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C E Chapitre est pour servir à expliquer l’Article CXCVI, & comprend non-seulement le Vurech mais les choses gaives. Il en faut donc commencer l’interprétation par l’explication de ces termes, & de leurs différences : ils conviennent en ce que ce sont choses abandonnées, ou plutôt égarées, dont le Propriétaire est inconnu, n’étant reclamées par aucun. Elles doivent les unes & les autres être mises és mains du Seigneur de Fief, dans l’etenduë. duquel elles sont trouvées, soit qu’il soit Haut-Justicier, soit qu’il n’ait qu’une Justice féodale, bien que par l’usage des autres Provinces, ces droits n’appartiennent qu’au Haut-Justicier. Le Varech differe des choses gaives, comme il se doit inférer dudit Article CXCIV, & des Articles DCIII & DCIV ; c’est pourquoi la définition portée par l’Article DXCVI, les confond mal-à-propos : car le Varech ne se doit entendre que des choses que l’eau jette ou pousse a terre ou si prés de terre, qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance, suivant l’expression de la Coutume audit Article DXCVI. Mais les choses gaives, sont toutes choses égarées ou délaissées qu’on trouve sur la terre ou sur la mer, que quelques Coûtumes appellent espaves, adioxora, siyd viventia, sivé inanima, que nullum Dominum nec assertorem habent.
Le droit qu’ont les Seigneurs de Fiefà l’égard du Varech & des choses gaives, est tout-à-fait semblable ; car la garde leur en appartient : ils les doivent restituer aux Propriétaires qui les reclament ; c’est-à-dire, les demendent dans l’an-& jour qu’elles ont été déposées ; & aprés ledit temps d’an & jour, ils en demeurent Propriétaires. Dont on peut conclure, que ces droits ont été autorisés autant pour la confidération des biens des absens, que pour augmen-ter les droits utiles des Fiefs. Or on ne doit pas trouver étrange, que les Seigneurs féodaux soient obligés à la garde, conservation & aménagement de ces choses égarées, puisqu’anciennement on les rendoit responsables de tous les vols qui étoient commis dans l’etenduë de leurs Fiefs, depuis le Soleil levejusqu’au Soleil couché, comme il est remarqué par Charondas ; même dans plusieurs Provinces, & entr’autres en celle de Paris, on condamne le Seigneur a la nourriture des enfans exposés & abandonnés dans l’etenduë de son Fief : ce qui ne s’observe pas en Normandie ; mais le Seigneur de la Paroisse & les Habitans conjointement, sont condamnables à la nourriture des enfans qui y ont été trouvés, conformément à l’Ordonnance de Moulins, en l’Art. LXXIII, qui dispofe que les pauvres de chaque Ville ou Village, soient nourris par les Habitans du lieu, qui seront tenus de contribuer à cette nourriture, pro modo facultatum : ce qu’il faut entendre, quand il n’y a point d’Hopital ou d’HôtelDieu dans le lieu ; car quand il y en a, on a condamné les Administrateurs de se charger de la nourriture des enfans abandonnés, par plusieurs Arrête.
rapportés parBérault , sur l’Article DCIV. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCLXXV. Les sept premiers Articles de ce Chapitre, sont du Varech : & les quatre derniers, des choses Gaïves.1
Basnage croit que ce terme Varech est d’origine Danoise. Nous avons des preuves certaines que nos Ducs ont introduit l’expression & la chose en Angleterre : Bracton de la Cou-ronne, Liv. 2, S. 33 Fléta, Liv. 1, Chap. 43, §. 2. En communiquant le droit de Varech aux Seigneurs de Fiefs, ils ont laissé des vestiges de modération & d’humanité dans leur Gouvernement ; il en résulte en effet qu’ils traitoient leurs vassaux nobles moins en sujets qu’en compagnons de leurs exploits & de leur gloire ; & il n’est pas moins évident qu’ils ont eu en vue de les inviter de lauver les marchandises naufragées, non-seulement par un motif de commiseration, mais par l’assurance qu’elles leur appartiendroient ssi on excepte celles qu’ils se sont réservées ) lorsque la reclamation n’en auroit pas été faite dans le temps qu’ils avoient limité.
M. de Valin assure qu’on ne voit point l’origine du privilége dont jouissent les Seigneurs Normands ; il dit qu’on voit seulement que le droit municipal de leur Province le leur avoit attribué des le temps de l’ancienne Coûtume. Je conviens avec lui qu’il n’est pas possible d’assigner l’époque où les Seigneurs ont commencé de se l’approprier : si la conficture de Basnage est véritable, il aura pris naissance avec le partage que Raoul fit des terres de la Neustrie, entre ceux qui l’avoient aidé dans la conquête ; peut-être aussi les anciens Seigneurs du Pays l’avoient-ils déja usurpé sous le déclin de la seconde Race, & Raoul ne fît que suivre des établissemens qui avoient lieu auparavant lui.