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DCVIII.

Quiconque a le fonds, peut faire bâtir & édifier dessus & par-dessous sondit héritage, & y faire Puits, Caves & autres choses licites, s’il n’y a Titre au contraire.

Ce que la Coûtume appelle fonds en cet Article, est appellé en l’Article CLXXXVII de la Coutume de Paris, le sol, ou l’étuge du rez de chaussee ainsi les deux Coûtumes expriment diversement le Proverbe Latin, cujus est solum, ejus est usque ad coelum. Elles conviennent de plus, par la limitation qu’elles donnent l’une & l’autre à la maxime qu’elles proposent, qu’on peut batir pardessus & pardessous, s’il n’y a titre au contraire. Par cette limitation, on doit entendre, ou un droit de servitude, ou que la propriété d’uns maison peut appartenir divisément à plusieurs ; car un peut avoir le dessous, un autre l’étage du milieu, & un autre l’étage de dessus : c’est pourquoi on a jugé, qu’une maison ayant été décretée un particulier avoit pû reclamer la cave, dont il n’avoit point été dépossédé par la saisie, quoiqu’elle fût dessous la maison décrétée, & qu’il ne se fût point opposé pour en demander la distraction ; parce que cette cave fut estimée être une propriété, & non pas une servi-tude, par deux Arrêts du Parlement de Paris, rapportés par le Commentateur deLouet , S. 1.

On rapporte sur cet Article quelqu’autres limitations ; car outre qu’on ne peut pas faire sur son fonds quelques ouvrages, qu’en gardant de certaines distances & épaisseurs prescrites par la Coutume, pour la sûreté & conservation des héritages du voifin, par les Articles DexI, DexII, DeXIII & DexIV, on n’y peut planter qu’à une certaine distance du fonds d’autrui. Cette distance est reglée diversement par plusieurs Coutumes : on estime généralement en Normandie, qu’on ne peut planter d’arbres fruitiers ou hauts arbres, sinon dans la distance de sept pieds de l’héritage du voisin, que si nonobstant cette distance, les branches nuisent à l’héritage du voifin, ou par leur ombre, ou parce qu’elle s’étendent trop au-dessus, on peut les faire rétrancher, de sorte qu’elles ne s’élevent pas plus de quinze pieds en haut, suivant la Loi 1. S. deinde, f. De arboribus cedendis, ou afin qu’elles ne couvrent pas son héritage. On a même jugé par un Arrêt du 2 d’Août 1669, rapporté parBasnage , que le voisin pouvoit avoir les fruits qui tomboient d’un arbre voisin sur ses héritages.1

a l’égard des haies qu’on plante pour servir de séparation à son héritage. d’avec celui du voisin, elles doivent être plantées dans la distance d’un pied & demi par quelques Coutumes, ce qui se pratique en Normandie.


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Celui qui a le sol d’un héritage, ditDesgodets , doit jouir de tout ce qui est dessous son sol, de quelque profondeur que ce puisse être, s’il n’y a point de Titres contraires, soit pierre, sable, glaise, maçonnerie, source d’eau, & généralement tout ce qui se peut nommer. Cette décision, qui est celle de nôtre Coutume, se trouve dans les Articles CLXXXVII de Paris, CXC de Melun, LXxiV d’Estampe, LXxiV & LXXVI de Montfort, XCVI & CXCVIII de Mantes, CXLVI de Vermandois, & CCCLXVI de Reims : elle est absolument de droit commun.

Quand il n’y a point de réglement général sur la hauteur & les alignemens des édifices, chacun peut batir sur son fonds à telle élévation & ainsi qu’il juge à propos, quoique la situation & l’état de l’édifice nuisent aux jours du voisin ; car il n’use alors que de son droit : on a rendu en conséquence un Arrêt du premier Juin 1753, au Rapport de M. l’Abbé le Danois, entre Nicolas & loly, Gloria, propriétaire de deux maisons, séparées par une cour vend une des maisons, avec une portion de la cour, aux Auteurs de Joly, à charge de faire construire un mur de séparation ; Gloria vend dans la suite l’autre maison, avec le surplus de la Cour à Nicolas ; Nicolas, en rebâtissant sa maison, prend sept pieds de sa cour & éleve à trois pieds du mur de séparation de Joly, un batiment composé de cinq étages, avec plusieurs croisées ; Joly intente action contre Nicolas pour le faire condamner à démolir son bâtiment encommencé le Juge de Dieppe l’ordonne ainsi ; la Sentence est confirmée par la Jurisdiction des Hauts-lours de l’Archevéché, sur l’appel Nicolas est déchargé par l’Arrét de l’action de Joly : Nicolas usoit en effet de son droit. Il n’en est cependant pas ainsi lorsque la manière de batir tend à préjudicier la liberté naturelle du fonds du voisin par des assujettissemens ; ainsi si mon voisin batit de maniere que les eaux défluantes de son toit m’incommodent, j’ai, ditBasnage , une action contre lui pour l’obliger à porter ses eaux, s’il n’a point de Titre qui impose cette charge à mes fonds ; mais aussi l’humanité exige de moi, que s’il ne peut construire ou réparer qu’en passant sur mon terrein, je lui prête le passage, & je souffre, pour parler le langage vulgaire, le tout de l’échelle. Des Auteurs pensent cependant que quand le tour d’échelle n’a point été stipulé, il n’est point dû, & qu’il faut alors couvrir à échelles volantes ; mais si une maison est commune entre plusieurs ; quoique celui qui a la cour ne soit pas chargé du tour d’échelle, l’opi-nion recue est qu’il est tenu de le souffrir, parce qu’il a intétét que la maison soit couverte.

Les avances & faillies sur les rues sont défenduës par l’Article XCV de la Coûtume d’Orléans ; cependant M. le Président de Lamoignon a bien observé que l’on peut avancer l’égout de sa couverture sur une rue, chemin, sentier & place publique, pourvu que l’extrémité de la couverture soit élevée de maniere que les passans n’en souffrent pas une incommodité notable : Arrétés des Servitudes, Article XVI.

Ceux qui batissent dans les Villes peuvent tenir leurs matériaux devant leurs maisons, en laissant dans la rue un espace suffisant pour y passer les chariots & carosses.