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COmbien que les rentes hypotheques (’que l’ordonnance du Roy Loys douzieme appelle aussi rentes volantes, et rentes à prix d’argent layent succedé au hieu des vsures legales : toutesfois elles ne doyuent estre appelees, ne reputees vsuraires : pourueu qu’elles ne soyent excessiues, mais constituées à iuste prix, et sans fraude, ou vice. Et comme licites et conformes à droict ont esté approuuees et confermées par le Pape Martin cinquiesme de l’an 1424. et par Calixte itiers en l’an 1455. les constitutions desquels sur ce faites sont escrites aux Extrauagantes. Et dés le temps de lustinian semblent auoir esté inuentees et pratiquees, et par luy confermées comme vne espèce distincte d’vsure, par vne de ses nouuelles constitutions, qui est la 160. en l’edition et interpretation d’icelles faite parGregoire Haloander . Or quant au iuste prix d’icelles à qu’on appelle le prix du Roy ; ce a esté tousiours dix pour cent, ou au dernier dix : qui est à dire que pour vn denier du soit principal on en baille dix au vendeur. Et ne furent iamais permises à moindre prix, comme il appert par lesdites Extrauagantes. Et combien que dés et depuis l’an mille cinq cens, par la Cour de Parlement de Paris lesdites rentes ayent esté trouuees excessiues à ce prix : tellement que par son ordonnance et arrests sur ce ensuyuis, elles n’ont esté receuës ni approuuees qu’au denier douze l’qui est à vingt deniers pour liure, et huict liures quatre sols huict deniers pour ceut liures de fort principal par chacun an jtoutesfois le prix de dix pour cent, a esté tousiours depuis entretenu gardé et obserué en Normandie, et approuué par le Roy, et par les arrests du Parlement de ce pays.

Il y a deux autres choses perpetuellement substantielles et requises en ces rentes. La première c’est qu’elles soyent à tousiours racquittables à la volonté du vendeur : tellement que s’il y a paction negatiue apposee au contract que le vendeur ne pourra racquitter la rente auant quatre ou cinq ans, ou autre temps, le contract est entièrement nul. Mais s’il y a seulement clause affirmatiue que la rente soit racquittable dedans certain temps, pour cela le contract n’est rendu nulemais est seulement ladite clause adnullee et reiettée du contract. Et la raison de la difference est que l’affirmatiue n’est de si grad effect, et n’est expressement priuatiue de pouuoir racquitter apres ledit temps. Et est à noter que la faculté de racquit en ces rentes ne se peut prescrire par quelconque laps de temps-pource qu’elle vient de la nature et substance du contract. Autre chose est d’vne faculté de remere qui ne se peut demander que par la conuention des parties, comme en vendue d’héritage : Car elle se peut prescrire : et mesmes quand elle est donnée en creation de rente fonciere, ou autre rente constituëe en lieu de fons ou recompense de chose immeuble : comme il a esté dit u titre prochain precedent.

L’autre chose requise est que l’obligé esdites rentes ne puisse estre contraint à les racquiter. Car en icelles le sort principal doit estre perpetuellement vendu et aliené. Qui est ce qui les fait ressembler au contract de venduë, et fait la principale difference entre icelles et l’vsure legale : en laquelle le creancier peut repeter le sort auec les arriérages passez. Il y a aussi autre difference, c’est que l’vsure estoit menstruelle : c’est à dire, qu’elle couroit et se pouuoit demander de mois en mois, et ces rentes regulierement sont annuelles, et payables par annees, ou par quartiers. Toutesfois celuy qui se constitueroit plege d’vne telle rente, pourroit stipuler que le principal obligé seroit tenu la racquitter dedans certain temps, apres lequel passé il seroit contraint à ce faire par la prinse et vente de ses biens. Mais si depuis il acqueroit ladite rente, se faisant surroguer au droict de l’acheteur, il ne pourroit plus contraindre le vendeur à faire ledit racquit. Et s’il y a aucunes pactions ou clauses apposees és contracts desdites rentes qui soyent directement ou indirectement contraires aux choses dessusdites, c’est pour faire casser et adnuller lesdites rentes, comme vsuraires et illicites, et preconter les arriera ges qui en auroyent esté payez au remboursement du sort principal : en condanant le detteur à payer au creancier ce qui se defaudroit que les arrierages ne montassent ius ques au sort principal. Et quand les arrierages excedet le sort principal, i’ay veu en ce cas le Procureur general du Roy conclurre à la confiscation du surplus excedant ledit fort : pource qu’il ne doit estre rendu, comme payé volontairement. Et aussi n’est raisonnable que le creancier perde son fort principal qui luy est loyaument deu : et est assez puni de ce qu’il est priué du profit par luy cependant receu de son argent. l’ay dit cu dessus indirectement, comme s il est dit que si le vendeur racquitte la rente dedans tel temps, il sera tenu payer la rente pour toute l’annee qui seroit entree et commencee lors du racquit. Car telle clause, pource qu’elle est contre la liberté de racheter, adnulle le contract, comme Papon dit auoir esté iugé par arrest de Paris.

Encores y a-il vne chose que plusieurs tiennent estre requise pour la iustice et validité de ces rentes, c’est qu’elles soyent constituees par pecune nombree, et à prix d’ar gent, ainsi mesmes qu’on les appelle, et que le s Extrauagantes cy dessus alléguees le portent expressement : tellement que si elles sont créées pour venduë de marchandise, ou pour dette qui en procede, elles doyuent estre cassees et adnullees : et les arrierages. qui en ont esté payez, estre precontez au payement du sort principal : ainsi qu’il a esté iugé par plusieurs arrests. Mais monsieur du Moulin allégue autres raisons, pourquoy telles rentes sont reprouuees. La première que le marchant feroit deux marchandises, et auroit deux profits d’vne mesme chose : c’est à sçauoir en védant et debitant sa marchandise : et faisant profiter son argent qui en prouiendroit au denier dix ou douze. La seconde, que ce seroit occasion de faire fraude à la loy, et exceder les mettes et limites du prix du Roy, sans qu’on y peust obuier. Car les marchans communement quand ils ne reçouyent argent contant, vendentplus cher : et neantmoins acheteroyent rente, non au feur de la iustice valeur de leur marchandise mais au feur du prix conuenu et excessif. La tierce, que ce seroit matiere et ouuerture de multiplier ces rentes excessiuës : et que plusieurs n’ayans à faire que d’argent et non de marchandise, en prendroient neantmoins grande quantité, et à grand prix, pour par apres en recouurerargent en la reuendant à beaucoup moins : courant neantmonis la rente au prix conuenu, dés le iour de la venduë et liuraison de la marchandise. Et pour ceste cause dit que cessans les raisons susdites, comme si la marchandise n’est ven duc que sa iuste

valeur, et pour l’usage de celuy qui l’achete, et non pas pour la reuendre et en faire deniers : et que la rente soit constituce à quelque interualle notable, apres la liuraison de la marchandise : en ce cas ladite rente sans autre vice doit estre cassee. Et dit auoir veu plusieurs fois casser telles rentes par arrest : sauf que si le detteur ne rendoit le sort dedans trois ou six mois, ou autre delay modéré : la rente dés lors du delay passé auroit son-cours. Et partant conseille que si la rente est constituee lors ou assez tost apres la marchandise liuree, par le mesme contract soit donné delay competent, comme de six mois ou enuiron, dedans lequel la rente ne courc : et lors n’y aura que reformerau contract. Toutesfois nous auons veu par arrest de la Cour de Parlement de ce pays, casser plusieurs rentes constituées pour dette de marchandise venduë à créance, et long temps apres le terme de payer escheu : et le payement des arrierages estre precoté deduit et rabatu sur le principal. Et specialementy en eut arrest donné au profit d’un nommé lames contre Robert Pigné le second de Iuillet 1529. Et si y eut autre arrest donné en autre cas le 9. d’Auril apres pasques iszé-entre Vauquelin et Godinepar lequel rente créée pour deniers deus de pension et d’alimens, fut cassee et adnullée. Toutes fois rentes constituees pour argent deu de vendue, et de louage d’héritage, ou d’arrièrages de rente fonciere, ou pour chose venduë par authorité delustice et pour despens attains par Iustice, ont esté approuuees par diuers arrests. Quant à vne rente creée pour argent presté, Imbert dit un tel contract auoir esté approuué par arrest qu’il ne date, c’est à sçauoir si quelqu’un preste mille liures à rendre à la fin de l’an : et au cas que le detteur ne les aura rendus, dés à present comme dés lors il constitue au detteur cinquante liures de rente qu’il promet bailler en assiette en certain lieu. Papon au conrraire dit, tel contract auoir esté reprouué par lequel un detteur confesse deuoir et promet payer dedans Pasques prochain certaine somme pour cause de prest et à faute de ce faire dés lors en est venduë rente au denier douze, ou quinze, ou vingt. Et ainsi iugé par arrest de Paris en la grand Chambre des enquestes le 10. de Decemb. 1533. Autant en ditRebuffi , pource que tel contract est fait en fraude et pour pallier l’vsure : combien que ce cas differe du precedent, par lequel la rente ne seroit constituëe à commencer à courir du iour du prest, mais apres le terme de rendre passe. Mais du Moulin tient ceste resolution, que lors du prest se peut bien faire ceste paction et constitution de rente rachétable par defaute de payer au iour nommé. soit que la rente audit cas deust coutir du iour du prest, ou du iour du terme escheu. Car telle paction est a la faueur du detteur, qui peut estre quitte de toute rente et pro fit en payant au termetou sinon, se peut tousiours acquiter en payant l’arrièrage de la rente. Or faut noter que si vne rente est constituce partie par deniers contans, et partie pour venduë de marchandise, ce qui est bon et vtile ne sera pas vitié par l’inutiles ains sera seulement la rente cassee pour le regard des deniers deus à cause de marchan dise, et les arrierages payez en ce régard precontez au sort principal : et en l’outreplus la rente confirmée : comme il fut iugé par arrest donné entre Belin et Martel le quingieme d’Auril 1518. et par autre arrest donné entre Isabeau Masse et maitre Iean Belin le 14. de Mars audit an.

Plusieurs autres clauses peuuent estre apposees és contracts de ces rentes, lesquelles sont vicieuses et nulles, et toutes fois n adnullent pas le contractemais font à reietter, iceluy contract demourant au surplus en son entier : comme s il y a obligation par corps : s il est dit que la rente sera racquittable dedans certain temps : si le detteur soblige d’auancer le payement de la première année, comme si le contract de la rente estoit passé au mois de Mars, et il est dit que l’arrierage de la première année se payeraà la S. Michel : carlarrierage ne se doit pourtant payer qu’au pro rata du temps, si l’obligé en cas de racquit est suiet payer autres frais et loyaux cousts, que le salaire des Tabellions, et la façon des lettres obligatoires : pource que tousl autres frais doyuent venir à la charge du creancier, sinon qu’ils procedassent de la faute du detteur : et autres clauses semblables.

Ledit sieur du Moulin escrit qu’enuiron l’an 1470. peu apres les guerres dudit siecle passees en France, qu’il y auoit peu de peuple et d’argent, et que les terres et les blez estoyent à tresuil prix, commencerent à auoir cours les rentes constituées en blés pource qu’il estoit plus commode aux detteurs les vendre en blé, qu’en argent. Et lors ne coustoit la rente d’un muy de blé mesure de Paris que cent liures : qui estoit tenu pour iuste prix. Et enuiron l’an 1500. que le peuple et argent estoit augmenté, et les, terres et les bleds commencez à encherir, on comança à iustement estimer et védre ladite rente sixvingt liures iusques à l’an1522. que les detteurs et obligez esdites rentes commencerent à se plaindre et murmurer de l’excez desdites rentes en l’exaction des arriera ges d’icelles, que les creaciers faisoyent estimer au plus hautprix que le blé auoit valu depuis la demeure de payer lesdits arrierages. En quoy faisant bien souuent le creancier en cinq ans estoit remboursé du sort principal de sa rente. Pour a quoy pouruoir en l’an 1524. fut ordonné par la Cour de Parlement de Paris, que les detteurs d’icelles rentes seroyent quittes en payant en argent vingt sols tournois pour sestier de blé, qui estoit douze liures pour vn muy. En quoy y auoit excez quant aux rentes venduës pour cent liures. Car c’estoit douze pour cent : qui est l’usure cétesime. Mais par arrest de la Cour de Parlement de ce pays donné dés le 25. de May 1519. et par autre arrest depuis donné entre Pongnon et Pinchon le 24. d’Auril 1521. fut dit et ordonné que les arrierages de rente constituee en blé à prix d’argent, ne doiuent estre estimez plus haut que le prix du Roy, eu regard au prix de l’achat d’icelle rente. Et ne peut l’obligé estre contraint à payer en essence, quelque long temps qu’elle ait esté per ceué et possedee en essence. Et par autre ar. du 3. d’Auril 1527. la creation de neuf boisseaux de froment de rente par neuf liures, et promise fournir par corps et biens, fut déclaree nulle, et ordonné que les arrierages payez seroyent precomptez sur le sort principal. Combien qu’il ne fust question entre les parties de l’inualidité de ladite rente, mais seulement de l’excution pour les arrierages d’icelle, à l’estimation de deux sols pour boisseau, contre laquelle on alléguoit payement. Mais la Cour, peut estre, fut meuë à casser ladite rente, pource qu’il luy estoit notoire qu’elle auoit esté créée à trop vil prix : eu regard à ce que le ble valoit communement lors de l’achat d’icelles, et aux sannees precedentes : ioint le vice de ladite obligation par corps, qui seul n’eust esté suffisant pour déclarer ladite rente nulle, mais eust deu telle clause estre reiettée. Tant y apour resolution, que telles rentes constituees en blé ou autres grains, sont iustes et li cites, pourueu qu’elles ne soyent achetees moins que le prix du Roy : eu regard à ce que les grains valoyent communement en l’annee du contract et en plusieurs precedentes. Mais l’obligé ne peut estre contraint à payer les arriérages qu’en argent à la raison du dixieme du sort principal par chacun an. Bien aril le chois de payer en essence, posé ores que le grain vaille moins que le dixieme dudit sort, ainsi que ledit du Moulin dit auoir veu iuger par arrest de Paris. Et si le blé vaut plus, il peut rabatre la plus value, en compensant et suppleant ce que l’obligé auroit moins payé que le dixieme és annees precedentes, en liurant le blé en essence. Toutesfois l’obligé n’auroit ladite election, si la rente estoit achetee plus haut que le prix du Roytains seroit contraint à payer en esssence, ou payer le prix que le grain seroit estimé valoir : pourueu qu’il ne fust greué netre le dixieme du sort, selon l’opinion duditdu Moulin .

Au surplus combien que ledit sieur du Moulin tienne pour opinion certaine et veritable, et die auoir esté iugé par plusieurs arrests du Parlement de Paris, Qu au rachat de ces rentes constituées en cerraine espèce de monnoye, comme en escus, on peut deduire et rabatre l’augmentation extrinseque de la valeur de la monnoye suruenue depuis le contract : Disant pour ses raisons qu’autrement le creacier auroit dou ble profit de son argent, c’est à sçauoir le profit de sa rente, et le profit de la plus value de la monnoye : et qu’il est vray semblable que quand le creancier n’eust employé son argent en rente, il ne l’eust gardé en son coffre, mais l’eust exposé au prix qu’il eust valu pour le temps. Et qu’à bien dire il n’y a autre valeur intrinseque en la monnoye, que le prix que le Roy luy donne : pource qu’en contracts on ne la considère pas comme masse : toutesfois par arrest de la Cour de Parlement donné le1s. de Nouembre 1515. entre Constentin de Beruille appelant du Bailly de Rouen d’une part, et lehan de la place intimé d’autre, la sentence dudit Bailly fut confermee, par laquelle il auoit condamné ledit de Beruille à payer la somme de cinq cens soixante escus d’or au soleil, pour faire le racquit de cinquante six escus d’or au soleil de rente venduë par ledict de Beruille audict de la Place en l’an 4513. moyennant semblable somme et semblables espèces de cinqcens soixante escus : sans auoir esgard à ce que lors dudict contract l’escu au soleil ne valoit que Xxxvi : s. iiii. d. piece : et que lors dudict acquit ils valoyent al. s. et que ledict de Beruille eust garny en autres espèces d’or et d’argent autant que valoyent lesdits cinq cens soixante escus, eu esgard au prix qu’ils valoyent lors dela creatio de ladite rente. Imbert aussi allégue arrest du Parlement de Paris sans le dater, donné sur le faict d’vne rente constituee en escus, du temps que l’escu ne valoit que vintgsept sols, par lequel fut dit que le principal et arrierages de ladite rente se payoroyent en escus, qui valoyent lors dudit arrest quarante sols piece : Apres auoir eu sur ce l’aduis des generaux des monnoyes, lesquels rapporterent que vingtsept sols du temps de la creation de ladite rente voloyent autant que quarante sols qui auoyent cours du temps dudit arrest. Et par ainsi l’affoiblissement ou diminution de la monnoye blanche seroit cause de la plus value extrinseque des escus. Et quant à la valeur intriseque, qui est de la matiere, n’y auroit augmentation, mais plustost diminution, comme on voit par experience que les vieux escus sont meilleurs que les nouueaux. Il y a autre raison pour ceste opiniS : c’est que tout ainsi que la diminution de l’escu, sil y en auoit, viendroit au dommage du creancier : aussi est-il raisonnable que l’augmentation vienne à son profit. Mais par ordonnance du RoyHenry faite en l’an 1551. est ordonné qu’à l’aduenir tous contracts se feront à solset à liures, sans user de paroles d’escus ou d’autres espèces d’or ou d’argent : voulat que de toutes dettes deuës au precedant tant à cause de rente qu’autrement, qui ont esté traitees en escus ou autres espe ces d’or, le detteur soit quitte en payant le prixpour lequel elles ont cours par ladite ordonnance : laquelle n’a esté receué en Normandie, et nonobstant icelle ont esté constituees plusieurs rentes en escus.

Ioignez à ce titre l’ordonnance du Roy Loys xii. faite en l’an 1510. par laquelle il est ordonné que les acheteurs de telles rentes n’en pourront demander que les arriera ges de cinq a ns ou moins Et si outre iceux cinq ans aucune annee d’arrièrages estoit escheué, dont n’eussent fait question ne demande en iugement, ne seront receus à la demanderains en seront deboutez par fin de non receuoir. Laquelle ordonnance est cy apres mise sous le titre De prescriptions.