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CHAPITRE VINGT-TROISIEME. DE VARECH.

C E Chapitre est pour servir à expliquer l’Article CXCVI, & comprend non-seulement le Vurech mais les choses gaives. Il en faut donc commencer l’interprétation par l’explication de ces termes, & de leurs différences : ils conviennent en ce que ce sont choses abandonnées, ou plutôt égarées, dont le Propriétaire est inconnu, n’étant reclamées par aucun. Elles doivent les unes & les autres être mises és mains du Seigneur de Fief, dans l’etenduë. duquel elles sont trouvées, soit qu’il soit Haut-Justicier, soit qu’il n’ait qu’une Justice féodale, bien que par l’usage des autres Provinces, ces droits n’appartiennent qu’au Haut-Justicier. Le Varech differe des choses gaives, comme il se doit inférer dudit Article CXCIV, & des Articles DCIII & DCIV ; c’est pourquoi la définition portée par l’Article DXCVI, les confond mal-à-propos : car le Varech ne se doit entendre que des choses que l’eau jette ou pousse a terre ou si prés de terre, qu’un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance, suivant l’expression de la Coutume audit Article DXCVI. Mais les choses gaives, sont toutes choses égarées ou délaissées qu’on trouve sur la terre ou sur la mer, que quelques Coûtumes appellent espaves, adioxora, siyd viventia, sivé inanima, que nullum Dominum nec assertorem habent.

Le droit qu’ont les Seigneurs de Fiefà l’égard du Varech & des choses gaives, est tout-à-fait semblable ; car la garde leur en appartient : ils les doivent restituer aux Propriétaires qui les reclament ; c’est-à-dire, les demendent dans l’an-& jour qu’elles ont été déposées ; & aprés ledit temps d’an & jour, ils en demeurent Propriétaires. Dont on peut conclure, que ces droits ont été autorisés autant pour la confidération des biens des absens, que pour augmen-ter les droits utiles des Fiefs. Or on ne doit pas trouver étrange, que les Seigneurs féodaux soient obligés à la garde, conservation & aménagement de ces choses égarées, puisqu’anciennement on les rendoit responsables de tous les vols qui étoient commis dans l’etenduë de leurs Fiefs, depuis le Soleil levejusqu’au Soleil couché, comme il est remarqué par Charondas ; même dans plusieurs Provinces, & entr’autres en celle de Paris, on condamne le Seigneur a la nourriture des enfans exposés & abandonnés dans l’etenduë de son Fief : ce qui ne s’observe pas en Normandie ; mais le Seigneur de la Paroisse & les Habitans conjointement, sont condamnables à la nourriture des enfans qui y ont été trouvés, conformément à l’Ordonnance de Moulins, en l’Art. LXXIII, qui dispofe que les pauvres de chaque Ville ou Village, soient nourris par les Habitans du lieu, qui seront tenus de contribuer à cette nourriture, pro modo facultatum : ce qu’il faut entendre, quand il n’y a point d’Hopital ou d’HôtelDieu dans le lieu ; car quand il y en a, on a condamné les Administrateurs de se charger de la nourriture des enfans abandonnés, par plusieurs Arrête.

rapportés parBérault , sur l’Article DCIV. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCLXXV. Les sept premiers Articles de ce Chapitre, sont du Varech : & les quatre derniers, des choses Gaïves.1


DXCVI.

Sous ce mot de Varech & choses Gaïves, sont comprises toutes choses que l’eau jette à terre par tourmente & fortune de Mer ; ou qui arrivent si prés de la Terre, qu’un Homme à cheval y puisse toucher avec sa Lance.

Il le faut limiter au Varech’seulement, comme il a été dit : la Lance étoit l’arme la plus ordinaire des Gentilshommes combattans à cheval, lors de la réformation de la Coutume.2


DXCVII.

La Garde du Varech appartient au Seigneur du Fief sur lequel il est trouvé, sans qu’il le puisse enlever ou diminuer aucunement, jusqu’à ce qu’il ait été vu par la Justice du Roi.


DXCVIII.

La Justice, aprés visitation dûment faite, doit laisser le Varech au Seigneur du Fief : & au cas qu’il fût absent, & qu’il n’y eût Homme solvable pour lui, doit être baillé à personne solvable, pour le garder par an & jour.


DXCXIX.

Et si c’est chose qui ne se puisse garder long-temps sans empirer ; elle sera vendue par autorité de Justice, en retenant marque & échantillon d’icelle pour reconnoissance, & sera le prix baillé, ainsi que dit est, pour être gardé comme la chose même.


DC.

Si dans l’an & jour le Varech est reclamé par Personne à qui il appartient, il lni doit être rendu, en payant les frais raisonnables, faits pour la garde & conservation d’icelui, tels que Justice arbitrera.

Ces quatre Articles déclarent quel est le devoir du Seigneur pour la garde & conservation du Varech. Premierement, il doit veiller à ce que perlonne ne s’empare du Varech & ne l’enleve ; car on l’en pourroit rendre garant : il doit ensuite faire avertir le prochain Juge de l’Amirauté ( c’est le juge Royal a qui cette compétence appartient, à l’exclusion de tous les autres Juges ) de venir visiter le Varech & en faire Inventaire ; parce que ce qui regarde l’utilité de la Navigation, est un fait de police, qui est attribué aux Officiers du Roi, & que d’ailleurs il y a de certaines choses qui appartiennent au Roi, en cas de non reclamation, à l’exclusion des Seigneurs de Fief, comme il se voit par l’Article DCII. Aprés l’Inventaire fait, le Seigneur est fait dépositaire du Varech, ou en cas de son absence, & qu’il n’eut aucun domestique suffisant de répondre de la garde, le Juge doit choisir un autre dépositaire qui soit solvable, par l’Article DXCVIII, que s’il y a des choses qui ne se puissent garder, parce qu’elles se corromproient par le temps, le Juge les doit faire vendre, & en déposer le prix, comme il lui est prescrit par l’Article DXCIY. Enfin si dans l’an & jour le Varech est reclamé par le Propriétaire, qui fasse connoître qu’il lui appartient, il lui doit être restitué, en payant les frais de Justice & de la garde, suivant qu’ils seront arbitrés par le Juge, par l’Article DC.3



DCl.

Et où aucun ne se présentera dans l’an & jour pour le reclamer le Varech appartient au Seigneur, sans que puis aprés il en puisse être inquiété.

Il déclare le profit que le Seigneur peut avoir du Varcch en lui en attribuant la pleine propriété, & irrévocablement apres l’an & jour de la garde & du dépôt.4


DCII.

L’Or & l’Argent, en quelqu’espèce qu’il soit, en Vaisseau, Monnoie, ou en Masse, pourvu qu’il vaille plus de vingt livres, Chevaux de service, francs Chiens, Oyseaux, Yvoire, Corail, Pierreries, Ecarlate, le Vair, le Gris, & les Peaux Lébelines, qui ne sont encore ap-propriées à aucun usage d’homme, les trousseaux de Draps entiers liés, & tous les Draps de Soie entiers, & tout le Poisson Royal qui de lui vient en terre sans aide d’homme, appartient au Roi, en quoi n’est comprise la Baleine, & toutes autres choses appartiennent au Seigneur du Fief.

Cet Article contient une réservation faite au Roi de plusieurs choses, qui ne peuvent appartenir aux Seigneurs de Fief par droit de Varech, parce qu’elles sont attribuées au Roi à leur exclusion. La Coutume a fait une Ordonnance fort imparfaite à l’égard du poisson qu’elle attribue au Roi : elle devoit déclarer ce qu’on doit entendre par Poisson Royal : il est vrai-semblable que c’est tout le grand poisson qui demeure sur le rivage échoué, parce qu’il n’y a pas assez d’eau pour le porter, à cause de la grandeur & masse de son corps.5


DCIII.

Les choses Gaïves sont, qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme, ne reclamées par aucun, & doivent être gardées par an & jour, & rendues à ceux qui feront preuve qu’elles leur appartiennent.


DCIV.

Les choses Gaïves trouvées, appartiennent au Seigneur du Fief, & seront gardées par lui, son Senéchal, Prévôt, Procureur ou autres Officiers, par an & jour.


DCV.

Nul ne peut retenir les choses Gaïves plus de sept jours, ains les doivent rendre au Roi, ou au Seigneur à qui elles appartiennent, sur peine de l’amende.


DCVI.

Celui qui afferme la chose prise comme Gaïve, lui appartenir, comme son Boeuf, son Cheval, la doit reclamer dans l’an, & prouver qu’elle lui appartient, autrement demeurera au Roi.

Ces quatre Articles sont des choses gaives, dont la définition a été remarquée. Les choses appropriés à usage d’homme, sont exceptées de cette défini-tion, parce qu’elles appartiennent à celui qui les a trouvées, sans qu’il soit obligé d’en avertir le Seigneur de Fief ou les Officiers du Roi. Par ces choses appropriées à usage de Phomme, on doit entendre toutes fortes de vêtemens & d’ustensiles qui servent dans une maison, ou pour l’aménagement des terres.

Les choses vivantes n’y sont pas comprises, comme sont toutes les bêtes de voiture, encore qu’elles soient dressées & appropriées à servir, car elles sont au nombre des choses gaives. Il paroit par les Articles DCV & DCVI, que si le Roi a droit aux choses gaives, c’est quand elles sont trouvées dans les terres relevantes de son Domaine. Au reste le temps de la garde, la restitution & la propriété des choses gaives, sont réglées comme au cas du Varech.6



1

Basnage croit que ce terme Varech est d’origine Danoise. Nous avons des preuves certaines que nos Ducs ont introduit l’expression & la chose en Angleterre : Bracton de la Cou-ronne, Liv. 2, S. 33 Fléta, Liv. 1, Chap. 43, §. 2. En communiquant le droit de Varech aux Seigneurs de Fiefs, ils ont laissé des vestiges de modération & d’humanité dans leur Gouvernement ; il en résulte en effet qu’ils traitoient leurs vassaux nobles moins en sujets qu’en compagnons de leurs exploits & de leur gloire ; & il n’est pas moins évident qu’ils ont eu en vue de les inviter de lauver les marchandises naufragées, non-seulement par un motif de commiseration, mais par l’assurance qu’elles leur appartiendroient ssi on excepte celles qu’ils se sont réservées ) lorsque la reclamation n’en auroit pas été faite dans le temps qu’ils avoient limité.

M. de Valin assure qu’on ne voit point l’origine du privilége dont jouissent les Seigneurs Normands ; il dit qu’on voit seulement que le droit municipal de leur Province le leur avoit attribué des le temps de l’ancienne Coûtume. Je conviens avec lui qu’il n’est pas possible d’assigner l’époque où les Seigneurs ont commencé de se l’approprier : si la conficture de Basnage est véritable, il aura pris naissance avec le partage que Raoul fit des terres de la Neustrie, entre ceux qui l’avoient aidé dans la conquête ; peut-être aussi les anciens Seigneurs du Pays l’avoient-ils déja usurpé sous le déclin de la seconde Race, & Raoul ne fît que suivre des établissemens qui avoient lieu auparavant lui.


2

Le droit de Varech n’a lieu dans aucune autre Province que celle de Normandie. Louis XIV dans l’Article XXXVII de l’Ordonnance de la Marine du mois d’Août 16br, Titre des Naufrages, Bris & Echouemens, a déclaré qu’il n’entendoit point faire de préjudice au droit de Varech, attribué par la Coutume de Normandie, aux Seigneurs des Fiefs voisins de la mer, en fatisfaisant aux charges qui y sont portées.

Le Varech ne s’étend point sur les effets pèchés à flot ni en pleine mer, & amenés en greveà l’endroit des Seigneuries, ni sur le poisson qui y est chasse par l’industrie du pécheur : Arti-cle XIIl de l’Ordonnance.

Il est porté dans l’Article XXI de la même Ordonnance, que les Seigneurs ne pourront, fous prêtexte de leur droit de Varech, empécher les Maîtres de se servir de leur équipage, pour alléger leurs Bâtimens echouës, & les remettre à flot, ni les forcer de se servir de leurs valets ou vassaux, sous peine de 15oo livres d’amende & de perte de leur droit. La disposition de cet Article est si naturelle & d’une justice si évidente, qu’on l’auroit suppléée si elle eût été omise ; aussi n’avoit-elle pas échappé à l’Auteur de la compilation des Jugemens d’Oléron, comme il résulte de l’Article XXIX. Quoi de plus équitable en effet que de laisser au Maître ou Capitaine d’un Navire, la faculte de travailler par lui-même & avec le secours des gens de son équipage, à alléger son Navire, pour le retirer de l’échouement & le remettre à flot ; Le secours des gens du Seigneur seroit suspect, & ils ne doi-vent s’entremettre que quand ils en sont requis : Ceci est extrait de M. deValin .

L’Article XIIII de l’Ordonnance citée, veut que les Seigneurs de Fief soient tenus de borner, six mois apres sa publication, entr’eux, du côté de la mer, leurs terres qui aboutissent sur les greves, à peine des dommages & intéréts qu’il appartiendra : le motif de cette disposition, dit M. deValin , a été de prévenir les contestations qui auroient pû s’élever entre les Seigneurs des Fiefs voisins du rivage où se trouveroient des effets échoués ou naufragés, & d’en éviter les suites facheuses : cette disposition de l’Ordonnance a été malobservée & on voit naître chaque jour des differens sur les abornemens des Fiefs.

L’Article XLIV prononce la peine de mort contre les Seigneurs voisins de la mer, & tous autres qui auroient forcé les Pilotes, Locmans ou Lamaneurs de faire echouer leurs Navires aux côtes qui joignent leurs terres pour en profiter, soit à l’occasion du droit de Varech ou fous quelqu’autre prêtexte : Il en est de même de ceux qui auroient allumé des feux trompeurs pour attirer les Navires dans des écueils, leur corps doit de plus être attaché à un mât dans E lien où ils auront fait les feux : Article XLV, ibid.


3

L’ancienne Coûtume, Chap. 17, dit que la querelle du Varech appartient au Duc, & que le Seigneur doit le faire garder dans le Port ou dans le lieu le plus proche, sans qu’il y puisse fate aucune entreprise auparavant la visite & l’ordre du Bailli. Par l’Article XXXVIII de l’Ordonnance de la Marine, il est fait défense aux Seigneurs de faire transporter les choses échouées dans leurs maisons avant l’arrivée des Officiers de l’Amirauté, & jusqu’à ce qu’ils les ayent vues & inventoriées, à peine de répondre du chargement & de déchéance de leur droit : l’Auteur de la Conférence comprend dans la défense les maisons de leurs fermiers, voisins, parens, vassaux & habitans ; il leur est encore bien plus étroitement défendu de les détourner ou réceler.

Si le Seigneur se présente en personne sur le lieu, ou par un Procureur fondé de procuration suffisante, ce qui s’entend, dit M. deValin , ou d’un pouvoir spécial particulier, ou d’un pouvoir général pour tous les Varechs qui se trouveront sur son Fief ; c’est à lui qu’il faut laisser la garde du Varcch, en le chargeant de le représenter, s’il y écheoit, conforme à l’inventaire, dont cet Auteur pense qu’il faut lui donner copie ; & ce n’est qu’en l’absence du Seigneur ou d’un Procureur de sa part, que la garde en doit être confice à d’autres personnes.

En l’absence du Seigneur l’Ordonnance, Article XXXIX, veut que les Officiers de l’Amirauté, chargent de la garde du Varech, des personnes solvables, & elle se conforme ainsi à l’Article DXCVIII de notre Coûtume : il est vrai qu’elle oblige de plus ces Officiers de répondre en leur nom de la solvabilité du gardien ; mais Bérault avoit cru long-temps avant l’Ordonnance que la peine étoit de droit, & comme telle il l’avoit suppléee sur l’Article DXcVII.

Mais en aucun cas les Officiers de l’Amirauté ne peuvent, selon M. deValin , ordonner le dépût en leur Greffe, soit parce que l’Article XXXIX de l’Ordonnance & l’Article DXCVIII de notre Coûtume en disposent autrement, soit parce que le soi & M. l’Amiral, n’ayant rien à prétendre à la chose, hors le cas de l’Article Dell de la Coutume, ce ne pourroit être que par affectation qu’ils feroient faire le dépût à leur Greffe sur-tout des effets en nature, à cause du droit de magasinage, qui seroit censé avoir déterminé leur choix.

Il est porté par l’Article XL que les Seigneurs ne pourront rien exiger pour le droit de sauvement, vacations ou journées, prétenduës employées à la garde du Varech, à peine du quadruple, de 1500 livres d’amende, & de privation de leurs droits.

Le salaire des ouvriers doit être taxé sur l’état de leur travail, & il est levé sur le prix des marchandises.

La Loi, 2. Cod. de Naufrag. & l’Ordonnance de l’Amirauté de 1543., prescrivent le délal d’un an pour la garde des marchandises naufragées ; cependant M. de Valin observe que le Roi & l’Amiral ne tirent pas la fin de non-recevoir à conséquence, l’humanité semble exiger la même conduite de la part des Seigneurs particuliers.

Les Seigneurs qui possedent des terres voisines de la mer, sont solidairement responsables du pillage exercé sur les effets naufragés, lorsqu’en ayant connoissance ils ne l’ont pas empéché. Bérault prouve ce point de droit par une Sentence de la Table de Marbre du 22 Novembre 1608, citée par M. deValin , sur l’Article XXXVIII de l’Ordonnance : dans le fait, un Bâtiment ayant échoué pres de Cherbourg, les sieurs de Tourps, d’Amonville & d’Inguleville, trois Seigneurs de Fiefs, étoient allés sur les terres où abordoient les marchandises, pour reclamer le droit de Varech, & ils avoient laissé piller & emporter des effets par leurs hommes & tenans ; par la Sentence les Seigneurs furent condamnés solidairement à la restitution des effets.

Comme le dépût fait entre les mains du Seigneur est un dépût nécessaire, & qu’il n’a lieu qu’à raison ou à l’occasion de son Fief, M. de Valin ne doute pas que pour la restitution du Varech, les reclamateurs n’avent une hypothe que privilégiée sur son Fief, préfé : able à tous les autres éréanciers, avec la contrainte par corps.


4

L’Artiele XXV de l’Ordonnance décide que les Propriétaires sont tenus de justifier leur droit par Connoissemens, Polices de chargement, Factures, & autres seerblables Pieces, & les Commissionnaires en outre leur qualité par un pouvoir suffisant : on a voulu distinguer les effets de la cargaison de ceux des Marchands chargeurs ; il semble que dans l’un & l’autre cas la Facture générale du chargement du Navire fuffit, au reste, le degré de preuves à exiger dépend de la prudence d’Juge.


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Cet Article renferme les mêmes restrictions au droit des Seigneurs en faveur du Roi, que contenoit l’ancienne Coutume en faveur de nos Ducs ; mais comme il faut que les trousseaux de draps soient entiers, & que les peaux zébelines ne soient pas appropriees à usage, afin d’appartenir au Roi, Basnage doute si le droit du Roi doit s’etendre sur les chiens qui sont dresses, les chevaux qui ont servi, l’yvoire, le corail, l’écarlate & les pierreries travaillées, on convient qu’il n’est point ici question du drap écarlate, si le ballot n’est entier, il ne s’agit que des drogues de la teinture ; mais il semble que l’on doit entendre cet Article separément & relativement à chaque des objets exceptés ; de sorte que l’on doit considérer la regle pour les peaux zébelines & les draps comme une regle qui leur est propre : les Seigneurs auront encore un droit bien étendu, il comprendra les grains, les huiles, les vins les autres boissons, le bois, les drogues & presque tous les metaux, & tout ce qui n’est point dans le cas de l’exception ; en un mot, la plupart des marchandises qui entrent dans le commèrce maritime.

L’Auteur de la Glose, sur le Chapitre 17 de l’ancien Coutumier, prétend que les objets de Varech, réservés au Roi par notre droit municipal, appartiennent au Haut-lusticier, dans l’etenduë de sa Jurisdiction ; il considere bien moins la réserve faite en faveur du Duc, comme la suite d’un droit de souveraineté, que comme un fruit de la Jurisdiction ; & il ajoute qu’il n’est pas étonnant qu’elle ait été employée dans le Coutumier, comme une dépendance de l’ancienne dignité du Duché de Normandie, parce qu’il pretend que dans le temps que le texte fut rédigé il n’y avoit alors aucun autre Haut-lusticier que ce Duc : M. de Valin a réfute sur l’Article XXVI de l’Ordonnance cette opinion, avec tout l’avantage qui lui est propre, & il a prouvé que ce droit est régalien dans son origine.

La même Ordonnance de la Marine, Titre ro, contient des regles touchant l’herbe appellée Varech ou Vraicq ; les hiabitans des Paroisses doivent s’assembler dans le mois de lanvier, sur un avertissement des Trésoriers, pour fixer le commencement & la fin de la coupe du Vraicq à l’endroit de leur térritoire, il doit être coupé de jour & non de nuit, il n’est pas permis d’en faire trafic ; les Seigneurs de Fiefs ne peuvent pas s’opposer à la coupe ; le Vraico de rencontre, & qui est jettésur le grévage par tourmente de mer, peut être recueilliindifféremment par-tout le monde : tel est le precis du Titre de l’Ordonnance.


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Terrien , Chap. 11, Liv. 5, dérive ces termes choses Gaives, du vieux mot François Guesver, qui correspond à ceux d’abandonner, délaisser. Ce que nous appellons choses Gaives, les autres Coûtumes l’appellent Epaves, soit qu’elles ayent emprunté le terme de l’ex-pression Allemande Span, qui désigne un objet douteux & incertain, ou de l’expression Latine Expavescere, d’autant que l’on donna d’abord le nom d’Epaves aux animaux que la crainte avoit effarouchés. VoyerSalvaing , Chap. 6t ; duCange , verb. Bstrajeriae ; le meme, verb. IVayf.

On ne comprend point sous les choses Gaives les choses appropriées à usage d’hommes, comme les habits, les ustensiles d’agrieulture, l’argent monnoyé trouvé dans un chemin, qui appartiennent à l’Inventeur : Bérault &Basnage .

Les Loix Romaines enjoignent à celui qui trouve quelques bestiaux égarés de les faire publier par affiches, afin de les rendre à ceux qui les reclameront justement, la plûpart des Cou-tumes prescrivent trois proclamations, suivant la nôtre on doit déclarer la chose Gaive au Seigneur qui n’est tenu à faire aucune bannie ; mais aussi elle accorde un an au propriétaire pour en faire la reclamation, & les autres lui donnent un délai bien plus court.

Quand la chose Gaive coûte beaucoup à nourrir le Seigneur paut la faire vendre avant l’expiration de l’année, en gardant le prix comme la chose même.

La Glose sur le Chap. 19 de l’ancienne Coûtume, dit qu’à l’égard des choses Gaives, le Duc avoit la prévention sur les Seigneurs de Fief, & il cite le Coutumier Latin, ad Ducemt pertinent res vaiva ubicumque per Normaniam si per suum justitiarium fucrint arrestata.