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Des pauures et mandiens valides. Chap. XXVII.

Henry 1556.

Auoir faisons que nous bien memoratifs et records des ordonnances par nous faites pour la police des pauures de nostre ville et faux-bourgs de Paris donnees à S. Germain en Laye, le ix. iour de Iuillet, l’an 1547. et desirans pouruoir et subuenir aux pauures malades qui sont dignes de l’omosne, et aux valides oster toute occasion d’oisiueté, et leur donner moyen de gaigner leur vie : Auos par l’aduis et deliberation de nostre priué Conseil, ordonné et ordonnons à nos Baillis de Roüen, Caux, Caen, Costentin, Eureux, Gisors, et Alençon, Capitaines. desdites villes ou leurs Lieutenans en chacune viconté de nostre pays de Normandie, Escheuins et Conseilliers desdites villes, chacun endroit soy, faire dresser dedans huit iours apres la publication de ces presentes, oeuures publiques en vn, deux, ou trois diuers lieux, de chacune de nos bonnes vil les de nostredit pays. Et à faute de ce faire dedans ledit temps, voulons tous et chacun les deniers et reuenus communs desdites villes estre prins, saisis et mis en nostre main, par nosdits Baillis ou leurs Lieutenans, chacun endroit soy, pour des deniers qui en viendront, lesdites oeuures estre mises sus et ordonnees. Et lesdites oeuures publiques ainsi dressees et establies, voulons estre proclamé à son de trompe et cry public par les carrefoures desdites villes et faux bourgs, Que toutes personnes soyent hommes ou femmes, valides et puissans pour estre employees à telles oeuures, ayent à eux retirer esdits lieux, pour y ouurer, trauailler et besongner à salaire raisonnable. Et ausquelles oeuures nous voulons toutes sortes de pauures vali des habitans en nosdites villes et faux-bourgs estre receus et admis. Auce inhibitions et defenses à toutes personnes de quelque qualité et sexe qu’ils a soyent de ne plus mendier1, ou demander l’omosne par les rues, portes des eglises, ni autrement en publie : sur peine quant aux femmes, du fouët, et d’estre bannies de nosdites villes et bailliages dont elles seront, et quant aux honmes, d’estre enuoyez aux galeres, pour nous y seruir comme forsaires, au temps qui sera arbitré par nosdis Baillis ou leurs Lieutenans. Et lesquels si apres lesdits establissemens d’ouurages, inhibitions et defenses dessusdites sont trouuez faisans le contraire, nous voulons estre prins et apprehendez prisoniers par le premier de nos Huissiers ou Serges, a la requeste d’un cha cun qui premier les aura trouuez, et par nosdits Baillis ou leurs Lieutenans la vérité sommairement cogneue, estre punis comme dessus. Et pour le regard des pauures malades inualides et impuissans, qui n’ont aucun moyen de trauailler, ne gaigner leur vie, et qui n’ont aucunes maisons, chambres ne lieux à eux retirer : Nous voulons et ordonnons iceux estre promptement me nez, et distribuez par les hospitaux, leprosaries, hostels et maisons-bieu, de nosdites villes, bailliages et vicontez de nostredit pays : pour y estre nourris secourus et entretenus, des deniers et reuenu desdits hospitaux, leprosaries, et maisone-Dieu, selon le reuenu d’iceux : les ladres preallablemet logez et nourris, si aucuns en y a, pour le regard desdites leprosaries. Et à ceste fin tous gouuerneurs, hospitaliers, et administrateurs d’iceux estre, comme pour nos propres deniers et affaires, contrains rendre conte, meubler, et vtensiler raisonnablement lesdites maisons, fournir aux frais, nourriture, cousts et despens desdits pauures qui leur seront ainsi baillez et distribuez iusques à la concurrence et valeur dudit reuenu. Et en cas de refus ou delay, seront tous les biens et reuenus desdits hospitaux, leprosaries, et maisons-Dieu, prins et saisis en nostre main, pour estre employez aux choses dessusdites.

Et pour le regard des pauures, malades et impuissans qui ont maisons chambres, logis et lieux de retraite esdites villes et faux-bourgs, et n’ayans pareillement aucun moyen de trauaillier et gaigner leur vie-ou qui ayans fait leur deuoir et trauail ne se peuuent entièrement sustenter : Nous voulons et ordonnons qu’ils soyent, nourris secourus et entretenus par les parroisiens de chacune parroisse, qui à ceste fin en feront faire les rolles par les curez ou vicaires, thresoriers et marguilliers, chacun en son eglise et parroisse : pour leur distribuer en leurs maisons, ou en tel autre lieu commode qui sera aduisé par lesdits curé ou vicaire, margueilliers et thresoriers, en chacune d’icelles parroisses, l’omosne raisonnable : sans ce qu’il soit permis à eux et leurs enfans aller quester ne mandier par les villes et parroisses, sur peine du fouer pour les grans, et des verges pour les petis enfans. Et à ce seront employez les deniers prouenans des questes et omosnes qui se cueillent chacun iour, tant aux eglises, que par les maisons desdites parroisses, et ausquelles chacun se quotize volontairement-.2

Et outre ce pour recueillir les aumosnes des gens de bien de nostredit, pays, seront establis trones et boëttes desdits pauures par toutes les eglises et parroisses : qui par chacun iour de Dimanche seront recommandez par lesdits curez ou vicaires en leurs prosnes, et par les prescheurs en leurs ser mons et predications. Et pour faire lesdites questes, mesmes pour distribuer icelles, seront esleus en chacune parroisse quelques bons personnages. Et pour ce mesme effect les abbayes, prieurez, chapîtres et colleges de nostredit pays qui d’ancienne fondation sont tenus faire aumofnes publiques, ( d’autant que ladite aumosne est occasion d’attraire les valides, et les destourner d’ouurer et trauailler ) seront tenus bailler et fournir en deniers à la parroisse en laquelle lesdites abbayes prieurez, colleges et chapitres sont assis, la valeur et reüenu de ladite aumosne. Et pource qu’il se pourra trouuer en aucunes parroisses si grand nombre de pauures, malades et impuissans, et si peu degens riches et bien aisez, que les questes et aumosnes dessusdites ne leur pourroyent fournir : Nous voulons et ordonnons que les prochaines parroisses, abbayes, prieurez, chapitres, colleges et autres communautez de nostredit pays, ayans deniers bons et puissans de leur faire subuention en aident et secourent lesdites parroisses par trop chargées de pauures : à ce que lesdits pauures n’ayent occasion, delaissant leurs parroisses, eux retirer ausdites parroisses prochaines plus riches et aisees. Par ce toutes fois que les Commissaires des pauures3 cy deuant commis en nostre ville de Rouen, demeureront pour auoir la superintendence pour le regard du faict desdits pauures, ainsi qu’ils ont accoustumé de faire : et pour à l’exemple d’iceux, en commettre de semblables aux autres bonnes villes, et parroisses de nostredit pays.



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De ne plus mendier.

En la loy de Moyse il estoit defendu qu’il n’y eust aucuns mendians. bien entendu que telle defense tendoit à ce que les riches fussent tellement secourables enuers les poures, qu’ils ne fussent contrains de mendier. Car au mesme lieu Dieu admonneste les enfans d’israel de subvenir aux mendians, et qu’ils n’en auroyent iamais faute : comme s’il vouloit dire qu’ils auroyent tousiours matière de beneficence. Platon aussi au dialogue de la Republique a escrit que la où l’on void des mendians, il est certain qu’il y a aussi des larrons, coupeurs de bourses, et sacrileges, et qu’ils sont autheurs de tels crimes. Et par la loy imperiale les mendians s’ils estoyent serfs, deuoyent estre adiugez à ceux par l’industrie desquels ils estoyent descouuerts : et s’ils estoyent libres, estoyent suiets les seruir à perpetuité en leurs labourages. Pareillement le Roy et Empereur Charlemaigne feit telle constitution, comme recite Ansegisus abbas, De mendicis qui patrias discurrunt, volumus ut quisque sidelium noctrorum suum pauperem de beneficio, aut propria familia nutriat, et non permittat alicubi ire mendicando : et obi tales inuenti fuerint qui sibi manibus laborant, nullus eis quicquam tribuere prasumat.


2

Et ausquelles chacun se quotize volontairement.

Ces mots ne sont en l’ordonnance cy dessus datée de l’an 1547. qui est icy transcrite presque mot à mot. Et m’esbahy comment il a pleu y adiouster lesdits mots pour le pays de Normandie. Car combien que toute omosne pour estre aggreable à Dieu, doyue estre faite volontairement, et prout rnusquisque destinauit in corde suo, non ex tristitia, aut necesitate. hilarem enim datorem diligit Deus, comme escrit sainct Paul : toutesfois l’auarice des hommes est si grande, et la charité tant refroidie, qu’il y en a peu qui facent leur deuoir de se quotizer d’eux-mesmes, pour entretenir vne si bonne et si saincte police. Et cognut-on par experience en l’an 1556. qu’en plusieurs lieux les poures fussent morts de faim, si on n’eust vsé de contrainte en cest endroit. Ce que feit la Iustice du Roy au bailliage de Caux, et contraignit chacune parroisse à nourrir ses poures : baillant executoire des taxes faites par les parroissiens, sur ceux qui estoyent refusans de payer, et sur le temporel des eglises assis esdites parroisses. Et ce iustement selon mon aduis. Car comme il est escrit in cap. sicut hi. dictinct. 47. prins desainct Ambroise , Non minus est criminis, quam habenti tollere, cum posiis et abundans sis, indigentibus denegare. Esuvientium panis est, qnem tu detines : nudorum indumentum est quod turecludis. Dont infere la glose sur ce pas, quod ecclesia porest cogere illum qui non dat, ut det. Laquelle glose Ludouicus Romanus a notee comme singuliere, in l. si vero. colum. 20. ff. Sol. matrim. et Barbain c. 1. de emp. et mend. et in c. 1. de pigno. ad hoc, quod tempore neces. tatis diues cogitur fatere eleemosinas.


3

Les Commissaires des poures.

Par la Court de Parlement à esté etably on bureau pour lesdits poures, qui se tient en vne des maisons de l’hostel-Dieu de la ville de Rouen chacun Dimanche : où assistent vn President, vn ou deux Conseilliers de ladite Court, vn des grans vicaires de l’Archeuesque de Rouen, le Procureur general du Roy, s’il y veut estre, vn chanoine de Roüen, un general de la Iustice, deux Conseilliers et Escheuins de ladite ville, les deux thresoriers des poures, et un procureur particulier pour l’affaire desdits poures. Deuant lesquels tenans ledit bureau les distributeurs de l’omosne, et les quatre Sergens establis pour assister à la distribution d’icelle, prendre garde que les poures ne mendient par les eglises et par les rues, et pour faire les exploits requis pour le faict desdits poures, selon le pouuoir qu’ils en ont du Roy, font rapport des visitations par eux faites sur la sepmaine, des poures qui sont à l’omosne, pour entendre leurs necesçitez, et s’ils abusent point des deniers qui leur sont distribuez, et s’ils ont recouuert moyen de gaigner leur vie, pour les oster du rolle. Aussi les poures presentent leurs requestes certifiees de la main de leurs curez ou vicaires, pour estre receus à l’omosne. ce qui ne se fait sans deliberation. Et ont les Commissaires dudit bureau puissance de ladite Court d’ordonner par prouision des choses sommaires pour la nourriture desdits poures, et pour leur oster, augmenter ou diminuer l’omosne. Et s’il s’offre chose de conséquence, est reféré à ladite Court. Pareillement par deuant lesdits Commaissaires se rendent les contes des thresoriers desdits poures, par chacune demie annee : et le reliqua si aucun en y a, est mis en leur presence és mains des nouueaux thresoriers. a esté aussi ordonné par ladite Court, que chacun maistre ou maistrese de chacun mestier, pourra prendre et choisir vn enfant du nombre desdits poures enregistré au rolle d’iceux : auquel il sera tenu apprendre son mestier, et l’entretenir, en le luy baillant vestu aux despens de l’omosne. Et luy est baille un an, ou deux, plus que l’ordonnance du mestier ne porte : sans que ledit maitre et maistrese soyent empeschez d’auoir autre apprentif à la manière accoustumee. Et sont les enfans ainsi choisis pour apprendre n’estier, amenez audit bureau, et baillez à leurs maitres ou maistreses, qui font serment de bien apprendre leur mestier ausdits enfans, et les nourrir, et garder de suyuir mauuaise compagnie : et lesdits enfans font serment de bien seruir. Et y a greffier gagé audit bureau, qui fait registre de tout ce qui y est fait et expedié.