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DCXXII.

Tout Chemin Royal doit avoir pour le moins quatre toises, & ne peuvent les Propriétaires faire Plants & Fossés qui l’étrecissent.

Par Chemin Royal, on doit entendre les grands & célebres Chemins qui conduisent de Ville en Ville : ce sont ceux qu’Ulpien en la Loi 2. 8. 4it Pritor, ff. Ne quid in loco publico, dit avoir été appellés par les Grees Royaux, & par les Romains, tantot Prétoriens, tantôt Consulaires. Par la Loi des douzeTables, ces Chemins devoient être larges de huit pieds dans leur droiture, & de seize pieds dans les détours : Octo pedes in porredtum, sexdecim in anfractum, id est, ubi flerum est, l. 8. ff. De servitutibus prediorum rusticorum.

La Coûtume veut que ces Chemins ayent indistinctement quatre toises de largeur ; c’est-à-dire, vingt-quatre pieds, dont chacun soit de douze pouces, ce qui est suivant la mesure royale ; & ce qu’il faut néanmoins limiter quand la nature du lieu le peut souffrir. Ce n’est pas que les autres Chemins ne puissent être dits Royaux, d’autant qu’ils sont d’un droit commun, & inter Regalia Et c’est ce qui a fait juger, que les Chemins qui séparent les terres, ne doivent point être compris dans la mésure des héritages, parce qu’ils n’appartien-nent pas aux Particuliers qui ont des terres adjacentes, mais au Public : ce qui n’empêche pas que les arbres qui sont plantés proche ou dessus, n’appartiennent aux Particuliers, & non au Roi ni aux Seigneurs de Fief, par l’Article CCCLIX de l’Ordonnance de Blois.

On ne peut prescrire contre la largeur des Chemins ; cette Ordonnance au même Article, ayant déclaré, que ies Chemins doivent être rétablis en leur ancienne largeur nonobstant toutes usurpations, & par quelque laps de temps. qu’elles puissent avoir été faites : Par la même raison, on ne les peut détourner ni empirer ; & en tous ces cas les voisins sont tenus de souffrir qu’on les élargisse, qu’on les remette en leur ancien lieu & qu’on les répare à leurs dépens, même avec amende.

L’action pour la réparation & rétablissement des Chemins, est populaire, cuivis de populo pates ; mais elle s’intente avec l’adjonction du Procureur du Ros ou Fiscal : car quoique vi & publice sint de Regalibus, elles sont néanmoins une matière de police, que les Hauts-Justiciers peuvent régler dans leur territoire. On a douté si les Hauts-Justiciers pouvoient connoître des crimes commis dans les grands Chemins, qui sont dans l’etenduë de leur Justice ; mais on a jugé en leur faveur, au préjudice des Juges Royaux suivant l’avis deBacquet , en son Traité des Droits de Justice, Chapitre y, & deLoyseau , en son Livre des Seigneuries, Chapitre 9. n. 79. l’Article & du Reglement de 1686, l’a atresté.1 Bien qu’il ne soit ici disposé que des Chemins Royaux, c’est-à-dire, grands. & célebres, que la Coutume déclare ne pouvoir être étrecis par aucuns plants ou fossés, il faut entendre la même défense à l’égard des autres Chemins publies, mais moins importans, comme ceux de travers qui conduisent aux Che-mins Royaux, ou aux Bourgs & Villages, & quoique la largeur n’en doive pas être réglée comme celle des grands Chemins Royaux, elle doit néanmoins être telle, que deux charrettes à côté l’une de l’autre y puissent commodément passer. Voyez la différence qui est entre les grands Chemins, les vicinaux & les particuliers, dans ladite Loi 2. ff. Ne quid in loco publico, &Louet , C. 2. où il enseigne, que les réparations des Chemins publies, se font aux dépens de ceux qui ont des héritages voisins, & qu’on ne peut être dispensé de cette charge par aucun privilége : Viarum enim publicarum munitiones non persone sed locorum munera sunt. Mais quant aux Chemins particuliers, qui sont ceux qui sont sur le fonds appartenant aux particuliers, c’est à ceux qui s’en servent à les réparer, & il suffit au propriétaire de souffrir le passage ; satis esi fundi domino patientiam presture.2

vicinaux, mais on ne doit pas tenter d’en multiplier l’idée pour éluder cette disposition de la Coûtume ; nulle servitude sans Titre.

Comme les Hauts-Justiciers connoissent des délits commis dans les grands chemins, on les a encore maintenus dans le droit de connoître de la voirie sur l’étendue de leur HauteJustice ; la question a été ainsi jugée par Arrét de Grand Chambre du 1I Ianvier 1737 en-tre M. le Duc de Luxembourg, propriétaire de la Haute-Justice de la Ferté-en-Brai & le Procureur du Roi du Bureau des Finances ; la même difficulté s’étant présentée de nouveau dans la même Chambre le as Juin suivant, elle rendit pareil Arrét au profit de M. de Rochechouart, Seigneur Haut-Justicier de Préaux. Observez que ces Arrêts ont été artaqués par un pourvoi au Conseil, & que l’instance est actuellement pendante entre le Parlement & les Tréforiers de France établis dans les trois Généralités de la Province.

FIN.


1

Les chemins des anciens Romains surpassoient, sans doute, les nôtres en solidité comme les nôtres les surpassent en beauté & en agrément : Les Lettres-Patentes de Henri 11 du 19 Pévrier 1552 ; & l’Ordonnance de Blois, Article CCCLVI, sont exécutées dans la plupart des Provinces du Royaume, & le voyageur semble maintenant parcourir des avenues plantées en ordre symétrique, qui l’invitent à prendre le frais dans les ardeurs de l’été.

Mais plus on a pris de précaution pour les embellir & les rendre d’un acces facile, plus on doit réprimer avec sévérité ceux qui les dégradent, les souchévent ou empietent sur leur terrein ; l’action en ce dernier cas pour le revendiquer est imprescriptible, parce que la defense vient d’une Loi prohibitive, qui a pour motif l’intérét public. On a la voie de coercion par saisie & amende contre ceux qui sont obligés à leur entretien & réparation Quand ils deviennent impraticables malgré les précautions que l’on a pu prendre, l’utilité publique au-torise à s’ouvrir un passage sur les terres voisines ; ce remede est en bien des cas tres-efficace pour bannir la négligence. Voyer la Note sous l’Article IX.

Un Arrêt du Conseil du 1a Mars 1741 contient des dispositions utiles à la conservation des grands chemins, il y est fait défenses d’ouvrir des carrieres de pierre de taille, molon, glaise, marne ou mine sur les bords & fossés des routes & grands chemins, sinon a trente toises de distance, du bord ou extrémité de la largeur des chemins, à compter du pied des des arbres, S’il y en a de plantés ; & lorsqu’il n’y a ni arbres ni fossés, les carrieres ne peuvent s’ouvrir qu’à la distance de trente-deux toises, qui se mefurent à compter de l’extrémité des chemins, à peine de 3oy livres d’amende, confiscation des outils, & des dom-mages & intérés : ce même Arrét défend de pousser les rameaux ou rues des carrieres du côté des chemins : Coutume de Normandie, edition de 1742.


2

L’Article LXXXIII de la Coutume qui dispofe qu’en faisant la clôture de ses fonds on doit garder les sentes ou sentiers pour le voisiné, occasionne une ruse moderne ; on niet en problême la qualité de la plupart des chemirs de passage qui ne contiennent qu’un droit de servitudes, des visites d’Experts, des accessions de lieux, des plans figurés sans exactitude, des preuves testimoniales, des Certificats mandiés, des raisonnemens métaphysiques, tels sont les moyens pour remplacer un Titre qui manque : Il est vrai qu’il y a des chemins