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De bref d’establie, et De sourdemande. Chap. XX.

La Coustume.

P Ource qu’en Normandie toute la iurisdiction des corps des grans, et des petits appartient au Duc, pource qu’ils sont tenus à luy par Jeauté et par alliance, il voulut refraindre la malice aux forts honmes et puissans : si qu’il establit deux loix de recognoissant, par le conseil des Prelats et Barons : l’vn qui est appelé Establie, et l’autre Recognoissant de sourdemande, et courent par bref. Lesquels recognoissans ceux qui sont querellez de leurs possessions fieffaux peuuent auoir contre ceux qui les en querellent : mais à ceux qui les en querellent sont-ils deniez, se ceux qui sont querellez ne s’y consentent. Et par ces brefs enquiert-l’en de la proprieté du fief à qui elle appartient.

Le bref d’establie est fait en ceste forme. N. se plaint de G. qui luy demande à tort vne terre à Roüen, de quoy il demande l’establie au Duc de Normandie, pour recognoistre sçauoir lequel y a greigneur droict, celuy qui tient, ou celuy qui demande. La terre soit veue dedans ce : mais pleges doyuent estre ainçois prins de suyr l’establie.

Ce brefreçoit toutes exoines, et toutes defautes : et y peut on iurer langueur.

Le bref d’establie doit estre demandé quand vn homme demade à vn autre, héritage ou fief qu’il posside. Et quand cil qui est querellé dit pour soy defendre qu’il est prest de soustenir l’establie au Duc, il doit gager l’establie au Duc, et donner pleges de la rapporter dedans quinzaine : et demander terme de soustenir la veuë. Et doit l’en sçauoir que s’onze des iureurs l’accordent à vn, la parole au diziesme ne vaut rien. Et se deux contredient aux dix, le tout sera mis à non sçauoir.

Le bref de fourdemande est ainsi appelé, pource qu’il est fait pour soy defendre des rentes ou des seruices que les seigneurs des fiefs demandent à tort à leurs tenans. De laquelle defense de ce bref peuuent vser tous ceux qui tiennent terres, de quoy les seigneurs leur demandent seruice qu’ils ne leur doyuent pas. Car plusieurs seruices sont faicts aux seigneurs par amour ou par paour, qui ne doyuent pas estre demandez par héritage. Et pour ce establit le Duc de Normandie qu’en tels cas peut estre fait bref de sourdemande, qui est fait en ceste forme, P. se plaint que R. luy demande à tort seruice de sier ses gerbes, par raison de son fief qu’il tient de luy : pourquoy il demande l’establie au Duc, à sçauoir qui a greigneur droict, celuy qui demande par raison de son fief, ou le tenant qui le deforce. Et pource s’il te done pleges de poursuyr son bref, semon le recognoissant du voisiné, qu’il soit aux premieres asçises du bailliage, pour dire de ce la verité. Et la veuë soit tenue dedans ce, ce bref à toutes les conditions, et toutes les manieres de celuy deuant dit.

Il ny a différence entre ces deux brefs, sinon que bref d’establie est ottroyé pour fons d’héritage : et le bref de fourdemande pour rentes ou seruices à tort demandez. Qui sont tous deux actions negatoires. Mais l’action negaroire de droict a lieu tant seulement aux seruitudes reelles. Sed in rebus corporalibus is agit qui non possidet : ci vero quipossider non est prodita actio per quan necet re actoris esse. Et combien que la Coutume die que ces brefs furent ordonez et establis à la faueur et support des defendeurs : toutesfoisient trouue point y auoir de faueur en ce que la glose, que dit par le moyen d’iceux le defendeur à la preuue à faire, et l’oste au demandeur auquel elle appartient par droict. Car il ne se peut soustenir de droict, que ce soit faueur et support à un homme de faire la preuue : ains est une charge que incumbit actori. Par ce moyen le porteur de ces brefs se constitue demandeur, et le priue de la faueur du defendeur : qui est telle, quod actort non probante absoluendus est, etiam si nihil prestiterit : et qu’en cas de doute et obscurité, on doit fauoriser le defendeur plustost que le demandeur. IoiEt qu’en ces brefs la preuué est plus difficile et plus forte à faire, qu’en autre cas heredital. d’autant qu’il y est requis que de douze tesmoins, les onze saecordent à Vn. Parquoy ie n’y voy autre faueur, sine qu’ils sont introduits pour empescher le procez qu’on pourroit mouuoir sur le possessoire : et que par leur moyen le porteur d’iceux establit outient en estat la possession en quoy il est, soit du fons d’un héritage, ou de l’exemption de la rente ou seruice qu’on luy. veur demanderisans qu’il soit suiet d’en piaider sur ladite voye possessoire : et pour ceste cause l’un desdits brefs peut auoir esté appelé Establie. Et cependant est receule porteur d’iceux à mettre eu descord la proprieté de l’héritage, et la droiture de la rente ou seruiceepour sçauoir qui a greigneur droict, celuy qui tient, ou celuy qui demide, preuoyant par aduenture que sur la voye possessoire il pourroit sucecber : d’autat que par amour ou par crainte, il auroit quelquefois laissé iouyr sa partie, pour raison de son authorité et puissance : et que sur le possessoire il ne seroit receu à debatre la proprieté, ne sa partie suiette de montrer aucun titre. Mais ne prenant lesdits brefs il se fait demandeur, là où il estoit defendeur : et comme demandeur doit monstrer le lieu à cause duquel il a prins son bref : comme il fut iugé en l’Eschiquier de Pasques, tenuà Roüen l’an 1367. Toutesfois ces deux brefs ne sont plus gueres en vsage. Et ce que ien ay extrait a esté pour ceux qui les voudroyent pratiquer. Mais celuy de sourdemande est le plus praticable : et en pourroit-on user contre les blasmes d’adueu que baillent les seigneurs pretendans assuiettir leurs hommes à plus grandes charges qu’ils ne doyuent de leurs héritages. Sur lequel bref l’homme ne seroit suiet plaider en la Cour de son seigneur, mais en la Cour superieure du Roy, ou d’autre haut Iusticier. Et est à noter qu’en bref de fourdemande, combien qu’il soit question de rente seigneuriale, ou de seruice deu à cause de noble fief, toutesfois il n’est pas requis que les tesmoins soyent nobles : considéré qu’il faut prouuer de certain le contenu au bref, et qu’on ne pourroit finer tant de nobles. Iugé en l’Eschiquer de Pasques, tenu à Caen l’an 1392.