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L E mot de Servilude s’entend de trois manieres. Par la premiere, il signifie l’effet de cette constitution du Droit des Gens ; en conséquence de la-quelle, l’homme est privé de sa liberté, & est assujetti au service & à la domination d’autrui. Par la seconde, qui se subdivise, il signifie un Droit sur la chose d’autrui, en vertu duquel cette chose fert, ou à une personne, ou à une autre chose : si elle sert à une personne c’est la servitude personnelle, par laquelle une personne a droit de s’éjouir de tout ou d’une partie de l’usage qu’on peut avoir d’un héritage ; tels sont l’usufruit, l’usage & l’habitation : c’est la seconde manière dont se doit entendre le mot de Servilude. Que si cette chose sert à une autre chose, c’est la servitude prédiale, par laquelle un héritage seit à l’héritage d’autrui, & c’est la troisieme signification du mot de Servilude, suivant laquelle le Titre de ce Chapitre se doit entendre.

Cette servitude prédiale se subdivise en celle de la Ville & en celle des Champs. ou rustique, ce qui ne se distingue pas tant par le lieu que par l’usage : Car en matière de servitude, on appelle héritages de la Ville, tous les bâtimens faits pour servir à l’habitation, en quelque lieu qu’ils soient placés, aussi-bien dans les Champs que dans la Ville ; comme au contraire, on appelle héritages. des Champs, tout ce qui ne consiste point en bâtiment ; ce qui comprend tant les terres de la Campagne, que les jardinages & les cours qui sont dans les Villes. La distinction de ces servitudes se fait par rapport à la principale partie, qui est la dominante ; c’est à-dire, qu’on appelle une servilude de Ville, celle qui est due à un bâtiment, & servilude rustique, celle qui est due à un héritage, qui ne consiste point en bâtiment : Dont il faut conclure, qu’on ne peut avoir aucune de ces servitudes prédiales, si on n’a des héritages proche des héritages qui sont chargés de ces mêmes servitudes.1

Mais quoique la Coûtume n’ait spécifié que peu de servitudes, comme celles de vues & d’égout, & les droits de passage dans une cour, ou de puiser de l’eau dans un puits, dont les deux premieres sont des exemples des servitudes de Ville, & les deux autres sont des servitudes rustiques, néanmoins, ce qu’elle ordonne aux Articles DCVII, DCIX, DCXIX, DCXX & DCXXI, se doit entendre généralement de toutes les autres servitudes qu’elle n’a point particulierement designées. Au reste, ce Chapitre, outre les servitudes, traite des murs qui séparent les héritages des voisins, en neuf Articles ; sçavoir, depuis le DCX, jusques y & compris le DCXVIII, & des Chemins Royaux, en un Article, qui est le dernier.


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Basnage , sur le préambule de ce Chapitre, dit que les personnes & les choses étoient libres & exemptes de servitude par le droit de la nature ; mais que l’avarice & l’ambition ont détruit la liberté & ont introduit l’esclavage sur les personnes, & la servitude sur les biens. M. Lalaure, Traité des Servitudes réelles, Liv. 1, Chap. 2, admettroit volontiers, avecBasnage , que la servitude personnelle ne doit son être qu’à l’avarice & à l’ambition, mais il croit être bien fondé à donner aux servitudes réelles une origine moins déshonorante pour l’humanité ; & il faut avouer que ces conjectures ont beaucoup de force. Je ne puis donner qu’un précis tres-court de ses raisonnemens ; l’espèce humaine s’étant multipliée, les uns habiterent le pied des montagnes, les autres se placerent sur le sommet ; ceux qui fixerent leur demeure au pied d’une montagne, furent forcés, par la situation dulieu, de recevoir les eaux ou la fonte des neiges, & c’étoit une espèce de servitude imposée par. la nature. L’industrie ayant fait naître le commerce, les hiommes se rapprocherent, les Législateurs qui firent le partage des terres, pour assurer la propriété à ceux à qui ils les distribuerent, firent planter des bornes, qui servirent à former la distinction des héritages ; & pour conserver une juste égalité dans les partages, ils accorderent à ceux dont le terrein etoit moins arrosé & moins gras, la faculté de pouvoir prendre & puiser de l’eau dans le terrein voisin qui en étoit abondamment fourni, & d’y faire abreuver leurs bestiaux, d’y aller, d’y passer, & même d’y avoir un réservoir ; aussi les servitudes imposées dans le premier établissement, par l’autorité publique, s’appelloient leges & conditiones. agrorum. M. la Laure nous présente un autre spectacle : un pere de famille acquiert des maisons voisines les unes des autres, il veut se procurer des jours, des vues, & donner des écoulemens aux eaux ; il agit en maître, il fait construire des canaux, fait ouvrir des portes, des fenêtres, en bouchent d’autres, & enfin forme de nouveaux passages : personne ne pouvoit combattre l’exécution de ses projets, il a usé du droit de propriété, mais il meurt : des héritiers divisent ce qu’il a réunt ; & les accords qu’ils font dans leurs partages, relativement à ces jours, à ces portes ou à ces canaux, deviennent des constitutions de servitudes. Ces idées sont belles, on remonte avec plaisir avec M. la Laure à un plan originel ; il flatte d’autant plus, qu’on trouve les premiers coups de pinceau dans d’Avezan , de l’origine des Servitudes, dansBrodeau , sur l’Article CLXxxVI de Paris ; & dans, Préambul. sur le Titre 13 d’Orléans ; mais il est bien à craindre que la Lande plûpart des Servitudes n’ayent pas une origine aussi pure, & nous sommes souvent forcés de reconnoître que si on excepte les Servitudes naturellement nécessaires, il en est peu qui ne soit le fruit de l’usurpation.

UO Les Servitudes, qui sont l’objet de ce Titre, peuvent être définies des droits qui assujettissent un fonds au service d’un autre fonds qui appartient à un autre propriétaire. Les Servitudes se divesent générale nent en Servitudes d’un usage indispensable, comme l’écoulement des caux du fonds superieur sur le fonds inférieur, le passage sur le onds voisin, quand notre fonds y est enclavé de toutes parts, & en Servitudes établies pour une plus grande commodité, comme le droit d’avoir des jours sur une maison qui ne nous appartient point ; elles sont dues aux édifices & batimens destinés à l’habitation de Phomme, comme le droit d’égout, le droit d’appuyer son mur sur l’édifice proche du sien, ou aux héritages de la campagne, comme le droit de passage, celui de prise d’eau ou de pascage. Il y a des Servitudes individues & d’autres dividues, les Servitudes sont individues soit parce que l’usage n’en peut être divisé : telle est la Servitude de chemin ; car on ne peut pas en nême-temps marcher & ne pas marcher, partim ire, partim stare, soit parce qu’elle est due toute entiere & solidairement. On appelle Servitudes dividues celles dont l’on conçoit la division, quoique cela soit tres-difficile ; comme le droit de tirer un nombre de voitures de chaux, faible & autres matieres d’espèce semblable, ou relativement à leur fin, comme dit duMoulin , qui regarde comme dividu le droit de passage pour recueillir les fruits dans certaines sai-sons de l’année. On distingue enfin les Servitudes en continues & discontinues visibles & latentes, les unes sont sensibles aux yeux, & leur usage ne requiert point le fait de l’homme, quand elles sont une fois établies, comme le droit d’égout, le droit d’appui ; les autres ne paroissent que quand on les exerce, & leur usage requiert toujours des faits nouveaux : tels sont les droits de chemin & de passage.

l’aurois entré dans un plus grand détail des Servitudes qui appartiennent aux batimens, & de celles qui sont plus spécialement dues aux simples héritages, mais on trouve ce détail dans les Auteurs. Je ne puis cependant oublier une question résolue par Basnage d’une manière assez diffuse, je la rappelle succinctement ; il s’agit de l’usage des eaux. Le propriétaire d’un fonds dans lequel l’eau a sa source, peut en faire tel usage qu’il veut, la refuser à ses voisins, & s’en servir à leur préjudice pour son plaisir ou pour son utilité, le droit que les voisins auroient à la source seroit une Servitude ; mais si l’eau d’une riviere ou d’un ruisseau coule, par exemple, naturellement le long d’un pré, & n’y prend pas sa source, le propriétaire du pré peut en faire usage pour son utilité ; mais il ne peut l’intercepter entierement ni en priver ses voifins. Vuyer la Loi a, au Cod. de servitute & aquâ, & la Loi S, au Cod. méme Titre.Henrys , Tom. 2, quest. 7s ;Mornac , sur le S. si initium de la Loi é, au Dig-de Edendo, & les Arrêts de ce Parlement, cités sur l’Article CeIx de la Coutume.

Deux choses caractérisent les Servitudes, dit M. l’Avocat-Général Chauvelin : la premiere, lorsque la maniere dont on possede est contraire au droit commun ; la seconde lorsque pour la commodité d’un héritage la liberté de l’héritage voisin est restreinte, ainsi l’exercice d’un droit ordinaire est bien different d’une Servitude : Arrêt du Parlement de Paris du 6 Février 1710 :Augeard , Tome 2, édition de 1756. Vover, sur les Servitudes, Capola d’ Avezan ; Maximes de Lhommeau Coquille ; Ferriere &Basnage .