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Donné à Versailles au mois de Mars 1768.

L OUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre : a tous présens & à venir, SA LUT. Nous nous sommes toujours fait un devoir, à l’exemple des Rois nos Prédécesseurs, de faire éprouver les effets de notre protection à ceux de nos Sujets qui, animés d’un desir fincere de la perfection, se consacrent à Dieu par des veux solemnels de religion, & qui en renonçant ainsi aux emplois extérieurs de la Société civil, ne cessent pas de lui rendre les services les plus importans par l’exemple de leurs vertus, la ferveur de leurs prieres, & les travaux du Ministere auxquels l’Eglise les a associés. Mais plus la profession religieuse est sainte & utile, plus l’affection que nous portons à ceux qui l’embrassent doit exciter notre vigilance sur tout ce qui peut affoiblir la Discipline Monastique, au maintien de daquelle est attaché la conservation des Ordres Religieux ; & quoique nous ayons la satisfaction de voir dans notre Royaume un nombre considérable de Religieux offrir le spectacle édifiant d’une vie régulière & laborieuse, il n’en est pas moins de notre devoir d’écarter avec soin tout ce qui pourroit introduire dans les Cloitres le regret & le repentir, y altérer l’esprit primitif des regles qui y ont été sagement établies, & y amener avec le relachement tous les malheurs qu’il entraine. C’est dans cet esprit que nous nous sommes fait rendre compte de tout ce qui est émané jusqu’ici de l’autorité Ecclesiastique & du pouvoir souverain. dans une matière si importante ; & nous avons reconnu que l’une & l’autre avoient eu principalement en vue d’assurer par des épreuves & des précautions. la vocation de ceux qui s’engagent ; l’obéissance qui est le nerf de la discipline par des loix sages & précises & l’exécution des regles, par la réunion & l’impression puissante des exemples. La fixation de l’age auquel on pourroit être admis à la Profession Religieuse, nous a donc paru devoir être le premier objet de notre attention, comme le moyen le plus propre de préve-nir les dangers d’un engagement prématuré. Si cet âge a varié dans notre Royaume, si dans des temps éloignés l’enfant offert par ses parens des l’age le plus tendre, étoit censé irrévocablement engagé, si dans d’autres temps. cet engagement n’a été jugé réel qu’aprés un consentement formel donné dans l’âge de la réflexion & de la maturité, si dans la suite les Ordonnances d’Orléans & de Blois ont successivement retardé & avancé l’époque de la Pro-fession Religieuse ; ces divers changemens, dont nous avons pesé les causes & les effets, nous ont convaincu que cette époque variable, suivant les temps & les circonstances, avoit besoin d’être de nouveau déterminée par notre autorité, & nous avons cru qu’il étoit de notre sagesse, en nous réservant d’expliquer encore nos intentions aprés dix ans, d’éprouver un terme mitoyen entre ceux qui ont été successivement prescrits, & qui ne fût ni assez reculé pour éloigner du Cloître ceux qui y seroient véritablement appellés, ni assez avancé pour y admettre ceux qu’un engagement téméraire pourroit y conduire.

Nous avons donc choisi pour les Hommes le même âge que celui qui a été prescrit par l’Eglise pour leur entrée dans les Ordres facrés ; & à l’égard des Tilles, nous avons préféféré l’âge auquel il est le plus ordinaire de pourvoir à leur établissement ; & nous nous sommes d’autant plus déterminés à déroger ainsi aux Loix de nos Prédécesseurs, que si nous pouvons espèrer de voir par cette précaution les Monasteres se remplir de Religieux fervens & fideles à leurs engagemens, nous aurons en même temps la consolation de rendre à l’Eglise des Sujets utiles, dont des veux faits avec légereté & précipitation au-roient pu la priver, & de procurer ainsi aux premiers Pasteurs un secours que la rareté des Ministres essentiels rend de jour en jour plus nécessaire. Aprés avoir ainsi fixé l’âge auquel il sera permis dorénavant d’entrer en religion, nous avons porté nos vues sur les Loix & les Constitutions religieuses, dont la clarté, la précision, & sur-tout l’autorisation, sont si nécessaires pour tarir dans les Cloîtres la source des dissensions, y maintenir la paix & la régularité, & assurer à ceux qui les habitent la protection des deux Puissances. Nous avons donc cru que le second objet de notre attention devoit être d’obliger les Ordres Religieux à se procurer eux-mêmes, conformément au voeeu de l’Eglise, & en suivant les formes Canoniques, un corps de Constitutions qui fût à l’abri de toute incertitude, & de toute ambiguité, & qui, joint aux mesures différentes que nous avons prises pour chaque espece de Monasteres, pût ranimer dans tous la ferveur de leur institution primitive. Mais ces premieres précautions ne seroient pas encore suffisantes, si, en suivant la route tracée par les Saints Canons & les Ordonnances du Royaume, nous ne faisions pas connoître nos intentions sur le nombre des Religieux qui doit être dans chaque Monastere. UOne triste expérience a fait connoître dans tous les temps que les meilleures vocations s’affoiblissent dans les Communautés peu nombreuses ; qu’il est presqu’impossible d’y foutenir l’observance de la regle & la décence du Service Divin, & d’y prévenir le relachement des moeurs, suite nécessaire de ce-lui de la discipline. C est par cette raison que les Papes, les Instituteurs & les Réformateurs des Ordres Religieux, ont exigé dans différens temps qu’on ne fondat aucun Monastere, sans y placer le nombre de Religieux suffisant pour vaquer à tous les devoirs de la vie cénobitique. C’est aussi par ce même principe que ce nombre de Religieux fait toujours un objet principal dans les Loix des Rois nos Prédécesseurs, qui ont ordonné la réformation des Monasteres, & qu’en particulier le feu Roi notre tres-honoré Seigneur & Bisaieul, informé qu’il y avoit des Tribunaux dans son Royaume ou la Conventualité étoit regardée comme imprescriptible, jugea à propos, par sa Déclaration du mois de Mai mil fix cent quatre-vingt, de réduire l’effet d’une jurisprudence trop générale aux Abbayes & Prieurés où il y auroit des lieux réguliers & des revenus suffisans pour y entretenir dix à douze Religieux au moins. Si des Loix si falutaires n’ont pas produit tout l’effet qu’on pouvoit s’en promêttre, il nous a paru indispensable d’y ajouter tout ce qui pourroit en asiurer l’exécution, & de fixer d’une manière plus précise, & relativement à l’institution de chaque Monastere, le nombre de Religieux dont il doit être composé. Ainsi, sans exiger rigoureusement, pour les Maisons réunies en Congrégations le nombre de Religieux porté par les Loix d’un grand nombre de ces Congrégations, nous nous sommes bornés à celui qui nous a paru absolument ne-cessaire pour fatisfaire aux devoirs de la vie commune, à l’acquit des fondations & la célébration du Service Divin. Nous avons exigé un plus grand nom-bre de Religieux dans les Monasteres non unis en Congrégations, qui étant tout à la fois Maison de Noviciat, d’Etude & de résidence, présentent plus d’emplois & d’observances à remplir ; & en proportionnant ainsi aux besoins de chaque Monastere le nombre de ceux qui doivent y résider, nous avons pris en même temps les précautions les plus efficaces pour ne pas compromettre les intérêts des Ordres Religieux, ceux des Villes & des Dioceses, & les Droits des Fondateurs que nous voulons être inviolablement respectés. C’est par ces différens moyens qu’en éloignant des Cloîtres, l’imprudence, l’indiscipline & le relachement, nous nous acquitterons des devoirs que nous impose la double qualité de Souverain temporel & de Protecteur de l’Eglise ; & qu’en rem-plissant ce que nous devons à la Religion & à nos Sujets, nous donnerons aux Ordres Religieux une nouvelle consistance, & les rendront plus que jamais respectables aux yeux des Peuples, & utiles à l’Eglise & à l’Etat. a CEs CAUSEs, & autres à ce nous mouvant, de l’avis de notre Conseil, & de notre certaine. science, pleine puissance & autorité Royale, Nous avons par le présent Edit, perpétuel & irrévocable, dit, statué & ordonné, disons, statuons & ordonnons, voulons & nous plait ce qui suit

ARTICLE PREMIER. Aucun de nos Sujets ne pourra, à compter du premier Avril mil sept cent soixante-neuf, s’engager par la profession Monastique ou Régulière, s’il n’a atteint, à l’égard des Hommes, l’âge de vingt-un ans accomplis ; & à l’égard des Filles, celui de dix-huit ans pareillement accomplis ; nous réservant, aprés le terme de dix années, d’expliquer de nouveau nos intentions à ce sujet.

Il. Paisons en conséquence tres-expresses inhibitions & défenses à tous Supérieurs & Supérieures de Monasteres, Ordres & Congrégations, Chapitres & Communautés Régulieres, de quelque qualité qu’elles puissent être, & à tous autres, d’admettre, sous aucun prétexte, nosdits Sujets à ladite Profession avant l’age cr-dessus prescrit ; voulons que les Professions qui seront faites avant ledit âge soient déclarées nulles & de nul effet, par les Juges qui en doivent connoitre, même déclarées par nos Cours de Parlement nullement & abusivement faites, sur les appels comme d’abus qui pourroient être interjettés en cette matière par les parties intéressées, ou par nos Procureurs-Généraux. Voulons que ceux & celles qui feroient lesdites Professions avant ledit âge, soient & demeurent capables de successions, ainsi que de tous autres effets civil.

III. Défendons aux Supérieurs & Supérieures desdits Ordres, Congrégations. & Communautés Régulieres, d’admettre à la Profession aucuns Etrangers non naturalisés ; comme aussi d’accorder une place monacale auxdits Etrangers, de les aggréger ou affilier à leur Ordre, Congrégation ou Communauté, le tout sans avoir préalablement obtenu des lettres de naturalité, dûment enrégistrées, dont il sera fait mention dans les Actes de Véture, Profession, Réception Aggrégation ou Assiliation, à peine de nullité desdits Actes, & d’être lesdits Supérieurs & Superieures poursuivis suivant l’exigence des cas, défendons pareil, lement auxdits Superieurs & Supérieures d’admettre dans leurs Maisons ceux de nos Sujets qui auroient fait Profession dans des Monasteres situés hors des Pays de notre obéissance,

IV. Exhortons les Archevéques & Evéques de notre Royaume, & néanmoins leur enjoignons de procéder incessamment à la visite & réformation des Monasteres qui sont soums à leur Jurisdiction, à l’effet d’y être maintenue ou rétablie la discipline Monastique suivant leur premiere Institution, Fondation & Re-gle ; comme aussi d’examiner les Statuts & Réglemens particuliers de chacun desdits Monasteres, pour être lesdits Statuts & Réglemens réformés & augmentés, s’il y échoit, réunis en un seul & même Corps, & revétus, si fait n’a été, de nos Lettres-Patentes adressées à nos Cours de Parlement en la forme ordinaire

V. Seront pareillement tenus les Supérieurs généraux ou personnes déléguées par eux en la forme de droit, & Supérieurs particuliers des Ordres ou Congrégations Régulieres, de procéder incessamment, chacun en ce qui les concerne, a la visite & réformation des Monasteres dépendans desdits Ordres ou Congrégations. Voulons en outre que par les Chapitres desdits Ordres & Congréga-tions qui seront à cet effet assemblés, soient prises telles mésures & délibérations qu’il appartiendra, pour réunir en un seul Corps les Constitutions, Statuts & Réglemens desdits Ordres ou Congrégations à l’effet d’être, s’il y échoit, approuvés par le Saint Siége, & munis, si fait n’a été, de notre autorité, suivant les formes usitées en notre Royaume, & sans qu’autrement il puisse y être fait aucun changement

VI. L’Article XXVII de l’Ordonnance de Blois sera exécuté selon sa forme & teneur ; voulons en conséquence que tous Monasteres qui ne sont sous Chapitres généraux, & qui se prétendent exempts de la Jurisdiction des Archevéques & Evéques Diocesains, soient tenus, dans un an pour tout délai, de demander à se réunir à quelques-unes des Congrégations legitimement établies dans notre Royaume, à l’effet d’obtenir notre permission, conformément à la Déclaration du mois de Juin mil fix cent soixante-onze, passé lequel temps, demeureront lesdits Monasteres immédiatement soumis aux Archevéques & Evéques Diocésains, nonobstant toute réserve, exemption ou privileges à ce con-traires.

VII. Tous les Monasteres d’Hommes, autres que les Hopitaux, les Cures les Seminaires & Ecoles publiques, dûment antorisés, seront composés du nombre de Religieux ci-apres prescrit ; sçavoir, les Monasteres non réunis en Con-grégations, de quinze Religieux au moins, non compris le Supérieur, & ceux qui sont réunis en Congrégations, de huit Religieux au moins, sans compter pareillement le Supérieur ; nous réservant, apres avoir pris les avis des Archevéques & Evéques Diocesains, d’excepter par Lettres-Patentes adressées à nos Cours en la forme ordinaire, ceux desdits Monasteres qui, par le titre de leur fondation, par la nature de leur établissement, ou par les besoins des lieux où ils sont situés, paroitroient exiger de n’y établir qu’un moindre nombre de Religieux.

VIII. N entendons au surplus comprendre dans le nombre de Religieux fixé par l’Article précédent, les Freres Laiques ou autres qui ne s’engagent qu’en cette qualité dans les Ordres ou Congrégations Religieuses, & qui ne sont point appellés Religieux de Choeur ; laissons à la prudence des Supérieurs de régler le nombre desdits Freres, cu égard aux revenus & aux besoins de chaque Maison particulière.

IX. Ne pourront les Supérieurs, Abbés ou Prieurs, soit Commendataires, soit Réguliers des Monasteres non réunis en Congrégations, & qui se trouveront être composés de moins de quinze Religieux, y compris les Novices, sans compter le Supérleur, au moment de l’enregistrement & publication de notre préfent Edit, recevoir aucuns de nos Sujets, passé ledit jour, à la Profession dans lesdits Monasteres, excepté ceux qui seroient dans le Noviciat au jour de la publication de notre présent Edit, y aggréger ou affilier aucuns Religieux, quand même ils auroient obtenu des permissions ou benévoles pour entrer dans lesdits Monasteres, ou de leur donner aucune place Monachale ou Offices Claustraux, qu’autant que lesdits Monasteres auront par Nous été exceptés, confor-mément à l’Article VII de notre présent Edit ; aux Archevéques & Evéques Diocésains à pourvoir au rétablissement dudit nombre de Religieux dans lesdits Monasteres, par union d’autres du même Ordre & de la meme Observance, ou à nous proposer tel autre parti qui leur paroitra le plus avantageux à la Religion & à l’Etat, pour être le tout par Nous autorisé en la forme ordinaire &. Ne pourront les Ordres ou Congrégations Monastiques ou Régulières de notre Royaume, conserver plus de deux Monasteres dans notre bonne Ville de Paris, & plus d’un seul dans les autres Villes, Bourgs ou lieux de nosdits Etats, à moins que le nombre de Religieux porté par l’Article VII de notre présent Edit, ne se trouve rempli dans tous les autres Monasteres dépendans desdits Ordres ou Congrégations, ou qu’il n’en ait été obtenu de Nous une permission expresse, par Lettres-Patentes adressées à nos Cours en la forme ordinaire, lesquelles ne seront accordées qu’aprés avoir pris l’avis des Archevéques & Evéques Diocésains.

XI. Voulons que dans les premiers Chapitres desdits Ordres ou Congrégations qui seront assemblés, il soit pris telles mésures & délibérations qu’il ap-partiendra pour l’exécution des Articles VII & & de notre présent Edit, pour être, s’il y a lieu, lesdites délibérations autorisées par nos Lettres-Patentes en la forme ordinaire, & n’être les Maisons évacuées qu’aprés l’enregistrement desdites Lettres ; fauf aux Supérieurs généraux ou particuliers, aprés ledit enrégistrement, de se pourvoir par-devant les Archevéques & Evéques Diocesains, pour les unions & suppressions faites suivant les formes prescrites par les saints Canons & les Ordonnances du Royaume, & les décrets rendus en conséquence, revétus de nos Lettres-Patentes, conformément à notre Edit du mois de Septembre mil sept cent dix-huit XII. Toutes les dispositions de notre présent Edit seront exécutées selon leur forme & teneur, & ce nonobstant tous Edits, Déclarations, Arrêts & Réglemens, auxquels nous avons dérogé & dérogeons par ces Presentes, en tant que de besoin, en ce qui pourroit y être contraire. Si donnons en Mandement, &c.

Regisiré ës Régisires de la Cour de Parlement de Roüen le 2t Juin 1768.

Signé, AUzANET.