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ÉDIT DU ROI, Portant fixation des Portions congrues.

Donné à Versailles au mois de Ma1 1768.

L OUIS par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre : a tous présens & à venir, SA LV T. Nous avons toujours envisagé comme ur de nos premiers devoirs, le soin de procurer à nos Peuples des Pasteurs qui débarrasiés des sollicitudes temporelles, n’eussent à s’occuper qu’à leur donner de bons exemples & de falutaires instructions. Pour remplir des vues si dignes de nôtre amour pour nos Sujets, & de notre respect pour la Religion, nous avons pensé que le moyen le plus convenable que nous puissions employer, étoit d’améliorer le sort des Curés & Vicaircs perpétuels, dont la Portion congrue, por-tée par les Rois nos Prédécesseurs, à des summes proportionnées à la valeur des Denrées aux époques de ces fixations, étoit devenue insuffisante pour les mettre en état de remplir avec décence les fonctions importantes qui leur sont confiées : Nous avons vu avec satisfaction le Clergé de notre Royaume, dans les Assemblées de 1760 & 1785, nous proposer, comme un des principaux objets de ses Délibérations, les moyens de subvenir aux besoins de ses Coopé-rateurs du second ordre, & nous supplier de pourvoir par une loi générale à l’augmentation des Portions congrues. Nous nous sommes empressés de mettre la dernière main à un projet si utile ; mais nous nous sommes déterminés en même temps à faire cesser les contestations ruineuses & multipliées, qu’excite la perception des Dixmes novales, entre les Curés & les Décimateurs, en réunissant à l’avenir cette espèce de Dixme à la Dixme ordinaire, & cette réunion nous a même paru indispensablement nécessaire pour mettre les Décir mateurs en état de supporter les charges considérables auxquelles ils vont être assujettis : c’est en conséquence de cette disposition, que nous avons porté à cinq cens livres les Portions congrues, qui, en suivant la proportion des fixations précédentes, ne seroient pas montées à une somme aussi forte : & nous avons aussi pensé qu’en assujettissant les Décimateurs laiques aux mêmes charges que les Décimateurs Ecclesiastiques, il étoit de notre justice de les faire participer aux mêmes secours, en les appellant également à la possession des noyales futures. Mais nous n’aurions pas entiérement rempli l’objet important que nous nous sommes proposé, si, dans une Loi générale qui doit à jamais maintenir la tranquillité entre les Décimateurs & les Curés, & rendre ces derniers en entier aux soins de leur troupeau, nous n’avions porté nos regards jus-que sur les temps les plus reculés : Nous avons en conséquence déterminé la valeur de la Portion congrue, à une quantité de grains en nature, qui pût toulours servir de base aux nouvelles fixations qui leroient occasionnées par les variations du prix des Denrées, & nous avons assujetti les abandons que les Decimateurs désireront rendre perpétuels, à une forme judiciaire, qui, en écar-tant tout soupçon de fraude, assure pour toujours l’état & la possession de ceux qui s’y seront soumis. a CES CAVSES, & autres à ce nous mouvant, de l’avis de notre Conseil & de notre certaine science, pleine puissance & autorité royale, nous avons, par le présent Edit, perpétuel & irrévocable, dit fatué & ordonné, disons, statuons & ordonnons, voulons & nous plait ce qui fuit :

ARTICLE PREMIER. La Portion congrue des Curés & Vicaires perpétuels, tant ceux qui sont établis à présent, que ceux qui pourroient l’être à l’avenir, sera fixée à perpé-tuité à la valeur, en argent, de vingt-cind setiers de Bled froment, mesure de Paris.

Il. La Portion congrue des Vicaires, tant ceux qui sont établis à présent, que ceux qui pourroient l’être à l’avenir, dans la forme prescrite par les Ordonnances, sera aussi fixé à perpétuité à la valeur, en argent, de dix setiers de Bled froment, mésure de Paris.

III. La valeur en argent desdites Portions congrues, sera & demeura fixée quant-à-présent ; sçavoir, celle desdite Curés & Vicaires perpétuels, à Cinc cens livres ; & celle desdits Vicaires à Deux cens livres : Nous réservant, dans le cas où il arrveroit un changement considérable dans le prix des Grains, de fixer de nouveau, en la forme ordinaire, les sommes auxquelles lesdites Portions congrues devront être portées, pour être toujours équivalentes aux quantités de Grains déterminées par les Articles I & Il de notre présent Edit.

IV. Les Curés & Vicaires perpétuels jouiront, outre ladite Portion congrue, des Maisons & Batimens composant le Presbytere, Cours & Jardins en dépendans, si aucuns y a, ensemble des Oblations, Honoraires, Offrandes ou Ca-suel, en tout ou en partie, suivant l’usage des lieux ; comme aussi des Fonds & Rentes donnés aux Curés, pour acquitter des Obits & Fondations pour de Service Divin, à la charge par lesdits Curés & Vicaires perpétuels, de faire preuve par Titres consécutifs, que les Biens laissés à leurs Cures depuis 686, & qu’ils voudront retenir, comme donnés pour Obits & Fondations, en sont effectivement chargés ; & à l’égard des Biens ou Rentes dont lesdits Curés & Vicaires perpétuels étoient en possession avant 1686, & dont ils ont continué de jouir depuis cette époque, ils pourront les retenir, en justifiant par des Baux ou autres Actes non suspects, qu’ils sont chargés d’Obits & Fondations qui s’acquittent encore actuellement.

V. Ne pourront les Décimateurs, sous aucun prétexte, même en cas d’insuffisance du revenu des Fabriques, être chargés du payement d’autres & plus grandes sommes que celles fixées pat notre présent Edit, si ce n’est pour la fourniture des Livres, Ornemens, & Vases facres, ainsi que pour les réparations des Choeurs & Chancels, à l’effet de quoi nous avons dérogé & dérogeons. par notre présent Edit, à toutes Loix, Usages, Arrêts & Réglemens à ce contraires.

VI. Les Portions congrués seront payées sur toutes les Dixmes Ecclesiastiques, grosses & menues, de quelqu’espece qu’elles soient, & au défaut ou en-cas d’insuffisance d’icelles, les Possesseurs des Dixmes inféodées seront tenus de payer lesdites Portions congrues, ou d’en fournir le supplément ; & apres l’epuisement desdites Dixmes Ecclesiastiques & inféodées, les Corps & Commu-nautés séculieres & régulieres qui se prétendent exemptes de Dixmes, mêmes l’Ordre de Malte, seront tenus de fournir le supplément desdites Portions congrues, & ce, jusqu’à concurrence du montant de la Dixme que devroient sup-porter les Héritages qui jouissent desdites exemptions, si mieux n’aiment les gros Décimateurs abandonner à la Cure lesdites Dixmes, soit Ecclesiastiques, soit inséodées, ou lesdits exempts se soumettre à payer la Dixme, auquel cas les uns & les autres seront déchargés à perpétuite de toutes prétentions, pour raison de ladite Portion congrue.

VII. Voulons en outre, conformément à nos Déclarations des 5 Octobre 1726 & 15 Janvier 1731, que le Curé primitif ne puisse être déchargé de la contribution à ladite Portion congrue, sous prétexte de l’abandon qu’il auroit ci-devant fait ou pourroit faire auxdits Curés & Vicaires perpétuels, des Dixmes par lui possédées, mais qu’il soit tenu d’en fournir le supplément, à moins qu’il n’abandonne tous les Biens, sans exception, qui compo-soient l’ancien patrimoine de la Cure, ensemble le Titre & les Droits de Curé primitif

VIII. Ne seront réputés Curés primitifs, que ceux dont les Droits seront établis, soit par des Titres canoniques, Actes ou TFransactions valablement autorisés, ou Arrêts contradictoires, soit par des Actes de possession centenaire, conformément à l’Article de notre Déclaration du 1s Panvier 1731.

IX. Les Portions congrues seront payées de quartier en quartier & par avance, franches & quittes de toutes Impositions & charges que supportent ceux qui en sont tenus, sans préjudice des Décimes que lesdits Curés & Vicaires perpétuels continueront de payer, en proportion du revenu de leurs Benéfices.

Y. Les Curés & Vicaires perpéuels, même ceux de l’Ordre de Malte, auront en tout temps la faculté d’opter la Portion congrue, réglée par notre présent Edit, en abandonnant par eux en même-temps, tous les fonds & Dixmes, grosses menues, vertes, de lainages, charnages & autres de quelqu’es-pece qu’elles soient, & sous quelque dénomination qu’elles se perçoivent, méme les novales, ainsi que les revenus & droits dont ils seront en possession au jour de ladite option, autres que ceux à eux réservés par l’Article IV de notre présent Edit

XI. Les abandons faits à la Cure par les Décimateurs exempts ou Curés primitifs, en conséquence des Articles VI & VII ci-dessus, seront & demeureront à perpétuite irrévocables ; voulons pareillement que l’option de la Por-tion congrue qui sera faite en exéeution de notre présent Edit, soit & demeure à perpétuité irrévocable, mais seulement lorsque les formalités prescrites par l’Article suivant, auront été remplies.

XII. Lorsque les Curés ou Vicaires perpétuels opteront la Portion congrue, ceux à qui ils remettront les Dixmes ou autres Fonds qu’ils doivent abandonner, seront tenus, pour que ladite option demeure irrevocable, de faire ho-mologuer en nos Cours, sur les Conclusions de nos Procureurs-Généraux en ficelles, lesdits Actes d’option, lesquelles homologations seront faites sans frais ; voulons que pour y parvenir il soit procédé à une estimation par Experts nommés d’Office par nosdites Cours, ou par les Juges des Lieux qu’elles voudront commettre, du revenu des Biens & Droits qui seront abandonnés par les Curés qui feront l’option, les frais de laquelle estimation seront à la charge de ceux auxquels les Biens seront réunis ; & seront lesdites estimations faites aux moindres frais que faire fe pourra, lesquels ne pourront néanmoins, en aucun cas, excéder le tiers d’une année du revenu des Biens & Droits estimés.

XIII. Tout Curé & Vicaire perpétuel qui n’optera pas la Portion congrue réglée par notre présent Edit, continuera de jouir de tout ce qu’il se trouvera posséder au jour de l’enregistrement de notre présent Edit, de quelque nature que soient les Biens & Droits dont il se trouvera alors en posses-sion, sans qu’il puisse lui être opposé par les gros Decimateurs, qu’il perçoit plus du montant de ladite Portion congrue, à raison des Fonds qui au-roient été précédemment délaissés, ou des supplémens, tant en fonds qu’en argent, qui auroient été faits en exécution de notre Déclaration du 29 lanvier 1686.

XIV. Voulons qu’à l’avenir il ne soit fait aucune distinction entre les Dixmes anciennes & les Dixmes novales, dans toute l’étenduë de notre Royaume, même dans les Paroisses dont les Curés n’auroient pas fait l’option de la Portion congrue ; en conséquence, les Dixmes de toutes les Terres qui seront de-frichées dans la suite, lorsqu’elles auront lieu, suivant notre Déclaration du 13 Août 1768, comme aussi les Dixmes des Terres remises en valeur ou converties en fruits décimables, appartiendront aux gros Décimateurs de la Paroisse ou du Canton, soit Curés, soit autres, soit Laiques ou Ecclesiastiques : N’entendons néanmoins que les Curés qui n opteront point la Portion congrue, soient troublés dans la jouissance des Noyales dont ils seront en possession lors de la publication du présent Edit, sans que les Curés, qui en jouiront, puissent être assujettis à autres & plus grandes charges que celles qu’ils supportoient auparavant.

XV. Les honoraires des Prêtres commis par les Archevéques ou Evéques, à la desserte des Cures vacantes de droit & de fait, ou à celles des Cures sujettes au droit de Déport, ne pourront être fixés au-dessous des trois cinquie-mes du montant de la Portion congrue, pourront néanmoins les Archevéques ou Evéques, assigner aux Desservans des Cures qui ne sont pas à portions congrues, une rétribution plus forte, suivant l’exigence des cas, conformément aux Loix précédemment données sur cet objet.

XVI. a l’égard des Cures & Vicairies perpétuelles, dont les revenus se trouveroient au-dessous de la somme de Cinq cens livres, même dans le casdes abandons ci-dessus, nous exhortons les Archevéques & Evéques, & néan-moins leur enjoignons d’y pourvoir par union de Bénéfices-Cures ou non Cures, conformément à l’Article. XXII de l’Ordonnance de Blois ; nous réser-vant au surplus, d’aprés le compte que nous nous ferons rendre du nombre desdits Curés, & du revenu de leurs Bénéfices, de prendre les mésures nécessai-res, tant pour faciliter lesdites unions, que pour procurer auxdits Curés un revenu égal à celui des autres Curés à Portion congrue de notre Royaume.

XVII. L’augmentation des Portions congrues, ordonnée par notre présent Edit, aura lieu, à compter du premier Ianvier 1789.

XVIII. Les Exploits où Actes d’option & d’abandon, qui seront faits & passés en conséquence du présent Edit, ne pourront avoir leur exécution qu’aprés avoir été insinués au Greffe des Insinuations Ecclesiastiques du Diocese, & sera payé deux livres pour l’Insinuation desdits Exploits ou Actes : Sera aussi payé trois liores pour chaque Acte d’option ou d’abandon, pour tous Droits de Cont rble, Insinuation Laique, Centième Denier, Amortissement, Echanges, Indemnités ou autres quelcouques, sans qu’il puisse être exigé autres ou plus forts Droits pour chacun desdits Actes d’option ou d’abandon, ou autres Actes qui seroient passés en conséquence du présent Edit.

XIX. Les contestations qui pourront naître au sujet de l’exécution de notre présent Edit seront portées, en première Instance, devant nos Baillis & Senéchaux, & autres Juges des cas royaux ressortissans nuement à nos Cours de Parlement, dans le territoire desquels les Cures se trouveront situées, sans que l’appel des Sentences & Jugemens par eux rendus en cette matiere, puisse être relevé ailleurs qu’en nosdites Cours de Parlement, & ce nonobstant toutes évocations qui auroient été accordées par le passé, ou qui pourroient l’être par la suite, à tous Ordres, Congrégations, Corps, Communautés, ou Particuliers. Si donnons en Mandement, &c.

LA COUR, toutes les Chambres assemblées, a ordonné & ordonne que ledit Edit sera régistré és Régistres de la Cour, lu, publié, l’Audience de la Cour séante, imprimé & affiché par-tout où il appartiendra, pour être exécuté selon sa forme & teneur, à charge que les Archevéques & Evéques useront modérément du pouvoir à eux donné par l’Article XV dudit Edit ; & sera le Roi trés-humblement supplié de porter à Deux cens cinquante livres la Portion congrue des Vicaires.

Regislré ës Régisires de la Cour de Parlement de Roüen le 2. Juin 1768. Signé, AUZANET.