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Du Roy duc de Normandie. Chap. 1.
La Coustume au chapitre du Duc.
L E Duc de Normandie ou le Prince est cil qui tient la seigneurie de tout le duché : de quoy le Roy de France a ores la seigneurie et la dignité auec les autres honneurs que Dieu luy a donnez.
Le pays de Normandie auoit tousiours esté en la main des Roys de France, comme estant des appartenances de leur couronne, quand le Roy Charles le Simple en l’an 912. l’en separa premierement : et le donna à Rollo ou Rou Capitaine et conducteur d’vne colonie, armee et compagnie de Normans, c’est à dire gens sortis du pays de Norvvege, ou Normannie, pour cercher habitation en autres pays Et fut ce don fait en faueur du mariage dudit Rou et de Gilon, fille dudit Roy Charles selon la commune opinion. Combien que Paul AEmyler n’en soit pas d’accord : disant que ce fut l’Empereur Charles le Gros, lequel auoit donné en mariage à Godefroy Roy des Normans, Gillon fille de Lothaire cousin germain d’iceluy Charles le Gros : et que ceux qui ont escrit les faits et gestes des Normans, faisans mention que Gillon fille de Charles le simple, fut mariee audit Rou, ont esté deceus, et ont prins l’un pour l’autre. Tant y a qu’il est sans doute que ledit Charles le simple donna la duché de Normandie audit Rou, à la tenir par luy et ses successeurs en foy et hommage lige de couronne de France : lequel par ce moyen en fut le premier due. Et s’il y a eu duës audit païs precedens ledit Rou ( comme les chroniques de Normandie font mention d’un Aribert, et de Richard son fils ) il faut dire que ce n’estoient pas duës perpétuels et hereditaires : mais gouuerneurs du païs sous l’authorité des Roys de France, lesquels gouuerneurs portoient ce non et titre de duc. Vray est que deuant ledit Rou, du temps dudit Empereur Charles le Gros, qui estoit descendu de la maison de France, et de la postérité de Charlemaigne, et qui estoit nomé de ses suiets et partisans, non seulement Empereur, mais aussi Roy de France : les Normans sous la conduite de leur Roy Godefroy dessus nommé, estoient descendus en France : où ils auoient fait plusieurs incursions, et gast de païs. Auec lesquels ledit Empereur ne les ayans peu vaincre par force d’armes, fit traité de paix et alliance. Et pource que les Neustriens ne luy auoient voulu obeyr, ne le recognoistre à roy et seigneur, il donna à habiter ausdits Normans celle partie du païs de Neustrie, qu’on appele à present Normandie : c’est à sçauoir autant qu’il y en a outre Seine, marchissant au païs de Bretaigne : laquelle partie est de la Gaule Celtique. Et quant à ce qui est deça la Seine du costé de Picardie, comme le païs de Caux et le Vexin, il est en la Gaule Belgique. Et est vraysemblable qu’au temps que le Royaume de France fut parti et diuisé entre aucuns des anciens Rois qui furent apres Clouis premier Roy Chrestien : desquels l’un estoit Roy de Paris, tenant le premier rang de maiesté, l’autre de Mets ou d’Austrasie, l’autre de Soissons, l’autre d’Orléans, l’autre de Reins, l’autre de Bourgongne et l’autre d’Aquitaine : la part de Normandie qui est deca la Seine vers Picardie, estoit du Royaume de Soissons : et ce qui est de l’autre costé de Seine estoit du Royaume de Paris : lequel mesmes fut appelé d’aucuns le Royaume de Neustrie, comme escrit le ditPaul AEmyle . Aucuns ont voulu dire que Neustrie estoit appelee VVestrie, comme France occidentale, au regard de la France orientale dite Austrasie ou Ostrasie : ainsi qu’on appeloit les Gots Orientaux Ostrogots, et les occidentaux Visigots ou VVestgots. De laquelle Austrasie Sallique, la haute Pannonie fut nommee Austrie qui est Austriche, pource qu’elle est plus Orientale que les autres pays d’Alemagne. Or quant au nom de Normandie, il est certain que ce nom luy fut imposé à cause desdits Normans, qui premierement occuperent ladite partie du pays de Neustrie. Et fut ce nom confermé et qui tousiours a depuis continué, quand ledit duché fut baillé audit Rou. Lequel se fit Chrestien, et fut nommé Robert en baptesme. a pres lequel ce pays et duché a esté tenu et possedé par treze ducs successiuement l’un apres l’autre, de la postérité dudit Rou. C’est asçauoir Guillaume Longue espée fils de Rou. Richard sas paour fils dudit Guillaume : Richard second de ce non fils de Richard premier : Richard troisiesme de ce né fils de Richard second : Robert fils aussi dudit Richard second : Guillaume fils bastard dudit Robert. Lequel Guillaume fut institué Roy d’Angleterre par le Roy S. Edouard. Et pour s en emparer passa la mer : et apres auoir descendu et prins terre audit pays, et brusslé tous ses nauires, pour oster aux siens l’esperance de retour, et leur imposer necessité de vaincre ou de mourir, conquit ledit Royaume à force d’armes contre Haraud, qui fut deffait et occis en bataille. Et porte la chronique de Normandie, que quand le duc Guillaume eut mis pié à terre, le pié luy faillit, et luy conuint mettre les deux mains à terre-Et la où aucuns disoient que c’estoit mauuais signe, il dit tout haut au contraire, Que c’estoit la saisine d’icelle terre que Dieu luy auoit fait prendre à deux mains. Ainsi qu’il aduint àIules Cesar , lequel à sa descente en Afrique tombant à terre commença à dire Teneo te Africa. Ce duë Guillaume apres estre paisible du Royaume, bailla aux Anglois les magistrats, et les statuts dont ils usent, et les armoiries que portent les Roys d’Angleterre, c’est à sçauoir, deux liepars d’or en champ de gueules : auquel a esté adiousté le troisiesme liepard à cause de la duché de Guyenne. Et depuis les Rois d’Angleterre ont esquarte. lé leur escu desdits liepars et des armes de la maison de France, comme y pretendans droict, à cause de femmes qui par la loy Salique ne succedent à la couronne de France. Apres Guillaume le bastard, Robert Courteheuse son fils aisné fut duc de Normandie, et ne fut Roy d’Angleterre, pource qu’il fut né du temps que son pere n’estoit encores que duc : pour raison de quoy Guillaume le Roux second fils dudit Guillaume le bastard, engendré depuis que son pere fut Roy, succeda audit Royaume au deuant du fils aisné Et si fut duc de Normand. apres ledit Robert. Et apres la mort desdits Robert et Guill. le Roux Henry Beauclerc, 3. fils de Guill. le Bastard fut Roy d’Angleterre,. premier de ce nom de Henry, et duc de Normandie. Apres lequel, Henry 2 fils de Geffroy Martel conte d’Aniou et de Maheult sa femme, fille dudit Henry premier fut duc de Normandie. Et si fut Roy d’Angleterre apres la mort d’Estienne de Blois qui tint le Royaume deuant luy. Il fut aussi duc d’Aquitaine à cause de sa femme Alienor repudiee par Loys le ieune Roy de France. C’est ce Henry qui fit mourir S. Thomas Archeuesque de Cantorbery, canonisé sainct tant pour sa saincte vie, que pource qu’il estoit mort pour soustenir les libertez et priuileges de l’Eglise Romaine, contre ledit Roy Henry. Aucuns toutesfois dés ce temps-là excuserent iceluy Roy d’auoir fait mourir sedit Archeuesque, d’autant qu’il estoit rebelle à son Prince et naturel seigneur : comme escrit Baleus en son catalogue des Anglois escriuains en nommant entre ceux qui ont defendu la cause du Roy, Iean Oxenford, Gilbert Foliot, Iean de Poitiers, etPierre de Blois . Lequel de Blois a escrit de grades louanges de ce Roy. Et entre autres en vne epistre qu’il escrit à Gautier euesque de Palernee et auditBaleus , il dit ainsi, Non sicit alii Reges in palatio iacet, sed per prouicias currens explorat facta omnium, illos potissimum iudicans quos constituit iudices aliorum. Nemo est argutior in consiliis, in eloquio torrentior, securior in periculis, in prosperis timidior, constantior in aduersis. Quoties potest à curis et solitudinibus respirare, secreta se occupar librorum lectione, aut in cunco clericorum aliquem nodum questionis laborat euoluere. Regibus aliis longe eruditiorest, orbanior, munificentior. Ad pacem populi pertinet quicquid cogitat, quicquid loquitur, quicquid agit. Apres la mort de ce Henry second, Henry son fils fut duc de Normandie. Et apres luy Richard coeur de Lion son frère qui fut aussi Roy d’Angleterre. Auquel succeda tant au Duché qu’au Royaume Iean sans terre fils aussi de Henry second, et fut le dernier duc de Normandie de la race des Rois d’Angleterre et duc de Rouen. Lequel pour auoir occis et mis à mort Artar duc de Bretagne son neueu, vassal de la couronne de France, fut adiourné à Ban par ordonnance du Roy Philippe Auguste, à comparoir en personne par deuant les Pairs de France. Et pource qu’il n’y comparut, ny enuoya aucun pour s’excuser, veuës les informations sur ce faites, fut declaré contumax, rebelle et desobeissant au Roy : ses duchez de Normandie et de Guienne, pour punition dudit cas, confisquees audit sieur : lequel à ce droict s’en empara, et les reunit perpetuellement à sa couronne : deux cens soixante dix ans apres que ledit duché de Normandie auoit esté baillé audit Roux, au conte duditPaul AEmyle . où toutesfois se trouuera erreur, à qui voudra y regarder de pres. Et oncques puis n’y eut Duc en Normandie iusques au temps de Philippe de Valois, qui en fit Duc son fils aisné nommé Iean, qui fut Roy apres son pere : Lequel Iean fit aussi son fils aisné Duc de Normandie, qui fut Charles Roy de France cinquiesme de ce nom.
Ladite Coustume au chapitre du Duc.
I L appartient au Prince à garder la paix du pays, et à gouuerner le peuple par la verge de Iustice, et finer tous les contens par loyauté. Et pource doit-il faire enquerir par les Baillis, et mettre en prison les larrons, les robeurs1, les ardeurs, les homicides, ceux qui despucellent les vierges à force, les mehaigneurs, et les autres mal-faiteurs, et ceux qui sont de mauuaise renommee, tant qu’ils en ayent receu leurs soudees : si que le peuple qu’il a à gouuerner puisse estre tenu en paix.
Au chapitre des vefues femmes, et orphelins.
L E Duc de Normandie plein de charite rece ut anciennement en sa garde et protection, les vefues femmes et orphelins : pource que leur fragilité ne leur laisse auoir autre defense.
Voyez icy l’office d’un bon Prince, et en quoy il est detteur à ses suiets, de quoy est escrit in c. Regum officium qui est prins deS. Hierome . 23. 4. 5. Regum officium est proprium facere iudicium atque iustitiam, et liberare de manu calumniatoris vi oppressos : et peregrinis, pupillisque et viduis, qui facilius opprimuntur à potentibus, prabere auxilium. Ité inc. Rexi prins dé S. CVprian. Rex debet furta cohibere, adulteria punire, impios de terra perdere : parricidas et periuros non sinere viuère, filios suos non sinere impie agere.
Au chapitre de liance.
L E Duc doit auoir la liance et la loyauté de tous ses hommes de toute la contree. Parquoy ils sont tenus à luy donner conseil, et aide de leurs propres corps contre toutes personnes qui peuuent viure et mourir : et soy garder de luy nuire en toutes choses, ne de soustenir en aucune chose la partie de ceux qui parlent contre luy. Et le Duc est tenu de les gouuerner, garantir et defendre, et les doit mener par les droicts et par les coustumes du pays.
An chapitre de feauté.
T Ous ceux qui sont resseans en la duché de Normandie doiuent faire feauté au Duc, et la garder. Et pource doiuent estre loyaux vers luy en toutes choses : et ne luy doiuent pourchasser dommage, ne donner conseil ne ayde à nul de ceux qui sont ses ennemis apertement. Et ceux qui de ce sont trouuez coulpables, soient appelez traistres au Prince : et toutes ses possessions doiuent demeurer au Prince à tousiours, sils en sont conuaincus et damnez. Et pource nul ne doit receuoir hommage d’aucun, fort sauf la feauté au Prince : et doit estre dit quand on reçoit les hommages. et feautez.
Tout ainsi que ceux qui ont escrit des matieres feudales, ont mis deux sortes de fiefs et d’hommages dont ils ont appelé les vns, fiefs liges, qui sont tenus d’un Prince ne recognoissant superieur : les tenans desquels fiefs sont appelez vassaux liges, et à cause d’iceux doiuent faire hommage sans reseruer ou excepter la feauté d’aucun autre seigneur : et oblige cest hommager non seulement le fief, mais aussi et principalement la personne, laquelle n’est deliurée de la feauté en quittant le fief : et les autres fiefs sont simples, et les hommages d’iceux simples, lesquels se font sauf la feauté du Prince souuerain : et ne sont personnels, ne faits à cause de la personne, mais reels et faits seulement à cause du fief, en quittant lequel la personne est desliee de toute obligation feudale : En ceste manière ce texte de nostre coustume fait premierement mention de la loyauté que le Prince doit auoir de tous ses hommes de Normandie : laquelle loyauté il appele liance ou aliee, mot assez approchant du terme de lige, signifiant lien ou obligation, et entend qu’à ceste loyauté soient lices et obligees toutes personnes, iaçoit ce qu’elles ne tiennent aucuns fiefs : et puis apres il parle de la feauté qu’on est suiet faire au Prince, qui est l’hommage et serment de fidelité que luy doiuent faire ceux qui tiennent aucuns fiefs de luy nuëment et sans moyen : et est cest hommage lige, et se doit faire, comme dit est, sans reseruation de la feauté de quelque autre seigneur que ce soit. Mais les autres hommages qui se font aux seigneurs inferieurs, se doiuent faire et receuoir, sauf la feauté au Prince : comme dit le texte : par laquelle reseruation on promet assez garder feauté au Prince : Et ce qu’il dit generalement que to resseans de Normandie doiuent faire feauté an duc, doit estre entendu de ceux qui sont suiets faire hommage et feauté à cause de leurs fiefs : bien entendu que to autres ausquels n’est requise ceste feauté expresse, y demeurent neantmoins naturellement obligez par ladite liance.2
Les larrons, les robeurs.
Larrons sont ceux qui emblent secrettement le bien d’autruy, appelez en Latin fures : et robeurs sont ceux qui l’ostent par force et violence, en Latin raptores, que nous appelons voleurs.
ADDITIO.
Hujusmodihomagii et ligii dnuersitas petenda est a Ias-in prelud feudo. In7. diuis-col. 30. 31. c 32. Franc. Curt. in 1. part. feud. 4. 0. nu. 22. et se4. l’asnon sua cleganti epitome feud. par. 2. Ad fin. Specul. in titul. de feud. S. 1. verb. et nota. et pra cateris a D. Caro. Molend in commen, ain cons. Parisien. 8. 1. gloab, in verb. le fief nu 3. S. 4. 5. et seq. l’bi illi cum reliquis conuenit hominem ligium duorum pluriumve dominorum, vasallum esse non posse-cum ligius iuret fidelitatem domino, nullius alterius fidelitate salua vel extepta, adeo quod homo ligius obligat principaliter et absolute personan domino, et in consequentiam persona bona. Hinc fit quod istis feudis non lires vafallo riuuntiare, nec se eximère à fidelitate praestita sine voluntate domini, Inaltero secus. potest enim vasallus renurs indo, se liberare ab omni iugo homagii. Ex quibus d. Moiend. tolligit quod in hoc regno Franciae nulla sunt feuda ligia, nisi quae immediatè recognoscuntur a Christianissimo Rege nostro, vi solent esse feuda magnatum et regalium dignitatum.Bal . in l. 1. 8, 1. col. fin. de cadu. toll. C.