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De la reformation des habillemens de draps d’or et d’argent, et de soye. Chap. XXV.

Charles ix 1563.

C Omme apres la tenue des Estats en nostre ville d’Orléans, ayans congnu par les plaintes doleances et remontrances à nous faites esdits Estats par nos suiets, que l’vne des causes qui apportoit appaurissement à nos peuple et suiets, procedoit des despenses superflues qui se font és habits tant d’hommes que femmes, sans aucune mesure ni esgard aux estats, qualitez, facultez et moyens que chacun en peut auoir. outre que grande partie de deux qui portent lesdits habits sumptueux et superflus, les surachetent, d’autant qu’ils ne les payent contant : et pour le payement d’iceux, sont apres leurs biens vendus, qui leur apporte doubles frais, et d’auantage par le trop frequent vsage de tous draps de soye indifferemment, aduient que pour les acheter et faire venir dehors nos Royaume et pays, grandes sommes de deniers s’en tirent et transportent hors d’iceux : et si apporte ledit vsage des simultez, inimitiez et enuiesentre nosdits suiets : a la requeste et supplication desquels à nous faite esdits Estats, afin de refrener tels luxes, desmesurées et desreglees volontez, et pour oster à nos dits suiets toute occasion desdites despenses superflues, Nous aurions tost apres iceux Estats tenus, et dés le 22 iour d’Auril 1501. apres Pasques, fair là dessus certains bons articles d’ordonnance, laquelle au moyen des troubles incontinent apres suruenus est demouree sans execution : quoy que ce soit tant s’en faut qu’elle soit pratiquee ni obseruee aucunement, qu’au contraire il se void la despense et superfluité desdits habits estre de beaucoup augmentee, mesmes aux façons et enrichissemens des grosses chausses, qui sont de tel coust, et dont vn chacun sans mesure ne discretion veut ordinairement vser, qu’il nous a semblé pour le bien et soulagement de nos suiets estre tres-necessaire y remedier et pouruoir : et en renouuelant et amplifiant nostredite ordonnance inexecutée comme dit est, déclarer là dessus nostre intention.

Sçauoir faisons qu’apres auoir de ce meurement consulté et deliberé auec la Royne nostre tres-honnoree dame et mere, les Princes de nostre sang, et autres grans et notables personnages de nostre conseil priué, auons par leur aduis, en reprenant les mesmes termes et poincts d’icelle nostredite ordonance, dit declaré et ordonné, et par la teneur de ces presentes disons declarons et ordonnons ce qui s’ensuitA sçauoir, que tous gens d’eglise se vestiront d’orenauant d’habits modestes, decens et conuenables à leur profession : sans qu’ils puissent porter aucuns draps de soye, soit en robes, sayes, pourpoints ou chausses, ni lesdites chausses aucunement decoupees. Et si porteront les sayes longs.

Les Cardinaux porteront toutes soyes, et toutesfois discretement, et sans aucune superfluité ni enrichissement : et les Archeuesques et Euesques, en robes taffetas et damas, pour le plus veloux et satin plain en pourpoints et souttanes.

Tous nos autres suiets de quelque estat, dignité ou qualité qu’ils soyent, sans exception de personnes, fors nos tres-chers et tres-amez freres, soeur, et tante, les Princes et Princesses, et ceux qui porteront titre de Ducs, ne pourront d’orenauant se vestir et habiller d’aucun drap ou toile d’or ou d’argent. vser de pourfileures, broderies, passemens, franges, tortils, canetilles, recamures, veloux, soyes ou toiles barrees d’or ou d’argent : soit en robes, soyes, pourpoints, chausses ou autres habillemens, en quelque sorte ou manière que ce soit. Ce que nous leur auons inhibé et defendu, inhibons et dofendons, sur peine de mil escus d’amende applicable partie à nous, autre partie aux pauures du lieu, et denonciateur.


Declaration dudit Charles audit an.

D Efendons en outre à nosdits suiets, soyent hommes, femmes ou leurs enfans, d’user és habillemens qu’ils porteront, soit qu’ils soyent de soye ou non, d’aucunes bendes de broderie, piqueures ou emboutissemens de soye, passemens, franges, tortils, ou canetilles, bords ou bendes de quelque sorte que ce soit, dont leurs habillemens ou partie d’iceux puissent estre couuers ou enrichis, si ce n’est seulement vn bord de veloux ou de soye de la largeur d’un doigt, ou pour les plus deux bords ou arrierepoincts au bord de deux habillemens : de sorte que la façon tant pour lesdits hommes que femmes, ne reuienne à plus de soixante sols pour chacune paire d’habillemens. Et ce pour obuier à la despense qui se fait és façons desdits habillemens, qui excede tellement la matière et l’estoffe, qu’au lieu d’y faire quelque espargne suyuant nostre intention, il s’en fait plus grande superfluité qu’auparauant. Et ce sur peine de deux cents liures Parisis d’amende pour chacune fois, moitié applicable aux pauures, et l’autre au denonciateur, sans aucune remission.

Ne sera permis, ains inhibons et defendons tresexpressement à tous nos. suiets soyent hommes, femmes ou leurs enfans, ausquels l’vsage desdits draps, toiles, passemens, et broderies d’or, d’argent et soye est defendu, de porter, vser, couurir et enrichir leurs habillemens, d’aucuns boutons, plaques, grains, fers, esguillettes, petites chaines d’or, ni autre espèce d’orfeurerie, auec ou sans esmail de quelque sorte que ce soit, sino pour les hommes en boutons pour fermer les sayes, et les fentes des capes, et aussi en garniture de bonnets, et quant aux damoiselles chaines, carcans, et brasselets : et les autres femmes des villes, patenostres et brasselets, comme il est porté par nostre ordonnance, scy apres article 13. ) sur les mesmes peines d’amende applicable ainsi qu’il est contenu par nostredite ordonnance.


Continuation de ladite ordonnance.

P Ermettons aux dames et damoiselles de maison qui resident aux champs,, et hors nos villes, ’habiller de robes et conttes de draps de soye, de toutes couleurs, selon leur estat et qualité, pourueu toutesfois que ce soit sans aucun enrichissement.

Et quant à celles qui sont à la suite et en l’estat de nostredite dame et mere, et de nostredite soeur, elles pourront porter les habillemens que bon leur semblera, lors qu’elles seront en nostre suite ou de nosdites mère et soeur : et hors de la garderont la presente ordonnance sur les mesmes peines.

Defendons en semblable aux vefues l’usage de toutes soyes, si ce n’estan celles qui seront à ladite suite d’icelles nosdites mere et soeur, et là celles de maison demourans aux champs, et hors les villes : qui pourront porter seulement serge et camelot de soye, taffetas, damas, satin et veloux plain, et toutes fois sans aucun enrichissement, ni autre bord que celuy qui sera mis pour arrester la cousture.1

Defendons en outre à toutes femmes de porter vertugales ayans plus d’vne aulne, ou aulne et demie de tour.2

Pareillement defendons à tous Seigneurs, Gentils-hommes, et autres per. sonnes de quelque qualité qu’ils soyent, de ne faire porter à leurs pages aucuns draps de soye, broderies, bendes de veloux, ni autres enrichissemens de soye, soit en pourpoints, chausses, sayes, manteaux, collets, ni autres habillemens : hors mis les nostres, ceux de nosdits mere, frères, et soeur, et des Princes, Princesses, et Ducs.

Et quant aux Presidens n’estans de nostre Conseil priué, Maistres des requestes, et Conseilliers de nos Cours souueraines et grand Conseil, gens de nos contes, et ministres de nostre Iustice ( si ce n est quant ausdits Maistres. des requestes, lors qu’ils seront à nostre suite ) et generalement tous nos autres officiers suiets, habitans et residens és villes de nos Royaume et pays de nostre obeissance, ne pourront porter esdites villes, soyes en bonnets, chapeaux, souliers, et fourreaux d’espee, ne semblablement aucuns habillemens de soye : si ce n’est quant aux hommes, pourpoints et sayes : et les femmes et filles damoiselles, taffetas et samy de soye : tant seulement en robes, et non autre sorte de soye, quelle qu’elle soit pour lesdites robes. Bien pourront en deuant de conttes, manchons, et doubleures de manches de leurs robes, porter toutes soyes, et de toutes couleurs, excepté le cramoisy, et toutesfois sans aucun enrichissement, ne qu’elles puissent faire doubler entierement lesdites robes, de veloux, satin, ou autre sorte de draps de soye : Ne semblablement les hommes leurs robes, capes ou manteaux, si ce n’est d’vn lay ou demy lay de veloux, satin ou autre sorte de draps de soye, par le deuant desdites robes et capes, et de trois doigts tout autour, si bon leur semble.3

Ne pourront aussi les damoiselles porter doreures à la teste, de quelque sorte qu’elles soyent, sinon la première annee qu’elles seront mariees : Bien pourront porter chaines, carcans et brasselets, pourueu qu’ils foyent sans aucun esmail. Et ce sur peine de deux cents liures Parisis d’amende, pour chacune fois : la moitié de laquelle auons dés à present donnée aux pauures, et l’autre au denonciateur : sans que nos Iuges la puissent moderer.

Les femmes des marchans, et autres de moyen estat ne pourront porter des perles, ni aussi doreures qu’en patenostres et brasselets, sous les mesmes peines.

Defendons aussi sur pareille peine aux Thresoriers de France, generaux de nos finances, nos Notaires et Secretaires, officiers contables, et autres nos officiers quels qu’ils foyent, l’vsage de soye en robes : chapeaux, bonets. et souliers : excepté quant ausdits Thresoriers de France et generaux de nos finances, Notaires et Secretaires, ceux qui seront à nostre suite tant seulement. Tous lesquels toutesfois ne pourront vser d’aucun enrichissement en leurs habits, selon que dessus est dit.

Et quant aux artisans, gens de mestier, seruiteurs et laquais, auons defendu l’vsage de toutes soyes, en quelques habits qu’ils puissent porter, et mesmes en doubleures de chausses : sur peine quant ausdits artisans et gens de mestier, de cinquante liures tournois d’amende applicable aux pauures : et pour le regard des seruiteurs et laquais, de prison et confiscation d’habits.

Enioignons à tous maistres de ne permettre que leurs seruiteurs et laquais contreuiennent en quelque sorte que ce soit, à ceste ordonnance, sur peine d’en respondre ciuilement : et mesmes de ne faire faire façon en leurs habillemens, qui excede vingt sols pour chacun desdits habillemens.

Defendons en outre à tous tailleurs, brodeurs, et chaussetiers, tant de nostre suite que demourans aux villes, ou ailleurs, de ne faire ou prendre à faire aucuns des habillemens, et autres choses cy dessus defenduës : sur peine là où ils seront trouuez contreuenir à nostre presente ordonnance, d’estre condamnez à la somme de deux cens liures Parisis d’amende, applicable comme dessus, pour la premiere fois, et pour la seconde, d’vne autre amende au double de la premiere, et du fouet.

Il est inhibe et defendu sous les mesmes peines ausdits tailleurs et chaussetiers, d’orenauant, et à tous nos suiets de quelque qualité qu’ils soyent, de porter hauts de chausses embourrez, ni enflez de crins de cheual, contton, bourre ou laine : et n’y mettre dedans que la doubleure, et le taffetas, satin et veloux, simplement sans broderie ni recamure : et pareillement de ne faire pouchettes ausdites chausses : lesquelles n’auront d’orenauant que deux tiers de tour, pour le plus : sous peine pour ceux qui les porteront de deux cens liures d’amende, pour chacune fois, et de confiscation desdites chausses, quant à ceux de nostre suite, aux archers du Preuost, et portiers de nostre hostel : et quant à ceux des villes, aux Sergens de nostre Iustice.

Et d’autant que la facilité de prester draps de soye a donné l’vne des principales occasions d’entrer en telle superfluité d’habits, enioignons à tous Iuges dénier toute action aux marchans, qui depuis la publication de ces presentes, vendront draps de soye à credit a quelques personnes que ce soit. Et au cas que lesdits marchans leurs facteurs ou seruiteurs, feront cu apres quelques ventes en fraude de ceste ordonnance, et desguiseront les cedules ou obligations faites pour ventes de marchandise de draps de soye, les auons dés à present cassees et icelles declarees nulles. Defendons tresexpressement à tous Iuges receuoir lesdits marchans à en faire aucune poursuite.

Parl’edict fait aux Estats à Orléans , estoit aussi enioint à tous Iuges dénier toute action aux marchans qui auront vendu draps de soye à credit à quelques personnes que ce soit, fors de marchant à marchant.

Les Rois François premier, et Henry second, ont fait aussi ordonnances sur la reformation des habillemens. Et dés le temps du Roy Charles viii-en l’an 1485. y auoit eu ordonnance faite par laquelle estoit defendu à tous de porter aucuns draps d’or, d’argent, et de soye, en robes ou doubleures, en peine de perdre lesdits habillemens, et d’amende arbitraire. Sauf et reserué qu’aux nobles viuans noblement, nais et extraits de bonne et ancienne noblesse, non faisans chose derogant à icelle, estoit permis de se vestir et habiller de draps de soye : c’est à sçauoir, aux Cheualiers ayas deux mil liures de reuenu par an, de toutes sortes de draps de soye : et aux Escuyers ayans semblable reuenu, de draps de damas et satin figuré, mais non point de veloux tant cramoisy que figuré.

Philippe le Bel regnant long temps au precedent, auoit ordonné que nul ne porteroit robe de soye, ne de drap, sinon de vingt sols l’aulne : et que les femmes n’iroyent plus en litiere ou chariot par la ville. De droict nous ne trouuons que le drap d’or, ou messé trassé, ou couuert d’or, le pourpre et le cramoisy defendus, qui à bon droict sont reseruez aux Princes. Tit. de vesti, oloberis, et aura et de intinct. sac. muri. lib. ci. 6.



1

Pardéclaration du Roy du 21. de Feurier 1564 . est dit que les femmes et filles damoiselles pourront selon leurs facultez et puissances porter et user en robes du sandal, et toutes sortes de taffetas, autre que blanc, cramoisy, rouge et violet.


2

Par ladite déclaration est permis aux femmes et filles porter vertugales à leur commodité auec toute modestie comme au parauant.


3

Pardéclaration du Roy du 10. de Feurier 1563. est permis aux Presidens, Maistres. des requestes, et Confeilliers des Cours souueraines, Presidens et maistres des contes, ordinaires, Presidens et generaux des aides, Tresoriers de France et generaux des finances, Notaires et Secretaires du Roy, Thresoriers de son espargne et de l’ordinaire et extraordinaire des guerres, et de sa maison, pource qu’ils sont ordinairement à sa suite, de porter taffetas et samy de soye en robes, et non autre sorte de soye quelle qu’elle soit, pourueu quant aux officiers desdites Cours souueraines, que ce ne soit es Cours de Parlement.