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Du 13 Août 1771.

S UR la remontrance faite à la Cour, les Chambres assemblées, par la Proeureur-Général du Roi, expositive qu’une des questions en matière de Cou-tume, qui se présente le plus souvent, est cependant encore problematique, c’est celle de sçavoir lequel des deux ou du Créancier ou du Débiteur d’une rente, soit foncière, soit constituée à prix d’argent, doit supporter les frais d’un titre nouveau : il peut paroître assez naturel de dire que celui qui a donné un titre obligatoire à son Créancier, au premier jour de leur convention réciproque, n’en doit plus aprés quarante ans. Il a toujours payé exactement, son ame est guidée par la bonne foi, il paiera par la suite comme il a commencé, pourquoi lui demander un nouvel engagement ; Si toute action réelle & immobi-llaire n’étoit pas sujette à la prescription par quarante ans par la disposition précise de la Loi de la Province, il est incontestable que rien n’obligeroit le Créan-cier à demander la révalidation du titre premier à son Débiteur ; mais la Loi ayant voulu, par des principes de sagesse, qu’il y eût un terme où toute obligation fût renouvellée pour être exécutoire, si le Créancier néglige de deman-der un titre nouveau, la Loi ôte à son titre toute force & toute action apres quarante ans, il n’y a point à raisonner par des convenances quand la Loi est impérative. Ainsi, est-ce au Créancier, est-ce au Débiteur à payer les frais de la révalidation ; Aprés nombre de Plaidoiries la Cour a appointé, pour faire Réglement, toutes les contestations qui se sont élevées à cet égard. Les Jurisconsultes ont travaillé en conséquence ; mais aucunes Parties n’ont voulu faire les frais du Jugement ; on a suivi différens usages à raison des différentes opinions locales, on a fait payer les frais du titre nouvel au Créancier dans un Tribunal, & dans un autre on y a condamné le Debiteur ; dans les cabinets des Notaires on a suivi une autre regle, le Créancier les a payés. Qnant à l’expiration des quarante ans, il n’étoit point dû d’arréraves & vice versd, on y a assujetti le Debiteur lorsqu’il avoit été morosif & négligent à s’acquitter ; enfin, par transaction, ces frais ont été quelquefois payés par moitié. Une incerti-tude pareille sur un point de Droit si fréquemment agité, & toujours infruetueusement, a paru au Procureur-Général du Roi, intéressante à lever. Le Créancier doit-il payer ; Les raisons pour l’affirmative sont que ni la Loi naturelle ni la Loi civil n’éxige que le Débireur paye au Créancier au-dela de ce qu’il a promis par le contrat ; le Débiteur a promis une rente fonciere ou constituée, il n’a point promis un titre nouvel tous les quarante ans dont la Loi naturelle ne l’oblige point d’en payer les frais. Quant à la Loi civil, elle a voulu, pour obvier aux fraudes, donner aux contrats une valeur légale qui les rendit exécutoires & certains dans leurs dates, d’abord il fut permis d’assurer les différens modes des conventions par la preuve testimoniale, bientôt on en vit les dangers. L’Ordonnance de Moulins simplifia la preuve de la vérité des Actes en ordonnant qu’ils seroient signés par le Debiteur en toute ma-tiere grave & importante, & s’il ne sçavoit pas signer, que l’Acte seroit recu à ses frais par un Notaire. Apres cette fignature le Debiteur a fait tout ce que la Loi civil a exigé de lui, il a joint à l’obligation naturelle un engagement littéral, & il en a payé les frais quand il n’a pu signer, parce que l’Acte n’a pu valoir par sa seule signature, & que personne n’est tenu payer pour lignorance d’autrui. L’effet de toutes les autres formes des Contrats ne tend donc qu’à donner au Créancier une hypotheque & une exécution parée en vertu de son titre contre tout autre Créancier du Débiteur. Ces formalités ne sont done pas intrinseques à l’obligation naturelle & civil, le Débiteur n’en doit done pas payer les frais ; s’il en étoit autrement, auroit-on introduit l’usage chez les Notaires de terminer les Contrats par une condition sans laquelle ils ne seroient pas dûs, sçavoir, que le Débiteur paiera les frais & délivrera une grosse exécutoire au Créancier : Quand cette clause est omise, le Créancier est tenu de les avancer, & il ne peut les répêter sur le Débiteur que lorsque ce dernier amortit le capital par le remboursement. Si donc le titre premier ne peut être passé devant Notaire, aux frais du Débiteur, que par une condition expresse du Contrat de les payer, comment pourroit-on, quand oi la Loi ni le Contrat ne l’on pas dit, assujettir le Débiteur aux frais du titre nouvel que le Créancier ne demande tous les quarante ans que pour conserver son hypotheque & pour donner une exécution parée à son titre ; On peut mettre en these, & tenir pour constant, que le Débiteur ne doit, suivant la Loi, les frais de son obligation que lorsque la nécessité de passer l’Acte devant Notaire procede de son fait ; les raisons pour la négative méritent une égale attention.

S’il est certain que le Débiteur d’une rente doit selon la Loi naturelle ce B quoi il s’est volontairement obligé, il est d’une égale vérité qu’il doit à son Créancier un titre tel que la Loi a décidé qu’il falloit qu’il fût pour l’obliger.

Or tout Acte qui, par la nature de sa composition, est caduc à l’instant où les conditions prescrites par la Loi pour qu’il soit exécutoire ne sont pas remplies, n’est point un Acte obligatoire, ce n’est point un Contrat. La Loi na-turelle & la Loi civil ne doivent point se détruire mutuellement ; la malice des hommes a donné lieu aux Loix civil, on a senti qu’il falloit des Loix pour les forcer à ce qu’ils étoient obligés de faire par la Loix naturelle, & elles ont été établies pour arrêter la mauvaise foi. Il a sussi d’abord d’avoir des témoins pour certifier la vérité des Contrats ; la Loi a exigé depuis la signature, puis enfin, pour donner au Créancier une hypotheque, elle a établi des formes qui assurent la date des obligations. Dira-ton que c’est s’écarter de la Loi naturelle que de soumettre un débiteur à ce qui seul peut assurer le paiement au Créancier de la dette, & empécher les effets de la prescription ; toutes les fois qu’un Débiteur peut user d’une disposition des Loix civil pour anéantir de mauvaise foi une obligation juste, il est dans le voeu de la Loi naturelle qu’une autre Loi de droit positif arrête cette infidelité dans l’ordre des conventions ; il est donc de toute justice que ce Débiteur donne à son Créancier un titre sinalagmatique, & qui le soit toujours, & si par la force de la Loi des pres-criptions il devient caduc, qu’il lui en donne un autre égal au premier, & respectivement exécutoire, Sil en étoit autrement, il s’ensuivroit, des que le Créan-cier ne peut forcer le Débiteur d’une rente fonciere ou constituée à le rembourser de son capital, que le Debiteur seroit le maître du sort du capital du Créan-cier malgré lui, sans assurer la prestation du paiement au moment où la Loi fait perdre au premier Contrat son autorité par le laps de quarante ans, de-là cette disposition textuelle de la Loi, Article DXxxII de la Coûtume, qui porte que : s Le Créancier peut contraindre le possesseur de l’héritage qui lui n est hypothéqué, soit à titre particulier ou à droit universel & successif, à y lui passer un titre nouveau faire reconnoissance de la dette, & que son héy ritage y est obligé n. Il est donc non-seulement dans l’equité naturelle, mais encore de Loi positive, que comme aprés quarante ans le Debiteur qui n’a point révalidé son obligation peut dire qu’il n’est point obligé, de même le Créancier peut forcer le Débiteur à lui donner un titre nouveau. Il est donc dans l’ordre de la raison & de l’équité que le Débiteur soit tenu de mettre à ses frais aux mains du Créancier un titre nouveau. Si la Loi n’a point dit que ce seroit aux frais du Débiteur, c’est qu’elle n’a point prévu que celui qui tient l’argent ou le fonds d’un autre à charge de rente pourroit un jour se dire le maître de garder l’argent ou le fonds d’autrui, de ne pas le remhourser, de ne pas révalider son obligation, & cependant de la prescrire, si le Créancier ne payoit pas les frais du titre nouveau, quoiqu’il lui en dût un autre, le premier étant anéanti par la Loi, & non par le fait du Créancier. La Loi est juste, elle est donc égale, si elle anéantit l’obligation du Créancier sans qu’il y ait rien de son fait, elle doit lui en faire rendre un autre sans qu’il lui en coûte rien c’est avoir assez protégé le Débiteur contre le Créancier morosif à se faire payer que d’avoir éteint toute obligation par quarante ans, sans obliger encore celui qui a droit de contraindre l’autre, à payer les frais de la contrainte. Par la Loi naturelle l’obligation du Débiteur est imprescriptible tant qu’elle n’est pas éteinte par l’acquit du capital. La Loi civil, par des considérations supérieures, toutes en faveur du Débiteur, anéantit le titre de la crédite aprés quarante Sans s’il n’en est révalidé : c’en est assez ; elle n’a point dit, & elle n’auroit pas prononcé avec justice que nonobstant l’obligation que le Débiteur auroit pris par le premier Contrat de remettre entre les mains de son Créancier un titre exécutoire à ses frais, & à cet effet de lui en délivrer une grosse, il pourroit, lors-que cette obligation deviendroit nulle par la force de la Loi, se dégager d’une condition sans laquelle il n’auroit pas eu le fonds ou l’argent, sçavoir, qu’à ses frais le Créancier seroit nanti d’un titre exécutoire. Par quelle faveur la Loi auroit-elle affranchi de cette obligation les révalidations des Actes de particulier à particulier, tandis que du Seigneur au Vassal à chaque mutation d’héritage, soit par vente ou par échange, ou par donation, & même chaque transport de biens du pere au fils, soit par mort ou par avancement d’hoitie, il est dû, aux frais du Vassal, un aveu dans lequel ce Débiteur reconnoit & révalide les rentes scigneuriales & foncieres qu’il lui doit : Cependant l’Article CI & de la Coutume, qui établit cette obligation, ne charge point le Vassal des frais de ce titre nouveau.

Il en est de même relativement à l’exécution de l’Artiele GLXXV : les puinés en toutes Ainesses paient les frais de l’écroue ou de la déclaration qu’ils doivent à l’ainé de ce qu’ils tiennent sous lui, & l’ainé paie ceux de l’écroue entière de l’Ainesse qu’il donne au Seigneur, signée de tous les puinés, pour la révalidation des rentes & prestations féodales. La Loi doit être égale ; s’il étoit in-juste que le Débiteur de rentes foncieres ou hypotheques qui par le titre premier ne s’est pas soumis aux frais du titre nouveau fût tenu de les payer, il seroit également injuste que le Seigneur pût exiger de son Vassal les frais du titre, cessant lequel ses rentes, comme dans le premier cas, pourroient se prescrire, il seroit injuste que le Seigneur pût les exiger de l’ainé en toutes Ai-nesses, & ce seroit une vexation de la part des ainés & du Seigneur de faire payer à chaque puiné les frais de chaque révalidation particulière de la portion des rentes qu’il doit, tandis que l’ainé paie ceux de la déclaration & revalidation de la totalité à chaque mutation du tenant principal. Cependant il n’y a jamais eu de question à cet égard ; jamais, quoique le fils succede à tous les droits comme aux obligations du pere, quoique l’acquereur ou le donataire soit tenu de droit de la prestation des rentes foncieres, & que ces rentes-là se prescrivent par quarante ans comme les autres, on n’a point osé dire que le pre-mier aveu subsistant toujours, il ne falloit point payer les frais du nouveau, parce que c’étoit un Acte qui n’étoit utile qu’au Seigneur créancier de son Vassal pour toutes les rentes dûes à son Fief. a quel titre donc a-t-on fait dans différens Tribunaux une distinction que la Loi n a pas admise, & qu’elle a méme annoncé n’avoir pas voulu faire : Il y a toujours dans les Loix un principe d’équité qu’il convient de suivre pour bien se décider. Le Vassal paie ies frais du titre nouveau par lequel il révalide à chaque mutation le titre premier des rentes foncieres qu’il doit, parce que la Loi l’oblige de donner ce titre, sous peine de prise de Fief, quarante jours apres, si le Seigneur le veut ; il en est de même des puinés vis-àvis de l’ainé, parce que la Loi prononce qu’ils sont tenus de donner à l’ainé la déclaration de ce qu’ils tiennent de lui. Or il est de justice, & dans le vou des Loix que tout homme qui doit une chose par le commandement de la Loi, aussi-tôt qu’elle lui sera demandée, en paie les frais, par la raison que s’il avoit droit de ne pas les payer, il s’ensuivroit qu’il pourroit refuser d’obcir à la Loi tant qu’un autre ne payeroit pas les frais de l’Acte qu’il doit : il ne devroit donc que conditionnellement, & non pas positivement, il ne pourroit être contraint qu’accidentellement, & non pas de droit, toutes choses qu’une Loi impérative n admet point. Il paroit donc convenable de dire que comme le tenant féodalement par rente fonciere paie les frais du titre nouveau, parce que par la Loi il est tenu de donner à son Créancier un titre exécutoire, vu que le premier aveu en étoit un, de même le Débiteur de la rente fonciere ou hypotheque pouvant être contraint par la disposition textuelle de la Loi de passer à son Créancier titre nouveau, & de faire reconnois-sance de la rente, il doit en rendre à son Créancier un à ses frais d’égale valeur à celui que la Loi des prescriptions lui a ôté, c’est-à-dire, un titre exéeu-toire, quand par le Contrat originaire il s’est soumis de lui en donner un. Ces raisons paroissent au Procureur-Général du Roi prépondérantes, conformes à l’équité naturelle, à la bonne foi qui doit être dans les Contrats & être d’accord avec l’usage le plus généralement suivi dans la Province, qui est premie-rement dans tous les Contrats de constitution d’employer que le Débiteur qui voudra amortir le capital paiera, outre le remboursement du prix principal, les arrérages, prorata, frais & loyaux coûts, si aucuns sont alors dûs & échus 20. que le Débiteur payera les frais du Contrat, & en donnera une grosse exécutoire au Créancier. Lorsque la clause de payer les frais est omise, elles sont encore conformes à l’usage qui d’un côté veut que le Créancier les avance, mais qui de l’autre côté lui donne le droit de les répêter si ôt que le Débiteur le rembourse du capital ; enfin les frais des Contrats de fieffe d’héritages sont toujours à la charge des fieffataires & non pas à celle des fieffans. Il est donc de maxime générale & d’usage que le Créancier doit toujours avoir son capital entier, qu’il ne doit être morcelé ni diminué par aucuns frais, & qu’il doit même être un jour payé des frais, qu’on a omis de mettre à sa charge en passant Contrat. Or tout cela est l’effet & la conséquence de la Loi, qui a voulu, 16. que tout Acte fût signé, afin que la dette fût certaine ; 25. que pour régler les hypotheques entre les Créanciers du Debiteur, que tout Contrat eût une date sure ; 36. que pour empécher le Débiteur de tromper le premier prêteur en le confondant par la suite dans une masse énorme de dettes on eût droit de l’obliger devant Notaire ; 46. que pour conserver au fieffant l’hypotheque qui lui-est promise par le Débiteur, du jour du Contrat, cet Acte fût revétu de formes legales. Si donc toutes ces précautions ne sont prises par le Gréancier, & dictées par la Loi que pour prévenir les fraudes ou les négligences dos-Débiteurs, il est juste que tout Acte qui tend à assurer le paiement de la dette soit passé à leurs frais comme étant la condition tacite sans laquelle ils n’auroient eu ni l’argent ni le fonds. Ainsi le silence qui a été gardé dans les Con-trats jusqu’à ce jour sur la condition de la révalidation aprés quarante ans, aux frais du Débiteur, ne doit point plutôt tourner à perpétuité contre les Créanciers des rentes foncieres & perpétuelles, que n’est recevable vis-à-vis des Créanciers des rentes hypotheques lors du remboursement l’omission de la condition du paiement des frais du premier Contrat, & des révalidations qui ont pu arriver depuis, on ne peut pas les priver des frais & loyaux coûts dont par l’usage établi sur le voeu de la Loi ils font toujours payés ; par la même raison il paroit qu’on ne doit pas faire payer ceux de révalidation au Créancier qui par la Loi a droit de contraindre son Débiteur à lui passer titre veau tous les quarante ans pour l’empécher d’user de prescription. Pourquoi requiert être ordonné qu’à l’avenir tous Contrats de révalidation de rentes fon-cieres ou hypotheques, dont le Créancier aura demandé la reconnoissance dans la trente-neuvieme année, seront passés aux frais du Débiteur incontinent apres ladite demande, & qu’à l’égard de ceux dont la révalidation ou reconnoissance aura été demandée dans les cas prévus par les Articles DXXVIII de la Coûtume & CXI & du Réglement de 168é, avant la trente-neuvieme année, elle sera faite aux frais du Créancier, à laquelle fin l’Arrêt à intervenir sera imprimé lu, publié & affiché par-tout où il appartiendra, & enrégislré dans les Bailliages & Siéges du Ressort de la Cour à la diligence de ses Substituts.

LA COUR, les Chambres assemblées, faisant droit sur le Requisitoire du Procureur Général du Roi, a ordonné & ordonne qu’à l’avenir tous Contrats de révalidation de rentes foncieres où hypotheque dont le Créancier aura demandé la reconnoissance dans la trente-neuvieme année, seront passés aux frais du Débiteur incontinent aprés ladite demande, & qu’à l’égard de ceux dont la révalidation ou reconnoissance aura été demandée dans les cas prévus par les Articles DXXVIII de la Coutume, & CXIX du Réglement de 1688, avant la trente-neuvieme année, elle sera faite au frais du Créancier, &c.