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Des Fiefs Chap. II.

L Es fiefs ou héritages les vns sont nobles, et les autres villains ou roturiers.


La Coustume au chapitre De relief.

L’En doit sçauoir qu’il y a fiefs en chef, et fiefs qui sont par dessus. Les fiefs en chef sont qui en chef sont tenus des seigneurs : si comme les contez, les baronnies, les fiefs de Haubert, les franches sergenteries, et les autres fiefs qui sont tenus en chef, et ne sont submis à nul fief de Haubert. Les fiefs de par dessous sont qui descendent des fiefs cheuels, et sont submis à eux : si comme les vauassories qui sont tenus par sommage, et par seruice de cheual, et les autres fiefs qui sont tenus par acres du chef seigneur.


Au chapitre D’aides cheuels.

L’En doit sçauoir que s aucun fief cheuel est diuisé par parties de cousins, chacun parçonnier doit estre tenu en sa partie pour chef seigneur.


Au chapitre De parties d’heritage.

E s fiefs de Haubert, contez, baronnies et sergenteries, partie ne peut estre soufferte entre freres par la coustume du pays.


Au chapitre De garde d’orphelins.

L’En appelle membre de Haubert la huictieme partie d’vn fief de Haubert, et toutes les autres parties qui sont contenuës sous mendre nombre, si comme la septieme, la sixiesme, et les autres.


Au chapitre De teneure par hommage.

L Es fiefs sont tenus des seigneurs, nu à nu, ou par moyen. Les fiefs sont tenus nu à nu des seigneurs, quand il n’y a aucune personne entre eux et leurs tenans. Et ainsi tiennent ceux qui font hommage à leurs seigneurs. Par moyen sont les fiefs tenus, quand aucune personne est entre les seigneurs et les tenans. Et ainsi tiennent les puisnez par moyen de leur aisné, et tous ceux qui sont sous celuy qui a fait hommage au seigneur.1

Nul ne peut vendre, ne engager, se n’est du consentement au seigneur, la terre qui tient de luy par hommage. Non pourtant aucuns ont accoustumé en vendre ou engager le tiers, ou moins, pourtant qu’il remaine du fief tant que les droitures et les faisances des seigneurs et dignitez puissent estre faites et payees aux seigneurs.2

Quand l’héritage vient et succede au Roy ou aux seigneurs, par forfaiture et condamnation de Iustice, il est deschargé de toutes hypotheques et dettes mobiliaires, et non de rentes foncieres.3



1

La Coustume en ce lieu appele fiefs en chef, ou fiefs cheuels et capitaux, tous fiefs erigez en chef et titre de fief noble, à Cour et usage, c’est à dire Iustice en laquelle on use d’usage et de style regardat Iustice et iurisdiction. Lesquels fiefs ne sont submis à aucun fief de Haubert par vil seruice, comme s’ils estoient extraits et descendus d’eux, Ne voulant pas dire toutesfois, a les fiefs nobles et cheuels ne puissent estre tenus, et mouuans l’un de l’autre. comme le fief de Haubert qui est tenu de la baronnie, la baronnie de la conté, et la conté de la duché, et la duché du Roy. Combien que toutes sortes de fiefs puissent estre tenus du Roy nu à nu, et sans moyen. Et de luy comme seigneur souuerain, les autres fiefs sont tenus par moyen : et sont appelez arriefiefs au regard des fiefs qui de luy sont tenus nuement et sans moyen. Les autres fiefs qui sont descendus des fiefs cheuels, soit de baronnie, fiefs de Haubert ou membres de Haubert, pource qu’ils en ont esté extraits par vauassories, ou par acres et masures, sont fiefs villains ou roturiers, submis aux fiefs nobles par vil seruice, que la Coustume appele sommage et seruice de cheual, pource que tel seruice se fait à sac et à somme ou par rentes seigneuriales, auec droicts et deuoirs seigneuriaux : que les autres Coustumes de ce Royaume appellent Cens, et droicts censuels, et celuy duquel le fief est tenu, Seigneur censier. Mais celuy duquel un fief noble, que lesdites Coustumes appelent simplement fief, est tenu par foy et hommage, est appelé Seigneur feodal : prenans ce mot de fief comme deriué à feudo : là où nostre Coustume aucunefois le prend comme descendu à fundo. Le fief de Haubert est un plein fief, ou fief entier, ainsi appelé, pource que le tenant le dessert par pleines armes qu’il doit porter à l’arrièreban du Roy pour acquiter son fief : c’est par le cheual, par le haubert, par l’escu, par l’espee, et par le heaume : comme il est escrit en la Coustume, au chapître De simple quere perso. Et peut un plein de fief de Haubert estre diuisé par partages entre seurs. ou ceux qui sont issus des soeurs, par moitié ou par tiers, ou par quarts, ou par cinquiemes, sixiemes, septiemes, ou huictiemes. Et sont ces parties ou portions de fief appelees membres de Haubert, retenant chacun son chef et dignité de noblesse, Cour et vsage, Iustice et iurisdiction sur ceux qui tiennent villains fiefs par dessous eux, telle qu’il a esté dit cy dessus. Mais si le fief de Haubert par partage est diuisé en plus de huict parties, comme si le fief venoit tout aux filles, et elles fussent plus de huict, dont chacune eust sa part : en ce cas nulle des parties n’aura Cour ni vsage : mais sera dés lors en auant tenu comme fief vilain, et reuiendra la Cour et usage au seigneur souuerain, duquel le fief estoit tenu nuement et sans moyen. Pareillement si l’vne d’icelles parties estoit depuis diuisee en plusieurs parties, comme si l’vne des seurs qui auroit eu pour sa part vn huictieme de fief, mouroit et laissoit deux filles ou plus, qui eussent chacune sa part en iceluy huictième, icelle partie ainsi departie perdroit sa Cour et usage, et non pas les autres. Mais le fief et les parties d’iceluy ne peuuent estre despecees en tant de parties, que si aucun les peut remettre ensemble par succession achat, don, eschange ou autrement, le fief ne retourne à sa première dignité et noblesse. II y a aussi autres fiefs nobles en Normandie, qui n’ont Cour ni vsage : si comme sont les sergenteries fieffees, et les maisons et héritages qui y appartiennent. Aussi les fiefs que l’en dit à pleines armes, pource que les tenans d’iceux doyuent seruir leurs seigneurs par telles armes. Vauassorie, dont le tenant est dit vauasseur, est vne partie de tref noble, qui par le seigneur d’iceluy fief est donnee, ou autrement extraite et baillee par vendition eschange ou fieffe, à aucun pour estre son vassal. Et n’est pas appelee membre de fief : car elle ne comprend aucune partie, comme demy fief, tiers ou quart de fief, ni autre. Or sont les aucunes vauassories greigneures, et les, autres moindres, et les vnes plus nobles et plus fran ches que les autres. Car les vnes ont Cour et vsage, columbier a pié, tor et ver, moulins et autre noblesse, les vnes plus les autres moins, et sont tenues à foy et hommage, et se releuent par membre de fief, et ne doyuent aucun seruice vilain, et à tant se demonstrent nobles et franches. Les autres vauassories ne sont pas nobles, et ne sont les aisneesses des masuses : et se releuent par acres, et par aucunes sommes de deniers, rentes ou seruices : par tant ne sont pas dites franches, mais simplement est dit que c’est vilain fief. Les autres petits fiefs de quelque petit nombre d’acres de terre, ne sont pas appelez vauassories, pource que c’est trop peu de chose. Et quand les seigneurs veulent faire un vauasseur, ils font la vauassorie noble ou non noble, grande ou petite, à garde ou sans garde, ainsi qu’ils veulent sans le congé du seigneur superieur. Car si la vauassorie a Cour et usage, elle doit garde : sinon, non. Et peuuent donner une vauassorie pour un chapeau de roses, ou pour vns gans, ou pour vns esperons, à leur volonté. Et n’est pourtant dit desmembrement de fief ( non plus que quand on baille à cens ou rente aucunes terres de son fief, à quelque bon marché que ce soit ) mais subinfeudation, qui n’est defenduë du droict des feudes, ne par la coustume, pourueu qu’elle se face las fraude, à sçauoir est sans y messer venduë secrette, ou autre chose en fraude du chef seigneur : comme ditmonsieur du Moulin , sur la coustume de Paris : lequel met trois sortes de desmembrement de fief noble. La première est quand on veut desmembrer tout le fief de son chef, c’est à dire du fief dominant duquel il est tenu, en l’aduouant à tenir d’un autre. La seconde quand d’un fief on fait plusieurs fiefs ou membres de fief, à les tenir de l’ancien seigneur, dont tout le fief ensemble estoit tenu. Et en ce cas les membres ne sont separez de leur chef, mais sont diuisez entre eux, et le titre du fief diuisé. La troisieme quand on recognoit et aduouë à tenir d’un autre seigneur, vne partie du fief com me fief separé. Et en ce cas se fait desmembrement, tant du corps que du chef. Et sont tous lesdits demembremens defendus sans le congé du seigneur : sinon au cas de la seconde espèce entre soeurs coheritieres, comme il a esté dit. La coustume de Touraine dit, que desmembrement ou despiecement de fief’est quand on transporte partie du fief tenu par hommage, sans retention de deuoir. Et aussi quand on transporte plus du tiers du fief. Aquoy nostre Coustume semble estre assez conforme, en ce qu’elle contient au chapître De teneure par hommage.


2

Et par le droict ancien des feudes, il estoit permis vendre la moitié du fief, en re e tenant l’autre moitié, comme il est dit au titre, Qual. olpot feud. alie. Quant à l’engagement ou charge de fief, monsieur Papon au liure de ses arrests dit, que le vassal ne peut au preiudice du seigneur feodal, imposer nouuelle seruitude, ou vendre rente sur son fief. Bien le peut : il faire à son preiudice seulement, et pour le temps. qu’il tiendra le fief. Mais si apres il retourne au seigneur par droict de seigneurie, telles charges sont estaintes : et non pas s’il vient au seigneur par autre droict particulier, comme de succession, achat ou donation. Et à ce propos est escrit au style de proceder ce qui sensuit.


3

Toutesfois l’ay entendu auoir esté autrement iugé par arrest de la Court, donné par prouision, et ce suyuant la disposition du droict. in l. 1. C. de fideiuss. e l. i1. C. de vi publ. D’auantage il y eut iadis procez touchant telles charges de fief, sur le cas qui ensuit, Destoute-ville seigneur de Briquebec, auoit fait faire execution sur Philippe Paynel, dame de Mareul, pour auoir payement du trezieme qu’il soustenoit luy estre deu d’aucun nes parties de rente par ladite Paynel, créées en charge sur aucuns fiefs à elle appartenans, tenus et mouuans dudit seigneur de Briquebec, voulant prouuer l’Vsage auoir esté de tout temps obserué et garde en Normandie, et par especial és bailliages de Caen et Costentin esquels estoyent assis lesdits fiefs, qu’il estoit en l’option des seigneurs de prendre en leur main les rentes créées en charge sur les fiefs tenus d’eux, et en appliquer les arrierages à leur profit, ou d’eux faire payer du trezieme. Disant ledit vsage estre fondé en toute equité, et qu’il n’estoit raisonnable que lesdits fiefs, qui auoyent esté baillez sans charge, si non de deuoirs seigneuriaux, fussent chargez de rente ni autre hypotheque, sans le consentement d’iceux seigneurs. Sur quoy le procez deuolut en la Court, et veu iceluy, fut dit à tort ladite execution, et ladite Paynel enuoyee hors de procez, auec ses despens, par arrest donné le ix-de Nouembre. 1504. Et la raison desdits arrests peut etre, que les fiefs par la coustume generale de France, sont nos patrimoines et héritages, et pourtant peuuent estre vendus engagez et hypothequez sans le consentement des seigneurs. Outre ce que dessus, nous noterons que les docteurs feudistes ont fait quatre ordres de fiefs ou feudes, mettans au premier rang les duchez, marches ou marquisats, et les contez, qu’ils ont appelé dignitez Regales, pource que le Roy seul les peut creer et eriger, et les conferer donner et ottroyer : dont les vassaux et tenans sont Ducs, Marquis, et Contes, et par les constitutions des feudes sont appelez Capitaines du Roy et du Royaume. Au second lieu sont les seigneurs qui tiennent les plus grands fiefs, apres lesdites dignitez Regales, comme Barons, Viscontes Banerets, et les Chastelains, qui tiennent leursdits fiefs desdits Ducs, Marquis, ou Contes, ou bien nuement du Roy. Car le Roy peut creer et conferer les moindres fiefs aussi bien que les plus grans. Et sont dits maiores valuasores, tanquam ad valuas Principis astantes. Et au nombre d’iceux peuuent etre comprins les autres plus apparens Gentils-hommes qui tiennent nuement du Roy les, pleins fiefs de Haubert. Apres lesquels viennent les autres Gentils-hommes qui tiennent fiefs ou portions de fiefs, vauassories nobles sous lesdits Barons, Viscontes, Banerets, et Chastelains : et sont nommez minores valuasores. Sous lesquels sont au dernier lieu ceux de l’estat commun, qui tiennent vauassories et tenemens roturiers, appelez minimi Galuasores autvaluasini, De cecy est traité aux titres, Quis dica. Dux, March. Comes. et, Qui feu. da pos in usu feud, et par Zasius en son epitome des vsages de feudes. Lequel escriuant dauantage de l’origine des Ducs et Contes, dit que c’estoyent en leur commencement noms d’offices de gendarmerie, plustost que seigneuries hereditaires : et estoyent presidens et gouuerneurs des pays terres et seigneuries de la Couronne, sur lesquelles ils estoyent establis. Le Duc estoit le souuerain gouuerneur d’vne prouince, et des gendarmes leuez en icelle : qui auoit la principale charge et conduite d’vne armee, quand il falloit marcher en bataille. Et les Contes estoyent ceux qui accompagnoyent le due. Ce qu’emporte la signification des noms Latins. De quoy escrit Cornelius Tacitus in libel. de Germania, apud Priscos fuisse receptum, ut cuilibet Principi seu Duci exercitus duodecim Comites asiignarentur, ideo dicti quia comitarentur eos, et à Ducum latere non discederent. Le nom de Marquisat, appelé au traité de l’usage des feudes, feudum marthiae : et par nostre Coustume, Marche print son origine de ce que tels fiefs estoyent assis sur les marches confins limites et frontière du Royaume, mesmement sur la mer. Les Barons et Banerets qui ont tousiours esté fieffaux et hereditaux, estoyent ceux qui portoyent la baniere en vne armee. Et les seigneurs Chastelains sont ceux qui ont chasteaux en leurs seigneuries, que la Coustume appelle maisons et tours batailleres, et ont droit de guet sur leurs hommes et suiets. Quant à la dignité de duché, du temps que le pays de Normandie estoit tenu en duché, il n’y auoit autres Ducs en ice luy. Mais depuis qu’il est retourné à la courone de France, il y a eu plusieurs duchez erigees : comme la duché d’Alençon, anciennement conté, à present retournee à la Couronne, et reduite au ressort du Parlement dudit pays, par la mort de Charles dernier duc, et de Marguerite sa femme sour du Roy François premier, depuis le deces dudit Charles mariee au Roy de Nauarre, laquelle a iouy dudit duché iusques à son decez aduenu en l’an 1548. ltem la duché de longue-ville au precedent conté, erigee par le Roy Loys xii. La duché Destoute-ville erigee par ledit François, et composee de plusieurs baronnies, chastellenies, et fiefs de Haubert sans aucune conté. Et Aumalle erige de conté en duché par le Roy Henry second, auec la dignité de Perrie, en faueur de messire François de Lorraine cheualier de l’ordre, sous reseruation que s’il decedoit sans enfans masles, le titre de Perrie seroit esteint : iceluy duché demourant neantmoins en vertu. Lesdites trois dernieres duchez toutes assises au bailliage de Caux, outre lesquelles y a encores la conté de Tancar-ville, la conté de Mau-leurier, et la conté d’Eu, puis aucun temps eclypsee du ressort du Parlement de Roüen, et ressortissant à Paris, à cause de la dignite de Perrie. Il y a aussi la conté de Harcourt assise au bailliage de Roüen, et mesmes le marquisat d’Ellebeuf. Et outre lesdites dignitez Regales, y en a un autre en Normandie, qui mérite d’estre mise en ce nombre : c’est la principauté d’Vuetot assise audit bailliage de Caux, iadis erigee en Royaume parle Roy Clotaire premier de ce nom, fils du Roy Clouis, pour la reparation de la mort de Gauetier d’Yuetot seigneur du lieu, que ledit Clotaire tua de sa propre main, le iour du vendredi oré, comme on l’appelle. Pour raison de quoy le pape Agapitus lors seant, le menaça de l’excommunier, s’il n’en faisoit satisfaction. Lequel Royaume a esté supprime et aboly, défaillant la ligne masculine dudit seigneur d’Yuetot. Et suyuant ce par arrest de la Court donné entre le Procureur general du Roy, et messire René de Clermont, ayant le don du Roy de la garde noble des enfans Perot Chenu sieur d’Yuetot d’vne part, et maitre Guy Chenu tuteur desdits enfans d’autre, fut dit par prouision, et sans preiudice du droict en principal, Que ladite seigneurie d’Yuetot et autres fiefs desdits mineurs assis en Normandie, seroyent en la garde du Roy : nonobstant le soustien dudit tuteur, que ladite terre d’Yuetot et les seigneurs d’icelle fussent exempts de toute teneure, foy hommage et seruice dés le temps dudit Clotaire : et ladite exemption auoir esté recognue par le Roy Loys xi. et à cause de ce, lesdits mineurs estre exempts de garde.