Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


L Es deux premieres Editions de M. Pesnelle ont été recues favorablement du Publie. Cet Auteur réunit aux principes de notre Coutume ceux du Droit commun ; s’il rappelle la doctrine des Commentateurs qui l’onf précédé, il l’accompagne de réflexions sages ; les opinions qui lui appartiennent sont puisées dans le Texte de nos Loix, dont elles paroissent des con-séquences nécessaires, & la plûpart ont été confacrées par des Arrêts célebres : nous avons peu d’Auteurs aussi exacts dans la distribution & dans l’eco nomie des matieres : ses Préfaces sur les Chapîtres forment comme un corps d’ouvrage qui annonce l’intérét des Questions qu’il diseute ensuite sous chaque Article de la Coutume ; c’est avec ces talens qu’il a seu mériter & sou-tenir l’estime de la Province.

Il faut cependant avouer qu’il a omis des Questions importantes qui auroient dû trouver place dans un Commentaire, soit qu’il ait été géne par le Iystême de précision qu’il s’étoit formé, soit que dans la Jurisprudence, comme dans les autres sciences, il ne soit pas possible de saisir les objets à son gré dans la chaleur de la composition : autre événement inséparable de la condition humaine la progression des idées & du raisonnement en développant le sens des principes, produit de nouvelles applications.

Ce double motif a porté l’Editeur à joindre des Observations à l’Ouvrage. de M. Pesnelle ; ces Observations ont été communiquées à des hommes versés dans le Droit Normand : ils les ont jugées propres à remplir les especes de lacunes qui s’y rencontrent, & à indiquer les décisions survenues depuis que M. Pesnelle a écrit, & la troisieme Edition a été bientôt épuisée.

Quelques augmentations qui ayent été faites à celle qui paroit aujourd’hui, quelques précautions que l’on ait pu prendre dans le dessein de la rendre plus utile, cet Auteur néanmoins, tel qu’il paroit, ne suffit pas pour acquérir l’intelligence de notre Coutume, il faut consulter d’autres guides.

Il semble qu’il est à propos de n’entrer dans cette carriere qu’aprés avoir sérieusement médité l’Histoire de nos Ducs, soit qu’ils regnent en Normandie, soit qu’ils donnent des Loix à l’Angleterre, & y avoir joint celle des autres Pays qui leur ont appartenu en France.

Des Gentilshommes Normands se sont fravé, bépée à la main, une route au Trone de Naples & de Sicile, ils y ont dominé pendant plusieurs siecles cette révolution ne peut nous être indifférente.

La liste des Historiens dont la lecture est utile, est assez connue ; on cite ordinairementRoger de Howeden ,, Matthieu Paris de Wesminster ; la Collection de Duchesne ; Mezerai : Masseville peut servir d’introduction ; le Monasticon Anglicanum, les Mémoires de la Maison de Harcourt, la Diplomatique de Dom Mabillon avec des Observations, le Gallia Chrissiana de la derniere Edition, le Neustria Pia malgré son peu d’exactitude, peuvent fournir des secours. On trouve tres-facilement les Historiens des Provinces possédées en France par les Ducs de Normandie.

La science de l’Histoire conduit à la lecture de notre ancien Coûtumier ; on peise qu’il a été rédigé par écrit environ lan 1270. Ce Livre contient les peincipales Maximes que nous suivons encore aujourd’hui ; on a rétranché dans la Coutume réformée la Police de la Monomachie, ou de ces Com-bars singuliers qui y sont décrits avec beaucoup d’exactitude & certaines.

Formules nécessaires dans des temps où les Actes les plus sérieux subsistoient sur la foi des témoins. Si quelques termes embarrassent, il faut consulterSkinner Spelman ,Vossius ,Mesnage ,Ragueau ,Lauriere , & principalement le Glossaire de duCange .

Les Jurisconsultes Anglois sont nécessaires pour bien comprendre le sens de rotre ancien Coûtumier ; on conseille la lecture deGlanville ,Britton Littleton , avec le Commentaire d’EdouardCook ,Bracton ,Stanfort , Fléta, Selden sur Eléta & Couvel ; il faut lire les Actes de Rymer, cette Collection renferme une dépût fidele des usages du temps ; les Conciles tenus sous le Gouvernement de nos Ducs sont encore des sources où l’on peut quelquefois puiser. Matilieus de Afflictis ou Affiicti, Gentilhomme Napolitain, qui a recuilli les Constitutions des Normands qui ont régné en Sicile, a donné un Traité des Fiefs Jure Francorum, & un Traité du Retrait qui ont du rapport à nos Loix.

Le Lecteur est surpris de la conformité qu’il y a entre les Loix d’Ecosse & sur-tout la Loi Regiam Majessaiem avec nos principes, Malcolin ou Malcolme second qui en est l’Auteur, régnoit, suivantLauriere , en l’an 1o042. & Guillaume le Conquérant n’est monté que long-temps aprés sur le Trone de l’Angleterre ; a-t-il emprunté ces Loix de l’Ecosse, ou les rapports de legislation ont-ils leur fondement dans la relation des moeurs à Sujet d’une dis-sertation qui ne seroit point ici dans son lieu ; il suffit d’observer que Skénée a fait des Gloses sur les Loix d’Ecosse, tirées du droit civil & canonique la Collection de Skénée est précieuse.

Si on veut consulter d’autres fources, les Commentaires de César, Tacite de Morib. Germ. ; Procope, Marculfe avec les Notes deBignon , précédé de la lecture Grégoire de Tours & des Historiens des deux siecles suivans, la Collection des Loix barbares deLindenbrog , les Capitulaires par Sirmond &Baluze , le Recuil des anciennes Loix des Fiefs, les de lerusalem, rédigées par le Comte d’Ascalon ,Beaumanoir , avec les Remarques de laThaumassiere , les Etablissemens de Saint Louis, avec les Observations de Laurière & les Auteurs qu’il indique, les Formules Angevines, publiées par le PereMabillon , les Coûtumes notoires du Châtelet parBrodeau , celles de Dijon parPérard , le grand Coutumier, la Somme Rurale deBouteiller , & le Style du Parlement inséré dans le second volume de du Moulin avec ses notes, édition en cinq volumes in-folio ; l’Esprit des Loix de M. le Président deMontesquieu , & l’excellente Introduction à l’Histoire de Charles Quint, parRobertson , ces monumens facilitent les recherches sur le droit Coutumier

Nous avons un bon Livre, & que nous négligeons trop, c’est la Glose sur Pancien Coutumier ; le goût de raison qui regne dans cet Ouvrage, l’esprit de discussion & d’analyse, la serupuleuse attention à marquer les révolutions survenues dans la Jurisprudence depuis la rédaction par écrit de nos Usages, sont bien propres à captiver l’attention, si on y remarque des erreurs, elles appartiennent au siecle dans lequel l’Auteur vivoit ; on peut comparer la Glose à une mine abondante qui donne presque toujours de l’or, quoique mélé de quelqu’alliage, Rouillé y a fait de courtes Additions qui sont estimées : il ne faut pas séparer la Glose de notre Style de Procéder ni des Ordonnances de l’Echiquier.

Terrien est parmi nous dans l’ancien Coutumier, par rapport à la bonté de l’Ouvrage, ce que Basnage est dans la Coutume nouvelle ; ce grand homme a en quelque sorte préparé la réformation de l’an 1583 ; il eût cependant été à souhaiter qu’il eût embrassé un plan un peu moins étendu ; il traite non-seulement du droit Coûtumier, mais de l’Ordre judiciaire, de la compétence & des regles des Jurisdictions qui étoient établies de son temps : la généralité des matières l’a forcé nécessairement de s’abréger On distingue. trois principaux Commentateurs sur la Coutume réforméeGodefroy Basnage Bretonnier Bérault , Godefroy & Basnage. Bretonnier, dans le Préliminaire de ses Questions, dit qu’ils sont tous bons.

Bérault , occupé du soin d’instruire, semble s’oublier pour remplir son Lecteur des sujets qu’il traite ; il représente avec une scrupuleuse exactitude, la Iuris-prudence de son temps : il regne un goût de justesse qui lui est propre dans l’espece des Arrêts qu’il rapporte ; & comme il n’a rien négligé pour s’assurer des moyens de décision, il se présente à découvert dans son Ouvrage. Il n’est point étonnant que les Editions du Commentaire de Bérault ayent été si fort multipliées, pour peu qu’on soit instruit du droit commun, on fait avec Bérault des progres dans le droit Normand.

Godefroy joignoit à un génie étendu une étude profonde des Loix civil & des Auteurs François ; & il est parvenu à se placer à côté deBérault , quoiqu’il fut privé des secours abondans que l’on puise dans la fréquentation du Tribunal souverain de la Province ; la distribution de ses matieres ressemble assez à celle de Bérault ; il raisonne les opinions de ce Commentateur & on ne peut dissimuler qu’il les difcute quelquefois avec supériorité, il ne forme point de doute qu’il n’expose un fondement solide de la difficulté qui le gene ; on lui reproche d’avoir introduit dans son Ouvrage certaines opinions étrangeres que la critique auroit dû lui faire retrancher. L’éloge le moins suspect qu’on puisse faire de cet Auteur, c’est que Basnage ne s’en est pas moins servi que deBérault .

Basnage a écrit dans le siecle des arts & des sciences, & il avoit un génie capable d’en soutenir la gloire, son Commentaire ne renferme point précisément un enchainement de principes nets & didactiques ; les Auteurs qui l’ont précédé & suivi pourroient lui disputer ce genre de gloire. Dirigé par le fil de la Chronologie & le flambeau de l’Histoire, il interroge, il sonde la profondeur des siecles, il arrache à l’antiquité le sombre voile qui dérobe à nos yeux les beautés qu’elle recelle ; on cesse d’ignorer les sources où il faut puiser l’origine de nos Loix, tout étincelle de proche en proche de la plus grande clarté : Si M. Basnage se renferme dans les especes problématiques du Barreau, les objets semblent prendre une ame & une vie pour intéresser le Lecteur ; ce n’est point la seule Iurisprudence Normande qu’il lui met sous les yeux c’est celle des Parlemens du Royaume, & on diroit que M. Basnage est l’habitant de tous les Pays dont il décrit les usages. Son style est mâle, châtié, poli, l’expression n’y dégrade point la pensée, de même que la pensée n’éblouit point par le clinquant de l’expression, son Traité des hypotheques est excellent : & si son Commentaire fait l’éloge du Traité, le Traité ne fait pas moins l’eloge du Commentaire.

Le Mémoire de M.Froland , Avocat au Parlement de Paris sur les Statuts, mérite encore d’être lu : c’est son ouvrage le plus considérable ; l’Auteur y cite les Jurisconsultes anciens & modernes qui ont écrit sur le sujet qu’il traite ; il s’attache à rapprocher les Arrêts du Parlement de Normandie & les opinions de nos Commentateurs des autorités qui leur sont opposées : il peut sortir de la lumière de cette efpèce de choc ; cependant M.Froland , entrainé par ses Confrères, abandonne assez souvent nos principes ; il n’y a pas assez de liaison entre ses idées, son style est diffus & peu soutenu ; il marque enfin plus de desir d’instruire que de goût dans la manière & dans le choix de l’instruction.

C’est en comparant sans cesse l’ancien Coutumier avec la Coûtume réformée, & en confrontant les Commentateurs de la Province, que l’on ac-querra certainement une connoissance suffisante de nos Loix. Les génies, capables de s’élever jusqu’à la perfection, peuvent faire des recherches ultérieures.