportés parLouet , D. 42. & l. 12. que lorsque le contrat ou obligation portoient la clause, d peine de tous dépens, dommages & interéts. Mais par d’autres Arrêts donnés depuis, on a jugé la même chose, encore que cette clause ne fût point exprimée ; par la raison, que dans les contrats de bonne foi, les clauses ordi-naires y sont toujours présumées, comme l’atteste le Commentateur deLouet , sur ledit nombre 42. On a de plus, jugé la même chose à l’égard des intérêts, lorsqu’on les a adjugés, ou faute d’avoir payé les sommes dûes par cé-dules & obligations, conformément à l’Article LX de l’Ordonnance d’Orléans, ou pour n’avoir payé les dépens jugés & taxés, aprés le commandement fait de les payer, suivant qu’il est rapporté parLouet , I. 6 ; car en ces cas, les intérets, quoiqu’ils ne soient dûs que du jour de la demande ou dudit commandement, prennent hypotheque du jour des obligations ou des Jugemens por-tans condamnation desdits dépens : ce qui ne se pratique point en Normandie, où les dépens n’ont hypotheque que jour de l’introduction du Proces, comme il est artesté par l’Article CXLVIII du Réglement de 1686, quoique la Coutume en cet Article, n’ait pas déclaré par un terme négatif, que les depens ne doivent avoir hypotheque que du jour de l’action ; mais se soit servie d’un terme affirmatif, prennent hypoiheque : ce qui vraisemblablement ne comprend que le cas ordinaire, pour y attribuer une hypotheque antérieure à celle qui est établie par ledit Article LIII de ladite Ordonnance de Moulins ; mais ne devoit pas exclure le cas extraordinaire, qui est, quand l’hypotheque des dépens a été stipulée par un contrat, ou vient en conséquence d’un Jugement précédent.37

reur manqua à cet engagement ; le vendeur fut obligé d’essuyer des frais de la part des créanciers, & de plaider contre l’acquereur ; par l’Arrêt il fut ordonné que tous ces dépens seroient pris en privilége sur le fonds vendu, au préjudice & par préférence aux créanciers de l’acquereur. L’Arrêt est fondé sur ce que l’héritage vendu tient lieu de gage au vendeur pour l’exécution des clauses du contrat de vente & de tout ce qui en résulte.

C’est un abus presqu’universel dans toutes les Jurisdictions de la Province, de colloquer les dépens dans le même ordre que le principal de la demande, cela ne doit avoir lieu que dans les états de décret à l’égard des frais employés à parvenir à la collocation ; car par rapport aux autres dépens, on doit suivre la date des ajournemens, suivant cet Article, quand même la créance seroit privilégiée.

Basnage traite plusieurs questions sur la solidité de la condamnation aux dépens, elle doit avoir lieu, suivant les bonnes regles, entre plusieurs complices d’un même crime ; mais on l’observe rarement en matiere civile, & on ne la pratique que quand elle a été prononcée par l’Arrêt ; cependant quand des héritiers ont repris une Instance encommencée par celui auquel ils ont succédé, la condamnation des dépens emporte la solidité, même en matiere civile, à l’égard de ceux qui ont été faits avec leur Auteur, par le principe que les héritiers sont obligés solidairement & personnellement aux dettes du défunt.

Basnage examine encore les différens cas où les dépens transissent par corps dans les Intances civiles ou criminelles : il faut lire sur cela les Ordonnances de 1éb7 & 167o, & le Traité de la Just. Crim, de M. Jousse.



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Les marques & les signes visibles que les Grecs apposoient sur les fonds engagés, nous prouvent que les ventes solemnelles & forcées n’y étoient pas inconnues ; l’Auteur de la Conférence du Droit Attique & Romain, cite des autorités qui ne permettent pas d’en douter ; à Rome cette Loi écrite en caractere de sang, qui permettoit aux créanciers de couper leur débiteur par morceaux, fit place à l’esclavage pratiqué, ditCésar , parmi les anciens Gaulois, chez lesquels le pere pouvoit vendre son fils pour se libérer ; & ce Droit, qui autorisoit de réduire son debiteur en servitude, subsista, selonForget , jusqu’en l’an 428 de la Fondation de Rome.

La subhastation ou vente solemnelle des immeubles du débiteur sous le javelot ou la pique, est donc le dernier droit des Romains ; mais quel affreux spectacle I Cicéron le rend, dans son discours pour Quintius, avec cette éloquence forte & pathétique qui lui est propre : le tableau ouvre la seene des funérailles d’un homme vivant ; ce ne sont point, dit-il, des amis, des proches qui honorent le convoi de leur présence & des témoignages publics de leurs regrets, ce sont une troupe d’hommes dévoués à la cupidité, dont la soif du lucre s’enflamme & s’assouvit dans le malheur d’un concitoyen, à qui il ne laisse en partage. que la solitude & le desespoir is enim cujus bona sub precone venierunt non modo ex numero vivorum exturbatur, sed S si fieri potest infra mortuos mandatur ; l’Orateur termine ce morceau, qu’on ne peut lire sans être attendri, en disant que les honnêtes gens, les gens de bien n’ont recours à la subhastation que comme au remede le plus extrême, & aprés avoir long-temps éprouvé la mauvaise foi & les artifices condamnables de leur débiteur.

Il faut avouer que cette peinture n’est pas étrangere à nos moeurs ; les fortunes médiocres croulent sous le dédale immense des formalités des décrets ; le créancier se donne beaucoup de mouvemens ; le débiteur se voit dépouillé, & l’un & l’autre sont à peu pres, pour l’ordre de leurs affaires, dans la méme situation qu’ils étoient auparavant. Les Edits introductifs du Droit de consignation, que les mauvais temps ont arraché, aggravent encore tres-considerablement les frais des saisies réelles.

Cependant il reste deux remedes pour adoucir la condition des débiteurs : Le premier consiste à faire observer exactement la Coutume & la Jurisprudence des Arrêts, à re-trancher sans ménagement de la taxe des frais de décret, toutes les diligences inutiles, & à réputer telles celles qui ne sont prescrites ni par la Coutume, ni par les Arrêts, & qu’un usage abusif a introduites, à enjoindre au Procureur du décrétant, ou au plus ancien Procureur des opposans, de dresser & signifier l’Etat sur les pieces des créanciers pour délivrer sur le champ des exécutoires pour les Articles consentis, sauf à faire droit sur les contestations, aux frais de ceux qui succomberont : Le second remede consiste à interdire la voie de décret pour les dettes modiques, & au-dessous de roy livres quand on peut être payé par de simples Arrêts, & au Seigneur même pour les frais de treizième : ce tempérament est si équitable, ditBretonnier , surHenrys , quest. ôr, Tomez, qu’il devroit avoir licu généralement, & pour les riches & pour les pauvres : car c’est blesser la Justice, comme la cha-rité, de saisir & faire vendre les biens d’un débiteur, quand les fruits de ses héritages peuvent satisfaire ses créanciers : tel est l’esprit de notre ancienne Jurisprudence. PoyerAuza -net, sur l’Article LXXIV de Paris.

M. deHéricourt , dans son Traité de la Vente des immeubles, s’est conformé au vou desbons citoyens, lorsqu’il a soupiré apres une Loi uniforme sur le fait des décrets : Henti Il en avoit formé le projet, & il est étonnant que les Magistrats qui ont travaillé à la rédaction des nouvelles Ordonnances sous Louis XIV, ne se soient pas occupés d’une matière aussi intéressante de nôtre droit François. La réformation des abus peut se faire sans attenter au droit municipal de chaque Province, il n’est question que de mêttre dans les ventes forcées de la simplicité & de la publicité ; mais quel fléau que les directions ; Nous avons la douleur de voir chaque jour, chez nos voisins, des procédures ténébreuses & illusoires absorber le patrimoine des débiteurs & le gage des créanciers.


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DuCange , verb. Subhastation, indique une Charte de oûr, d’où l’on peut conclure qu’en plusieurs endroits de la France les créanciers pouvoient alors faire vendre les meubles & immeubles de leur débiteur à cri public & à son de trompe ; dans la France coutumière, la vente des immeubles par encheres fut long-temps inconnuë, le créancier, faute d’être payé, prenoit des fonds de son débiteur par estimation : cette pratique s’abolit peu à peu, & elle avoit d’ailleurs cela d’incommode, que le créancier étoit souvent forcé de prendre des fonds éloignés de son domicile.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’auparavant l’Arrêt de l’Echiquier de l’an 1482, les formalités des décrets étoient incertaines en Normandie ; elles étoient confiées à la foi des témoins, & la manière d’y procéder n’étoit uniforme en aucun des Bailliages. Voyes Forget sur ce Titre & l’Arrêt de 1482, rapporté parTerrien , Liv. 10, Chap. 10. Notre Coûtume paroit conforme en plusieurs endroits de ce Titre au Droit Romain ; cependant elle se rapproche davantage de cet Arrét de l’Echiquier de l’an 1482, de l’Ordonnance de François I. de 1539. & de l’Edit des Criées de 1551.

On peut décreter les immeubles du débiteur de toute espèce, les terres nobles comme les roturiers, les rentes constituées comme les rentes foncieres, l’usufruit, les fonds donnés à bail emphitéotique, les Offices, & même la superficie de l’héritage, comme les bois de hautefûtaie, sans y. comprendre l’héritage même ; mais le créancier opposant peut forcer le de-crétant à augmenter la saisie sur sa déclaration & à ses risques & périls.

Les immeubles qui appartiennent à des Communautés régulieres ou seculieres, peuvent être saisis réellement, pourvu qu’aprés avoir constaté les dettes on observe dans le decret les formalités nécessaires pour la validité de ces sortes d’aliénations. On a même jugé au Parlement de Paris, par Arrêt du 1s Février 1650, rapporté dans le Journal des Audiences, Tome 1, Liv. 5, Chap. 1, contre les Religieuses Annonciades établies dans le Fauxbourg Saint Germain de cette Ville, que si le fonds sur lequel la Maison régulière est bâtie n’a point été payé, ou si le prix des batimens étoit du aux ouvriers, il pouvoit être faisi rcellement par le propriétaire du fonds ou par les ouvriers. M. l’Avocat-Géneral Talon, qui porta la parole dans cette affaire, dit que quand une Maison réguliere, dont le prix n’est point dû, a été dédiée & consacrée à Dieu, elle n’est plus dans le commerce, & qu’on l’avoit ainsi jugé, même pour le batiment du Collége des Lombards ; mais qu’il n’en étoit pas de même quand le fonds & les bâtimens n’appartenoient point en propre à la Communauté, puisqu’il n’étoit pas juste de batir des Maisons régulieres aux dépens du sang du peuple.

M. Pesnelle a bien observé dans le Préambule de ce Chapitre la qualité que doit avoir le Titre qui fonde la Saisie & les formalités de la Sommation ; on peut ajouter sur ce premier acte, que le décret n’ayant été introduit que pour punir la Contumace du débiteur qui refuse de satisfaire, il faut avoir la preuve du refus, & qu’elle est contenue dans le Proces-verbal de Sommation. Il n’a cependant pas traité la question, s’il est permis de saisir en vertu d’un Jugement provisionnel, l’Article VIII, du Tit. 27 de l’Ordonnance de 1667, la décide : elle autorise la saisie des héritages faite sur un pareil Titre, mais elle défend en mé-me-temps de procéder à l’adjudication auparavant la condamnation définitive ; il étoit dit au contraire, dans le Proces-verbal de l’Ordonnance, que les héritages & autres immeubles des condamnés, par provision, à quelque somme pécuniaire ou espece, ne pourront être saisis réellement, si depuis ils n’ont été définitivement condamnés : telle paroit être lopinion de Bérault ; mais sur la remontrance de M. le premier Président, on rédigea l’Article tel qu’il est maintenant dans l’Ordonnance de 1607. Je ne conseillerai cependant pas d’user indistinctement de la faculté qu’elle accorde : car si le Jugement provisionnel vient à être rétracté en définitive, le saisi aura droit de se plaindre d’avoir été dépossédé de ses héritages aussi ignominieusement & sans cause legitime.

Quoique le Titre dont le saisissant est porteur soit en bonne forme, l’exécution peut en être suspenduë par des Lettres de Répi ou des Lettres d’Etat. L’Article VI, du Tit. S, de P’Ordonnance de 1S8y, porte que les créanciers peuvent pour la Sûreté de leur dû faire saisir réellement les immeubles de leur débiteur, les mettre en criées & procéder au Bail judiciaire, nonobstant l’obtention & l’entérinement des Lettres de Répi, sans que toutefois, pendant le terme accordé par les Lettres ou par le Juge auquel elles auront été pré-sentées, il puisse être procédé à la vente & adjudication des choses saisies, que du consentement du débiteur & des créanciers. La Déclaration du Roi, portant Réglemecturer sujet des Lettres d’Etat du 23 Décembre 17oz, enrégistrée en ce Parlement le 12 lanvier suivant, est ainsi concue dans l’Article XII : n Nonobstant la signification des Lettres d’Etat, les créanciers pourront faire saisir réellement les immeubles de leurs débiteurs, n & faire régistrer la saisie, sans néanmoins qu’il puisse être procédé au Bail judiciain re ; que si elles ont été signifiées depuis le Bail, les criées pourront être continuées jus-n qu’au congé d’adjuger exclusivement ; & au cas que pendant ces poursuites le Bail expire, on pourra procéder à un nouveau Bail..

Il y a dans les diverses Provinces du Royaume differens Réglemens sur la discussion, des Coutumes l’admettent, d’autres la rejettent sans limitation : les tiers-détenteurs d’héritages affectés à des rentes ou autres charges réelles ou annuelles ne peuvent l’opposer à Paris, Article Cl de cette Coûtume ; mais elle a lieu s’il s’agit d’une simple obligation.

On croit que l’exception de discussion est réelle & dépend de la Coutume, de la situation. des biens possédés par le tiers détenteur. Nous n’admettons ni ne rejettons absolument la diseussion : nous ne l’admettons pas, puisqu’on peut saisir les héritages ou immeubles qui appartiennent ou ont appartenu à celui qui nous doit, sans qu’il soit besoin de faire sommer le tiers-possesseur ; nous ne la rejettons pas absolument, puisqu’il est permis au tiers-acquereur de donner au décrétant déclaration par bouts & côtes des héritages possédes par le débiteur ou acquereur postérieurs de lui, pour être décretés à ses périls & risques, & en donnant caution de faire payer le saisissant de sa dette, en exemption des frais de décret & de treizieme. Mais si l’acquereur postérieur en hypotheque au saisissant, a payé avec subrogation des dettes anterieures à celles pour lesquelles la saisie est requise il peut demander caution à son tour au décrétant, que les dettes dont il a opéré la libération se ront utilement colloqués à l’état ; & à son refus, il sera maintenu dans son acquisition.

On a jugé, par Arrêt du 13 Mai 1751 en la petite Audience de Grand’Chanbre, que le coobligé à une rente n’est pas recevable à jouir du benéfice de l’Article Cxxxi du Réglement de 16o8, & à indiquer les biens de son coobligé, malgré ses obéissances & les surc : és qu’il offre au saisissant. Dans le fait, le saisi étoit bien héritier du debiteur originaire, mais il ne possédoit aucun des fonds affectés à la rente ; un arrangement particulier, fait entre cohéritiers, ne peut déroger à l’Article Cxxx du même Réglement.

Il a été jugé, par Arrêt du Parlement de Paris, du dernier Février 16y7, aprés avoir demande l’avis aux Chambres, que le créancier de deux obligés solidairement qui attaqule tiers-acquereur, n’est point obligé de diseuter d’autres biens que ceux de celui des deux obligés qui a vendu : Poyer le Journal des Audiences, Tome 2. Je n’examine point si cet Arrêt est conforme à la Novelle a de Justinien ; mais je crois que des qu’en Normandie le coobligé ne peut indiquer les biens de son coobligé qui s’est chargé de la dette, l’acquereur n’a pas plus de droit que lui, & qu’il ne peut donner que la déclaration des biens de son vendeur. Voyer un Arrét contraire du Parlement de Provence dansBoniface , Tome d, Liv. 8 Tit. 2, Chap. 9.


3

La Coutume prescrit que la saisie doit être faite dans l’an & jour de la sommation. en décret, elle se propose d’éviter la surprise, en ôtant au créancier la liberté d’en suspendre l’effet pendant plusieurs années ; mais l’Auteur du Traité de la Vente des immeubles de-sireroit qu’il s’écoulat du moins une quinzaine entre la sommation & la saisie réelle, pour donner au débiteur les moyens de payer ou de se défendre, nous ne pensons pas ainsi dans cette Province, & on a confirmé, par Arrêt du 12 Juillet 17ay, une saisie réelle faite immédiatement aprés la sommation.

Un défaut essentiel dans les diligences du décret, c’est de n’avoir pas été faites par un Officier ministériel qui ait qualité : nous n’avions pas sur ce point de regles certaines auparavant les Lettres-Patentes, portant Réglement pour l’administration de la Justice dens cette Province, du 8Juin 1789, enrégistrées le 3r Juilles ; il y est dit Tit. 13, Article ; : n continueront pareillement les propriétaires desdites Sergenteries nobles, leurs Fermiers n ou Commis, de faire dans l’etenduë de leur Sergenterie, conjointement avec les Huis siers ordinaires, & à l’exclusion de tous Huissiers & Sergens des Jurisdictions extraordi-n naires toute saisie d’héritages, &c. n Il est vrai que l’Article VII du même Titre n’interdit aux autres Huissiers, Sergens, le pouvoir de faire les diligences de décret que sous la peine de 500 livres d’amende, & ne porte pas la peine de nullité, ce qui laisse subsister une partie des embarras que l’on éprouvoit auparavant le Réglement ; ainsi nous sommes. encore dans le cas de consulter les Titres de creation de chaque Office, & la Jurisprudence attestée par nos Commentateurs.

Quoique l’Huissier ou Sergent doive dans l’Exploit de saisie établir un domicile au saisissant & au saisi, je me réserve à expliquer cette formalité sous les Articles DxlIx & Dl, à cause des liaisons qu’elle a avec ce que j’ai à dire, touchant les Commistaires aux Saisies réelles.

D’Hluissier doit faire mention des Titres en vertu desquels la saisie est dirigée, & dont il aura donné copie au décreté lors de l’Exploit de commandement ou de la sommation préparatoire ; mais il ne doit pas les transerire dans le Proces-verbal de saisie ni dans l’affiche.

Cet Officier doit appeller à la saisie trois témoins qui la signeront ; mais il n’est pas tenu de désigner e ir âge, leur vacation & domicile, il suffit que les témoins soient designés par noms & surnoms, & qu’ils soient dits habitans sortans de l’Eglise ; ce n’est pas que le saisi ne pût dans la suite opposer le défaut d’âge, si un des témoins n’avoit pas au temps de la saisie vingt ans accomplis.

Quand les habitans appellés pour témoins refusent de signer à la saisie, on ne les assigne pas pour dire les causes de leur refus ; mais l’Huissier en dresse Proces-verbal. On a pressenti que cette décision pouvoit occasionner des fraudes, & on a permis à l’Huissier d’amener des témoins d’ailleurs, de se servir même de records, autres neanmoins que ceux de celui qui instrumente.

L’HIuissier ou Sergent qui fait la saisie n’a pas besoin d’avoir un Régistre d’hérédité pour transcrire ses diligences, les signer & les faire signer à ses records, & aux témoins, il suffit qu’ils signent les uns & les autres à la copie.

Ces décisions sont extraites des Arrêts de la Cour des 1a Juillet 174s & 1o Août 17547 & elles ont pour objet de lever, autant qu’il est possible, les obstacles que l’on met à l’exécution d’un décret, au préjudice du poursuivant, des créanciers & du saisi-Quoique la saisie réelle soit annale en Normandie, c’est-à-dire, que l’on doit procéder dans l’an de la saisie, à la premiere criée ; cependant on a jugé par plusieurs Arrêts, rapportés parBasnage , que les actes qui ne tendent pas même à l’avancement du décret, par exemple, ceux faits entre le Fermier judiciaire & le Commissaire, sont valables pour empécher la surannation.

Mais quand pour raison d’héritages donnés à décrêter par augmentation, on dessaisit un Siége d’un décret encommencé, en vertu d’un Arrêt d’attribution ; il ne suffit pas de signifier l’Arrét & de. saisir le Siége d’attribution dans l’an, il faut encore saisir dans le même temps les héritages qui ont donné lieu à l’Arrêt : car par l’effet de la surannation l’Arrét devient nul & caduc. Arrêt rendu en la seconde Chambre des Enquêtes, au Rapport de M. Pigou, le 9 Février 1731.

Celui qui se desiste d’une saisie, doit rembourser les dépens qu’elle a occasionnés au saisi 3 & dans certains cas, il est susceptible de dommages & intéréts ; mais on a jugé que ce n’est pas une nullité de faire une nouvelle saisie réelle, aprés s’être désisté d’une premiere sans offrir les dépens : Arrêt du 1o Août 1754. VoyesBérault , Article DLxxVI de la Coûtume,

Les abornemens des fonds roturiers avoient été ordonnés par Arrêt du 2r Novembre 15113 ils servent à instruire ceux qui y ont des droits, à inviter les enchérisseurs, & à assurer la tranquillité des Adjudicataires. M. leMaître , des Criéts, Chap. 6, dit que la désignation peut être suppléée par des signes équivalens, & souvent plus indicatifs, Forget combat le sentiment de M. leMaître , & il est suivi par M. deHéricourt .

Forget observe que dans le délai de quarante jours énoncé dans cet Article, on ne comprend point le jour de la saisie, ni celui de la premiere criée : Berault dit que ce délai est de forme substantielle, & que le jour de la saisie n’est point renfermé dans le terme.

La mesure ordinaire des terres en Normandie se fait par acres, Acratura, Acna, Acken.

VoyesSpelman , Couvel Pithou surRagueau , & le Dialogue de l’Echiquier des termes de la Ley. Les anciens Statuts d’Angleterre fixent l’acre à quarante perches en longueur, & quatre perches en largeur ; ce qui compose cent soixante perches, dont chacune est ordinairement de vingt-quatre pieds, & le pied de douze pouces : cependant la mefute varie suivant les cantons, & il y a des lieux en Normandie où la perche est de 18, 21 & 28 piede.

Les terres se vendent par acre, les bois par arpent, qui est de cent perches, & les vignes par quartier, qui est de vingt-cinq perches.

Terrien a bien observé que si dans un décret on a compris des héritages situés dans des lieux où il y a diversité de mésures, il faut s’attacher à l’usage de la situation de chaque fonds ; & on ne doit pas, pour fixer la mésure de la rotalité des héritages saisis, s’arréter à la mesure du lieu de l’étabussement du Siége où se passe le décret : Arrét du premier Mars 1519 ;Terrien , Liv. 7, Chap. 8.

Le terme d’environ, insère dans la déclaration des terres saisies ne peut servir de regle ni au profit, ni au préjudice de l’Adjndicataire, quand l’erreur est si considérable que suivant la maniere ordinaire de penser des hommes, elle ne peut être comprise fous le terme équivoque d’environ : Arrêt du 13 Décembre 167o, rapporté parBasnage . La distinction de la vente d’un fonds ad quantitatem, de celle faite ud corpus, qui se trouve dans les Auteurs n’a que tres-peu d’application à nos décrets même des terres roturieres. C’est un usage. immémorial parmi nous de désigner dans la saisie des revenus de cette espèce, avec les buts & bornes de chaque pièce sa contenance par pieds, perches vergées & acres. D’ailleurs, la distinction bien réflechie n’offre en elle-même qu’une idée subtile & métaphvsique, il faut toujours revenir à l’intention du décrétant & de l’adjudicataire, & à la considération. de la perte réelle que ce dernier éprouve par le défaut du fournissement de la mésure. Terrien dit que la balance de la valeur du fonds vendu, avec le prix de l’adjudication, aide beaucoup à découvrir l’erreur dans la mésure.


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Le prix que le décrétant doit mettre sur les héritages saisis a succédé, sans doute, à l’estimation qui se pratiquoit autrefois au lieu du décret ; ce prix, quoique de fantaisie, est si indispensable, qu’on a cassé plusieurs décrets, faute d’avoir observé cette superstitieuse formalité : elle est fondée sur ces prêtextes, le décrétant est réputé le premier acquereur, les enchérisseurs, par le prix qu’il met, se préparent à furenchérir ; & par le défaut d’enchérisseurs, le fonds reste au décrétant pour la somme emplovée dans la saisie, qui doit être certaine, afin que le Juge, jusqu’à même concurrence, puisse prononcer la libération du débireur.

Le prix séparé par piece d’héritage a été introduit, non-seulement parce que chaque piece de roture est réputée avoir un corps distinct & séparé du fonds qui l’avoisine, mais que l’on admettoit autrefois l’adjudication finale divisément : abus proscrit par un Arrêt du a Juin 1598, & qui ne peut être toléré que par le consentement exprés de toutes les parties intéressées au décret.

Forget dit que l’on ne considere point dans cet Article les rentes racquittables sous l’aspect que présentent les Articles DVII & DXIII de la Coutume : on les envisage du côté de leur origine & de leur extinction ; & elles tiennent alors lieu de deniers comptans, que le décrétant est obligé de garnir, quand ladjudication est faite à son bénéfice.


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Nos Commentateurs observent en cet endroit, d’apres les Ordonnances, la qualité, les devoirs & les fonctions des Commissaires établis au regime des biens saisis reellement avec les exemptions de cette charge ; mais depuis la creation des Offices de Commissaires aux Saisies réelles, c’est dans les Edits & les Arrêts qu’il faut puiser des regles en cette matiere. Le motif que l’on a eu, en ordonnant l’établissement des Commissaires, a été de déposséder corporellement le saisi ; car la saisie n’étant qu’une privation de droit, il falloit un acte qui la réalifât. Chez les Romains, le créancier qui avoit le droit de faire vendre les biens de son débiteur, s’en faisoit envoyer en possession provisionnelle par un premier décret.

L’Huissier ou Sergent qui fait la saisie réelle doit, à peine de nullité, établir par le Proces-verbal, & nommer un Commissaire aux choses failies, & déclarer qu’elles seront par lui régies & gouvernées ; mais depuis l’Edit de création des Offices de Commissaires des Saisies réelles, en la Province de Normandie, du mois de Juillet 1677, l’Huissier ne peut établir autres Commissaires que ceux qui sont pourvus de cet Office. Voici les principales regles que contient l’Edit : les Commissaires-Receveurs ont l’entière administration des biens saisis par autorité de Justice ; ils sont tenus de faire résidence actuelle dans la Ville ou lieu de leur établissement ; ils doivent avoir un Bureau pour recevoir & enregistrer, par eux ou leurs Commis, les Exploits de Saisies réelles, faits par les Huissiers ou Sergens auxquels il est enjoint de déclarer dans leurs Exploits les domiciles des saisis & sailissans ; & g’ils n’ont pas de domicile en la Ville ou demeure du Commissaire, il faut que l’Huissier deur désigne un domicile certain dans le lieu de sa résidence, & qu’il en fasse mention dans da saisie ; il doit ensuite déclarer cette élection de domicile au saisi, avec protestation que si de saisi n’en choisit pas un autre dans un certain temps réglé sur la distance des lieux, il sera procédé au Bail judiciaire des choses saisies, sur les significations qui seront faites au domicile élu par l’Huissier on Sergent qui vaudront comme si faites étoient à la personne du saisi ; ainsi le faisi a la liberté de faire signifier au Commissaire, par acte valable, un autre domieile, pourvu qu’il soit dans le lieu de la demeure de cet Officier. Le Commissaire Tenregistre au pied de la saisie, & de ce jour il est tenu de faire les significations requises au domicile déclaré par le saisi-

Quand le décret se fait en vertu d’Arrêt d’attribution, il n’est pas nécessaire que le décrétant fasse élection des domiciles, & nomme pour lui & le décreté Procureurs dans tou-tes les Jurisdictions où les biens saisis sont situés, il suffit qu’il élise domiciles & fonde des Procureurs dans la Jurisdiction où le décret sera passé : Arrét du ro Août 1754. On a jugé par le même Arrêt, qu’il n’est pas nécessaire de désigner le domicile du faisi ; mais l’estime que l’on doit coter pour lui Procureur, & que si cette formalité a été omise l’Huissier doit la remplir lors de l’enregistrement de la saisie réelle ; cet enrégistrement doit être fait au Bureau du Commissaire, au plus tard dans la huitaine de la date de l’Erploit.

La premiere opération du Commissaire aux Saisies réelles, est de faire procéder en vertu de la saisie au Bail judiciaire. Nous avons à cet égard une pratique simple dans les Lettrespatentes, portant Réglement pour l’administration de la Justice, depuis l’Article Il, jus-ques & compris l’Artiele XIII, du Titre 4 : on y remarque les dispositions les plus utiles de l’Edit de 1677 ; mais combien d’abus ce Réglement ne retranche-t-il pas ; Une multiplicité de proclamations, pour parvenir au Bail judiciaire s’étoient comme naturalisées dans cette Province, & l’Edit de 1S7y n’y avoit pas remédié. Le nouveau Réglement en se rapprochant de l’Ordonnance de 1S89y, ne laisse subsister que ce qui est nécessaire pour la notoriété du temps où l’on doit procéder au Bail judiciaire. La Coutume, Article DIsembloit désirer autant de Baux judiciaires qu’il y avoit de Jurisdictions où les biens saisis étoient situés, quoique le décret se fit en vertu de Lettres de mixtion devant le Bailli ou d’Arrêts d’attribution : cela ne subuiste plus. Il est aisé d’appercevoir tous les inconvéniens qui résultoieet de la pluralité des Baux ; l’augmentation des frais étoit le moindre, & la difficulté de répartir les charges en étoit un souvent beaucoup plus considérable.

On avoit jugé par plusieurs Arrêts du Parlement de Paris que quand la saisie réelle a été suivie de l’établissement de Commissaires & de Baux judiciaires, elle ne tombe point en péremption, & qu’elle dure pendant trente anuées ; pour fixer cette Jurisprudence, le Parlement de Paris en a fait le troisieme Article de ses Arrêtés du 28 Mars 1692, il y est dit : Les saisies réelles & les instances de criées des terres, héritages & autres immeubles : y ne tombent en péremption lorsqu’il y a établissement & Baux faits en conséquence mais la simple saisie réelle s’y perime par trois ans. n Voyes à cet égard ma Note sur l’Article DXLV, j’ajoute que si dans le cours de la procédure il arrive quelques Arrêts interlocutoires, tels que sont ceux qui confirment les diligences du décret, le saisissant doit en Normandie continuer ses poursuites dans les trois années, autrement la saisie réelle tombe en péremption.

Les Baux à ferme ne peuvent être faits pour moindre temps que trois ans, si tant la saisie dure, pour êviter aux grands frais du trop fréquent renouvellement des Baux. Un Réglement du Parlement de Paris du 12 Août 1664, porte qu’en cas d’éviction du Bail par main-levée ou par adjudication, le Fermier judiciaire jouira des loyers de la maison & des revenus des terres qu’il aura labourées & ensemencées, en payant le prix du Bail au propriétaire ou à l’adjudicataire des fonds saisis : l’Arrét ajoute que le poursuivant criées sera tenu de faire mention de cette charge dans l’enchere & affiche de quarantaine. Ce Réglement paroit devoir être utile au décrétant & au décreté, en ce qu’il facilite le moyen de faire valoir le revenu des biens saisis réellement. Il est de plus des frais de culture, dont fouvent on n’a l’espoir d’être rembourse que la troisieme année, on ne les fera pas si on est à chaque instant dans la crainte d’être dépossedé : de-là nait la vilité du prix dans les Baux judiciaires ; mais on oppose que le Réglement éloigne les encheres sur le fonds, sur-tout lorsqu’il s’agit d’une maison où l’enchérisseur auroit formé le dessein de se loger.

Basnage observe que l’on recoit des encheres non-seulement à l’instant de l’adjudication des revenus mais même long-temps apres, en désintéressant l’adjudicataire s’il a fait des frais, ou le laissant jouir pendant l’année commencée ; les encheres par tiercement, ou quart en sus, méritent d’être accueillies : cette Jurisprudence, qui est tres-sage, est contraire à celle qui avoit lieu au temps deForget .

Bruneau se plaint dans des termes énergiques du peu de fidélité des Commissaires sur l’article délicat des réparations ; on y a pourvu, en prescrivant des Proces-verbaux de visite en présence ou aprés l’intimation du décretant, du décreté, & du plus ancien Procureur des opposans, s’il y en a, qui doivent être affirmés devant le Juge du lieu ; en ordonnant que les marchés de peu de consequence seront faits par-devant Notaire, & précédés de la même formalité, que les autres se passeront en Justice par adjudication au rabais, en présence des Par-ties ci-dessus dénommées, & en limitant les sommes à employer en réparations sur la valeur proportionnelle du revenu annuel des fonds. Voyez le Journal du Palais, Tome 1 ; le Recueil d’Edits & Réglemens du Parlement de Roüen, & le Recueil des Edits & Réglemens concernans les Commissaires aux Saisies réelles.


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Bérault remarque qu’il est étonnant que le fermier du décreté soit obligé par corps à l’entretien de son bail & au prix du fermage, & qu’il puisse être expulsé par l’adjudicataire.

Bruneau dit qu’il a été jugé par Arrét du Parlement de Paris que l’on ne pouvoit contraindre les fermiers à convertir leurs baux conventionnels en judiciaires ; maisBardet , Tome 2, Liv. 8, Chap. 29, rapporte un Arrêt du même Parlement contraire à celui cité par Bruneau ; & Brillon observe que la derniere Jurisprudence est conforme à l’Arrêt deBardet .

Forget excepte deux cas : si le bail est fait à vil prix & en fraude des créanciers, ou si le fermier ne cultive pas en temps & saison, ou commet des dégradations.

Cette question est terminée par l’Article Xl du Réglement que j’ai cité sous les Articles précédens, aprés qu’il a résulté de l’Article X, que les fermiers & locataires des fonds saisis qui voudront faire convertir leurs baux conventionnels en baux judiciaires, feront, dans un délai marqué, leurs soumissions de payer entre les mains du Commissaire aux Saisies réelles. Il est dit dans l’Article XI : les baux des fermiers & locataires qui feront leur n foumission dans ledit temps, seront convertis en baux judiciaires & sera de suite procén dé, au jour qui sera indiqué par la publication, à l’adjudication des autres biens saisis, dont les fermiers & locataires n’auroient passé leur soumission dans le délai prescrit ; ainsi les fermiers n’ont plus à craindre que l’on convertisse malgré eux leurs baux conventionnels en baux judiciaires.

Le tiers-acquereur d’un fonds compris dans la saisie qu’il a possedé par an & jour, doit continuer d’en jouir pendant l’Instance du décret : mais cette possession ne lui acquiert irrévocablement les fruits que quand il en obtient la distraction définitive ; on lui en laisse la per ception provisoire, à charge de rendre compte ; cette Jurisprudence obvie aux frais des baux judiciaires, est favorable au saisi, & est encore fondée sur la présomption qu’un fermier veilleroit avec moins d’attention au soin & à la conservation des fonds que l’acquereur, qui a toujours une derniere ressource dans le retrait à droit de Lettre-lue.

La Jurisprudence autorise l’acquereur par Contrat volontaire à déposséder le fermier, quand même son bail seroit authentique, s’il n’y a point de clause précautionnée dans le Contrat de vente. Forget rapporte un Arrét contraire du 28 Avril 1526. On pourroit ajouter en faveur de cet Arrêt, que l’intention du vendeur, en se dessaisissant de son fonds, n’a pas probablement été de faire naître contre lui une action en dommage & intérets : on ne fuit ce-pendant pas l’Arrêt rapporté parForget .

La réconduction tacite dure a la campagne suivant les sols du Pays, le Grand sur Troyes, Article Br, Gl. 4, n. 11 ; elle est ordinairement de trois ans en Normandie ; mais s’il s’agit d’un herbage qui n’exige aucun soin du fermier le propriétaire peut lui notifier son conge, quoique l’année, depuis la révolution du bail, soit commencée, pourvu que ce soit dans un temps où il n’a pas pu commencer de jouir. Il en est de même si le propriétaire a reclamé avant l’expiration du bail d’une terre labourable ; car sa reclamation étant constante, on peut forcer le fermier de quitter la terre, quoiqu’ensemencée, en remboursant les frais de labours & semences : Arrêt du 1a Juillet 1747.


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Il est tres-difficile de prendre un parti à son gré dans le cas prévu par cet Article ; s’il faut discuter le Commissaire étant en retardement de rendre compte, auparavant de parvenir à l’adjudication finale, quelle involution de Procédures I La Coutume défend absolument cette discussion ; mais quand il est justifié par l’état de régie que le décreté auroit conserve ses héritages on est faché de l’en voir dépouillé ; cependant Forget rapporte des Arrêts par lesquels dans ces circonstances les décrets ont été jugés irrévocables, je crois que le seul remede est d’assujettir le Commissaire, quand les décrets tirent en longueur à fournir dans des délais raisonnables des états de son administration, si le remede ne suffit pas, le débiteur doit s’imputer les suites de son refus opiniâtre à ex écuter ses engagemens.Terrien , Livre 10, décide que le Commissaire peut, à la poursuite des créanciers du saisi, être contraint par toute voie, même par corps, à rendre compte des revenus des héritages en de-eret aprés l’expiration de chaque année ; l’obligé present ou dûment intimé. Aussi, suivant la Déclaration du 24 Mars 1627, le Commissaire est tenu de rendre compte de sa commission par-devant le Juge du décret, lorsque le saisissant & le faisi l’exigent. Il ne faut pas se laisser éblouir par l’Article XXIV de l’Edit du mois de Juillet 1689 ; cet Article porte que le Commissaire ne pourra être contraint de rendre compte pendant le temps de sa commission ; mais, 1. quand il est poursuivi pour le paiement de quelque somme, & qu’il soutient n’avoir plus de fonds, il doit fournir un extrait de son Régistre, signé de lui, contenant la date de l’enregistrement des saisies ; la date & le prix des baux, le noi des fermiers judiciaires & de leurs cautions, & leur demeure ; sa recette & sa dépense, & le certifier véritable sous la peine du quadruple. 20. La disposition de l’Edit ne s’entend que d’un créancier seul, & qui n’est pas utilement colloqué : ce n’est qu’à ce dernier cas qu’elle doit être appliquée. Au surplus, il n’est que trop ordinaire que les frais de régie absorbent les revenus des biens saisis s’ils ne sont pas d’une valeur considérable. On n’apporte pas assez d’attention à réprimer l’avidité de ces petits Officiers, & de tous ceux qui butinent avec eux. Poyer les Articles XVIII & XIX du Réglement de 1769, Tit. 4.


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Ce terme Criées équivaut à celui de proclamation ; il se trouve employé en plusieurs endroits du Style du Parlement, transcrit dans le second volume de duMoulin , sous cette expression Crida : L’Arrét de l’Echiquier de 14b2, fait mention des criées comme d’une solemnité nécessaire.

Les criées doivent être faites à l’issue de la Messe paroissiale de la situation des héritages, il n’y a que le Dimanche de Paques à excepter, car on remet la criée au lendemain ; mais hois cette Fête elles doivent être faites tous les autres Dimanches, quand même les Fêtes de la Pentecôte, de la Toussaint & de Noel s’y rencontreroient ; mais s’il y a deux Messes solemnelles chaque Dimanche, il est indifferent de faire faire les criées à l’issue de l’une ou de l’autre : Arrêt du 11 Juillet 161z ; elles sont aussi valablement faites à l’Eglise du secours lorsqu’on y fait un Office Solemnel : car la Suceursale est l’Eglise paroissiale par rapport aux habitans qui y reçoivent les Sacremens, qui s’y marient, & qui y sont inhumés ; il en doit donc être de même par rapport aux biens qui sont situés dans l’etenduë de la Succursale. LoyerTournet , sur l’Article CCeXLVII de Paris.

Nous observons si strictement la Loi qui oblige de faire les criées à l’issue de la Messe paroissiale de la situation des fonds, que l’on trouve dans nos livres un ancien Arrêt, par lequel la Cour enjoignit à l’Evéque d’Evreux de commettre dans une Paroisse une personne capable & suffisante pour célèbrer le Service divin, dans la quinzaine du jour de la signification de l’Arrêt, à personne ou à domicile.

S’il est incertain sur quelle Paroisse sont situés les fonds, les criées, comme la saisie, doivent se faire à la Paroisse où la dixme des héritages est payée ; & quand il est question d’une maison, elle est réputée être dans la Paroisse sur laquelle est située la principale porte.

Sed quid ) Sil est question d’une terre inculte, ou qui ne produit point de fruits décimables, dont la Paroisse est ignorée. Forget rapporte un Arrêt du 18 Août 16oz, qui a con-firmé un décret de biens de cette espece, dont la saisie & criées avoient été faites aux deux Paroisses voisines.

Les criées d’héritages roturiers, situés en différentes Paroisses, doivent être faites au méme jour en chaque Paroisse : mais on peut consentir la distraction des fonds situés sur les Paroisses où les criées ont été omises : Réglement du 27 Août 1607. Utile enim per inutile non viciatur.

Chaque criée renferme les mêmes formalités que la saisie, le Sergent doit y énoncer le Titre du saisissant, son domicile, la somme qu’il demande les Titres obligatoires, la date de la sommation en décret & de la saisie, les abornemens des fonds, le prix mis en détail par le décrétant, & son Proces-verbal de lecture & d’affiches ; la derniere criée doit en outre, selonForget , contenir une assignation à toutes personnes en genétal. On a jugé, par Arrêt du 23 Août 1759, en l’Audience de Grand Chambre, d’apres l’opinion de Forget qu’il suffit que la derniere criée contienne une assignation ; le décrété soutenoit que par l’assignation le public étoit averti du terme de l’adjudication, & qu’en la faisant à chaque criée, c’étoit un moyen de se procurer un plus grand nombre d’enchérisseurs, que dans le fait, le défaut d’assignation a chaque criée lui avoit causé un dommage considérable, la disette d’enchérisseurs ayant occasionné la vilité du prix de l’adjudication ; mais personne n’ignore les delais que la Coûtume prescrit pour les décrets & l’adjudication finale : d’ailleurs, comme on ne prend pas défaut sur le saisi à chaque criée, il est fort superslu de mul-tiplier les assignations. Les criées ainsi faites & munies de témoins au desir de la Coûtume, ne peuvent être attaquées que par la voie d’inscription de faux, dont Forget administre les moyens.

Les laisies & criées faites en diverses Paroisses sont défectueuses, quand il n’y a qu’un seul Proces-verbal pour les attester ; on doit en dresser autant qu’il y a de Paroisses où les héritages à décreter sont situës, suivant les Arrêts rapportés par Bérault sous l’Article DLVI, ce n’est cependant pas une nullité de mettre les criées qui se font dans une Paroisse sur le même cahier, pourvu que les Exploits soient complets : Arrét du 22 Février 1S53, rapporté parBasnage . Le Sergent ne peut, ex post fado, corriger la relation de ses Exploits ; & un décret fut cassé par Arrét du dernier Avril 16oz, parce qu’il y avoit des ratures à l’endroit qui faisoit mention de la lecture des pieces :Forget ,Bérault .

Les criées doivent être continuées par trois Dimanches consecutifs, le décrétant ne peut faire entrer en frais de décret des criées interrompues, si ce n’est que le cours n’en fut surpendu par un appel : Arrêt du 2 Juin 1610. On peut conclure de cet Arrét que l’appel a un effet suspensif ; Forget estime que si l’appel est signifié avant la premiere criée, le Sergent doit surseoit ; mais que si la premiere criée étoit faite, il doit continuer ses diligences nonobstant toutes oppositions ou appellations.Bruneau , Chap. 3, décide indistinctement que l’appel ne peut arrêter les criées, parce qu’aucune Loi ne prescrit la surséance, parce que ce seroit donner atreinte à un Titre exécutoire, & que l’appel de la saisie sera mieux jugé avec les criées qui ne font qu’un même corps. Plusieurs Coutumes disposent que l’on doit passer outre aux criées nonobstant oppositions ou appellations quelconques ; Nevers Titre des Exécutions par décret, Article XII ; Poitou, Article CCCCIII. On observe à Paris la même regle, suivant un acte de notoriété du a Mars 16ûd, où l’on atteste que, conformément à l’ancien usage du Châtelet, lorsqu’il y a appel de la saisie réelle & des eriées, on passe outre aux criées des choses saisies jusqu’au congé d’adjuger inclusirement.

ILest ajouté dans l’acte de notoriété, que presque toutes les adjudications qui se font au Ohâtelet, sont de cette nature, & qu’elles ont toujours été confirmées par les Arrêts du Parlement, & notamment par celui du 22 Août 1676 rendu sur l’intervention des Officiers du Châtelet. Voyey le Traité de la Vente des immeubles par décret, Tome 1. Chap. 6 n. 193 mais Basnage qui a écrit depuisBérault , où j’ai puisé l’Arrêt de 1G1o, ne nous a point marqué de changement dans notre Jurisprudence : ce qui donne un nouveau poids à cet Arrêt, c’est qu’il n’a été rendu dans la Chambre de l’Edit, qu’aprés avoir consulté la Grand’Chambre. Bérault nous fait entendre que la difficulté tomboit principalement sur ce point, si l’appel avoit tenu en état les deux premieres criées qui avoient été précédemment faites, & empéché l’interruption rejettée par la Coûtume.


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La formalité du record est prescrite par l’Arrét de l’Echiquier de l’an ta82 ; ce record est un té noignage que l’rluissier ou Sergent rend en Justice de la vérité, légalité & sincérité de ses diligences, précéde de la prestition du serment S sie appiret ex numero solemnitatum requiri renunciationen apparitoris de singulis proclamationibus, id esi, instrumentum relationis in quâ continentur omnes solemnitates ab eu fade.

Le record & la certification ont un tel enchainement, ditForget , que ces deux actes doivent être exercés dans la même séance de Jurisdiction ; mais si le Seruent décede avant le temps du record, le même Auteur pense qu’il n’est pas nécessaire de recommencer les diligences ; le Juge, selon lui, peut, sur la representation des Exploits, suppléer la présence de l’Officier par un Proces-verbal de vérification.

Le Sergent est responsable des diligences jusqu’à la certification exclusivement : Arrêt du 15 Avril 1602.

La certification par acte séparé a été introduite par l’Ordonnance de 1539, Article LXXIX, le décret s’interposoit auparavant en Normandie sur la lecture des pièces, sans rendre un Jugement particulier :Terrien , Liv. 10, Chap. 10.

LaSentence de certification doit être signée par le nombre des Juges prescrit par la Coutume avant l’interposition du décret : Arrêt du 8 Août 1609. Il étoit constant dans le fait que l’acte de certification, au temps de l’interposition, n’étoit signé que du Juge & du Greffier.Bérault .

La nullité de la certification ne rend point la saisie & les criées nulles : LeMaître , Traité des Criées, Chap. 25.

Basnage rapporte un Arrêt du 22 Décembre 1670, par lequel il a été décidé que les Juges n’étoient point responsables des frais des diligences d’un décret quoiqu’ils les eussent cer-tifiées, ils furent seulement privés de l’émolument de la certification. le crois que cet Arret ne doit pas être suivi dans tous les cas ; lorsqu’en conséquence de cette certification il a été procédé au décret, est-il bien juste d’exempter un Juge de la réparation des dommagee causés par son ignorance à si un Huissier, un Sergent est garant de ses diligences jusqu’à la certification exclusivement, pourquoi auroit-on plus d’égards pour un Juge que l’on doit supposer plus éclairé & plus instruit de la Loi 1Aussi Basnage rapporte un Arrét contraire de lan 167û dans une espece où les Juges pouvoient paroître en quelque sorte excusables : il s’agissoit de sçavoir si depuis l’Ordonnance de 1667, on avoit besoin d’un double ajournement pour obtenir le profit de la Contumace, contre les héritiers en général, & passer à la saisie réelle. Les Juges du Ponteau-demer avoient adjugé le profit de la Contumace sur un seul ajournement, fondés sur le Texte de la nouvelle Ordonnance : le décret avoit été poursuivi en conséquence de ce premier Jugement : par l’Arrêt la Cour accorda mandement à l’appellant pour faire appeller le Sergent & les Officiers qui avoient certifié les di-ligences du décret. L’Arrêt du 15 Arril 1603, que je viens de citer, est conforme à celus de 1678.


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L’interposition du décret a d’i rapport avec le congé d’adjuger des autres Coutumes, ou plutôt avec la disposition de l’Edit de 1551. On appelle congé d’adjuger le jugement qui porte que le bien faisi sera vendu & adjugé au quarantieme jour, au plus offrant & dernier enchérisse ir, en la manière accoutumée, & qu’à cet effet, les affiches seront apposées aux lieux où on a coutume d’en mettre. L’interposition du décret est, en Normandie, un act : par lequel le Juge expose les héritages en vente, reçoit les encheres & ren-cheres, & procede à l’adjudication dans le cas de la saisie d’un Fief noble, ou renvoie l’adjudication aux prochains Plaids, quand il s’agit de la saifie de fonds roturiers ; au lieu que par le jugement, portant congé d’adjuger, on ne recoit aucune enchere : on fixe seulement le délai de l’adjudication.

Les Auteurs qui ont écrit sur la Vente forcée des immeubles, divisent en cinq espèces différentes les oppositions au décret ; la premiere, asin d’annuller par la partie saisie qui propose des moyens de nullité, soit par rapport au fond soit par rapport à la forme du décret ; la seconde, à fin de distraire, quand un tiers prétend qu’on a compris quelque partie de son bien dins la saisie réelle ; la troisieme, à fin de charge quand un tiers soutient que le bien décrété est chargé envers lui d’une rente, d’une servitude ou de quelqu’autre droit ; la quatrieme, à fin de conserver, qui se forme par le créancier de la partie saisie, pour être payé de ce qui lui est du sur le prix qui proviendra de l’adjudication des biens décrétés, & pour être conservé dans tous ses droits, priviléges & hypotheques ; la cinquie-me, en sous-ordre, qui est formée par le créancier d’un créancier opposant au décret, qui demande à être payé de ce qui lui est dû, sur ce qui reviendra à son créancier de sa collocation utile : ceci est extrait de M. deHéricourt , Tome ;, chap. 13, Sed. 4. Voyes cepen-dant le Maître,Gouget , &Bruneau .

Notre Coûtume prescrit aux opposans de mettre dans la quinzaine de l’adjudication, leurs oppositions au Greffe, afin d’être communiquées aux opposans, & colloquées par le Greffier, selon l’ordre de priorité & de postériorité, à peine d’éviction. La sagesse de cette dis-position fe laisse appercevoir presque sans examen, elle tend a simplifier l’état & la distribution de ; deniers ; état dont les frais sont tres-considérables dans la plupart des Jurisdie-tions de la Province, maluré la vigilance de la Cour à contenir dans les bornes de la modération les Officiers de son ressort : il semble que cette disposition étoit faite pour être observée à la lettre ; mais les abus prévalent.

Le Réulement pour l’administration de la Justice, ci-devant cité, distingue, Tit. 42 Article XIV, les oppositions à fin de distraire, d’annuller & de conserver des oppositione sur les deniers ; & il entend par l’opposition pour conserver celle qu’on appelle à Paris opposition a fin de charges Suivant ce Réglement les oppositions des trois premieres especes doivent être formées par Requête, & avant l’interposition, ou quinzaine au moins avant l’adjudication finale, & il charge par l’Article XVI les Juges d’ordonner que les autres opposans mettront ler opposition au Greffe dans la huitaine de l’ouverture de l’état, il y est dit, Art. XIV, que ces oppositions seront formées par un simple acte, signé de la partie opposante ou de son Procureur, lequel acte doit être déposé au Greffe, sans que le Procureur soit pour ce tenu de mettre de Présentation.

Nous avons une Jurisprudence particulière sur les oppositions à fin de deniers, attestée par l’Article CXII du Réglement de 16b6, auquel il n’est pas dérogé par le nouveau Réglement ; il porte que les créanciers sont recus à s’opposer sur le prix de la terre adjugée par décret, même aprés l’ouverture de l’état, en payant les dépens du retardement, pour n’avoir pas mis leurs oppositions dans le temps prescrit par la Coûtume. le ne sçai si cela est bien conforme à l’esprit de notre Loi municipale ; mais on décide autrement dans le Ressort du Parlement de Paris. Si le créancier ne forme point d’opposition pendant le cours du décret, aprés que le décret est délivré, signé & scellé, sans que le créancier se soit opposé, quoique l’ordre ne soit pas fait, il ne peut prétendre aucun droit sur les deniers étant aux mains du Receveur des Consignations ; d’où le Commentateur manuscrit du Réglement de 1688 dit, qu’en Normandie ce n’est pas l’adjudication par décret qui purge l’hypotheque du créancier, mais la clôture de l’état, puisqu’il fe peut opposer apres l’ouverture de l’état qui fuit toujours l’adjudication par décret.

Nous avons du moins donné des limites aux oppositions : le même Article du Réglement de 1666, que je viens de citer, ajoute que le créancier opposant, apres l’ouverture de l’état, ne peut empécher l’effet des Sentences ou Jugemens donnés au profit des autres opposans mis en ordre avant son opposition ; la raison est que, quand un créancier a négligé de former son opposition dans le délai marqué par l’Article DLIX de la Coutume, il ne peut empécher l’effet des exécutoires qui ont été délivrés aux créanciers utilement colloqués, parce que le droit étant acquis au créancier colloqué, il est censé avoir été payé suum recepit ce qui ne peut lui être ôté par une opposition possérieure ; & s’il a néglige de recevoir les deniers du Receveur des Consignations, qui n’en est que le dépositaire, cette circonstance ne donne aucun droit de les saisir à un créancier non opposant. On avoit jugé la même chose par Arrét du 13 ou 15 Avril 1657, rapporté à la suite de Bérault : Robert, Procureur en la Cour, avoit été mis en ordre, & aprés la clôture de l’état il avoit levé son exécutoire, mais il avoit négligé pendant trois semaines à se faire payer du Receveur des Consignations ; Grosmoulu, créancier antérieur du saisi, fait arrêt entre les mains de ce Receveur sur les deniers, le Bailli lui en adjuge la délivrance ; sur l’appel de Robert, & nonobstant le soutien fait par Grosmoulu que trouvant lors de son arrêt les deniers en essence, il pouvoit les emporter au préjudice d’un créancier postérieur en hypotheque : la Cour en réformant accorda main-levée à Robert.


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Il résulte de la disposition de la Coûtume, que la discontinuation des encheres n’a pas moins d’effet pour annuller les autres diligences du décret, qu’un jugement solemnel qui en prononceroit la cassation ; ainsi, non-seulement le saisissant perd ses dépens, mais il est responsable des dépens & intérêts que cette omission peut occasionner.

Forget , sur cet Article, dit qu’il faut l’etendre à tous les actes judiciaires, qui doivent être exercés depuis les actes de record & de certification, si ce n’est dans le cas d’un appel pendant & indecis, d’autant que le décret est comme un corpe indivisible, dont tous les actes tendent à la même fin.

Le même Auteur met cependant deux restrictions à cet Article ; il excepte le cas où le decrétant seroit retenu par la violence ou les voies de fait du décrété, & les événemens fortuits qui rendent le lieu de la Jurisdiction absolument inaccessible.


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On doit observer dans la saisie réelle du Fief les mêmes formalités que dans le décret des rotures, à moins que la Coutume n’en prescrive d’autres qu’il faut garder ; ainsi pour saisir réellement un Fief, on a besoin d’un titre exécutoire soit obligation authentique, Sentence ou Arret, & d’une dette valablement exigible : la saisie doit être faite à l’issuc de la Messe paroissiale, & quelquefois dans plusieurs Paroisses, l’Huissier ou Sergent doit y appeller trois témoins, en outre ses records ordinaires ; mais il suffit qu’il déclare saisir le Fief par sa dénomination & sa qualité, consistant en domaine fieffé ou non fiessé, & qu’il designe la Paroisse où le chef-mois, c’est-à dire, la principale maison, est assis, &c. on ne met qu’un seul prix ou une rente racquittable sur le tout. Mais quand on comprend dans un décret plusieurs Fiefs, il faut mettre un prix separé sur chaque Fief non réuni, d’autant que chaque Fief forme un corps subsistant de lui-même & in dépendant des autres. Diailleurs, si la saisie ne contenoit qu’un seul prix, les enchérisseurs seroient trompés, si ce défaut n’étoit pas au moins rectifie lors des criées ; car on auroit lieu de penser qu’il ne seroit question que d’un seul Fief beaucoup plus précieux que differens Fiefs qui exposent le possesseur à des devoirs plus étendus & plus incommodes. On cite cependant un Arrêt contraire, rendu le 2 Mai 1755 en l’Audience de Grand’Chambre ; par cet Artét la saisie réelle de trois Fiefs séparés fut confirmée, quoiqu’on n’eûr mis qu’un seul prix pour le tout. Cet Arrêt a été rendu sur le fait particulier, ainsi il ne faut pas s’y attacher dans la pratique.

Quand l’obligé a vendu une partie de son domaine non fieffe depuis la création de la dette, qui est le fondement du décret, le décrétant est obligé de mettre un prix separé sur chaque piece du domaine aliéné, parce que par l’aliénation les terres détachées du Fief sont devenues terres roturières : Arrêts des 9 Mars 1539 & 14 Décembre 1602.Bérault .

La formalité de l’estimation, pour parvenir au décret, a subsisté plus long-temps par rapport aux Fiefs, qu’à l’égard des Rotures : l’Arrét de 1492 prescrivoit de choisir douze Estimateurs, qui faisoient en Justice le rapport de l’appréciation du Fief & de ses dépendances en détaii aprés la prestation du serment ; cette estimation étoit proclamée, & ensuite recordée par le Sergent, La déclaration a remplace l’estimation : cette déclaration doit contenir la quantité des héritages étant en la main du saisi, l’état des édifices, jardins, colombier, garennes, étangs, avec l’expression de la clôture S’il y en a, les bois, leur qualité, s’ils sont en coupe ordinaire, ou en réserve d’ancienneté, pour la décoration du principal manoir, les droits de patronage qui peuvent être annexées au Fief saisi, l’etenduë du Domaine fieffe le nom des Paroisses qui en relevent, les mouvances d’extension, les arrieres-Fiefs, les rentes, corvées & autres redevances féodales, soit casuelles ou ordinaires. Il faut aussi exprimer la Jurisdiction qui y est artachée, si elle est Haute, Moyenne ou Basse ; car par le défaut de dénomination, la Jurisdiction seigneuriale désigne une Basse-Justice, si la Jurisdiction est commune, on doit encore déclarer entre quels Seigneurs elle est telle, & com-ment elle s’exerce.

Mais il s’étoit introduit du temps de Bérault une mauvaise Jurisprudence, qui faisoit dépendre la validité du décret de la régularité de la déclaration ; le ientiment deForget , Au-teur presque contemporain, est beaucoup plus raisonnable ; il pensoit qu’une déclaration exacte de tout point, des rentes & autres droits incorporels du Fief, étoit une chose impossible, parce que, comme l’a trés-bien remarqué M. leMaître , Chap. S, le saisi fait ses efforts pour soustraire à la connoissance du décrétant, les anciens aveux & dénombremens qui contiennent le détail des droits de sa terre. Basnage a rapporté des Arrêts qui sont conformes à l’opinion de Forget : & on a encore jugé, par Arrêt du 23 Août 1755, qu’un défaut d’exactitude dans la déclaration mise au Greffe, n’opere point une nullité dans le décret, dés que le saisi a été assigné pour en prendre communication ; il n’a dépendu eneffet que de lui, dans cette circonstance, de réparer les défectuosités qui s’y sont ren-contrées.

Quelques Auteurs pensent que le saisissant doit delivrer au Greffe une grosse de la déclaration, & en faire signifier copie au saisi ; notre Coûtume ne prescrit pas cette formalité, il suffit donc d’assigner le saisi pour en prendre communication au Greffe ; le faisi doit s’expliquer en Justice sur cette déclaration : car tout ce qu’il pourroit arguer devant Notaire seroit nul & insuffisant. Voyez Forget & le Traité des Décrets d’immeubles, suivant la Coutume & la Jurisprudence de Normandie, imprimé en 1760.

Quand le saisi auroit vendu & aliéné le Fief avant la saisie, le décrété doit être également assigné pour prendre communication de la déclaration, puisque les dil igences, pour parvenir à l’adjudication finale, sont dirigées contre lui. le crois encore qu’il est à propos d’assi-gner l’acquereur, d’autant qu’il est saisi des Titres concernant le Fier, & qu’il est en état d’en donner de justes enseignemens.

Comme les criées doivent être faites par trois Dimanches consécutifs, & que cette disposition seroit fouvent impossible, lorsqu’il faut faire les criées en diverses Paroisses, la Coûtume permet au Sergent qui les fait, hors la Paroisse du Manoir principal, de faire la lecture sur des copies des contrats, obligations & Sentences dument approuvées & collationnées par un Notaire, Tabellion ou Greffier. Dela il s’étoit introduit un abus dans plu-sieurs Siéges de la Province ; les Procureurs présentoient des Requêtes pour se faire autoriser à délivrer les Vidimus ; cet abus est retranché par l’Article I, du Titre a du Régle-ment de 1789, il y est dit : n Sera l’Article DLyx de la Coutume de notre Province de n Normandie exécuté, en conséquence seront les Pidimus en cas de saisies en différentes n Paroisses collationnés par les Notaires ou Greffiers de la Jurisdiction où se fera le décret : n défenses faites aux Procureurs de présenter aucune Requête aux Juges pour se faire auton riser à délivrer lesdits Pidimus. n Pesnelle a suivi l’opinion de Basnage qui avoit adopté celle de Godefroy : ces Auteurs sont frappés de l’idée d’un batiment, d’un bois de décoration omis dans la déclaration du Fief saisi, & ils voudroient assujettir l’adjudicataire à en rembourser la valeur intrinseque.

Bérault a embrassé un sentiment contraire, son avis est que la Coûtume s’étant exprimée indéfiniment, il n’est point permis d’y apporter des restrictions. On ne présumera point que le cas de la limitation, à sa disposition marqué par Basnage &Godefroy , ne se soit pasprésenté à l’esprit des Réformateurs : leur silence autorise donc à penser qu’ils n’y ont ou-aucun égard. En effet, pourquoi le décrété n’a-t-il pas pris soin de réformer la déclaration. mise sous ses yeux 1 Pourquoi autoriser une réticence préjudiciable ; La raison de cette disposition est d’ailleurs que l’objet omis est devenu roturier dans la main du décreté.

Mais s’il se trouve dans la déclaration du Fief de l’exagération, comme si on y a attaché des prérogatives, des droits qui ne s’y rencontrent pas, comment pourvoir aux intéréts de l’adjudicataire I La prérogative qui manque aura peut-être feule déterminé Padjudicataire à acquerir le Fief à un haut prix. D’un autre côté, la bonne-soi dans lequel étoit le décrétant, son impossibilité de donner un détail exact & fidele, l’exemptent, en these générale, d’une condamnation d’interêts : on pense donc qu’il suffit alors d’accorder à l’adjudicataire une défalcation sur le prix, & ensuite son recours en proportion sur les derniers créanciere colloqués utilement ; au surplus, c’est aux Juges à se décider dans des espèces délicates, par des vues d’équité, qui puissent concilier, autant qu’il est possible, les différens intérets.

Forget dit qu’à l’au dience de l’interposition on fait l’adjudication première des terres nobles, à cause peut-être de l’intervalle de trois mois qu’il y a entre la saisie & la premiere riée, ce qui donne aux enchérisseurs la faculté de se préparer.

Basnage , sous l’Article DLXXII, rapporte un Arrét du y Juillet 167s, par lequel la Cour ordonna qu’il seroit procédé à une nouvelle adjudication sur les encheres mises par les créanciers, parce que le délai de six semaines depuis l’interposition du décret, & la réception des encheres à l’adjudication définitive, n’étoit pas complet.


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Je ne mioccuperai point à désigner sur cet Article, ceux qui ne peuvent être adjudicataires, je me renferme dans deux observations : 10. Si le décrétant, les créanciers & la partie sailie s’opposent à ce que le bien mis en décret soit adjugé à une personne qui n’est point sujette à la contrainte par corps, quand cette personne n’a point de biens apparens pour répondre de la folle enchere, ou qu’elle ne peut engager son bien, on n’autorise point l’adjudication, à moins que l’adjudicataire ne donne des Suretés. 26. Les Juges dans la Jurisdiction desquels le décret est poursuivi, ne peuvent se rendre adjudicataires, parce qu’il est à craindre qu’ils n’abusent de l’autorité que leur donne leur charge, pour se faire adjuger à vil prix le bien décreté, au préjudice du saisi & de ses créanciers. lover les Articles OXxxII de l’Ordonnance de Blois ; CXVII de celle de 162y, & le Réglement du Parlement de Normandie du a Décembre 1699.

Terrien , Liv. 10, Chap. 10, rapporte un Arrét de l’Echiquier, par lequel il est défendu aux adjudicataires d’entrer en possession des fonds décretés avant le garnissement du prix, à peine de restitution des fruits, & aux Juges de les y autoriser, à peine d’amende arbitraire.

La déclaration de l’adjudicataire, dit le Président le Maître, qu’il a enchéri pour un autre, ne le décharge point de l’obligation de consigner au défaut de celui pour lequel il prétend avoir agi, & telle est aussi notre Jurisprudence, attestée parBérault .

Je ne crois pas en effet que celui qui a déclaré avoir encheri au nom d’un tiers, en soit quitte pour représenter son cessionnaire, sur-tout lorsque la déclaration a été faite par un acte séparé, & long-temps aprés l’adjudication : car parmi nous il suffit qu’elle soit faite avant l’ouverture de l’état ; comme l’adjudicataire a contracté personnellement avec la Justice & pour lui seul, il doit garnir ou être condamné à la folle enchere, sauf son recours. Si on s’engage. dans un autre parti, on courra les risques de voir chaque jour les intérêts du décrétant, du saisi & des creanciers compromis ; un adjudicataire passera impunément, aprés coup, une déclaration en faveur d’une personne insolvable.

Bérault rapporte un Arrêt du 18 Août 1541, par lequel il fut jugé que l’adjudicataire devoit consigner le prix total de l’adjudication, quoiqu’une maison, qui faisoit partie des biens vendus par décret, eût été brulée depuis par cas fortuit. Forget rapporte un Arrêt du 10 anvier 160s, en plus forts termes, puisqu’il étoit question d’héritages dévastes dans le temps. des guerres civiles. Bérault pense cependant que quoique l’adjudicaire soit obligé de garnir son enchere, il peut demander lors de l’état, une défalcation ; & Basnage décide géneralement que lorsqu’il y a un appel interjetté du décret, qui a empéchs l’adjudicataire de jouir, les pertes semblent devoir être à la charge des créanciers.

Ce n’est point remplir le vou de la Loi que de déposer les deniers à la caisse du Receveur des Consignations, il faut encore qu’ils y restent jusqu’au moment de leur distribu-tion ; & on a condamné, par Arrét du 20 Février 1688, un adjudicataire qui avoit retiré de la caisse une somme consignée, à en payer les intéréts aux créanciers perdans ou au saisi, quoique lors de la tenue de l’état elle eût été mise en surseance, à cause d’une contestation & que l’acquereur l’eût rétablie dans la caisse immédiatement apres la contestation ter-minée. VoyesBasnage .

Du temps de M. leMaître , la folle enchere n’étoit observée qu’en faveur du Roi ; on ne pratiquoit que la contrainte par corps contre les adjudicataires des biens des particuliers vendus par décret :Godefroy , sous l’Article DLXXXIV, observe qu’il est au choix du décré-tant & des créanciers de prendre cette derniere voie, ou de faire procéder à une nouvelle adjudication à la folle enchère de l’adjudicataire.

Si l’adjudicataire ne garnit point, ou si les encheres sont défavouées, on ne peut retourner sur le précédent enchérisseur, qui peut avoir colloqué ses deniers, ayant vu son enchere couverte : Basnage rapporte un Arrét qui paroit contraire à cette décision généralement recue ; mais il a été rendu du consentement de toutes les Parties intéressées.


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J’ai rapporté, sur l’Article CLxxxil, un Arrêt du 30o Mai 1688, par lequel il a été jugé que le Seigneur retirant fcodalement, n’est pas obligé de restituer le treitieme qu’il a recu.

Quand le Seigneur a affermé le Fief dont relevent les héritages décretés, le treizieme appartient au fermier du temps de l’adjudication, & non pas au fermier au temps de l’état.

Bérault comprend sous les frais du décret les dépens du décrétant pour les diligences prescritee par la Coûtume, la poursuite des oppositions & appellations formées ou interjettées par le décreté, & autres pour retarder le cours du décret, les coûts des Sentences, des encheres & adiudications ; mais la Sentence qui regle l’état, étant le Titre de l’adjudicataire, se delivre à ses frais, suivant le même Auteur.

Hévin , surFrain , Chap. 92, rapporte une pratique de son Pays qui peut paroître singuliere en notre Province, mais qu’on ne peut blamer ; on y distingue les frais de décret en deux classes : les premiers qu’on nomme ordinaires, sont les frais de la sommation, des saisies, criées, étabissement de Commissaires, & autres accontumés ; ceux de la seconde espèce, & qui sont appellés extraordinaires, sont faits pour défendre aux oppositions, & faire confirmer le décret en cas d’appel ; les premiers étant toujours certains, sont payés par l’adjudi-cataire, & les autres sont pris sur l’adjudication.

Bérault rapporte un Arrêt du 1o Janvier 157o qui fait défenses aux Juges d’exiger le sol pour livre de l’adjudication, pour tenir état des deniers, & leur enjoint de taxer leur vacation par heures, qui doivent être marquées dans le cahier de l’état ; nais aujourdhui les états, ordres & distributions du prix du décret, doivent être distribués à tour, & jugés à l’ordinaire à la Chambre du Conseil sans pouvoir prendre aucuns autres droits que les simples rapports, à peine de concussion : Arrêt du 3 Septembre 1oût renouvellé par un autre Arrêt du 17 Mai 1747. Le nouveau Réglement, Tit. 4. Article XVII, s’explique encore plus clairement, il est ainsi concu : n’Immédiatement aprés la y Sentence qui aura déclaré l’état ouvert sans qu’il soit besoin de prononcer aucun apn pointé, ledit état sera distribué en la manière accoutumée, pour être jugé à l’ordinaire n en la Chambre du Conseil. n


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Cet Article a été introduit, ditForget , afin de ne pas accabler le débiteur par la multiplicité des frais, & éviter le trouble & la confusion qui naitroient entre les créanciers. Quand donc une fois il y a eu une première saisie réelle, les autres qui suivent doivent être converties en opposition.

Forget interprete sur les circonstances le délai de trois ans prescrit par la Coutume pour faire juger les oppositions ou appellations ; car si le décrétant ou les intimés élevent des incidens, dont la discussion exige un plus long-temps, comme s’ils forment une inscription de faux, il n’y auroit pas lieu, selon lui, d’insister sur la rigueur du délaiII observe encore que comme le débiteur peut susciter un créancier simulé, qui le premier saisit, afin d’exclure les créanciers légitimes, & tente par une négligence concertée d’éluder l’effet de leurs obligations ; ils sont en droit de faire limiter ses diligences à un temps déterminé, où l’un d’eux peut demander la subrogation ; mais le éréancier subrogé à la poursuite du dé cret, ne peut forcer le décrétant de demeurer garant des Procédures ; car quand elles sont coupées par une subrogation, le subrogé ne devant lui rembourser que les Procédures valables, c’est à lui de les examiner ; d’ailleurs en ne les supposant pas bonnes, le décrétant auroit pu les rectifier, S’il en étoit demeuré le maître, & qu’on ne lui eût pas ôté le moyen de se réformer.


16

Pesnelle justifie que l’on ne fuit pas en cette Province l’Edit des criées, en ce qui concerne les oppositions cependant il faut avouer que le saisi a un moyen plus facile que la voie de l’appel, lorsqu’il prétend que le décret est nul ou entrepris indûment, & c’est ce qui est fort bien expliqué par le Réglement de 1760, qui limite un temps pendant lequel le saisi ou quiconque a intérêt, peut former devant le premier Juge l’opposition pour annuller : ce Réglement a encore cet avantage qu’il maintient les degrés de Jurisdiction & abrege les frais. On ne peut pas dire non-plus que les oppositions, pour distraire ou pour conserver, soient entierement inutiles, puisqu’elles ont pour but d’assurer aux oppofans les fruits de la chose dont ils reclament la propriété, & de perpétuer le cours de leurs redevances ; & c’est dans cette vue que ces oppositions ont encore été comprises dans le Réglement.

Il est de regle générale que toute opposition soit formée en vertu d’un Titre Exécutoire, & que les causes & moyens d’opposer soient spécifiées. On a jugé sur ce dernier chef, par Arrêt du 22 Novembre 1632, qu’une opposition formée par un Procureur-Piscal, en termes généraux, ne suffisoit pas pour assujettir l’adjudicatiare a payer les arrérages des rentes Seigneuriales, échues auparavant la demande qui lui en a éte faite. le ne puis omettre l’Article XV du Titre a du nouveau Réglement, il est lié au principe que j’avance : n Les oppositions seront, ainsi que les pieces justificatives, régistrées par le os Greffier sur une feuille particulière du Registre, destiné pour chaque état de décret, qui y sera coté & paraphié par le Juge, en la maniere ordinaire, & sur lequel Registre seront n portées toutes les oppositions au même décret.


17

Cet Article n’est pas d’un usage général dans le Pays coûtumier :Terrien , Liv. 10 Chap. 10 Tappule sur le principe des compensations d’une dette liquide, avec une autre dette liquide, qui compensat folvit, on doit entendre, dit Forget fous le terme d’obligation valable, une obligation pure & simple & non conditionnelle d’une somme liquide, du fait du décreté ou de ses Auteurs, étant revétue de toutes les formes capables d’autoriser une opposition. Si l’obligation résulte d’une Sentence qui n’ait pas encore passé en force de chose jugée le seul appel signifié de la Sentence met l’adjudicataire dans le cas de consigner : le décrétant, le faisi & les créanciers ont qualité pour contester les obliganions que l’adjudicataire garnit au lieu de deniers.

Bérault dit qu’il peut y avoir un inconvenient dans l’exécution de la disposition de notre Coutume, en ce qu’elle n’oblige le décrét nt qu’a déposer au Greffe copies des obligations, quinze jours avant l’état, pour être vues par le decreté & les opposans. Cet Auteur remarque une espèce, dans laquelle on avoit confondu le fait de la tante avec celui du pere, par se rapport entre les noms, & il observe que la fraude ne fut découverte qu’en conséquence d’un Arrêt, par lequel on avoit ordouné avant faire droit, la représentation de l’original de la pièce : Il seroit plus juste que l’adjudicataire déposât les originaux des obligations qu’il entend faire valoir pour deniers, quinze jours avant l’état ; cela ne suttiroit pas méme, ajouteBérault , d’antant que les créanciers s’occupent principalement de l’embarras de diseuter leurs hypotheques, il voudroit que les originaux fussent communiqués avant Pouverture de l’état au plus ancie. Procuteur des opposans, & on ne peut assez approuver ectte précaution qui paroit conforme a l’esprit du nouveau Reglen’ent.


18

Les dettes privilegiées, & qui pouvoient être le fondement d’une demande en distraetion, sont purgées par le décret, quand le créancier néglige de s’opposer ; ainsi le vendeur perd le prix de son fonds, s’il reste dans l’inaction pendant le décret entrepris sur l’acquereur & jusqu’à la clôture de l’état, il doit au contraire suivre la précaution conseillée parBasnage , & établie sur une Jurisprudence constante, c’est-à-dire ese présenter au commencement du décret, & conclure à l’envoi en possession de son fonds ou an paiement de sa dette, en exemption des frais du décret : ce qui ne peut lui être refuse, ou du moins s’opposer dans le temps de droit à l’état & distribution des deniers, auquel cas il supporte-comme les autres créanciers hypothécaires, les frais du décret.

Mais le décret ne purge point le droit de propriété, en vain un héritage aura-t-il été adjugé solemnellement sur celui qui n’en a point le Domaine, le véritable propriétaire pourra revendiquer son droit : Arrêt du 14 Mai 1629, rapporté parBasnage . AussiHenrys , quest. 61, Tome 2, dit qu’une des nullités les plus considérables qu’on puisse opposer contre un décret, c’est qu’il ait été entrepris super non Domino ; cependant on juge au Parle-ment de Paris, que quand le propriétaire n’a point reclamé avant le congé d’adjuger, le décret demeure valablement interpose sur le possesseur paisible de l’héritage ; & qu’il ne reste au propriétaire que l’opposition pour être colloqué du prix à la distribution des deniers de ladjudication, ou par le défaut d’opposition la voie d’appel en temps de droit.

D’Argentré , sur l’Article CCLxx de l’ancienne Coûtume de Bretagne, a bien développé le sens de nôtre Coûtume : voici ses termes, hic igitur siatuiiur jus talis reditus & obligationem hypothece super re ipsâ nun elui, aut excluoi approprimentis, sed salvam hpothe-cam & jus effe et qui ad censum prû dium dedit quod alienatum emptor externus possidet, nulla ig tur possessicnis aut deminii transtutio talium exact’onem impedit, cum sine nécessitate solvendi census tes rulla venire possit Il applique spécialement cette décision aux rentes foncieres, & il comprend dans cette espèce toutes les rentes qui ne sont point constituées à prix d’argent ou pour des choses équivalentes, denique quicumque nun sunt ( reditus ) pecunid constituti, nue qui éjusnodi sunt approprimentis juccumbunt,,, : spedanda est enim origo consiitutionis : il est vrai que les Au’eurs Bretons reprochent à d’Argentré d’avoir confondu les appropriemens arcc les décrets, & qu’ils disent que depuis 156b, date de l’enregistrement fait parmi eux, de l’Ordonnance de Moulins & de l’Edit des Criées, le décret purge les rentes foncieres comme à Paris : nous suivons au contraire lopinion de d’Argentré .

Si le Seigneur, si le créancier d’une rente fonciere perdent faute de former opposition, les arrérages qui leur sont dus ; la raison en est sensible, c’est que les arrérages échus auparavant le décret ou tandis qu’il dure, sont au rang des effets mobilicre : or les dettes de cette nature sont purgées par le décret.

Le Seigneur, le créancitr d’une rente fonciere, ont la liberté d’agir contre l’adjudicataire pour le paiement des arrérages échus depais l’adjudication, & l’adjudicatuire ne peut pas leur oppofer qu’il a garni le prix total de son enchere. La Jurisprudence, qui n’est qu’une consequence du texte de la Coutume, charge l’adjudicataire de poursaivre la défalcation contre les derniers créanciers utilement coiloqués : Ariét du 17 lanvier 1ôlâ, rap-porté Btraelt.

Les derniers créanciers peuvent être contraints par corps de restituer les deniers qu’ils ont touchés, & la même contrainte a lieu contre leurs cautio-8. sem.

Les servitudes se purgent-elles par le décret ; D’Argentré decce indistinctement que les servitudes étant réelles, elles ne se purgent pas par l’approoriement, & il est suivi parDévolant , S, Chap. 25. Les Parisiens font dépendre la décision de la éestinction qu’ils mer-tent entre les servitudes visibles & continues, & les servitudes cachées & discontinues. Les servitudes visibles ne se purgent point, disent-ils, par le décret, parce qu’on n’ac juier : pas une maison sans la voir ; mais comme cette raison cesie lorsque les servirudes sont ccelels. il faut que celui qui prétend une servitude cachée, s’oppose dans le ressort du Parlement de Paris à fin de cette charge. Voyer M. leCamus , sur l’Article ClXxxVI de Paris Cette Jurisprudence est fondée sur la faveur que mérite la libération, les solemnités du decres, la négligence du propriétaire du fonds dominant, & la bonne-soi de l’adjudicataire, que l’on peut appeller la foi publique ; mais nous avons en Normandie un principe qui ne peroit pas souffrir de contradiction c’est que le décret ne peut préjudicier aux droits récis ; principe opposé aux usages que l’on suit à Paris, puisque si l’on ne s’y oppose pas avant le congé d’adjuger aux termes des Articles V & VI de lEdit des Criees de 1551, les droits fonciers sont purgés par le décret, & qu’il ne reste plus au créancier d’autre ressource que celle de s’opposer pour venir sur le prix avant le décret levé & scellé, Article CCCLVI de Paris. Ecoutons donc Basnage qui raisonne d’aprés sa Loi n’En Normandie, comme le de-n cret ne se passe point au préjudice des droits réels, & qu’il ne purge que les droits personn nels & hypothécaires, je n’estime pas qu’il fallut s’opposer pour les servitudes prédiales : n car on a étendu cet Artiele à tous les droits réels, au douaire, au tiers des enfans, & n même au Titre d’un Prêtre. n se vois avec quelque peine que ce grand homme ait parlé opinativement, lorsqu’il avoit la regle sous les yeux, que ne s’expliquoit-il en conséquence comme d’ Argentré ; Au surplus c’est à nous d’examiner si nous voulons abandonner la route frayée par nos peres pour suivre des traces étrangeres, malgré l’importance du motif qui doit nous déterminer ; mériterons-nous encore à cette occalion un reproche qui nous a été fait plus d’une fois Lalienis perimus ex emplis.

Toutes personnes ayant intéret au décret, soit comme tiers-acquereurs, comme obligés personnellement, garans ou cautions, sont recevables à appeller du décret ; les créanciers hypothécaires parce qu’il leur est avantageux que le décrétant n’emporte pas ses frais en privilége ; le décrétant, même quand l’adjudication a été faite en consequence de diligences nulles, afin de pourvoir à sa Sureté ; mais il doit payer les dépens de l’appel.Forget .

Bérault estimoit que, pour la tranquillité publique, la faculté d’appeller des décrets devoit être bornée à dix ans ; c’est aussi la disposition de l’Article CLXIV de l’Ordonnance de 1629, qui est suivie dans les Parlemens qui l’ont enrégistrée sans modification sur cet Article. lover le Traité de la Vente des Immeubles par Décret, Chap. 12, n. 8 : mais la Jurisprudence de ce Parlement n’a point changé depuis M. Pesnelle,

Quand le décret est annullé sur l’appel, pour bien discerner quels doivent être les effets de l’Arrêêt, distinguez les moyens sur lesquels il a été rendu ; sil a été justifié que le décret a été entrepris de mauvaise foi & pro non debito, les fruits des héritages vendus par décret doivent être restitués au saisi du jour de sa dépossession, & le saisissant est condamnable aux intérets d’éviction de l’adjudicataire ; si au contraire le décret n’a été attaqué que du côté de la forme jugée défectueuse, la restitution des fruits n’est due que du jour de l’appel ; le saisi doit faire raison des sommes payées à sa décharge, & le décrétant n’est tenu que de rembourser les frais du décret, ainsi que les deniers qu’il auroit touchés.Bérault .

Raviot, quest. 30y, & son Observateur, décident que quand, aprés un état solemnel, le décret est annullé par défaut de formalité ce n’est point aux créanciers qui ont recu leurs deniers, c’est au décrétant seul que l’adjudicataire doit s’adresser pour recouvrer le prix de l’adjudication ; car les Procédures d’un décret sont publiques, & il paroit que l’adjudicataire a suivi la foi du décrétant & du décret ; mais ils conviennent qu’il en seroit autrement si l’adjudicataire étoit troublé par un créancier foncier, ou évincé par le véritable pro-priétaire.


19

Bérault dit que l’on ne défalque point les charges ordinaires des Fiefs établies par la Loi générale de la Province, comme la comparence aux Pleds & Gages-pléges, &c ; il croit cependant que dans l’expression des charges ordinaires, on comprend la Prévôté tournaire, quand elle est due par tous les vassaux, quoiqu’il ajoute que la Prévôté même celle que nous appellons tournaire ou commanderesse, n’est pas de droit artachée & inhérente auFief, mais il dit que l’on défalque la Prévôté receveuse ; on défalque aussi les corvées & autres sujétions qui n’ont pour fondement que les clauses du contrat d’inféodation, lesquelles, suivantForget , doivent être estimées par Experts.


20

Comme les Seigneurs avoient autrefois leurs Pairs pour exercer la Justice sur leurs vasfaux, ils eurent aussi, pour se faire payer de leurs droits, des Sergens fieffés, ausquels ils donnerent quelquefois ces charges en Fief, avec des terres aussi tenues noblement, & quelquefois ces charges sans terres : quand ces Sergenteries étoient annexées à quelques Fiefs nobles, alors, selonTerrien , Liv. 2, Chap. 13, elles avoient Cour & Usage, c’està-dire, Jurisdiction ; elles étoient possedées par des personnes riches, qui faisoient faire les fonctions de leur Office par des commis qu’elles y préposoient : Laurière surRagueau , verb-Sergenterie.

Les Sergenteries, dont il est parlé dans cet Article, consistent dans le droit d’exercer, par soi-même ou par commission les fonctions attachées a l’Office de Sergent dans les enclaves d’une Jurisdiction Royale ou d’une Haute-Justice : Quand les Sergenteries font corps avec un Fief, elles doivent être comprises dans la déclaration que le saisissant en doit communiquer au faisi, & alors elles sont venduës par décret, comme un accessoire du Fief dont elles dépendent ; mais si elles sont isolées & sans glébe, on en poursuit le décret, de même que des au-tres Offices.

Nous avons deux Loix précises qui ont fixé la manière de saisir réellement, & de procéder à l’adjudication par décret des Offices royaux, elles reglent aussi l’ordre de la distribu-tion des deniers provenus de la vente forcée lequel doit être observé entre les créanciers de différente espèce, elles confirment la préférence des opposans au sceau sur tous les autres ; ainsi la saisie réelle n’a plus seule le même pouvoir qu’elle avoit autrefois. Voyer l’Edit du mois de Février 1883, enrégistré dans ce Parlement le 2o Mars suivant ; la Déclaration du 17 Juin 17o3, régistrée le s Juillet ; le Traité des Hypotheques deBasnage , Chapitre 10

Mais l’opposition au Titre des Offices avoit été trop négligée, elle est cependant la plus importante, puisqu’elle tend à empécher absolument l’expédition des Provisions, nous avons été dans l’incertitude sur les véritables maximes en cette matiere, jusqu’au 29 Avril 1738, qu’est intervenue une Déclaration portant Réglement sur les oppositions au Titre. Puyer le Recueil des Edits & Réglemens du Parlement de Rouen ; & Routier, principes généraux du Droit Coutumier Normand.


21

Forget a remarqué que le déeret des Navires a été introduit à cause de leur importance, & pour prévenir les inconvéniens qu’une vente précipitée pouvoit occasionner ; le Régle-ment du ra Septembre 1609, cité par M. Pesnelle, prescrit à ces sortes de décrets, avec des délais plus courts que dans les décrets ordinaires, une forme plus simple ; on n’y pratique ni certification ni interposition, & l’adjudication finale est à charge de huitaine de rachat, ron rapproche ainsi par le Forgage les Navires de leur véritable nature, sans préjudicier les éréanciers.


22

On tche souvent d’éluder la décision de M. Pesnelle, qui est de droit commun : le préteur, qui n’a point recu ses deniers au retour du voyage, fait contracter au propriétaire. du Navire un second engagement, qui paroit indépendant du premier, & le préteur donne une quittance séparée, comme si en effet il eur été payé ; cette frande se découvre par les circonstances, & notamment par d’autres préts fimultanés.

Il faut lire sur la saisie & vente des vaisseaux, & la distribution des deniers, le Titre 1a de l’Ordonnance de la Marine du mois d’Août 1681 ; cette Ordonnance prescrit des formes simples, & qui approchent beaucoup de notre Jurisprudence ; elle veille également à la conservation des intérets du saisissant du saisi & des créanciers. Je suie faché de ne pouvoir transerireici des dispositions aussi sages & aussi précieuses au commerce ; mais meditez la Loi dans l’excellent Commentaire de M. de Valin & les Auteurs choisis qu’il cite.


23

Terrien , Liv. 10, Chap. 10, nous apprend que de son temps il n’y avoit pas quarante ans que les encheres, au profit particulier, étoient en usage ; il étoit permis aupara-vant à un chacun d’enchérir par tiercement en obtenant des Lettres royaux ; on ne sçauroit exprimer quelle confusion causa d’abord parmi les créanciers l’enchere au profit parti-eulier. La Cour ordonna en 1555 une Enquête par Turbes dans les Siéges de la Province, pour délibérer s’il ne seroit point à propos d’en rétrancher entièrement la pratique : on a taché, dans les réformations du Titre du Décret, de la rendre utile sans être captieuse : on peut cependant proposer le même probleme qu’en 1555, il sembleroit plus avantageux u saisi & a ses créanciers de n’admettre que les encheres au profit commun, en prescrivant un délai compétent pour les recevoir ; l’enchere au prosit particulier est propre à détourner les enchérisseurs, & sert de prétexte aux fraudes.

Les encheres, au profit particulier, ont lieu pour une dette véritable, mais perdue, c’est-à-dire, qui ne vient point en ordre sur les biens du débiteur ; de sorte que le créancier met toute son espérance, ou sur la vilité du prix qui se rencontre ordinairement dans les adjudications par décret, ou sur la commodité des fonds, ou sur l’attente d’un retrait lignager ou féodal : car un parent ou le Seigneur retirant l’héritage vendu par décret, est obligé de rembourser, non-seulement tout ce qui a été consigné par l’adjudicataire, pour le prix de son adjudication au profit commun, mais encore l’enchère à son profit particulier, pour laquelle il n’a consigné que son contrat ou son titre, suivant l’Article DLXXVII de la Coutume : c’est donc la toute la ressource de l’enchere au profit particulier, dont le quart doit être consigné au profit commun, suivant l’Article DlXXXIV.

Il faut que la créance soit non-seulement établie sur un titre authentique ; le titre doit encore être antérieur à la saisie réelle, parce que le débiteur dépossedé par une saisie réclie, ne peut pas constituer une hypotheque sur un héritage qui fait le gage de la Justice.

Si la saisie réelle est faite sur un tiers-détenteur, pour une dette antérieure à son acquisisition, il faut que le contrat ou obligation du créancier perdant qui veut enchérir à son profit particulier soit antérieur à la vente qui a été faite au tiers-détenteur : car si son titre étoit posterieur à la vente, il ne pourroit avoir aucune hypotheque sur l’héritaige, puisque celui qui a vendu son fonds ne peut plus l’hypothéquer aux dettes contractées depuis la vente qu’il en a faite, car il n’y a plus rien : Article DLXXXV de la Coûtume.

Le principal effet des encheres au profit particulier, est de donner ouverture dans les prochains Plaids ou les prochaines Assises, de faire des encheres au profir commun de tous les créanciers. Aussi, quoique la premiere adjudication ne soit, selonBérault , considérée que comme un acte que le Juge accorde à l’enchérisseur du prix de son enchere cependant, quand aucun éréancier du saisi n’a couché son enchere au profit particulier dans l’intervalle des Plaids ou Assises prochaines, ou du moins lors de la séance de la Jurisdietion, on ne recoit point les encheres nouvelles qui seroient faites au profit commun & la premiere adjudication devient une adjudication définitive : ainsi jugé par l’Arrét de Guillebert & par autre rendu en la Chambre de lEdit du ar Novembre 161t. Quel tort dans cette circonstance n’éprouve pas le faisi l l’Arrét de Tô1t présente un exemple frappant ;. le Nud, Huissier au Havre, avoit enchéri par rao livres l’acre les héritages de Grisel, saisis réellement à sa Requête, & il avoit le bénéfice de la première adjudication ; aucun créancier n’avoit enchéri au profit particulier : mais Etienne Masure se présenta aux Plaids. suivans il enchérit chacune acre à 17o livres au profit commun, clétoit une surenchere tres-considérable ; cependant, par l’Arrêt, il fut ordonné que la première adjudication seroit exécutée. VoyerBérault .

De là derive cette Jurisprudence qui paroit contraire au texte de la Coutume, attestée néanmoins parBasnage , & fondée sur les Arrêts de Cauverville & de Hébert, qu’il suffitqu’il y ait une enchère, telle qu’elle puisse être, pour empécher que les premieres enche-res ne soient converties en encheres définitives. Quand on a une mauvaise Loi on fait biende ne la pas suivre à la lettre, il seroit encore bien plus utile de la réformer ; mais on avoit corrigé un abus : on a cru pouvoir s’arrêter au milieu de la carriere.

Je ne décrirai point toutes les difficultés qu’ont fait naître successivement les impartitions des encheres au profit particulier, nos livres sont pleins d’Arrêts & de Réglemens sur cette matiere qui devorent d’ennui ceux qui ne sont pas mitiés dans nos maximes bizarres, & je doute encore si elle est bien éclaircie.


24

Cet Article est conforme au sentiment de M. d’Argentré , Article CCLXVIII, n. 7, réceptunt tûmen est aequitatis obtentu potius quum summo jure ut in endem audientiù venientez uudiantur, mais le Juge au temps de l’enchere doit encore être sur son Tribunal : Arrût delan 16oy, cité parBerault .


25

DuMoulin , sur le Préambule des Criées, dit que les mineurs sont restituables contre les décrets, quand il y a letion d’outre moitié ; son opinion est suivie dans quelques Parlemens. Nous n’admettons point en Normandie de pourvoi contre les décrets forces pour lé-zion énorme ou énormissime ; mais la Cour casse plus facilement les décrets quand cette circonstance est jointe à quelques défauts de formalité : Il n’en est pas de mêne des décrets volontaires, ils sont considérés comme des contrats particuliers, où l’autorité publique n’intervient que pour la Sûreté de l’acquisition. In simplici decreto conservatorio ( c’est le décret volontaire ) emptor prius gessit negotium cum privato venditore, imo ab illo emit, judice tantum confirmante contradum ab aliis factum, & sic jude : nihil dut : duMoulin . Voila le motif qui autorise la restitution dans ces décrets en cas de lezion.


26

Le nouveau Réglement contient dans le Titre a des principes clairs & propres à fixer le sens de cet Article. Il est dit dans l’Article XIV : ) L’adjudicataire des biens saisis par décret sera tenu aux prochains Plaids ou Assises, apres l’adjudication finale, de reD présenter le brever de garnissement du prix de son adjudication, dont il lui sera accordé n acte, lequel contiendra l’envoi en possession des biens adjuges, s’il y a lieu ; & de suite py l’état sera déclaré ouvert, &c. n Cette disposition qui donne un nouveau jour au texte, ne dispense pas l’adjudicataire qui manque de garnir, des contraintes & condamnations que la Ceûtume proronce contre lui, elle les confirme au contraire. Il est maintenant inutile d’agiter cette question, si célèbre chez les Auteurs, si dans le cas de la revente à la folle enchère de l’adjudicataire, l’excédent de la première adjudication finale vient à son bénéfice, elle est décidée contre lui : car dés que la vente est résolue par l’inexécution de la condition essentielle, dit M. deHéricourt , Padjudicataire qui n’a plus de droit sur le bien, ne peut profiter de l’augmentation du prix s’il en supporte la diminution, ce n’est point comme propriétaire, mais à cause des dommages & intérêts dont il est tenu envers les créanciers & la partie saisie, pour avoir manqué, par sa faute, à exécuter l’engagement qu’il avoit contracté avec la Justice.

On doit procéder à l’état dans le mois du jour qu’il aura été déclaré ouvert, & les créanciers qui se trouveront en ordre, doivent être colloqués des fommes qui leur sont dues, & on leur en délivre Etécutoire sur le Receveur des Consignations, sans qu’il soit besoin d’attendre la clôture de l’état ; mais quand il y a des contestations sur des oppositions antérieures ou privilégiés, les Juges ont la liberté d’ordonner sur ces oppositions une instrue-tion convenable, & en laisser le montant en surséance aux Consignations pendant l’instruction elle ne peut cependant retarder la collocation des autres éréanciers, Article XX & XXI du Réglement : observez que ces Articles concertent avec ce que j’ai ci-devant avancé.


27

Une Déclaration du 21 Mars 1765, accorde aux Réceveurs des Consignations de cette Province, au moyen des différentes attributions qui leur ont été faites par les Edits de Juin 1685, Avril 1694, & Septembre 1704, pourvu qu’ils justifient avoir payé la finance ordonnée par le dernier Edit, dix-huit deniers pour livre sur le prix des immeubles ju-fficiairement vendus ou délaissés à un ou plusieurs créanciers dont six deniers sont à la charge de l’adjudicataire ; mais au défaut de justification elle regle leurs droits dans la méme espèce à douze deniers par livre. Par Arrét rendu aux Chambres assemblées le 1o Août-1y8s, il a été ordonné aux Receveurs des Consignations & aux autres personnes y denommées, d’exprimer dans le solvit, qu’ils seront tenus de mettre au bas des actes, bre-vers, &c. les sommes qu’ils recevront, en expliquant en détail l’espece, qualité & quantité des droits qu’ils percevront, le titre en vertu duquel se fera la perception, & speci-fieront nommément ce qui sera recu au-dala du droit primitif, en vertu des augmentations progressives qui auront pu y être ajoutées. Un autre Arrét du 16 Août de la même année fait défenses aux Receveurs des Consignations du resfort de prendre & exiger aucuns droits de consignation sur les objets privilégiés, payés avant la consignation sur les capitaux des rentes, dont les biens décretés ou délaissés en Justice étoient chargés, & qui n’ont pas fait partie de la valeur de l’effet abandonné ou du bien réel du créancier décreté, & sur le prix des lors & ventes & treizieme, dans le cas où l’acquereur en seroit chargé, & généralement de ne s’attribuer ni percevoir aucuns droits que des deniers & valeur des effets qui auront réellement & de fait entré dans leur caisse. On avoit déja débouté, par Arrét rendu en 1720, la veuve d’un Receveur des Consignations, des droits de consignation, reclamés sur une distraction de fonds obtenue par un cohéritier jusqu’à la concurrence de 48000 livres, pour avoir acquitté des dettes communes de la succession, mais à l’égard des sommes sujettes aux droits de consignation, les lroits appartiennent au Receveur dulieu où se tient l’état, au préjudice du Receveur au district duquel l’adjudication a été faite.


28

C’est un principe général que quand le tiers-acquereur a payé aux créanciers de son vendeur autant ou plus que le fonds peut valoir, il ne peut être impunément dépossédé par un dernier créancier, qui, par émulation & par opiniâtreté, plutôt que dans l’espérance de tirer du profit, veut faire vendre son fonds ; il contracte par la saisie réelle l’obliga-tion de répondre des frais, dommages & intérets qu’il peut causer par une Procédure volontaire & frustratoire, & l’acquereur a une action pour l’arrêter jusqu’à ce qu’il ait donné des Suretés.

Cet Article contient un autre principe assez simple, l’enchere du créancier postérieur à l’acquisition ne peut l’affecter, parce que le fonds acquis n’a jamais été son gage. Voyer ma Note sur l’Article DLXXXII.


29

Si la dépense de la régie & les frais de Justice absorbent le prix total de l’ad ud cation du fonds saisi, le décretant doit remplir toutes les charges du décret, quand nême il seroit en perte sur ses dépens : on a condamné dans cette espèce, trois ans aprés l’état tenu, le saisissant, envers l’adjudicataire, au paiement des copies des diligences du décret : Arrêt du 8 Octobre 1647, rapporté par Bérault ; un de Messieurs dit, apres l’Arrêt, que quiconque décrete est garant du décret & de l’accessoire in omnem eventum Lorsque, dix ans aprés l’adjudication, le décret est arraqué du côté de la forme que l’on prétend vicieuse & nulle, c’est à celui qui oppose les nullités à les justifier par la représentation des Procédures ; la question a été ainsi jugée au Parlement de Toulouse, par Arrét du 20 Novembre 1715, rapporté parVedel , Liv. 6, Chap. 5 : Il est aisé d’appercevoir que cet Arrêt est conforme à la disposition de la Coutume ; mais elle ne concerne que les Procec ; res : car le décrétant & les créanciers, même aprés dix ans, sont tenus de représenter les Titres qui ont servi de fondement au décret.


30

Lorsqu’on veut faire vendre par décret une terre noble, il suffit, aprés la contumace des néritiers en général, de faire lire & afficher la déclaration à chaque criée, avec sommation aux héritière d’en prendre communication au Greffe.Bérault .

Si les héritages du débiteur sont généralement confisqués, il semble que la Sommation doit être faite au confiscataire : Bérault ; mais s’il n’y a que quelques-uns des héritages réunis au Fief du Seigneur, il suffit de faire la Sommation au débiteur ; Basnage estime cependant que dans le premier cas, comme il pourroit y avoir différens Seigneurs qui auroient benéficié de la confiscation, il suffit de contumacer les héritiers en général.

Quand apres la contumace des héritiers en général d’un homme décédé integri siatus, il se présente un héritier benéficiaire, cet héritier est obligé personnellement de rembourser les dépens de la contumace : Arrêt du 19 Août 1756. Il n’en est pas en effet des frais de contumace, comme de ceux d’inventaire & autres qui servent aux créanciers de la succession, tandis que ceux de contumace ne leur sont d’aucune utilité, dés qu’il se préfente un héritier, soit pur & simple, ou bénéficiaire. Voye ; mon Observation sur l’Article XCVI de la Coutume.


31

Une Sommation en décret, faite à une personne hors Province, en parlant au fermier des terres obligées, seroit nulle.


32

Ces deux Articles contiennent des Réglemens de Procédures ; nous avons dans l’Ordonnance de 1oby des regles infaillibles pour guider l’instruction des affaires du Barreau ; c’est un chef-d’oeuvre qu’aucune Nation de l’Europe n’a pu jusqu’ici égaler ; il faut la méditer souvent, y joindre la lecture du Proces-verbal de rédaction ; on y remarque, avec une admi-ration toujours nouvelle, les traces du sçavoir profond des grands hommes qui ont présidé à cet ouvrage.


33

Le mineur ne peut agir, il ignore l’état de sa fortune ; il est donc juste qu’on ait plus d’indulgence pour lui que pour le majeur, qui, maître de ses actions & de ses droits, a plus de facilité pour se libèrer ; la plupart des Coûtumes ont introduit, sans doute, dans cette vue la perquisition des meubles du mineur avant d’entreprendre le décret de ses immeubles, précaution assez inutile ; on tire beaucoup plus d’éclaircissement de l’état abrege, il met au jour l’inventaire de ses biens qui indiquent ses dettes actives, ses meubles & ses effets, c’est le véritable moyen, dit un Auteur moderne, d’écarter le flambeau de la Procedure par décret.

Cependant notre Coutume, en suivant l’esprit de ce principe de droit, sub pratez tu pupilli debitoris hereditarii creditorum actionem differri non posse nimis evidens, l. C. de Heredit. ad. permet au créancier de passer outre à la Saisie réelle des immeubles du mineur, quinze jours aprés la Sommation faite à son tuteur, de donner des meubles exploitables, & faute par lui d’avoir dans ce délai présenté un compte fommaire ; il en est de même si, aprés avoir fourni ce compte, il ne paye point dans la quinzaine les sommes dont il est redevable, ou s’il n’y a point de deniers pour acquitter la dette.

Notre usage le plus général est d’assigner le tuteur pour donner état abregé de ce qu’il doit à son mineur, si le tuteur fait défaut sur l’assignation, le Juge accorde pour le profit du défaut permission de saisir : si le tuteur comparoit, on lui accorde quinzaine pour apporter cet état que le poursuivant criées n’est pas tenu de contredire. Lorsqu’il est justifié par l’état que le tuteur ne doit rien, ou quand il differe de payer dans la quinzaine les deniers dont il est reliquataire, le Juge permet également de procéder à la saisie réelle des biens du mineur. On cassa, par Arrét du 23 Avril 1602, un décret, parce que le décrétant avoit quelques jours aprés la sommation faite au tuteur, & sans attendre la quinzaine, procédé à la saisie des héritages du mineur, quoique peu de temps auparavant la sommation. le tuteur eût fourni un compte abregé, dont il tésultoit que ce tuteur étoit redevable à son mineur de 500 livres :Bérault . Par autre Arrét du & Septembre 16y, confirmatif. d’une Sentence des Requêtes du Palais, on a condamné le tuteur à rendre un compte abregé, quoique les mineurs fussent alors devenus majeurs, & que le tuteur offrit de rendre un compte définitif.Bérault .

Le compte abregé ou bref état n’est point présenté au Juge de la tutelle ; mais à celui devant lequel la saisie réelle est poursuivie : on l’a ainsi jugé par Arrét du Parlement de Paris. du 8 Mars 1619, rapporté parBrodeau .

On a jugé au même Parlement, par Arrét du 3 Mai 1856, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Talon, & rapporté par Soëfve, Tome 2, Liv. 6, Chap. 42, que la saisie réelle n’est pas nulle, quand le mineur appellant ne prouve pas qu’il ait eu, au temps. de Padjudication, des deniers pour acquitter les dettes qui avoient donné lieu à la saisie : cet Arrét paroit d’abord contraire à l’Arrét du 23 Avril 16oz, rapporté par Bérault ; mais il paroit équitable, en ce que le compte abregé que la Coûtume exige du tuteur, n’a d’autre but que d’épargner les frais d’un décret à un mineur qui a des deniers suffisans pour payer la dette qui lui est demandée, & que le tuteur retient injustement.

Quand le décret est régulier dans la forme & au fonds, le mineur ne peut aprés sa majorité inquiêter l’adjudicataire ; mais s’il justifie que le décret n’a été entrepris que par la faute ou Pinfidélité du tuteur, ce tuteur doit être condamné envers le minear en des dommages & intéréts proportionnés à la perte qu’il a soufferte à cause du décret.

Le recours qu’elle accorde au mineur contre son tuteur, qui n’a point satisfait à l’esprit ni au titre de ses engagemens l’invite, par un motif d’intérét, à vendre les immeubles du mineur les moins commodes & les moins agréables ; mais comme ces sortes de ventes, quoique faites judiciairement, sont souvent accompagnées de fraude, c’est une regle que le décret, en t repris sur l’acquereur des biens du mineur, ne purge point les défauts de la premiere vente, & bené, dit duMoulin , quiu potuit fieri in fraudem.


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L’aliénation des biens des mineurs étoit autrefois assujettie à beaucoup de formalitée qui ne sont plus maintenant d’usage ; le tuteur devoit d’abord présenter un compte qui étoit eraminé, il falloit discuter préalablement les meubles du mineur, on entroit en connoisfance des dettes, on vouloit qu’elles fussent pressantes, & qu’il y eût des saisies dirigées par les créanciers, on avoit même prescrit la nécessité des estimations. La vente des biens des mineurs est aujourd’hui valable des qu’elle est conforme aux Articles arrétés par la Cour le 7 Mars 1673 lesquels retranchent plusieurs des antiques formalités : on doit cependant en conserver l’esprit autant qu’il est possible, en se souvenant que le bien du mineur ne doit être vendu que pour urgente nécessité ou évidente utilité, belle lecon pour les Juges qui homologuent l’avis des parens délibérans de la tutelle Lorsque la vente des biens des mineurs n’a pas été faite dans les formes prescrites par le Réglement, elle est nulle ; mais un principe d’équité naturelle, qui défend de s’approprier ce qui ne nous appartient pas oblige le mineur de restituer les deniers dont il a cté fait en sa faveur un emploi utile ; c’est ce qui a fait quelquefois confirmer de pareilles ventes, bien qu’irrégulieres, quand le prix étoit comme la valeur du fonds, & que le mineur refusoit de le rendre à l’acquereur : car on accorde à l’acquereur un droit de rétention jusqu’au remboursement.

Bérault rapporte un Arret qui a confirmé la vente d’un bien de mineur, quoiqu’il ne parût ancun emploi du prix ; mais deux faits particuliers déterminerent l’Arrêt, le peu de valeur du fonds, la longue possession de l’acquereur ; on réserva cependant au mineur une action en dommages & intérêts contre son tuteur.

Quand un mineur, devenu majeur, agit en rescision contre un engagement qu’il a formé dans sa minorité, la Jurisprudence charge le créancier de prouver que cet engagement a été utile & avantageux au mineur & le mineur n’est point obligé a justifier de sa dissipation & du fol emploi qu’il aura fait de deniers empruntés s’il est question d’un prét.

VoyesDomat , sur les ouvertures de rescision en faveur des mineurs,Basnage , sur cet Article & dans le Traité des hypotheques, & le Traité des obligations de M.Potier .


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Sans sortir de ce Titre on distingue, lors de l’état, trois ordres de créanciers : on place dans le premier ordre les dettes portées dans l’Article DLXXV, les défalcations de l’Article DLXXIV, le prix des ameliorations faites par le tiers-acquereur, les dettes du vendeur, quand le décret est entrepris poun celles de l’acquereur, & les dettes du défunt, si l’on décrete pour celles de l’héritier ; on appelle cet ordre, l’ordre des créanciers privilégiés, on y colloque ceux qui sont subroges à leurs droits par la Loi ou par convention : les créanciers hypothécaires suivent la date de leurs contrats, quand ils sont en forme authentique & solemnelle ; les créanciers chirographaires viennent les derniers & par contribution entr’eux.

Voila une legere esquisse de la doctrine des hypotheques. Vuoyer, sur cette matière, l’excellent Traité de Basnage ;Renusson , de la Subrogation ; lePrêtre , avec les Additions de Giuëret,Brodeau , sur M. Louet ; les Arrêtés de Lamoignon & ses Mémoires ; Domat & les Arrêts notables d’Augeard .

Comme la discussion des meubles donne ouverture aux droits de consignation, je rappelle la Déclaration du 21 Mars 1765 : l’Article VI prescrit aux Officiers qui font la vente des effets mobiliers, de faire mention des oppositious survenues pendant le cours de la vente, & leur ordonne de déposer les deniers entre les mains du Receveur des Consignations, dans la huitaine, pourvu qu’à l’expiration de ce délai il y ait encore deux opposi-tions subsistantes avec le saisissant ; le droit de consignation est fixé à neuf deniers par livre, à l’égard des Rteceveurs qui ont financé en conséquence de l’Edit du mois de Septembre 17od, & à six deniers par livre à l’égard de ceux qui n’ont point rempli les dispositions de l’Edit. Voye ; mon Obiervation sur i Article DLXXIV.


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Les Evocations ne tendent qu’à immortalifer les Proces, & à fatiguer les créanciers ; ce motif a toujours paru intéressant à la Province ; & des l’an 1314, ou, selon M.Froland , dés le mois de Juillet 131s, la Charte Normande, Article XIx, avoit défendu tout ajournement hors le Duché pour les causes qui y seroient nées : on a toujours suivi cette regle dans les décrets ; & M.Froland , dans son Mémoire concernant la prohibition d’évoquer les décrets des immeubles situés en Normandie, a recueilli les Chartes, Ordonnances, Edits, Dé-clarations, Lettres-Patentes, Réponses de nos Rois, Arrêts du Conseil, & Arrêts du Parlement de Paris, qui ont établi & confirmé le privilége de la Province : ce petit ouvrage est assez exact, & mérite d’être lu.

Il est d’une Jurisprudence certaine, fondée sur plusieurs Déclarations du Roi, qu’il ne se fait point de décrets à la Cour ni aux Requêtes du Palais ; mais l’Edit du mois d’Août 1689, attribue les décrets des biens immeubles des comptables à la Cour des Aydes, réunie en Normandie à la Cour des Comptes. Basnage a rapporté cet Edit dans son Fraité des hypothe-ques, Chap. 10 ; M. Froland dit que les decrets se solemnisent souvent devant ces Juges extraordinaires en vertu d’Arrêts du Conseil.

On suit, en matière d’évocation, la même Jurisprudence tant par rapport aux oppositions pour distraire, que par rapport aux décrets ; & le Conseil d’Etat privé du Roi, a décidé, par Arrêt du 28 Janvier ryôt, rendu sur un Mandement en Réglement de Juge, que les oppositions de cette nature ne peuvent être évoquées ; c’étoit un Huissier du Châtelet qui y donna lieu, il prétendoit traduire devant le Juge de son privilége, une demande en distraction, formée à un décret d’héritages, situés en Normandie.


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Quand deux personnes domiciliées en Normandie plaident hors le Ressort, on fuit, pour l’hypotheque des dépens, la Jurisprudence du Tribunal où ils ont été obtenus : Arrêt du 7 Septembre 1683. VoyesBasnage , Traité des Hypotheques, Chap. 6.

Quoique les exécutoires de dépens prennent hypotheque en Normandie du jour de l’introduction du Proces, on a jugé en plus forts termes, par Arrêt du premier Juin 1691, rendu au Rapport de M. Bigot de Graveron, rapporté par Basnage : le vendeur avoit chargé l’acquereur, par le contrat de vente, d’acquitter des dettes en son lieu & place ; l’acque-