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La Coustume.

EN quelque terre que le varech soit trouué ou arriué, quand le scigneur du fief le saura, il le doit faire garder sauuement au port, tou pres d’illec, le plus profitablement qu’il pourra : et ne le doit sappeticer, renuerser, mouuoir, ne muer deuant qu’il ait esté veu par le Bailly, ou par son commandement. Et quand il aura esté veu et regardé diligemment, il doit etre baillé au seigneur du fief, ou’a preudeshommes, de qui Iustice prenne bon plege et seur : qui le garderont iusques aun an et vn iour, se c’est chose qui si longuement puisse estre gardce sans empirer : si comme draps, peaux, cire, or et argent, et telles choses. Et se c’est chose qui ne puisse estre gardce longuement sans empirer, certainës enseignes en doyuent estre retenues : et la chose doit estre venduë à la veuë de lustice : et le prix doit estre gardé comme la chose mesme.

Se dedans l’an et iour vient auant aucun qui fut à la nef quand elle despecha, et preuue par tesmoins creables, et par certaines enseignes, que le varech soit sien en tout ou partie, il luy doit etre rendu. Se l’an et le lour sont passez, il remaindra tout en paix au seigneur du fief, ne ia puis à nul qui le demande n’en sera respondu.

Mais le Duc1 en doit auoir aucunes choses, qui especialement luy appartiennent par l’ancienne dignité de la duché, en quelque terre que le varech soit trouué ou arriué. si comme l’or et l’argent en quelque espèce qu’il soit, en vaisseaux, en monnoye, ou en masse, pourtant qu’il vaille plus de vingt liures : et les destriers, et les francs chiens et oiseaux : l’iuire, et le rochal2 , & les pierres precieuſes : & par deſſus ce, l'eſcarlate 3, et le vert de gris, et les peaux sebellines, qui ne sont encores appropriees à nul vsage d’homme : et les trousseaux de draps entiers liez : et tous les draps de soye entiers : et tout le poisson qui par luy viendra à terre, ou qui aura esté prins à terre. Car tout ce que l’eau aura ietté ou bouté à terre4, est varech. Toutes les autres choses remaindront au seigneur, auquel fief le varech aura esté trouué. En toutes les querelles qui naistront par raison du varech doyuent estre determinees en la Cour auDuc de Normandie.

Des choses gayues5 doit l’en sçauoir que le Duc les doit auoir. Choses. gayuessont qui ne sont appropriees à nul vsage d’homme, et qui sont trouuees, que nul ne reclame siennes. Si les doit-l’en garder vn an et vn iours et doyuent estre renduës à ceux qui prouueront qui soyent leur, comme nous auons dit du varech.

Si les seigneurs du fiefoù ils sont trouuees, les prennent ainçois par eux ou par leurs attournez6 , pourtāt qu'ils ayent planière Iuſtice 7 en leurs siefs, ils leur doyuent estre renduës, comme nous auons dit du varech : se longue tenue que baille droict, ne fait la dignité de telles choses appartenir au Duc, ou à autres. S’aucun retient choses gayues plus de sept iours, qui n’a pas pouuoir de les tenir, il l’amendera au Prince, ou à son seigneur, s’il en est accuse.


1

Mais le Duc.

La glose dit que le haut Iusticier auroit ce que le texte dit appartenit specialement au Duc : et que c’est un droict de haute Iustice, plustost qu’vn droict Royal.


2

Rochal

En transposant les lettres de ce mot, vous y trouuerez choral, et croy que c’est corail, en Latin coralium, aut curalium, que Pline escrit auoir esté en aussi grand prix aux Indes, comme à Rome les perles Indiennes.


3

L’escarlate

Il entend la graine d’escarlate, qui sert à taindre le drap qu’on appelle escarlate.


4

Bouté à terre.

Il va autrement de ce qui est tiré de mer an terre, et des nauires et marchandises peries et peschées à flo en la mer, et de tout ce qui seroit allé au fons de la mer, qui se pourroit pescher et tirer hors. Car de telles choses le tiers arpartict à ceux qui les auront tirces et sauuées, vne tierce partie à l’Amiral, et l’autre tiers au Roy ou aux Seigneurs, s’elles ne sont reclamces dedans l’an et iour de la perte d’icel les, par l’ordonnance de l’admirauté. At de iure dominorum permanent. S. fin instit. de re. diuis.


5

Choses gayues.

Les autres coustumes de France les appellent espaues, qui ne sont pas proprement res habita pro derelicto, mais delaissees à posseder par celuy à qui elles appartiennent, veluti animalia aberrantia, ou autres choses adirees. Car ce mot de gayues ou guesuës, signifie delaissees : et gayuer ou guesuer, signifie delaisser : comme quand le vassal guesue ou laisse son héritage à son seigneur censicer. Duquel mot et de guesuement use la Coustume d’Orléans, au titre De releuoisons à plaisit.


6

Leurs attournez.

C’est à dire, leurs officiers, commis ou deputez.


7

Planitre Iustice.

Haute on basse, selon la glose. Et par ainsi preuention a lieu és choses gayues, entre le Roy, et le haut ou bas Iusticier.